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Margot la Noire

Margot la Noire, comtesse crainte et respectée, déambulait à travers les couloirs de son inquiétant manoir.
La nuit avait tardé à venir et comme tous les soirs ses nombreux serviteurs s'en étaient allés à travers le royaume à la recherche de ses si rares et si convoités délices, ceux auxquels elle s'adonnait depuis des années maintenant. Le plaisir de la chair, de la jeune et tendre chair d'enfant.

Mais ce soir, errant dans la solitude de sa grandiose demeure, l'excitation de la chasse menée par ses valets ne parvenait pas à l'apaiser. Sans qu'elle sût exactement pourquoi, ses pas la menèrent jusque dans un petit salon qui n'avait pourtant pas sa prédilection. Elle s'assit quelques instants dans un large divan de cuir rouge, espérant ainsi se délasser et pouvoir à son aise anticiper les différentes joies que la nuit allait bientôt lui offrir.
Elle avait laissé aller sa tête contre le dossier et entretenait une rêverie doucereuse, lorsqu'elle surprit un frôlement derrière elle.

La comtesse se retourna. Une femme se tenait debout à quelques mètres d'elle. Le rouge de ses cheveux avait fané et ses mains ramenées par devant elle semblaient calleuses et froides. Drapée dans une longue tunique grise, la vieille femme la regardait sans mot dire.
L'impétueuse comtesse s'échauffa de cet affront, car il était coutume de s'annoncer en présence d'un personnage puissant, et il n'était nul doute que la comtesse soit de ceux-là.
Ainsi, forte de cette conviction elle s'avança d'un pas vers l'inconnue, toute d'arrogance et de hauteur empreinte, lui lança un regard noir et dit :
" Je suis la Comtesse Margot la Noire. Et tu dois être bien sotte, vieille femme, pour oser me toiser ainsi.
Allons, parle à présent, quel est ton nom ?! "

La vieille femme cilla à ses paroles mais ne recula pas. Elle se tint droite face à l'invective de la puissante comtesse, puis répondit :
" Mes hommages à vous, noble Comtesse. On me nomme Remords, et vous ne me connaissez pas. "

La comtesse eut un sourire mauvais à ces paroles puis se détourna avec majesté, ramenant sur son épaule un pan de ses splendides atours.
" Serait-ce une mauvaise farce ?!
- Je crains que non, ma Dame, lança une voix de l'autre côté de la pièce.

Margot la Noire se retourna vivement. En face d'elle se tenait une autre femme qu'il ne lui semblait pas avoir déjà vu.
Bien qu'indéniablement plus jeune que la première, celle-ci lui ressemblait pourtant étrangement, par cette aura qui se dégageait d'elle, et soudain la comtesse, regardant tour à tour les deux inconnues, comprit qu'il s'agissait là de personnes fort puissantes.
La deuxième femme parfaitement immobile la fixait à son tour. Dans sa main droite une torche, dans la gauche une cruche.
" Je suis Tempérance, et tu ne me connais pas. "

- Il semble en effet que je n'ai pas eu ce plaisir ", répondit-elle avec sarcasme, et elle se dirigea vers la porte avec assurance.

Elle n'avait pas fait trois pas lorsqu' apparut devant elle une surprenante créature, portant miroir et serpent à son bras.
Sa figure se composait de deux visages, chacun orienté dans la direction opposée à l'autre.
Réprimant un sursaut de dégoût, la comtesse s'exclama :
" Qu'est-ce donc que cette sorcellerie !? Qui es-tu donc, toi qui montres si étrange figure ?

- Je suis Prudence, et tu ne me connais pas, répondit la chose.
Du passé n'a pas su retenir les enseignements, et n'a pas écouté mes mises en garde. De ce fait tes actions futures s'en trouvent compromises, vois ! dit-elle en brandissant le miroir face à la comtesse.

Surprise par ce geste, cette dernière fit un bond en arrière et gratifia Prudence d'un regard furibond, car malgré l'insistance et l'évidente puissance de ces apparitions, la comtesse ne craignait personne, et l'idée que ce mouvement de recul involontaire ait pu être assimilé à de la peur la rendait folle de rage.
Aussi fit-elle un pas de côté et contourna Prudence avec un geste d'humeur :
" Je n'ai que faire de vos élucubrations! Qu'espérez-vous donc ? Vous abusez de ma patience et d'autres savent visiblement mieux que vous que ce n'est pas là une de mes qualités. Veuillez quitter ces lieux sur le champ ! "

Elle saisit la poignée de porte et s'apprêtait à l'actionner lorsque celle-ci sembla se tordre et fondre.
La comtesse s'en écarta pour voir la porte se muer devant elle en une quatrième femme. Dans sa main brûlait une lumière aveuglante et Margot la Noire dut reculer afin de s'en protéger.

