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Drissène

5/D/3R

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9
...


9Z/D/3R

Papa et maman ont peur de moi.
Je devrais pas écrire avec la pensée, mais ça me fatigue moins que de prendre le crayon. En plus, mon écriture est plus jolie comme ça. Mes mains ne font pas des aussi jolies lettres que ma tête.
...


53/F/3R

Je n'ai pas mangé ce soir encore. Maman ne veut pas me le dire, mais je le sais quand même. Ce ne sont pas mon vrai papa et ma vraie maman. Où sont mes parents alors ? Pourquoi papa et maman font-ils semblant d'être mon papa et ma maman ?

Mhidros s'arrêta en fronçant les sourcils et referma l'épais journal. Un simple nom, en couverture, enjolivé par une main d'enfant : Drissène.

Drissène... Ce nom lui rappelait quelque chose, mais il n'arrivait plus à se souvenir de quoi. Il haussa les épaules, ouvrit le journal un peu plus loin et continua sa lecture.

3/H/3R

J'ai 8 ans aujourd'hui. Silmé, l'homme qui dit être mon " père ", et Luvëta, ma " mère ", m'ont offert une nouvelle robe. Je l'ai acceptée parce que l'ancienne était en trop mauvais état. Il m'en fallait une neuve de toute façon. Elle est plutôt jolie, mais je n'ai pas réussi à le leur dire. Je ne leur en veux plus de ne pas être mes vrais parents même si je me demande quelle aurait été ma vie si j'étais toujours avec ma vraie mère.

15/H/3R

Je m'y attendais, mais ça a été un choc.

Ce soir, en rentrant, Silmé et Luvëta m'attendaient dans la cuisine. Ils m'ont dit qu'il était temps que je commence mon véritable enseignement.

Demain, Ils viendront me chercher et m'emmèneront à l'Aiguille Brisée du Nord. J'ai préparé mes affaires avec plus d'appréhension que de peine. Au moins les chuchotements derrière mon dos cesseront. Je serai peut-être enfin avec des gens comme moi là-bas.

19/H/3R

Mon guide est un jeune magicien. Il devait se rendre dans la région et l'Aiguille Brisée lui a demandé de m'emmener avec lui au retour. Il est gentil, mais je commence à avoir un peu peur. Il fait froid sur la route, et mon lit me manque.

1F/H/3R

Nous sommes enfin arrivés à l'Aiguille Brisée !
Il a fallu que j'utilise la magie pour dissimuler mon journal, car on m'a pris toutes mes autres affaires en arrivant. Personne ne m'a rien dit encore. Je me trouve dans l'une des chambres du château de l'Aiguille. Je n'avais jamais vu de maison aussi grande, et je crois qu'il va me falloir des années avant d'arrêter de me perdre dans les couloirs.


20/H/3R

J'ai enfin commencé mon apprentissage. Les autres me regardent bizarrement ici aussi. Tout d'abord ils sont plus âgés que moi de 3 ou 4 ans et ensuite je suis arrivée au milieu des cours. Les étudiants sont en général accueillis entre le 1 et le Z de chaque année.

75/H/3R

Tout ce que l'on m'apprend, je le sais déjà. Je fais comme si je ne savais pas pour que les autres ne se doutent de rien. Je n'aime pas répondre à leurs questions, et je sens bien que mon talent précoce les intrigue. J'espère que je passerai bientôt à un niveau supérieur.

Mhidros referma le journal à nouveau. Il était tard et il avait assez remué de vieux papiers pour aujourd'hui. Ce journal l'attirait sans qu'il sache pourquoi. Il le glissa dans un repli de sa toge, mais un froid glacial suivi d'un sentiment oppressant le lui fit ressortir, le poser sur la table comme s'il avait été brûlant et quitter la pièce pratiquement en courant.

Une fois dehors, il regarda par l'arche à moitié effondrée l'intérieur de la salle. Aucune ouverture n'était visible, même si les armoires, tables, chaises et pupitres empilés le long des murs, parfois jusqu'au plafond, ne pouvaient en donner la certitude.

Plus personne ne venait dans cette aile du château de l'Aiguille Brisée, c'était d'ailleurs la raison de sa présence. Il n'avait donc rien à craindre d'un éventuel déplacement du journal posé sur la table à une demi-douzaine de mètres de lui, de l'autre côté de l'arche de la porte.

Fatigué, il prit le chemin de l'aile Est où se trouvait sa chambre.

***

Le lendemain, Mhidros retourna dans l'aile Ouest afin de continuer l'exploration du journal. Il se dit qu'il pouvait bien prendre une journée ou deux pour cela, ne serait-ce que pour l'intérêt historique. Un journal qui datait de 4 cycles, ce n'était pas chose courante, surtout après les évènements tumultueux qui s'étaient déroulés à l'Aiguille 2 cycles plus tard. Dès qu'il arriva, par curiosité, il regarda la dernière date inscrite dans le journal : 19/J/3S. Il frissonna. La veille de l'effondrement de cette aile. Il parcourut le paragraphe.

19/J/3S

Tout est prêt. Ce soir, je serai enfin libre. Dire que j'ai vécu toutes ces années sans me douter de rien ! Moi, la plus puissante magicienne de l'Aiguille ! Il est temps d'y mettre un terme.

