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L’Esprit-Clef

Résumé des épisodes précédents :

Mélamine Courtepointe vit en dimension V ( le violet est la couleur officielle des sorciers) ; les deux principales puissances sont le Territoire de l’Est et le Territoire de l’Ouest, que dirige d’une main de fer Maîtresse Orchidée Hautecour.
Dans le même Monde se trouvent trois autres dimensions importantes : la dimension H (Humains), la dimension T ( Turquoise), regroupant les Anges sous la houlette du Grand T, et la dimension R (Rouge) pour les Démons, commandés par le Grand R.

La Mort s’appelle Thanata ; c’est une grande coquette avec plusieurs cheveux sur la langue, qui tranche le fil de Vie de ses ciseaux dorés. Elle a trouvé un compagnon en la personne d’Esprit-des-Saules.

Mélamine a été élevée par Alyane Courtepointe et son mari Tilsitt Purchaudron, qui la croient leur fille aînée, alors qu’en réalité ses parents biologiques sont Corinanthe Courtepointe (la mère d’Alyane) et Aztarek Phanigann, célébrissime sorcier venu du passé.
Mélamine s’est mariée avec Iriador Kersigatt, vaillant sorcier de l’Est. Ils ont eu une petite fille, Emeraude, qui, profitant de ses pouvoirs de Pur Esprit pendant la grossesse, a réalisé un des rêves de Mélamine : avoir enfin des chats verts à la naissance, et non par un sortilège post-natal, comme c’était le cas jusque là.
Au cours d’une escapade en amoureux où ils ont encore partagé une aventure, Mélamine et Iriador ont décidé de mettre en route un deuxième enfant... Malheureusement quand Félinor vient au monde, il a une tête de chat ! Grâce à Emeraude, à toute la famille et aussi aux chats de Mélamine, la malédiction est levée. Thanata devient la marraine d’Emeraude.
Quelques années ont passé. Emeraude rentre à l’école, et Felinor commence à faire des bêtises. Quelle n’est pas la surprise de Mélamine quand elle apprend, de la bouche même d’Orchidée Hautecour, que celle-ci, sentant sa fin proche, l’a choisie pour lui succéder !

Orchidée Hautecour est morte après avoir appris à Mélamine comment diriger un Etat. A peine investie de ses fonctions, celle-ci remanie profondément le Conseil et lui imprime son style personnel, plus amical et plus direct. Elle continue cependant à aller sur le terrain pour régler certaines crises personnellement, parfois au péril de sa vie.

« Bon anniversaire, maman !
- Bon anniversaire, maman !
- Joyeux anniversaire, ma chérie !
- Quel accueil ! Merci, merci... Mais là, laissez-moi me poser, je suis fatiguée... Oh, les jolis coussins de chaise ! »
Emeraude rougit de contentement.
« C’est ton cadeau, ça te plaît ?
- C’est magnifique ! Vert et blanc, tu sais bien que j’adore le vert ! Ca met une petite note fraîche... Là, je m’assieds... »
Mélamine tira une chaise et s’assit... ou presque, car un hurlement rageur la fit se relever aussitôt, tandis qu’un éclair coloré traversait la table déjà parée, renversant les verres sur son passage.
« Mais qu’est-ce que... »
Felinor se glissa sous la table.
« Viens là, mon joli... Mais viens, je te dis, Tipois, viens, c’est moi ! »
Un miaulement plaintif lui répondit, puis Felinor se redressa, portant dans ses bras un chat rayé de blanc et de vert, semblable aux coussins de chaise...
Mélamine ouvrit de grands yeux. Felinor gardait une expression fermée, entre la vexation et la colère. Elle lui caressa la joue.
« C’est toi... C’est toi qui...
- Ben oui », répondit l’enfant en la défiant du regard, « Emeraude m’a dit que tu aimerais ses coussins, alors j’ai...
- Mais tu as très bien fait, mon ange ! Ce chat est splendide ! Tu as réussi à transformer un chat vert (1) en chat rayé vert et blanc ! Ne me dis pas que tu as appris ça en deux semaines d’école ! Tu as modifié le sort d’Emeraude, qui était alors Pur Esprit (2), pour y imprimer ta marque !
- Et ses enfants seront comme lui », ajouta le petit fièrement. « Parce que j’ai changé la structure de ses cellules reproductrices. »
Mélamine le regarda d’un air songeur.
« Comment tu sais ça, toi ?
- J’ai regardé dans le livre d’Emeraude sur la reproduction. Et puis après... je ne sais pas... C’était facile, je voyais ce que j’avais à faire... »
Les deux parents échangèrent un regard éberlué, à la limite de l’inquiétude. Mais Iriador avait toujours le mot qu’il fallait pour détendre l’atmosphère.
« Eh bien... Je crois que la relève est assurée, Mélamine. Dans quelques semaines nous pourrons prendre notre retraite ! »
Une grosse voix qui hurlait « Coucou, c’est moi ! » accompagna le tintement de la cloche à l’entrée.
« Ca, c’est Franckie », sourit Mélamine. « Il n’a pas oublié ! »
Le loup entra avec deux faisans dans la gueule, qu’il portait par les pattes. Il les posa à terre aux pieds de Mélamine et déclara gaiement :
« Joyeux anniversaire, Mère Mimine ! »
Mais avant qu’elle n’ait pu le remercier il se trouva emberlificoté dans le réseau de bras et de jambes de deux petits sorciers qui le bousculaient de toutes parts, lui faisant fête comme s’il revenait du Bout du Monde.

