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De : Netra Page web : http://terredelune.eu Date : Mardi 17 mars 2009 à 10:41:22 | ||
A M. Edmond Rostand. Avec ma sincère admiration et mes plus respectueux hommages. Puisse cette dédicace ne pas le faire se retourner dans sa tombe. Perle d'Orgueil Comédie en un acte. Personnages : SEAN, fils de noble, ami de Brian et amoureux d’Eleanor BRIAN, barde, ami de Sean, ami d’enfance et amoureux d’Eleanor ELEANOR, fille de la sorcière, amie d’enfance de Brian Un page Voix de la mère d’Eleanor Le décor représente la lisière d’un bois, avec dans un coin un mur percé d’une fenêtre à l’étage : c’est celle de la chambre d’Eleanor. Scène 1 : Sean, Brian SEAN (Entrant avec Brian) Et parant de l’écu l’assaut de l’adversaire, Je triomphais soudain comme un aigle en son aire De l’ennemi saxon. Mon seigneur chevalier M’a donné mon congé pour me faire adouber, Et si Dieu le veut, dans trois jours en sa chapelle, J’aurais mes éperons et la gloire éternelle Me tendra les bras. Et alors j’irai voir celle Que mon coeur a élu pour être demoiselle Qui ira à mon bras toute ma vie durant. Je le crois bien la guerre m’a fait si endurant Qu’elle n’aura à se plaindre de rien : je suis riche, Fort et vaillant. Elle, roturière. Chiche Qu’elle me bénira de la faire anoblir, Et nous vivrons heureux sans craindre de faillir. Mais dites-moi, Brian, qu’êtes-vous devenu En toutes ces années que vous avez vécu Tandis qu’au loin j’allais porter heaume et écu ? BRIAN Ami Sean je vous vois bien changé, je l’avoue J’ai quitté un enfant et trouve homme qui voue Amour à demoiselle et promis aux honneurs De son rang et de sa vaillance. Et j’ai peur De ne vous avoir égalé, car il est encore Un air qui me manque pour faire enfin éclore Le plein de mon art. Car je ne sais, voyez-vous Faire rire : mon coeur est amoureux et, fou Que je suis ! Je doute l’alliance possible. Je ne suis pas encore poète et ma cible Est jeune damoiselle fort instruite et savante. Je crains que mon mérite ne fût assez grand Pour que m’offrir son coeur seulement ne la tente ! SEAN Allons donc, mon ami, vous n’êtes plus enfant ! Montrez-vous homme enfin, prouvez votre valeur ! BRIAN Encor faut-il que je la connaisse, et j’ai peur Que ce ne soit le cas. SEAN Bah ! Les filles sont naïves En matière de combat ! Elles sont bien trop chétives Pour tenir une épée ! BRIAN Hélas ! Mais moi aussi ! SEAN Brian, que dites-vous ? Vous êtes mon ami, Je ne veux vous peiner, mais il est ridicule De ne savoir se battre. BRIAN Si je n’ai rien d’Hercule, J’espère bien en revanche avoir l’esprit d’Orphée, Et si la belle daigne un instant m’écouter, Je la ferais reine d’un royaume de fée Et aux saveurs du vent je la ferais goûter. SEAN Voici, mon ami, un bien étrange langage ! Je douterais fort bien que vous fûtes un homme Si mes yeux, heureusement ! ne m’en donnaient gage. BRIAN (exalté, sans l’écouter) Et je lui offrirais sans qu’elle en prit outrage Une folle tendresse au goût sucré de pomme... LE PAGE Maître Sean ! SEAN Quoi donc ? LE PAGE C’est l’heure de l’entraînement, J’ai préparé la lice ! SEAN Ah ! Mais c’est parfait ! J’y cours ! Ami Brian, à très prochainement ! Et croyez-moi, montrez-vous fort et c’en est fait ! (Brian hoche la tête, rêveur, et le salue de la main. Puis il sort à son tour, la tête ailleurs.) Scène 2 : Eleanor, puis Brian ELEANOR (fredonnant) Coquelicot, belladone, millepertuis