Alors qu'il arrivait à la fin de la phrase, le texte s'estompa et s'effaça. Un sourire apparut fugitivement sur sa figure. L'enchantement de Madrel était très employé parmi les mages. Il obligeait le lecteur à lire l'intégralité du livre pour découvrir la fin. Madrel était un mage exalté qui ne pouvait pas appeler un chat un chat. Il devait avant cela expliquer l'évolution de l'espèce féline à travers les siècles, et en quoi elle avait un rapport avec toutes ses autres connaissances et toutes ses idées présentes ou passées. Il ne supportait pas que l'on méprise ou que l'on saute l'une de ses nombreuses digressions présentes dans ses livres. Son enchantement fut utilisé par la suite pour obliger les étudiants à lire la totalité de leurs livres de cours, ou encore par certains magiciens souhaitant protéger leurs oeuvres du pillage rapide de leurs enchantements par le premier lecteur venu.

Il en résulta une augmentation considérable du temps des études et une perte progressive du nombre de sortilèges connus. Seuls quelques rares mages prenaient la peine de lire une autobiographie de 1200 pages en espérant découvrir à la fin un sortilège inédit servant à autre chose qu'à faire pousser des oliviers.

Ce journal était un petit trésor historique, et il lui faudrait quelque temps avant d'en venir à bout... A vrai dire, il n'était pas mécontent de pouvoir échapper au rangement et a l'inventaire des salles de l'aile Ouest.

Il n'en aviserait donc pas le Conseil, car celui-ci confierait alors le journal à un vieux mage décrépit et il devrait reprendre son pénible inventaire.

Et puis, qui sait... peut-être quelques sortilèges étaient-ils cachés dans ces pages. Drissène était un nom peu courant, et il s'agissait sans nul doute de l'Archimage Drissène, celle qui était morte dans l'effondrement de l'aile il y a 2 cycles. La deuxième Archimage de l'histoire avec Elenna, et elle était arrivée à ce poste à l'âge de 20 ans seulement ! Les rumeurs disaient qu'elle essayait de créer une arme redoutable pour combattre les Shta, mais personne n'en savait rien.

Il reprit sa lecture à l'endroit où il s'était arrêté.

Toute la première partie racontait l'enseignement de la magie basique, le Premier Niveau. Mhidros passa rapidement sur cette partie, en sautant des passages, jusqu'à la date du 94/C/3S où Drissène apprit l'enchantement de Madrel. Elle l'essaya évidemment sur son journal, et Mhidros dut ralentir son rythme de lecture. Après un rapide calcul, il découvrit que Drissène avait presque 14 ans à ce moment là.

25/D/3S

Cher journal, je commence aujourd'hui les cours de Deuxième Niveau ! Nous sommes tous à présent habillés en orange, et les autres méprisent déjà ceux qui sont encore en blanc, alors qu'ils l'étaient eux-mêmes il y a quelques mois.

Nous avons tous passé des tests de niveau, et j'ai décidé d'arrêter de cacher ce que je sais faire. Ils ne me l'ont pas dit, mais j'ai lu dans leurs esprits qu'ils étaient impressionnés.

2G/D/3S

Nos professeurs sont pour la plupart décevants. Il me semble qu'un ou deux ont deviné que je lisais leur esprit et ils ont aussitôt élevé leurs barrières.

J'ai également trouvé répugnantes les idées que j'ai lues dans l'esprit de l'étudiant se trouvant à ma gauche. Il semble lui-même les trouver hors de propos et essaye de les oublier quand elles lui viennent. Le pire c'est que c'est moi l'objet de ces images ! Je ne comprends pas comment je peux provoquer de telles idées. Je l'ai fustigé d'un regard froid en sortant, et il a eu l'air tout penaud. Je ne sais pas si j'oserai encore le regarder après ça.

Mhidros continua encore un peu sans vraiment se passionner pour les cours de Deuxième Niveau ou les pensées d'une jeune fille de 14 ans. Puis, il aperçut une date entourée de rouge.

64/E/3S

Aujourd'hui on a eu le premier cours de divination. Nous avons commencé par un exercice pratique. Le prof. nous a emmenés dans une salle de l'aile Ouest, ouverte de grandes meurtrières verticales et contenant l'assortiment habituel de tables et de chaises. Au lieu de se diriger vers le tableau, il est allé vers le fond de la salle où étaient abandonnés trois vieux coffres identiques en bois aux armatures de bronze et de fer, parfois recouverts d'or. Là, il nous a demandé d'indiquer, chacun à notre tour, quel coffre était réel parmi les trois. Evidemment, tous les élèves ont échoué, le coffre " réel " changeant de place sans que l'on s'en aperçoive. C'est la première fois que j'échoue de la même manière que les autres, mais j'ai bien l'intention d'être la première à résoudre l'énigme. Ce qui me rassure un peu, c'est que par 2 fois, le prof. lui-même a hésité et s'est trompé en désignant le coffre réel. Son bâton est passé à travers le coffre qu'il désignait. Je l'ai soupçonné d'intervertir les coffres exprès pour que tout le monde échoue, mais à moins qu'il n'ait fait semblant de se tromper pour qu'on ne se doute de rien, cette hypothèse est à rejeter.