A peine le repas achevé, les bougies soufflées et le gâteau dévoré, Franckie se tourna vers Mélamine.
« Et maintenant, tu me laisses mettre au lit les petits loups et tu vas faire un tour avec ton amoureux. Et je ne veux pas vous revoir avant l’aube ! »
Mélamine pâlit, rougit, et bredouilla.
« Mais... Tu crois vraiment... Je... Nous...
- Allez, allez, vous devriez déjà être partis ! Quoi, tu n’as pas confiance en mes talents de baby-sitter ? »
Les enfants applaudirent et Iriador prit Mélamine par la taille, l’entraînant dehors sans qu’elle ait pu répondre. Sur le pas de la porte, il lui couvrit les épaules d’un châle.
« Pour le cas où mes bras ne suffiraient pas à te réchauffer...
- Mais... Oh ! Qu’il est beau... Et ce tissu... Et cette couleur... On dirait de l’eau... L’eau claire d’une crique, quand la mer est calme et qu’on voit le fond... Et les reflets dansent comme de l’eau...
- C’est de la laine de Thalaprobate. Ils vivent au bord de la mer du Sud, et la légende dit que c’est parce qu’ils la regardent tout le temps que leur toison a pris la même couleur.
- C’est extraordinaire ! Ce châle, je ne le quitte plus, et tant pis si je transpire en été !
- En tout cas, le plus beau cadeau, c’est Franckie qui te l’a fait. Tu as de la chance d’avoir un tel ami ! Cela fait si longtemps que nous n’avons pas été seuls tous les deux ! Il me vient une idée... »
Tout guilleret, il lui murmura une phrase par l’esprit, et Mélamine rougit de plus belle.
« Non mais tu n’y penses pas ! Mais... Et si ça se sait ?
- Et alors ? On est marié ! Et ce serait bien la première fois que tu te préoccuperais de l’opinion des autres... »
Main dans la main, ils se téléportèrent au Palais, dans l’ancienne chambre à coucher d’Orchidée Hautecour, désormais inoccupée, puisque Mélamine avait choisi de continuer à habiter dans sa chaumière au milieu des bois. La jeune femme était un peu gênée, dans ce décor si solennel, mais l’enthousiasme et l’ardeur d’Iriador eurent vite fait de la dérider.

Ils étaient à l’orée du sommeil, encore tendrement enlacés, quand ils perçurent tous les deux le même message télépathique d’Emeraude.
« Maman, papa, venez vite ! La maison brûle ! J’arrive à contenir le feu, mais c’est du feu magique ! »
Ils étaient sur place en moins de trois secondes, grâce au rhabillage instantané et à la téléportation. D’une seule voix ils lancèrent le sort d’extinction.
« Aposbennyon ! »
Le brasier qui ravageait la chambre s’éteignit d’un coup.
Alors ils échangèrent un regard d’union profonde et ils serrèrent leurs enfants contre eux. Mélamine servit du chocolat chaud. Franckie était le plus secoué de tous.
« Je n’ai rien compris, Mère Mimine. Il y a eu comme un grondement de tonnerre, et un éclair terrible, mais dehors il n’y avait pas d’orage. La foudre est tombée sur votre lit, et le feu a pris tout de suite. Emeraude a été formidable ! Elle a gardé le feu en respect pendant que je sortais avec Felinor, et elle vous a prévenus... Elle sera une grande sorcière, je te le dis !
- Tout va bien, Franckie. Je suis vraiment désolée pour toutes ces émotions ! Mais tu sais, avec la magie, ça sera vite réparé. Pour ce soir, je propose que nous dormions tous ensemble dans le salon, ça vous va ?
- Oui, oui ! »
Iriador réduisit les meubles à des miniatures et créa un immense lit avec une couette moelleuse et de nombreux coussins, juste devant la cheminée où brûlait un sage petit feu de bois perpétuel ; tout le monde, Franckie compris, s’y blottit joyeusement, et une bonne demi-douzaine de chats, ravis de l’aubaine, vint les y rejoindre.
« Tu vois », transmit Iriador à Mélamine, « ce talent que tu as de transformer les pires choses en moments de vrai bonheur... C’est bien plus que de la magie... et ça me rend chaque jour plus fou de toi que la veille !
- Je t’aime aussi... Je ne peux faire ça que parce que tu es près de moi, Iriador. Parce que tu crois en moi, que tu m’aides et que tu me soutiens... et que tes idées incongrues me gardent jeune, amoureuse... et en vie !
»

