Version HTML ?

Prélude au bonheur

Il est nécessaire avant tout d'avoir une maison. Une petite maison très simple, avec une cuisine qui donne sur la rue ou la forêt. L'extérieur n'a pas beaucoup d'importance puisqu'il pleut et que la chaleur du poêle fait apparaître aux recoins des carreaux une buée épaisse. Allongé auprès du foyer, un de ces chiens paresseux qui sèche longuement l'odeur âcre de son pelage.

Je me lève doucement de cette vieille chaise toute rafistolée, si grinçante et confortable, puis me dirige sans bruit vers la fenêtre, pour voir la pluie s'y amuser et rendre l'extérieur flou, où s'agitent des formes pâles. Parfois j'en reconnais quelques-unes unes ; un arbre, une voiture, ou même quelques amis qui viennent me rendre visite. Ou plutôt me donner une visite.

Alors le chien se lève aussi, s'étire démesurément et s'avance, intrigué, vers le courant d'air froid par lequel les silhouettes emmitouflées pénètrent dans la petite pièce. Leurs joues roses et leurs cheveux mouillés. Leur sourire. Le chien les aura vite reconnus, et peut-être qu'un autre compagnon se blottira près de lui et du feu pour une autre sieste.

Malgré la fin de l'après-midi la demi-obscurité des nuages assombrit la pièce. J'y remédie en éclairant la table où mes amis se sont déjà installés, en faisant jaillir d'une ampoule une lumière ocre qui réchauffe leur teint. Puis je me presse de faire chauffer du lait, un bon lait brûlant pour que nous plaquions nos mains glacées sur les bols de chocolat.

On m'aide. Il n'y a pas assez de place autour de la table, mais les femmes s'assoient sur les genoux des maris et tout le monde trouve rapidement un coin confortable. J'entends qu'ils discutent derrière moi et je vais bientôt les rejoindre, le temps de sortir un quignon de pain dur, un peu de beurre, et le reste de la confiture que ma mère a fait avec la récolte des mûres. Alors nous parlerions, et nous nous tairions chacun quelques minutes, le temps de préparer une ou deux tartines. Les miettes jonchent la table et les bols sont vides. Le froid a disparu de leurs visages, seul est resté le sourire. Je peux le voir dans leurs yeux brillants qui reflètent le bien-être.

Ce dont nous parlons n'a pas d'importance, ce qui a de l'importance c'est que nous en parlions et que nous soyons là, les uns et les autres, à savoir qui nous sommes. Il y a le goût sucré du chocolat dans nos paroles.

Et le temps passerait, des enfants apparaîtraient dans cette petite cuisine et joueraient avec les chiens. Les enfants de la pluie viendraient se réchauffer entre les chiens et les hommes. Mais jamais l'après-midi ne se finirait.

Parmi les regards que je croise, il y a peut-être celui de la fille que j'aime, et qui restera lorsque tous partiront. Alors pendant que mes amis discuteront, je caresserai ses cheveux, pour retenir le bonheur de son visage, pour qu'elle sache que c'est ainsi que je l'aime. Dans la lumière pâle d'une vieille ampoule, à l'abri du froid, réchauffée par les rires de l'amitié.

Un jour le chien mourra, au pied du feu qu'il aimait tant, lors d'une sieste trop longue. Les enfants quitteront peu à peu nos veillées pour les leurs, plus nocturnes. Peut-être aussi que de temps en temps l'un d'entre eux frappera à la vieille porte embuée, les joues froides et le corps engourdi, pour chauffer ses mains sur un bol éméché rempli de lait chaud.
Peut-être que ce sera mon fils.

Tout cela a peu d'importance. Ce qui est essentiel, c'est de faire jaillir le bonheur de presque rien, d'un peu de chaleur dans la pluie douce d'un dimanche après-midi.

Ecrire à Maeglin
© Maeglin



Publication : 07 octobre 2003
Dernière modification : 07 novembre 2006


Noter cette page : Vous devez vous identifier pour utiliser le système de notation
Page 1 - Page 2 - Page 3
Antarès
La montagne d'Abaris
Murmures
Aredhel
La légende de Magus  
Rían et Morgan  
Arwen
Etoile du Destin
Bluelantern
Mischievous  
DESIDERIA
Némésis  
Pirate  
Rondes Amères  
Eldalotë
Le sourire d'Eldalotë  
Elemmirë
Elfe  
Eltanïn
Meutre lunaire  
Endoriël
Lindórië ar Silmafinë
Ereneyes
Pierre  
Eroël
La Rue  
Estellanara
Galadriel  
Légendes de Rhéa 1 : Le cadeau du sylphe  
Gaby
Bedegraine  
Imcy
Le fils de la lune  
Indy's
Ensemble à Jamais  
Lairello atan
Scène banale du repos dans l'herbe  
Laurine
Arwen Undomiel  
Lindorië
Arwen  
Maedhros
Désir inhumain  
La petite flamme dans le panier
Un dieu
Mahëly
Un bonheur inaccessible ?  
Mancih
Bestiole  
Miriamélé
Moitiés-Soeurs  
Naturev
L'errant
Le haut verdoyant
Nebka
La magie du chaos  
Netra
Au coeur de la Vierge Guerrière  
Papillon Noir
Papillon noir  
Reya
Je suis descendu du Ciel...
Tarah
Fée bleue  
Zell
Laerale Maindargent  
Le repos de la Fée  
sylesis
Les larmes de Khendis Daï  
zinho
Des mots en l'air  

Page 1 - Page 2 - Page 3

signifie que la participation est un Texte.
signifie que la participation contient un Dessin.


1 Commentaire :

acie Ecrire à acie 
le 29-05-2005 à 11h19
merci
j'ai été très émue par ton texte, souvent je me sens seule à penser la vie ainsi et je vois que j'ai tort, et j'en suis ravie
ça m'a fait sourire, un simple bien être que tu m'as apporté
alors je te dis merci, car parfois on a besoin juste d'y croire et là je suis heureuse


Ajouter un commentaire

Pseudo
Mail
Titre ou commentaire concis
Commentaire détaillé
(Optionnel)





Retour a l'index Librerie


Page générée en 704 ms - 316 connectés dont 2 robots
2000-2024 © Cercledefaeries