66/E/3S

Cette nuit je ne suis pas arrivée à dormir et je me suis rendue dans la pièce aux coffres. J'ai passé deux heures devant en essayant de comprendre comment distinguer le coffre réel des autres. J'ai fait une expérience qui a eu des résultats pour le moins étranges. J'ai tout d'abord trouvé le coffre réel en les touchant tous avec un bâton, puis j'ai ouvert le coffre réel et déposé une pièce à l'intérieur. J'ai attendu un peu et lorsque j'ai cru sentir quelque chose, j'ai cherché à nouveau le vrai coffre avec un bâton et l'ai ouvert. La pièce était toujours là. Le coffre s'est donc déplacé avec son contenu. J'ai ensuite attiré avec un sort de charme simple une souris qui longeait le mur et je l'ai mise dans le coffre. La souris couinait et émettait de faibles bruits, et cela me permettrait peut-être d'identifier le moment où le coffre changerait de place ! J'attendis patiemment devant les coffres en écoutant la souris quand tout à coup, elle se tut. Je balayai à nouveau les coffres de mon bâton et trouvai le coffre réel. Il était entièrement vide. Plus aucune trace de la souris, plus rien. Je ne sais toujours pas où elle est passée.

6R/E/3S

Les cours de divination sont devenus plus théoriques. Apparemment, le prof. ne veut plus retourner dans la salle aux coffres. Il doit bien y avoir un moyen de trouver le coffre réel, j'en fais une affaire personnelle.

73/E/3S

J'ai trouvé ! C'est fantastique, et en plus j'ai réussi quelque chose que je croyais impossible. Je me suis dit que le déplacement des coffres était peut-être trop rapide pour être perçu par l'être humain, j'ai donc essayé de regarder les coffres par l'esprit d'un rat, puis d'un chat, et enfin d'un hibou. Mais je ne voyais toujours rien. J'étais dans un état de perception immense, je venais d'emprunter trois esprits différents, et je cherchais un autre animal que je pourrais utiliser. J'ai posé ma main sur le mur de pierre de la pièce et j'ai senti une unique pulsation. Effrayée, j'ai retiré ma main, puis l'ai reposée et j'ai attendu. Presque une heure après, j'ai perçu une nouvelle pulsation. Je l'ai suivie en esprit et je me suis sentie soudain plus grande, d'une masse incroyable, voyant partout à la fois, connaissant les moindres recoins de chaque couloir... L'Aiguille Brisée a également une âme et un esprit ! J'ai dû lutter contre les pensées de pierre et l'envie d'immobilisme qui pulsait dans chacun de mes murs. Puis j'ai accédé à la mémoire de l'Aiguille, une mémoire ancestrale qui m'a laissée apathique quelques instants. J'arrivais maintenant à percevoir les sensations des murs. J'observais, ou plutôt je sentais, mon ancien corps physique sur mon sol. Son poids et son volume faisaient partie de moi. J'observais alors les coffres comme aucun humain ne saurait le faire. L'Aiguille existe depuis toujours, et toujours elle existera. Les Archimages de l'ancien temps l'ont construite intemporelle et vivante. Elle existe de manière unique sur toute la trame du temps. De ce point de vue, les coffres paraissaient... normaux. Ils bougeaient avec l'Aiguille mais ils se déplaçaient également dans le temps avec des mouvements erratiques. Les trois coffres existaient dans cette réalité, mais tous semblaient se courir après dans le temps. Le dernier coffre, celui qui poursuivait les deux autres, gagnait du terrain. J'étais maintenant capable de les distinguer, c'était si évident ! Le dernier coffre était le seul coffre irréel. Il essayait de voler sa réalité aux deux autres en sautant de l'un à l'autre, et il y était déjà arrivé, il était en train d'y arriver, il commençait à peine à prendre forme, tout cela à la fois. Je sentis que je perdais l'idée de temps et je réintégrai mon corps. Je voyais maintenant les coffres devant moi avec mes propres yeux. Ils semblaient identiques, mais je savais maintenant ce que je cherchais. Je connaissais la nature des coffres. Lentement, je m'approchai d'eux et les observai plus attentivement. C'est ce moment que choisit le soleil pour se lever, et la pièce se remplit progressivement de lumière. L'un des coffres n'avait pas d'ombre ! Puis je m'aperçus qu'en fait, un seul en avait ! Le coffre irréel était devenu le seul coffre réel, il avait déjà volé leur substance aux autres coffres, et il volait à présent leur ombre, leurs reliquats de substance. Le seul coffre qui paraissait réel au toucher était en fait le seul coffre qui ne l'était pas vraiment, et le prof. de divination lui-même croyait pourtant que c'était le seul qui était réel.

Le mage s'arrêta, perplexe. Qu'est-ce que c'était que ces histoires de coffre vampirisant la substance d'autres coffres ! Il n'avait jamais lu quoi que ce soit de semblable. Et cette histoire de conscience, d'âme, du bâtiment qui l'entourait... Il préférait ne pas trop y penser pour le moment.

Il se replongea dans sa lecture en laissant un sort mineur de marque page sur l'ouvrage et en recherchant les prochaines entrées ayant un rapport avec les coffres.