Après le petit déjeuner, Mélamine enseigna à Emeraude comment arrêter un feu magique.
« Tu dois englober dans ton esprit la totalité du feu, et tu dois te penser souffle puissant et bref. Ensuite, tu lances le sort.
- Il y a un autre moyen », intervint Felinor.
Iriador posa sa tasse de thé. Mélamine s’interrompit.
« Quel moyen, Felinor ?
- C’est simple. Les choses brûlent parce qu’elles ne savent pas qu’elles pourraient dire non. Il te suffit de parler aux petites boules du bois, ou du tissu, et de leur expliquer qu’elles peuvent laisser passer le feu sans lui céder.
- Tu peux me montrer ça ? », demanda Iriador.
- Bien sûr. »
L’enfant prit sa serviette de lin blanc sur la table, la regarda un instant, puis fit jaillir le feu entre ses doigts. La serviette était recouverte de flammes vives, mais ne se consumait pas. Il éteignit le feu, sans un mot.
Les parents se regardèrent en silence.
« Dis-moi une chose, Felinor », reprit Mélamine. « Pour Tipois...
- Oui, je sais, c’était pas un très beau cadeau, mais j’ai pas eu beaucoup de temps, je savais pas que c’était ton anniversaire...
Le garçon prit un air buté et contrarié, gardant les yeux fixés au sol.
« Evidemment », ricana Emeraude. « Toujours à rêvasser devant le feu... J’ai dû le lui dire cinquante fois, mais il n’entend rien, il est ailleurs... »
« C’était un très joli cadeau », lui murmura Mélamine en le prenant dans ses bras. « Tu peux m’expliquer comment tu as fait ?
- Eh bien », commença Félinor avec un sourire pour sa mère et un regard furieux vers sa soeur, « Emeraude avait modifié les petites boules dans les petits carrés, les cellules, hein, c’est comme ça qu’on dit ?... pour que les chats soient verts dès la naissance. J’aurais pu faire pareil, mais il y a un moyen tellement plus simple... Tipois a confiance en moi. Alors quand je lui ai dit de se penser en chat vert et blanc... il l’a fait. Il est gentil, ce chat, tu sais... »
Emeraude ouvrit des yeux exorbités.
« Conseil de famille » décréta Iriador.
Ils s’assirent tous les quatre autour de la grande table.
« Emeraude nous a prouvé hier soir qu’elle était une sorcière courageuse et intelligente », commença Iriador.
« Et Felinor nous révèle ce matin qu’il possède un don exceptionnel », continua Mélamine. « C’est un don très rare, qui fait de toi une Clef.
- Un quoi ?
- Un Esprit-Clef, si tu veux. »
Comme l’enfant la fixait toujours sans avoir l’air de comprendre, elle ajouta :
- « Ca veut dire que ton esprit est capable d’aller où il veut, d’entrer... où il veut. Nous sommes très contents pour toi, mon garçon. Ce don te permettra, plus tard, de faire de grandes choses.
- Mais pour l’instant, pour ta sécurité et celle de ta soeur, il serait bon que tu n’en parles à personne, et que tu ne l’utilises qu’à la maison.
- Et pourquoi ? » demanda Felinor d’un ton crâneur.
Iriador leva l’index et Felinor s’éleva lentement jusqu’au plafond, agitant vainement bras et jambes pour essayer de redescendre. Emeraude riait sous cape. Puis le père leva l’enchantement, et le fils fut déposé doucement sur sa chaise.
« De méchantes personnes pourraient te faire du mal pour utiliser ce don hors du commun à des fins mauvaises. Tant que tu ne sauras pas te défendre, personne ne doit s’en douter.
- J’ai compris, papa. Vous... n’êtes pas fâchés ?
- Nous sommes fiers de toi, au contraire.
- Emeraude », intervint Mélamine. « Chacun de nous possède un ou plusieurs dons, qui se révèlent à des moments variables selon les sorciers. Ce n’est pas une question de mérite. Le mérite s’acquiert seulement en fonction de la manière que nous avons d’utiliser nos dons. »
Emeraude soupira.
« Ce qui veut dire que si je suis verte de jalousie devant le don de Felinor, je me comporte comme une imbécile ? »
Une étincelle joyeuse brillait dans son regard, et Mélamine l’embrassa sur la joue d’un beau baiser sonore.
« Tu es merveilleuse, ma chérie. J’étais beaucoup plus bête que toi, à ton âge ! »