" Je suis Vérité et à moi tu ne pourras te dérober, commença l'apparition.
Car au creux de ma main brille la lumière mettant à jour tes sinistres méfaits. Crains que je ne révèle aux yeux de tous le mal dont tu es l'hôte, et que ne s'abatte sur toi le sang qui souille tes mains! "

Debout dans chaque coin de la pièce, les apparitions l'encerclaient à distance respectable, et ne montraient pas d'intentions belliqueuses en dehors de leurs paroles.
Aussi la comtesse conservait-elle son calme et son air hautain ne quittait-il pas son visage. Drapée dans sa dignité elle se tenait droite et fière au beau milieu du salon et manifestait un dédain appliqué, mais ne souriait plus.
Sous ses pieds le tapis rouge sang brodé d'or rehaussait son teint pâle et accordait à ses atours plus grande noirceur encore.

Les quatre apparitions fixaient sur elle un regard inflexible et accusateur que celle-ci soutenait tour à tour, tournant doucement sur elle-même pour faire face à chacune d'elles.
C'est dans ce silence pesant que se matérialisa la dernière apparition. Elle déboula avec agitation, tournant quelques instants autour de la pièce sous la forme d'un brouillard épais, créant un mouvement d'air qui fit voleter les tuniques éthérées des apparitions et les dentelles noires de la comtesse, sans qu'aucune ne manifeste le moindre geste ou ne trahisse la plus petite altération dans son expression.
Lorsque finalement la forme indistincte se révéla pleinement aux yeux de toutes, la salle sembla animée d'une force sucrée et volatile.

" Je suis Folie, et je me présente à vous en ce jour car je suis ici, puissante Comtesse, votre seule et unique alliée, et pour tout dire votre seule chance d'échapper à ces furies ", clama celle-ci avec force.

Et comme la comtesse ne manifestait aucune réaction, Folie reprit :

" Allons, veuillez prendre ma main je vous prie, votre éclatante beauté ne saurait se farder de ces scrupules indignes de votre rang. "

Vêtue d'une tunique aux couleurs bariolées et ses cheveux noir jais en bataille, la jeune femme battait l'air de sa main droite tout en parlant, et sa voix partait dans les aigus et dans les graves selon sa propre inclination, de sorte que face aux autres inconnues présentes dans le salon, toutes enfermées dans un silence glacial et digne, elle apparaissait d'une fébrilité et d'une indécence toute particulière, et la comtesse lui jeta un regard inquiet.

" N'ayez crainte, noble Comtesse, là où nous allons ces folles ne vous ennuieront plus, d'ailleurs personne ne vous y ennuiera.
Vous errerez inlassablement dans un univers d'ombres et de brume, où vous ne connaîtrez que vous-même et une ribambelle de personnages follement attachants, vous verrez, je suis sûre que vous vous y plairez. Là-bas chacun a sa petite particularité et se délecter d'enfants ne saurait être pris pour autre chose qu'une nouvelle sorte d'excentricité... "

Dans son impatience, Folie s'approcha brusquement de la comtesse et lui saisit le poignet, l'attirant à elle du même geste. Les yeux agrandis de stupéfaction, Margot la Noire resta un instant interdite. Folie la retenait tout près d'elle, la forçant à lui faire face, et penchée sur elle, lui murmurait à présent au creux de l'oreille :

" Abandonnez ici la Raison qu'il vous reste, c'est à cette seule condition que vous pourrez nous rejoindre.
Déposez-la à leurs pieds, vous n'en ferez plus rien là où je vous emmène, elle est un poids dont vous devez vous départir.
Faites-la sortir de vous, vomissez-la, Comtesse... "

Ses yeux charbon écarquillés de terreur, Margot la Noire tentait à présent de s'extirper de la poigne de Folie, se tordant en tous sens pour lui faire lâcher prise.

" Allons, venez à présent, nous n'avons que trop tardé, vous êtes des nôtres, Comtesse, vous l'êtes depuis toujours.

- Nooon !!!! Je vous en prie ne me laissez pas à elle ! cria Margot la Noire en se jetant aux pieds de Tempérance.
Celle-ci la regarda fixement de ses larges yeux bleus et dit calmement :

- Soit. Embrasse la cause de l'une d'entre nous et nous consentirons à la tenir loin de toi, aussi longtemps que tu respectera tes engagements. "

Et c'est ainsi que la Comtesse Margot la Noire chemina sur la voie de Repentir.
Quant à savoir si Folie l'a depuis laissée en paix, sans doute ne le saura-t-on jamais...

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Publication : 09 avril 2006
Dernière modification : 07 novembre 2006


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La nuit des noyaux profonds  
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Discussion avec J. Vjonwaë
L'avis du docteur Morris Bann
Rapport
gawen
La Tisserande  
Le Barde-Artisan  

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signifie que la participation est un Texte.
signifie que la participation contient un Dessin.


2 Commentaires :

Mirmir  
le 21-08-2007 à 01h57
Tandis que vous c'est toujours réussi et parfait!
Je suis sidéré par la frustration que certains commentateurs reproduisent au travers de leur commentaires MAIS cela ne justifie pas pareille rudesse!
Estellanara Ecrire à Estellanara 
le 10-04-2006 à 15h58
Bof, mouaich’
Court conte moral. Le style est maladroit et chaque phrase se noie sous une emphatique averse d’adjectifs. Les effets sont téléphonés, tout comme le scénario, repris de « A Christmas carol » (Un chant de noël, Un conte de noël ou autre selon la traduction) de Dickens. La fin est brutale. Au final, tout cela semble bâclé et bien fade.


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