7A/E/3S

Je retourne souvent dans la pièce des coffres. Aussi bizarre que cela paraisse, le coffre ne me semble pas hostile. Je n'ai pas révélé son secret à mes professeurs, et il me semble que le coffre "vampire" m'en est reconnaissant. Hier, j'essayais de me rappeler un sort que l'on a vu en cours mais il échappait à ma mémoire. Je me suis mise à marcher au hasard dans les couloirs, et mes pas m'ont portée jusqu'aux coffres. A peine avais-je franchi le seuil de la porte que le sort revint à mon esprit ! Peut-être que j'invente tout cela, mais je crois que la présence du coffre "vampire" m'aide à me concentrer.

94/E/3S

Cette année est presque achevée et j'ai fait des progrès immenses. Je vais moins souvent voir les coffres, parce que j'ai l'impression que les mages se doutent de quelque chose et qu'ils me surveillent. Je n'aurais pas dû expliquer le sortilège de Kjiorft grâce à la théorie de Saï Fei lors du dernier examen, mais c'était trop tentant. C'est le coffre qui m'a appris cela. Il semble qu'il souhaite m'aider en m'insérant des idées dans la tête lorsque je suis près de lui. Il est obligé d'arrêter ou de ralentir sa course avec les autres coffres lorsqu'il m'aide et, pour compenser, je lui donne des souris et des petits animaux. Ils disparaissent simplement, et je ne sais pas ce qu'il en fait.

Une ombre passa devant la porte.
" Alors Mhidros, toujours dans tes vieilleries ? Le Conseil attend des résultats. Les lieux sont toujours utilisables ?"
Surpris, le mage referma le volume et fit un geste vague vers les décombres.
"- Je n'ai pas encore terminé d'inventorier ce coin là-bas..."
Puis pris d'une intuition il ajouta : "Mais si tu veux m'aider, il faudrait que je déplace cette armoire qui est tombée en travers de la pièce"

Le mage fit un pas dans la pièce avec l'intention manifeste de l'aider, mais il fut soudain secoué d'un frisson que Mhidros n'aurait pas aperçu s'il ne l'avait pas observé attentivement et il s'arrêta à l'entrée.
" Bah, c'est à toi qu'on a confié la tâche, mon vieux, mes étudiants m'attendent."
Et avant que Mhidros n'ait pu répliquer, il s'éloigna à toutes jambes en direction de lieux plus fréquentés.

Le vieux mage étudia la pièce où il se trouvait en se demandant où étaient placés les coffres du temps de Drissène, 4 cycles auparavant. Finalement, il redressa une table et vit une portion de sol dénuée de débris, complètement nettoyée et lisse. Sur le mur, juste au-dessus, on voyait de légères marques de suie. Les coffres devaient se trouver là. Apparemment quelque chose avait explosé à cet endroit.

Il lui sembla alors sentir une présence, comme l'impression qu'il avait eu la veille en partant, mais en moins désagréable. Il laissa l'impression venir et ferma les yeux. Lentement, il vit un visage se former dans son esprit. C'était une femme avec des cheveux courts. Son air était dur et triste à la fois. Elle semblait porter beaucoup de souffrance tout en ayant une profondeur dans le regard qu'on ne retrouve que chez les mages qui passent leur vie à méditer. Puis son visage se mit à se décomposer et sa bouche s'ouvrit lentement sur un cri d'horreur muet. Il vit comme au ralenti sa peau se flétrir, se détacher par lambeaux, laissant apparaître les muscles et les os du visage. Il voyait maintenant la langue de la jeune femme à travers sa joue inexistante. Ses orbites étaient vides, ses os se transformaient en poussière.

Il ouvrit brutalement les yeux et il lui sembla la voir réellement pendant une petite seconde, tel un dessin sur le mur, les marques de suie lui dessinant un col.

Cette jeune femme devait être Drissène, c'était la seule explication possible. L'aile qu'on lui avait demandé de réhabiliter avait toujours alimenté les rumeurs des nouveaux étudiants, mais aucun mage ou Archimage n'y avait prêté attention. On disait l'aile hantée.

S'il avertissait le Conseil, les mages chercheraient à entrer en communication avec le fantôme de Drissène pour lui extorquer les sortilèges connus de l'époque. Ils ne manqueraient pas cette occasion, même si cela devait affaiblir et détruire l'âme résiduelle de la dernière Archimage de l'histoire.

Lentement, il revint vers le journal du fantôme avec la certitude que l'explication se trouvait dans ces pages.

26/F/3S

Je suis toute excitée à l'idée de commencer les cours du Troisième Niveau! Il parait que certains mages qui nous donneront des cours cette année viennent d'au-delà de la mer et qu'ils en ont rapporté des sortilèges et des objets magiques inconnus ici !

2A/F/3S

Le mage qui nous donne des cours sur les créatures des autres dimensions, Arkahan Ris, fait partie de ceux-là. Il a des vêtements étranges et il se déplace toujours avec un animal méchant un peu plus gros qu'un rat. Il nous a dit qu'on appelait ça un "shien" au-delà des mers. Le "shien" ne fait que pousser des cris désagréables ou montrer ses crocs ridicules. Son propriétaire ne m'inspire pas plus confiance. Il n'arrête pas de me regarder et je n'arrive pas à lire dans ses pensées. Je ne suis pas naïve, et je n'ai pas l'intention de me laisser faire s'il essaye de s'en prendre à moi.