L’ambassadeur du royaume de Marchepied débitait son compliment insipide, et de grosses gouttes de sueur perlaient à son front.
« Ce gros plein de soupe va encore me présenter une requête impossible, à coup sûr ! Comme si nous les Sorciers nous n’avions pas autre chose à faire que de régler les problèmes des Humains ! »
Mélamine fut surprise de sa propre pensée, et sourit à l’homme engoncé dans son lourd costume de cuir, tout en renforçant ses barrières mentales.
« Pourvu que personne ne m’ait captée ! Ce doit être la fatigue qui me rend hargneuse. »
« Et c’est pourquoi par mon intermédiaire le roi Tallon IV a l’honneur de vous demander...
- Ca, j’en étais sûre ! » s’écria Mélamine d’une voix rauque qui n’avait rien à voir avec son timbre habituel.
Elle porta aussitôt la main à sa bouche, et d’un air effaré et confus s’excusa de son mieux.
« Pardonnez-moi ! Je viens de recevoir un... message télépathique et... Mais reprenez, mon cher ami, reprenez, je suis un peu fatiguée en ce moment, mille excuses ! »
Le Marchepiedain s’inclina et reprit.
« ... De bien vouloir accepter ces quelques produits de notre jolie province où nous cultivons depuis toujours l’art de travailler le cuir et l’argent, en espérant que les échanges commerciaux que nous... »
Mélamine décrocha. Dans son esprit, des images étonnantes se présentaient, comme dans un rêve. Elle voyait l’ambassadeur roué de coups par les soldats de la Garde, puis égorgé par une longue dague fine, et sa main, sa propre main qui levait vers le ciel le poignard encore dégoulinant de sang, tandis que la même voix rocailleuse ricanait :
« Voilà tout ce que méritent les Humains ! »
Très pâle, elle s’accrocha aux accoudoirs de son fauteuil et se concentra pour chasser cette vision. D’autant que l’ambassadeur avait terminé son discours et attendait une réponse qui tardait à venir...
« Très bien, très bien... Le Territoire de L’Ouest est honoré de votre visite et je vous remercie en son nom de l’intérêt que vous nous portez. Mais venez », ajouta-t-elle en se levant, « des rafraîchissements nous attendent dans le salon d’honneur. Nous pourrons y converser de manière plus conviviale... »
Elle eut l’impression que se lever et marcher lui avaient permis de retrouver sa lucidité. Elle avait dû s’endormir sans s’en rendre compte, et faire un cauchemar ; il faudrait absolument qu’elle se couche tôt ce soir...
« A mort l’Humain ! Frappe-le ! Tue-le ! Empale-le ! »
Elle sursauta. Toujours cette voix dans sa tête.
« Citronnelle, peux-tu t’occuper de notre invité ? Je ne me sens pas très bien...
- Mais oui, tu es toute pâle ! J’appelle Graindorge Troisvolumes ?
- Non, non. Envoie-moi plutôt Lacanel Doltisko. Je serai dans le salon rose. »
Elle avait eu le temps de retirer ses bottines et de s’enfoncer langoureusement dans un immense fauteuil quand elle entendit gratter à la porte.
« Entre, Lacanel ! Je suis bien contente que tu aies pu te libérer.
- Mais tes désirs sont des ordres, Suprémissime de mon coeur... », lui répondit le sorcier avec un regard malicieux. « Et mes étudiants étaient ravis de finir avant l’heure ! Ils ont souvent tendance à penser que les sorts de Possession et l’Emprise Spirituelle sont des domaines particulièrement rébarbatifs...
- S’il te plaît... Peux-tu me scanner ?
- Toi ? Qu’est-ce qui t’arrive ?
- J’ai... j’ai eu des pensées étranges, tout à l’heure... et des visions, aussi. Des choses qui ne me ressemblent pas. »
Lacanel éclata de rire.
« Il devrait être bien puissant, celui qui voudrait t’Empriser ! Mais si cela peut te rassurer... »
Debout face à elle, il tendit ses paumes devant son front.
« Baisse tes barrières, s’il te plaît.
- Elles sont baissées... Enfin, je crois.
- Ah non ! J’ai devant moi un mur d’acier infranchissable... »
Mélamine ferma les yeux et se concentra.
« Là, ça va ?
- Non. Je ne passe pas.
- Je ne sais pas ce qui m’arrive, je... tu crois que ça peut être un signe d’Emprise ?
- Oh, ça m’étonnerait... Tu travailles trop, à mon avis, et tu as du mal à te détendre. Tu devrais en parler à Troisvolumes.
- Non, merci, je ne suis pas malade ! Et puis je ne veux inquiéter personne. Ce doit être la fatigue. Je vais rentrer chez moi et demain ça ira mieux.
- Essaie de te reposer : pas de magie, même pas de transmission, d’accord ? Tu es venue comment ?
- En téléport’, j’étais pressée.
- J’ai mon balai en bas, je te ramène. Iriador ne sera pas jaloux ? »
Mélamine lui sourit franchement. Lacanel Doltisko était réputé pour être le plus grand séducteur de Calidysme, mais c’était avant tout un sorcier loyal qui n’avait jamais manifesté à Mélamine que la plus fraternelle des amitiés ; ils étaient de la même promotion, et ils avaient en commun le souvenir de plus d’une détestable farce de potache...
Installée derrière lui sur le balai sport quatre étoiles flambant neuf, Mélamine s’efforçait de mettre son esprit au repos, quand la même voix grave fit irruption dans sa tête.
« Il est beau, ce Lacanel. Il a un charme fou. Et sa peau doit être douce, ses bras puissants... »
Elle sursauta.
« Tu l’as entendue ?
- Quoi ?
- Cette pensée ! Ce... Ce n’est pas moi... C’est... Je ne sais pas, je ne comprends pas...
- Non. Tes barrières sont toujours là. Ca disait quoi ?
- Oh... rien d’important... »

La maison était vide. Les enfants étaient encore à l’école et Iriador rentrait toujours plus tard. Elle se servit une bonne camomille et s’allongea sur le divan. Prairie, Poivrée et Frêne vinrent se lover autour d’elle, et elle ne tarda pas à s’assoupir. Des hurlements la tirèrent brutalement du sommeil.
« Maman est rentrée !
- Youpi !
- Maman, maman !
- Non, moi d’abord !
- Toi après !
- Assez, bande de morveux, ou je vous explose la tronche ! »
Mélamine réalisa qu’elle était debout, la main tendue comme pour lancer un sort, le visage déformé par un rictus de colère, devant deux paires d’yeux bleus pétrifiés de stupeur. Un grand vide lui noua le coeur, entre la peur, la honte et le chagrin. Elle se laissa tomber sur le canapé, et bredouilla :
« Je... suis désolée, mes chéris... J’étais endormie et... je suis fatiguée... Je vous demande pardon. Venez m’embrasser, là. »
Le visage entre les deux têtes adorées, la blonde et la rousse, elle sentit les larmes monter et réussit à les contrôler.
« Je vais me reposer un peu dans ma chambre. Emeraude, peux-tu demander à ton père s’il veut bien rentrer un peu plus tôt ? Et... je vais te laisser préparer le dîner, tu sauras ?
- Bien sûr que je sais ! Et Alphanelle Chanteloup m’a donné une recette de...
- Je peux l’aider ?
- Oui, tu peux, mais vous ne vous disputez pas, d’accord ? »