Et la belle mandragore si je la puis Trouver, mes jolies fleurs, mes fleurs de sorcière, Cachées, sereines, au bord de la rivière Où je me baignais ce matin, et je songeais A mon enfance, à Brian qui fut mon ami... Seulement Brian est depuis longtemps parti Moi-même j’ai grandi, et bientôt je serai A l’âge de l’amour. J’ai vu mes charmes naître Et peu à peu dans les yeux des garçons paraître Le reflet de ma beauté. Mais l’heure n’est pas Encor à la rose, pas plus qu’au froid trépas, Elle est aux joies, aux rires et à la jeunesse, Et puis... aux chants. Je deviendrai enchanteresse Bientôt, comme le fut ma mère. De ces fleurs, Je ferai des onguents, je ferai du poison, J’extrairai patiemment de leurs calmes douceurs La maladie, la mort ou bien la guérison... Mais fi de ma beauté, qui donc voudra de moi Si à tous je n’inspire que frissons d’effroi ? Bien peu m’importe car je deviendrai leur rêve, Celle que tous désireront au crépuscule A l’heure où, dans le bois, le vieux hibou hulule... BRIAN (Entré depuis quelques secondes, les vêtements déchirés et une rose rouge cachée dans le dos) Tout comme à l’heure blanche où le soleil se lève. ELEANOR (Surprise, accourt et lui prend la main.) Brian ! BRIAN Eleanor, mon Dieu ! Tu es plus belle Encor qu’à mon départ ! Ah, jolie demoiselle, Fi des années, tu ne m’as donc pas oublié ! ELEANOR T’oublier, Brian ? Un ami qui m’es tant lié ? Dis, comment fuiraient nos souvenirs, enfermés Qu’ils sont dans mon coeur ? BRIAN Ah ! En fait de souvenir, Te rappelleras-tu d’un matin embrumé Où avant ton réveil j’étais allé cueillir Une rose au rosier qui grimpait à l’église ? ELEANOR Oh, oui, je m’en souviens ! Tu étais revenu Tout fier, les vêtements en lambeaux, courbatu, Mais tu souriais tant quand je la dis exquise ! BRIAN (tirant la fleur de son dos) Et bien, vois ! Je n’ai pas changé ! ELEANOR Oh ! Quelle fleur ! BRIAN Je te l’ai cueillie tout à l’heure, tout à l’ardeur De te revoir ! Mais las ! Elle ne rivalise En rien avec toi, ma petite fleur d’église... ELEANOR Allons, asseyons-nous, conte-moi ton voyage ! Qu’as-tu fait, tout ce temps qui nous a séparés ? BRIAN J’ai gagné l’Ouest étrange et ses terres sauvages, J’ai vu un Océan, ai été effaré De l’étendue immense de mon ignorance Et un jour quelque part, j’ai perdu mon enfance. Et j’ai rêvé de toi, chaque nuit, chaque jour, En espérant, Eleanor, qu’à mon retour Tu n’aurais pas encor suffisamment grandi Pour que mon souvenir soit tombé dans l’oubli. Et ta voix me manquait, comme tes moqueries. ELEANOR Avais-je donc déjà le goût de l’ironie ? BRIAN Mais toute fillette, tu avais tant d’esprit Que je n’osais parfois forcer ta répartie, Certain d’être vaincu ! ELEANOR Oh, cher Brian, tu ris ! BRIAN Non point, je suis sérieux ! Tes paroles sont d’or ! (Voix de femme en coulisse) Eleanor ! Que fais-tu donc ? Eleanor ! ELEANOR Hélas ! Ma mère m’appelle, et je dois te laisser ! BRIAN Va donc, mais promets-moi de ne pas m’oublier ! ELEANOR Sot ! Nous nous verrons demain, je n’ai pas d’ouvrage ! BRIAN Parfait ! j’achèverai mon récit de voyage ! ELEANOR A demain donc ! BRIAN Oui, à demain ! (Voix de femme en coulisses) Eleanor ! Eleanor fait volte-face et disparaît dans les coulisses. Brian demeure seul, l’air béat. BRIAN A demain donc, quand reviendra le soleil d’or... Netra, et re-TADAM Ce message a été lu 6865 fois | ||
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