51/F/3S

Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit. Mon état ne me le permettait pas. Mais il faut que je note ces choses ici, c'est le seul moyen que j'aie de garder le contact avec la réalité. Tout s'enfuit, je n'ai plus aucun soutien. Le coffre n'est plus mon ami. Je trouvais auprès de lui du réconfort, il me débarrassait de ma haine envers... A.R. Mais ce n'est plus possible à présent.

A.R. a abusé de moi. Un soir, il y a presque 80 jours, il m'a dit de le rejoindre pour discuter de mon dernier examen. Là, il m'a accusée d'avoir triché, d'avoir lu les réponses dans l'esprit de mes camarades. Je n'en avais même pas besoin, j'en sais plus qu'eux dans presque tous les domaines. Quand j'ai voulu partir, il a verrouillé la porte avec un charme et s'est approché de moi. Je n'ai rien pu faire. Il était protégé de tous mes sortilèges grâce à une amulette qu'il avait ramenée de par delà les mers. Il m'a imposé sa volonté et...

Arkahan Ris... Ce nom ne disait rien à Mhidros. Tous les mages ne laissaient pas une trace indélébile dans l'histoire, celui-là ne devait pas avoir accompli grand chose, ou alors il était mort avant d'avoir terminé son oeuvre, comme cela arrive parfois. La plupart des mages essayent de marquer leur temps en réalisant ou en exécutant un sortilège inédit ou extrêmement dangereux. Certains meurent avant d'y arriver, d'autres attendent trop longtemps et n'ont plus la force de contrôler les énergies manipulées lorsqu'ils passent à l'acte. Bien peu savent choisir le bon moment et réussissent à avoir leur nom sur les murs de l'Aiguille.

Ca a duré jusqu'à aujourd'hui. Et sans doute continuera-t-il demain. Jusqu'à présent, j'allais voir le coffre, et il me guérissait, me consolait, me débarrassait de ma haine et me donnait la force de continuer. Hier, j'ai senti l'esprit du coffre dans mon esprit comme jamais. Il était avide, froid, cruel. Je crois comprendre ce qui s'est passé. Le coffre m'a soignée dans le seul but de se nourrir de ma haine. Il se repaissait de moi comme A.R... Mais hier, le coffre a essayé de pénétrer mon esprit. J'en suis sûre. Je ne sais pas quelle âme maléfique y est enfermée, mais elle est complètement réveillée maintenant et elle souhaite un nouveau corps. Je devrais peut-être avertir un autre mage pour le coffre, mais c'est moi qui l'ai réveillé. De plus, il me sera impossible de parler de... l'autre problème. Le sortilège puissant de mensonge qui m'a été lancé par A.R. m'en empêchera.

5A/F/3S

Je n'en peux plus ! Je HAIS A.R. de toutes mes forces ! Maintenant que le coffre ne se nourrit plus de ma haine, elle m'envahit entièrement, me laissant tremblante et quasiment folle. Il faut que je fasse quelque chose...J'ai bien une idée, mais il faut que je lise quelques grimoires à la bibliothèque pour en être sûre.

61/F/3S

L'esprit du coffre est enfin mort. Je suis épuisée, mais il faut que je raconte ce qui s'est passé ce soir. Après les cours, j'ai trouvé le shien de A.R. dans les couloirs. Il s'était probablement perdu, ce qui est étrange car il ne quitte presque jamais son maître. Je le haïssais autant que A.R. Le shien avait été le témoin de toutes mes souffrances. Il restait là, langue pendante, aboyant parfois, lorsque cela se produisait. Il a grogné en me voyant mais je l'ai calmé avec un sort et je lui ai dit de me suivre. J'avais prévu d'utiliser un rat, mais comme ça, je serais débarrassée de cet horrible animal également. Je suis allée jusqu'à la salle des coffres, sentant presque sa présence derrière l'épaisse porte en bois. Là, je me suis assise par terre, après avoir vérifié qu'il n'y avait personne dans les environs. J'ai collé mon front aux poils répugnants de l'animal et j'ai prononcé le "Changelin/Exchangelin". J'ai senti mes propres doigts qui s'enfonçaient dans mes nouvelles côtes et j'ai vite retrouvé mes esprits. J'ai tout de suite repris le contrôle de mon corps en restant dans celui du shien. L'esprit du shien était dans mon ancien corps maintenant, et je le contrôlais depuis le sol, où je voyais à peine mes genoux. Le shien avait un odorat plus développé que celui du rat, mais une vue bien moins perçante que celle de la chouette. Je sentais la terreur et en même temps le sentiment de toute-puissance que le shien ressentait dans mon corps trop grand pour lui. Je raffermis mon emprise et je lui fis ouvrir la porte. Puis je lui fis faire quelques pas à l'intérieur de la pièce. Le shien n'était pas habitué à la marche sur deux pattes, et mes bras s'agitaient un peu n'importe comment devant moi. J'espérais que le coffre ne sentirait rien. Soudain, je sentis une troisième personne dans mon ancien corps ! Le coffre avait mordu à l'hameçon ! Aussitôt, je formulais maladroitement le "Exchangelin/Changelin" dans la tête du shien en me collant contre ma jambe, en transférant l'esprit du coffre dans celui du shien avec son légitime propriétaire ! Je tombais à quatre pattes après le changement, et je vis distinctement une petite lueur jaune mauvaise au fond des yeux du shien. Rapidement, je pris le shien et lui tordis le cou.