Iriador rentra aussitôt, très inquiet. Mélamine lui raconta cet étrange après-midi, et lui non plus, malgré plusieurs tentatives, ne put pas franchir ses barrières.
« Je deviens dangereuse, Iriador. Demain j’appellerai Citronnelle pour qu’elle gère à ma place les affaires courantes. S’il le faut, je démissionnerai. J’ai failli tuer les enfants ! Le mieux serait que je parte quelque temps dans un endroit isolé, là où je ne pourrai nuire à personne. »
Il lui prit la main et l’embrassa doucement.
« Tu n’iras nulle part sans moi, mon amour. Tu veux venir dîner ? Emeraude s’est surpassée ! »
Mélamine secoua la tête.
« Je m’occupe des enfants et je reviens. »

Dans un demi-sommeil, Mélamine sentit que la porte de la chambre s’ouvrait, et qu’une main fraîche se posait sur son front.
« Maman, c’est Felinor.
- Va voir papa, mon chéri, je me repose.
- Mais maman, je sais ce que tu as, maman.
- Mais bien sûr, mon chéri, je suis fatiguée.
- C’est à cause de la fille, maman. Elle a une méchante voix et elle veut du mal à tout le monde. »
Mélamine se redressa et alluma la lampe.
« Qu’est-ce que tu dis ? Tu as passé mes barrières ?
- Ben oui, tu ne les fermes jamais devant moi, n’est-ce pas ?
- Iriador, viens ! »

Le petit garçon s’assit sur le lit des parents, très fier d’être le centre de l’attention.
« Voilà. Maman attend une petite soeur. Mais la petite soeur est méchante.
- Voyons, Felinor », l’interrompit Iriador assez sèchement, «si cette petite soeur existe, elle ne peut pas transmettre, elle n’a que quelques heures... »
Mélamine lui décocha un regard de reproche, mais Iriador haussa les épaules.
« Je pense que Felinor sait que les hommes et les femmes font des enfants, ma chérie... Comme les chats... »
Felinor sourit d’un air entendu.
« Elle le peut... Parce que ce n’est pas son esprit à elle... Enfin je veux dire... Ce n’est pas un esprit neuf... C’est comme quand je me glisse dans l’esprit de Tipois pour le faire marcher sur les pattes arrière...
- Tu fais ça, toi ? »
L’enfant fronça les sourcils.
« C’est un jeu, maman, ça ne fait pas de mal, Tipois ça lui plaît bien...
Les deux parents échangèrent un regard perplexe.
« Continue, Felinor.
- Il y a un esprit... Je sais que ça n’a pas de couleur, normalement... Mais moi je le vois rouge... Et il a envahi la petite soeur et c’est lui qui embête maman.
- C’est bien, mon garçon. Je suis très fier de toi. Et maintenant mon bonhomme, au lit. Je vais m’occuper de ta maman pour que ce vilain esprit ne fasse de mal à personne, d’accord ? »
De retour dans la chambre, Iriador trouva sa femme assise dans le lit, visiblement troublée.
« Tu crois... Tu crois que c’est possible ? Que Felinor ait passé mes barrières alors que toi et Lacanel ne l’avez pas pu ? Et cette histoire d’esprit... »
Iriador se voulait rassurant, mais manifestement il était préoccupé.
« Je ne sais pas. Felinor ne mentait pas, j’en suis sûr. Ce garçon est assez... surprenant. Si son don de Clef est assez développé, pourquoi pas ? Je t’avoue... que je le crois. Et puis c’est logique ; ça explique la foudre sur notre lit. Cet esprit te cherchait, et ne pas te trouver chez nous l’a mis en rage. Malheureusement, il a réussi à te localiser quand même. »
- Mais qu’est-ce que je peux faire ? Je ne vais pas donner naissance à un esprit démoniaque !
- Mon amour... Cette situation nous dépasse un peu. Je pense qu’il faut en reparler à Lacanel Doltisko, et peut-être à Phanigann, aussi. Pour l’instant je vais te faire dormir. Et nous reverrons ça demain, à tête reposée.
- Tu as raison. Ah... Demain, si l’école t’appelle pour te dire qu’Emeraude est absente, réponds que tu es au courant, qu’elle est souffrante ou que nous avions besoin d’elle, ce que tu veux.
- Mais...
- Je t’expliquerai demain. Elle... aura des choses à faire. Ca va arriver demain, je n’y peux rien, c’est déjà écrit. Et je pense que mon père aura lui aussi, si je puis dire, d’autres lièvres à courir.