Au pied du mur, deux coffres normaux reprenaient consistance, tandis que le troisième s'estompait et disparaissait lentement.

La lumière s'affaiblissait. Le mage releva les yeux et vit qu'une autre journée s'était écoulée. Il n'avait pas mangé, il était resté ici toute une longue journée et n'avait pas ressenti de fatigue. Il soupçonnait Drissène d'avoir lancé un sort de subsistance sur son journal. Il ne ressentait donc aucune faim, mais dès qu'il referma l'ouvrage il fut pris d'une fatigue lancinante.

Cette histoire de coffre le troublait. Drissène avait pris d'énormes risques. Soit elle était bien plus forte que tous les mages actuels, soit elle était complètement inconsciente. Lancer deux sorts de "Changelin/Exchangelin" en l'espace de cinq minutes avait dû la laisser à la limite de l'évanouissement. Si elle avait vraiment détruit le coffre, il n'en saurait pas plus sur sa nature. Mais cela n'expliquait pas les traces de suie ni l'effondrement de l'aile.

Il passa à la bibliothèque avant de regagner sa chambre. Il lui restait un point à vérifier. Il parcourut l'Index des Mages et Archimages à la recherche d'Arkahan Ris et trouva cette note :

Arkahan Ris était un mage du cinquième niveau. Il n'a jamais atteint l'excellence de l'art, mais il était spécialisé dans les objets magiques puissants. Ainsi, il manipulait des objets de niveau 7 qu'il avait acquis on ne sait comment au-delà des mers. Il disparut sans laisser de trace lors de la deuxième période du cycle F/3S, soit entre le 57/F/3S et le AF/F/3S. On retrouva dans sa chambre de nombreux objets magiques, dont on ne connaît pas encore aujourd'hui le fonctionnement.

***


64/F/3S

J'ai dormi deux jours ! Des mages sont venus à mon chevet mais n'ont pas réussi à me réveiller. Ils pensent que c'est un coup d'un des autres étudiants qui est jaloux de mes résultats. J'ai encore les jambes qui tremblent un peu, mais je vais vite m'en remettre. J'espère que mon don ne va pas disparaître ou s'estomper maintenant que le coffre est détruit. J'apprenais avec lui plus qu'avec aucun professeur.

66/F/3S

Mon état n'a pas empêché A.R. de recommencer. Je suis épuisée physiquement et moralement. Il m'accuse d'avoir fait disparaître son animal de compagnie et il me le fait payer en étant encore plus violent avec moi.

69/F/3S

Ma haine de A.R. augmente continuellement. Maintenant que le coffre n'est plus là, je n'ai plus aucun moyen de l'évacuer. Peut-être est-ce mieux ainsi. La prochaine fois...

6D/F/3S

Il s'est passé quelque chose d'horrible... mais il le fallait. Il l'avait mérité. A.R. a été violent encore une fois. Il m'a frappée plus durement que les autres fois. J'ai ressenti une violente colère dépassant tout ce que j'avais jamais éprouvé. Les objets se sont mis à trembler autour de moi, et soudain j'ai fixé le pendentif qu'A.R. gardait en permanence. Seul le pendentif tremblait maintenant, il vibrait si fort qu'A.R. voulut le décrocher. Mais au moment où il le prit dans sa main, le pendentif explosa, submergé par ma haine, je pense. A.R. me regarda, la main en sang, de la peur dans les yeux. Il n'avait plus aucune protection maintenant. Je me suis débarrassée de lui. Ca n'a pas été très difficile. Je me sens infiniment bien à présent. Je vais gravir les échelons et arriver au sommet. Je serai la prochaine Archimage, je m'en fais la promesse. Aucun homme ne m'égalera.

C'était donc Drissène qui avait tué Arkahan. Mhidros s'en doutait, mais il ressentit quand même un frisson. Le meurtre, même pour une bonne raison, était un acte qui aurait dû l'empêcher d'être Archimage.

80/F/3S

A.R. a officiellement "disparu". Personne ne se doute de rien. Certains pensent qu'il est parti à la recherche de son shien qu'un mage dit avoir vu sortir de l'Aiguille en direction du nord, vers les glaciers.

Le vent glacé souffla dans la pièce et les pages du journal tournèrent, échappant aux mains de Mhidros. Un deuxième coup de vent rabattit les pages dans l'autre sens, et les pages s'immobilisèrent enfin. Le paragraphe sous ses yeux était lisible. Le sortilège de Madrel ne fonctionnait plus ? Seul l'auteur du livre pouvait contourner ce sortilège... Drissène lui permettait-il de sauter des passages entiers de son journal ? Pour qu'il arrive plus vite aux informations qui l'intéressaient ou pour lui cacher des choses importantes ?

Il lut la date du paragraphe : 1/J/3S. Drissène avait presque 20 ans. Elle allait donc bientôt devenir Archimage, et le journal touchait à sa fin.