Le jour pointait à peine qu’Iriador appelait Lacanel Doltisko. Ils convinrent de garder Felinor avec eux, son aide pouvant être déterminante. Puis Iriador prépara le petit déjeuner. On sonna à la porte.
« J’y vais », cria Emeraude.
« C’est Lacanel ?
- Non... euh... Papa, c’est une camarade de classe... Bon, je... Je pars à l’école !
- Et tu ne déjeunes pas ?
- Pas le temps ! A ce soir... »

Felinor raconta à Lacanel tout ce qu’il avait perçu. Celui-ci hocha la tête à plusieurs reprises.
« Bien. Sans vouloir t’alarmer, Mélamine, je crois que ton fils a raison. Ce qu’il décrit est tout à fait cohérent. Une âme damnée a dû réussir à s’infiltrer dans l’embryon à peine formé. Il nous faut absolument le déloger de là. Félinor, tu t’es déjà connecté à d’autres sorciers ?
- Non, m’sieu.
- Alors, écoute-moi bien. Tu es un grand garçon. Nous allons essayer de guérir ta maman. Et nous avons besoin de toi, parce que tu es le seul à pouvoir passer ses barrières. Donc ton père et moi nous allons tout doucement nous joindre à ton esprit, et tu nous montreras le chemin. Ensuite, nous essaierons de chasser la méchante voix. Mais c’est toi qui nous permets d’entrer, aussi fais bien attention, même si ce que tu ressens est désagréable, ne te retire pas brusquement. Tant qu’Iriador ne te lâche pas la main, tu tiens, d’accord ?
- Je tiendrai, m’sieu. J’ai pas peur. »
Les deux adultes prirent chacun une main de Felinor tandis que Mélamine essayait de respirer calmement. Felinor sentit le contact hésitant puis joyeux d’Iriador, et celui, plus pondéré mais non moins puissant, de Lacanel.
« Ouaouhhh... », murmura-t-il. « Quelle lumière ! Je me sens tellement fort... C’est génial ! »
La voix de Lacanel dans sa tête l’exhorta doucement :
« Ne t’excite pas. Tu fais comme hier, comme si tu étais seul.
- Comme si j’étais seul... Ah oui, je vous mets en cache. Facile. Vous êtes tapis, prêts à bondir, et moi j’entre à pas de loup, comme Franckie... »
« Qu’est-ce que c’est que ça ? »
Mélamine s’assit d’un bond, les yeux injectés de sang et la voix déformée par l’étrangère présence.
« Retirez-vous tout de suite ! Vous ne pouvez rien contre moi ! J’ai dit : dehors ! »
Il y eut comme un tremblement de terre, et les trois sorciers se trouvèrent projetés à l’autre bout de la chambre, sans avoir pu résister à l’immense vague d’énergie qui déferlait sur eux.
« Désolé,’pa, je crois qu’il m’a vu venir...
- Il est terriblement puissant », constata Lacanel, «et totalement maléfique. J’avoue être un peu démuni...
- Le mieux serait que je m’isole », déclara Mélamine. « Je ne veux nuire à personne, et dans l’état actuel je représente un danger permanent pour tout le Monde Violet.
- Effectivement », approuva Lacanel d’un air désolé. « Je peux te prêter mon chalet, si tu veux, dans les Monts Solitaires. Il est loin de tout, et ça nous laissera le temps de trouver une solution.
- Peux-tu m’emmener maintenant ?
- Je viens avec toi.
- Non, Iriador. Nous ne pouvons pas laisser les enfants seuls, pas en ce moment.
- Très bien. Ce soir je les emmène chez Walky et je te rejoins. Que tu le veuilles ou non.
- Maîtresse Suprême, je crains que ton mari n’ait une âme de rebelle ! »
Mélamine sourit, mais le coeur n’y était pas.