1/J/3S

Que d'années écoulées ! Ma maison d'adoption me parait étrangement lointaine. Dans quelques jours, je serai Archimage. La cérémonie est prévue pour le lendemain de mon anniversaire. Pourtant... mes doutes existent toujours. Cela fait longtemps qu'ils me hantent. J'ai occupé la dernière semaine à relire mon journal depuis son commencement. J'essaye de comprendre ce qui s'est passé, comment j'ai pu devenir la femme que je suis. Il m'arrive d'être plus froide que je ne le souhaiterais. Non, c'est pire que ça. Il m'arrive de ne faire preuve d'aucune compassion. J'ai achevé mes études sans personne pour m'aider, et je n'ai aidé personne. Certains mages pensent que je ne devrais pas être promue à ce poste si jeune, et cela me donne des envies de meurtres et de sang quand j'y pense. Ils ne veulent pas que la prochaine Archimage soit comme la dernière de l'histoire. Elenna a régné en dictateur absolu sur l'Aiguille pendant de longues années, faisant respecter sa parole par le bannissement ou trop souvent par l'exécution sommaire de ses opposants. Serait-ce le poste d'Archimage qui est maudit ? Tous ont-ils ces envies de domination et de terreur ? Je ne peux pas confier mes doutes. Je ne serai jamais Archimage si je les évoque, et je ne me suis jamais confiée à personne.

2/J/3S

Plus j'y pense, plus je sens qu'il y a quelque chose qui m'échappe. Je dois trouver ce que c'est avant la cérémonie. Pour ma sauvegarde et pour celle des autres. Je sens un grondement en moi, et je n'en connais pas l'origine.

3/J/3S

J'ai 20 ans aujourd'hui. La cérémonie se déroulera demain. Le grondement en moi est plus fort. J'ai prétexté un peu d'anxiété pour me retirer dans mes appartements avant la fin de la petite fête qu'avaient organisé les mages. Je n'ai dit à personne ma date d'anniversaire, mais certains ont dû interroger mes parents adoptifs à ce sujet. D'ailleurs, ce n'est pas vraiment ma date de naissance, juste la date à laquelle mes parents adoptifs m'ont trouvée devant leur porte.

J'ai décidé d'en être sûre. Je vais vérifier ce soir que je suis bien ce que je pense être.

4/J/3S

Il est tard, mais il faut que j'écrive ce que j'ai découvert. La cérémonie est dans quelques heures et j'ai encore tant à faire. Finalement, le coffre vampire de mes 16 ans n'a pas complètement disparu. Lorsque j'ai prononcé le sort de "Exchangelin/Changelin", une partie de l'âme du coffre est restée dans mon corps et n'a pas disparu avec la mort du shien. Je l'ai sentie, faible mais grondante, menaçante. Je la soupçonne d'attendre que je sois Archimage pour se révéler. Elle prendra alors le contrôle de mon corps et m'annihilera. J'ai donc lancé un sort de protection contre moi-même. Il me sera impossible de lancer un sort pendant 15 jours. J'espère que ça me laissera le temps de trouver un moyen.

5/J/3S

La cérémonie s'est bien déroulée. Le coffre en moi me fait souffrir de maux de ventre terribles pour me punir de l'avoir enfermé. Je sens sa hargne et son envie de puissance.

7/J/3S

Je n'ai plus beaucoup de temps, et je ne peux même pas me servir de magie pour m'aider dans mes recherches. Maudit soit le sortilège de Madrel ! J'ai trouvé des références à un ancien rituel de purification qui devrait peut-être me rendre mon intégrité. Je passe mes journées à essayer d'en trouver les traces.

12/J/3S

Les mages s'inquiètent de mon état. Je reste dans la bibliothèque en me tenant le ventre de douleur, à lire, sans manger ni boire. Je leur dis de me laisser tranquille, j'en ai assez de leurs chuchotements derrière mon dos. Mon autorité d'Archimage n'est pas encore atteinte car ils m'obéissent et je suis seule dans la bibliothèque maintenant.

18/J/3S

Le sortilège est là, devant mes yeux. Presque complet. Cela se déroulera dans la pièce où tout a commencé. Demain, la lune sera noire, cela me facilitera la tâche, je n'ai pas oublié que le coffre se nourrit d'ombre également, mais sans lumière l'ombre n'existe pas.

19/J/3S

Tout est prêt. Ce soir, je serai enfin libre. Dire que j'ai vécu toutes ces années sans me douter de rien ! Moi, la plus puissante magicienne de l'Aiguille ! Il est temps d'y mettre un terme.

Le journal était terminé. Drissène avait réalisé son rituel de purification, et elle avait échoué. L'aile s'était écroulée, l'écrasant sous les décombres.

Mhidros se leva, entouré d'un courant d'air froid qui semblait l'envelopper en entier. Il faudrait qu'il parle à Drissène. Il faudrait qu'elle quitte ces lieux, qu'elle renonce à hanter cette aile. Mais il lui manquait des éléments pour continuer.

***

Vingt jours plus tard, Mhidros revint dans la pièce.

Rien n'avait changé, le journal était toujours sur la table, les amas de débris ne semblaient pas avoir été dérangés. Mhidros avait de longues cernes violacées sous les yeux, mais il paraissait satisfait. Un sourire passa sur son visage lorsque le courant d'air froid l'enveloppa.
" Bonjour, Drissène."