Le chalet était à moitié enfoncé sous la neige et un fort vent de nord sifflait dans les sapins. Lacanel avait allumé un bon feu de cheminée et lui avait laissé des provisions. Mélamine s’assit dans le fauteuil près du feu et posa les mains à plat sur son ventre.
« Que veux-tu ? Je sais que tu es là. Réponds-moi : que veux-tu ?
- Vivre !
- Tu as déjà vécu. Et tu as sans doute fait le Mal...
- Et il me tarde de recommencer !
», ricana la voix cruelle.
- Quel est ton nom ?
- Que t’importe ? Tu n’es qu’un véhicule que j’emprunte. Je ne te dois rien. Grâce à mon pouvoir je grandis beaucoup plus vite qu’un foetus normal. Dans quelques semaines je sors, et à moi la vie ! Tu ne veux pas écouter mes conseils, tant pis pour toi : je t’aurais donné le Pouvoir Absolu, tu aurais eu le Monde Violet à ta botte... Il me faudra peu de temps pour devenir adulte, et alors tu comprendras que tu as eu tort d’essayer de me chasser... Je ferai le Mal avec une délectation rageuse, et je clamerai partout que je suis la fille de Mélamine Courtepointe. Que dis-tu de cela ?Demonia. Tel sera mon nom : Demonia Courtepointe ! Penses-tu encore que les sorciers te feront confiance, quand ils sauront que tu es ma mère ?
- Quel plaisir trouves-tu à faire le Mal ?
- Ah ! Une jouissance infinie, apocalyptique ! La peur dans les yeux des hommes, la douleur dans ces corps tordus, le sang, la guerre, la haine... C’est un univers d’émotions intenses...
- La confiance, la tendresse, l’amour, sont également porteurs d’émotions...
- Pfui ! De la pacotille ! C’est toute la différence qu’il y a entre une limonade et un alcool fort !
- Tu n’as jamais eu envie que quelqu’un t’aime ? Que quelqu’un te serre dans ses bras, t’appelle « ma petite chérie », te réchauffe, te protège, t’entoure d’attentions et de soins ? Raconte-moi ta première vie. Car tu as eu une vie, n’est-ce pas, avant de devenir démon ?
- J’ai effacé cette vie de ma mémoire. Je ne veux plus rien savoir de cette vie !
- As-tu été abandonnée, trahie, malheureuse ?
- J’ai fait tout le Mal que je pouvais, et j’en suis fière !
- Mais si quelqu’un t’avait tenu la main...
- Je l’aurais tué, piétiné, déchiqueté !
»
Mélamine se tut. L’enfant dans son ventre grossissait sensiblement. Il lui était maintenant parfaitement perceptible, et ses mouvements brusques lui devenaient douloureux. Elle ferma les yeux pour absorber la souffrance.
« Je ne te laisserai pas vivre », prononça-t-elle à haute voix.
- « Alors tu mourras avec moi !
- Très bien. »
Comment peut-on tuer l’enfant que l’on porte ? se demanda Mélamine. Cet être tout neuf issu de l’amour, cette promesse de vie faite de mon sang et de ma chair... Non. Un corps innocent mais un esprit diabolique, puissant, un démon qui répandra la souffrance et la terreur et que rien ne pourra fléchir... Pardon, petite fille innocente. Je n’ai pas trouvé le moyen de te sauver. Il faut que tu meures.
Refoulant les larmes qui montaient déjà à l’assaut de ses yeux, Mélamine fit appel à toute sa concentration, à toute son énergie. Elle localisa le cordon ombilical, visualisa l’artère nourricière, et déploya autour d’elle un lacs d’énergie. Son esprit ne vacilla pas quand elle commença à serrer le noeud.
Un hurlement sauvage retentit dans sa tête. Le démon se débattait, cognant dans son ventre de toutes ses forces, il criait comme une bête qu’on égorge pour troubler sa concentration. Mais Mélamine tenait. Le démon avait réussi à bloquer le resserrement du noeud, mais il avait réagi trop tard, le flux sanguin était insuffisant pour assurer sa survie.
« Ah ah ! J’ai gagné ! Tu vas mourir, et je vais vivre ! »
Mélamine eut l’impression qu’une bête sauvage lui déchirait les entrailles. Le foetus avait réussi à se faire pousser des dents, et il dévorait goulûment le placenta, pour se nourrir et trouver ainsi la force de sortir, probablement en arrachant la paroi abdominale quand il serait prêt. Le sang coulait à flots à l’intérieur d’elle, sa tête commençait à tourner, mais Mélamine ne lâchait pas sa prise.
« Thanata.. », murmura-t-elle de son souffle affaibli.
La Mort apparut aussitôt.
« Mélamine, qu’as-tu fait ?
- Phanigann... Val... Si cet esprit vient au monde, plus rien ne pourra l’arrêter ! Tue-moi, vite ! Avant qu’il ait la force...
- Oh la la... Ssa va trop vite, tout ssa ! Et puis ze ne peux pas... SSTOP ! »
Elle arrêta le Temps de Mélamine et s’assit dans l’autre fauteuil pour réfléchir.
« Thanata, ma ssérie, là il faudrait que tu ssoies abssolument zéniale ! Mais moi toute sseule... Z’ai pas été formée pour sse zenre de ssituassion !Au ssecours ! »
Un tourbillon de neige entoura le chalet pendant quelques secondes, tandis que se matérialisaient autour d’elle Aztarek Phanigann, Valdenaire Phanigann, son fils, et Iriador, complètement éperdu.
« Elle ne peut pas mourir, pas elle !
- Z’ai arrêté sson Temps, Iriador. Nous avons quelques minutes pour esssayer... ssi ss’est posssible...
- CA L’EST ! », s’écria Felinor en apparaissant à son tour, sa main dans la main d’un personnage gigantesque, vêtu d’habits d’or étincelant aux reflets orange, entouré d’une aura scintillante faite d’étincelles multicolores.
- « Dynamis ! », murmura Thanata en reculant d’un pas.
- « Eh oui, c’est moi ! », tonitrua-t-il joyeusement. « Tu ne me reconnais pas, Iriador ? Je suis le Seigneur du Feu, le Maître de l’Energie. Et tu as un petit bonhomme drôlement courageux !
- C’est une Entité », ajouta Felinor d’un ton docte. « Comme Thanata. Il vit dans l’Interspace, où normalement on n’a pas le droit d’aller. Mais à force d’envoyer mon esprit dans le feu, je l’ai trouvé !
- Allons, mon garçon, moins de discours et plus d’action. Thanata, si tu veux bien remettre en marche le Temps... »
Dynamis enveloppa Mélamine de son aura lumineuse. L’hémorragie cessa, le cordon fut définitivement coupé, et le démon jeta un dernier glapissement étranglé avant que son corps ne fût secoué d’une ultime convulsion.
Mélamine ouvrit les yeux.
« Iriador ! Felinor ! Dynamis !
- Reste calme, ma chérie. Tout va bien. Tu es sauvée. Il faut faire naître cette pauvre enfant. Tu crois que tu en seras capable ?
- Oui, bien sûr. Dynamis m’a donné assez de force pour soulever une montagne ! »