Il traça des runes dans les airs et se mit à psalmodier un des rares sortilèges de niveau 7 qu'il connaissait.

Lentement une forme apparut devant lui. Elle n'avait pas de consistance, mais elle était faite de lumière et d'ombre.

Une voix s'éleva, que seul Mhidros entendit. Elle semblait venir directement de sa tête.

" Que veux-tu, mage ?
- Bonjour, Drissène, tu es bien Drissène n'est-ce pas ?
- Tu le sais aussi bien que moi, je ne suis plus rien, laisse-moi maintenant.
- Pas avant de t'avoir parlé.
- Plus aucun sujet ne m'intéresse, mage, tu as lu mon journal, tu sais maintenant qui était Drissène. Dis-leur à tous, qu'ils effacent mon nom de l'histoire.
- Je pense que mes informations t'intéressent pourtant. Elles te concernent directement... toi... et ta famille.
- J'étais une enfant adoptée.
- Je sais qui était ta mère, Drissène."

La forme devant Mhidros se troubla, elle sembla plus petite soudain, et c'est d'une voix d'enfant qu'elle répondit :
" Q... Qui était-ce ?
- Ta mère était Elenna.
- C'est... impossible ! Elenna n'a jamais eu d'enfant !
- En effet, elle t'a créée sans père, elle t'a créée afin que tu lui serves de corps de remplacement, elle allait mourir et elle savait ses ennemis nombreux. Elle a enfermé sa conscience dans le bois d'un objet banal de l'Aiguille, et elle t'a envoyée dans le futur quelques années plus tard. L'âme du coffre était ta mère, Drissène, la plus puissante Archimage de l'histoire.
- NON !"

La forme disparut soudain et Mhidros fut projeté contre l'arche de la porte. Les objets volaient dans la pièce, s'écrasant sur les murs, des débris se brisant pour former d'autres débris, plus petits. Heureusement, Drissène ne semblait pas viser Mhidros particulièrement.

Enfin, sa colère se calma un peu et la forme réapparut devant lui.
" As-tu une preuve que c'est ma mère que j'ai tué, mage ? Si tu m'as menti, tu mourras.
- Vous aviez le même visage. Elenna a détruit tous ses portraits pour que tu ne puisses pas la reconnaître, mais il existe encore quelqu'un qui se souvient d'elle, même après tous ces cycles. Et tu sais comment accéder à cette mémoire. Je l'ai fait moi-même, mais j'ai failli ne pas en revenir."

La forme resta silencieuse. Puis, dans un souffle :
"- L'Aiguille...
- Oui, comme tu l'as fait quand tu avais 14 ans. Mais cette fois-ci Elenna n'est plus là pour te montrer ce que tu étais autorisée à voir et te cacher ce qu'elle souhaitait garder secret."

Mhidros continua :
"- Maintenant, tu sais que tu as bien fait. Si Elenna s'était emparée de toi, elle aurait repris son règne de terreur. Je te laisse vérifier par toi-même, je pense que tu le peux encore. Ton errance n'a plus de but."

Sur ces paroles, il traça une rune abrupte dans les airs et la forme s'évanouit. Il lui sembla entendre encore un mot, un simple mot que Drissène n'avait pas dû prononcer souvent de son vivant, n'ayant jamais eu besoin de l'aide de qui que ce soit.

Puis, il se retourna et sortit de la pièce. Il fit quelques pas et s'écroula, épuisé.

***

Lorsqu'il se réveilla, il était entouré des membres du Conseil, ils étaient venus voir comment avançait l'inventaire et la remise en état de l'aile Ouest. Mhidros jura entre ses dents en se demandant combien de temps s'était écoulé. Il apprit plus tard qu'il était resté sur le sol pendant un jour et demi environ. Il fit fonctionner ses muscles ankylosés et bougonna des excuses comme quoi l'état des pièces et l'humidité ambiante étaient mauvais pour ses rhumatismes, et qu'il avançait doucement dans la tâche qui lui était confiée. Les membres du Conseil s'avancèrent vers la pièce à l'arche à demi-effondrée. Puis, le chef du Conseil eut un sourire en proposant aux autres membres d'accorder à Mhidros la récompense de modestie du cycle.

Mhidros s'avança à son tour dans la pièce. Les meubles étaient réparés et rangés, le sol luisait et le soleil entrait par les meurtrières vitrées. Les tables et les chaises étaient disposées comme il le fallait pour une salle de classe modèle.

Au-dessus du tableau, un unique nom en lettres dorées. La salle porterait le nom de l'Archimage qui s'était sacrifiée.

Drissène était partie.

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Publication : 23 octobre 2004
Dernière modification : 07 novembre 2006


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1 Commentaire :

Estellanara Ecrire à Estellanara 
le 31-08-2005 à 19h59
Courte critique sans spoiler
Je n'ai pas réussi à convertir les dates... Ca me faisait penser à de l'héxadécimal. Il s'agit d'une histoire à la Harry Potter avec des inventions originales. Le scénario est futé et la fin surprenante. C'est sans conteste la nouvelle que je préfère dans cette livraison.


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