Les Mortifères (3), convoqués par Thanata, vinrent recueillir le pauvre petit corps sans vie.
« Un instant », demanda Mélamine.
Elle prit dans ses bras le nourrisson inanimé, et l’embrassa sur le front.
« Pauvre petite fille ! Je te demande pardon. Je n’avais pas le choix. Ton esprit innocent a été subjugué par bien plus fort que toi. Je te nomme Agneia. Fasse le Grand T qu’on t’accorde une autre vie, plus paisible et plus douce. Adieu, mon enfant. »
Phanigann et Valdenaire étaient repartis aussitôt, tenant entre leurs deux Pouvoirs l’esprit du démon enchaîné.
« Je rentrerais bien à la maison », soupira Mélamine.
« Je vais tous vous ramener », assura Dynamis. « Mais avant, Mélamine, Iriador, j’ai une requête à vous présenter. Ce jeune homme (Félinor, d’habitude si maître de lui, rougit violemment) m’a demandé d’être son parrain, et j’ai accepté. Nous avons bien sympathisé, tous les deux, et je souhaiterais le prendre avec moi pendant un an. Est-ce que vous accepteriez qu’il manque l’école ? Ce que je lui apprendrai est un peu différent, certes... mais à mon avis tout aussi enrichissant...
- Et je travaillerai tout l’été pour rattraper les cours et je passerai l’examen de septembre et je ne redoublerai pas ! », s’écria l’enfant enthousiaste.
- C’est un grand honneur que tu nous fais », répondit Iriador. « Je... ne sais pas comment te remercier...
- Moi ze ssais ! », intervint Thanata. Dynamis se plaint souvent qu’il s’ennuie dans l’ Interspace, et ses yeux s’allument de convoitise quand je lui parle de la fameuse blanquette de veau de Mélamine... »
Mélamine éclata de rire.
« Eh bien je crois que je n’ai plus qu’à me mettre aux fourneaux ! Ce soir, grand dîner avec les parrains et marraines... Tu appelles Esprit-des-Saules, Thanata ? Et je crois que ce serait bien d’inviter aussi Lacanel... et Franckie... et Phanigann... et Valdenaire... et...
- Stop ! Pour les banquets officiels, c’est au Palais ! Chez nous je voudrais conserver un peu d’intimité... »

Emeraude se glissa dans la cuisine où Mélamine, essuyant une larme, s’activait pour préparer le repas tandis que les invités plaisantaient autour de l’apéritif.
« Alors, j’ai tout raté ? », demanda la petite sorcière d’un ton plaintif. « Et Felinor me nargue en me disant « moi mon parrain c’est Dynamis, un partout, et toc, et je pars en stage un an avec lui, et toi non ! »
Mélamine s’assit et la prit sur ses genoux.
« Ta journée s’est bien passée, à l’école ?
- Oui oui...
- Emeraude Courtepointe, quoique je sois beaucoup plus vieille que du temps des Mangeurs de Temps (4), crois-tu que tu peux mentir à ta mère ?
- Mais... tu savais que c’était aujourd’hui ?
- Evidemment. Crois-tu que grand-père Aztarek t’aurait fait manquer l’école sans m’avertir ? Alors, comment as-tu trouvé ta journée ?
- Passionnante ! J’ai appris plein de choses, et nous avons sauvé grand-mère Corinanthe, n’est-ce pas ?
- Oui, et personne d’autre que toi n’aurait pu m’aider aussi bien ! »
L’enfant se blottit contre elle et lui murmura :
« Tu as de la peine pour le bébé, hein maman ?
- J’ai de la peine, ma chérie. Mais j’ai déjà deux enfants merveilleux et je crois que j’aurais tort de me plaindre.
- Tu as une fille merveilleuse, ça c’est sûr », déclara Emeraude d’un ton espiègle. « L’autre allumé, là... »
Mélamine fronça le sourcil, mais son sourire était tendre.
« C’est vrai que ça lui va bien, allumé... Allez, file, va leur dire que c’est prêt ! »
Une clameur enthousiaste accueillit l’entrée triomphale de Mélamine qui portait un plat fumant aux effluves délicieux.
« Ssa ss’est la vie ! », s’exclama Thanata.
Et la petite chaumière au milieu des bois retentit d’un éclat de rire unanime qui résonna jusqu’au ciel.

N.d.A.

(1) : Tous les chats de Mélamine sont verts
(2) : cf « Le dix-huitième Arcane », in Concours « Poussière de lune »
(3) : Les Mortifères sont des créatures transdimensionnelles chargées de transporter les dépouilles des sorciers morts jusqu’à la dimension T
(4) : cf « Affaires de famille », in Concours « Les spirales du Temps »

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© Narwa Roquen



Publication : 17 mai 2009
Dernière modification : 18 mai 2009


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2 Commentaires :

Elemmirë Ecrire à Elemmirë 
le 28-05-2009 à 18h10
Eh beh!
Il promet, ce petit!!
C'est trop bien les épisodes de Mélamine, il se passe cent choses à la minute, c'est du concentré, c'est bien pensé, bien écrit, attendrissant, drôle et parfois quand-même on tremble un peu comme les enfants devant les méchants de Disney, mais on sait que ça va toujours finir bien! Mais c'est quand-même moins niais que Disney, hein, n'allez pas croire que je compare...... :)
Netra Ecrire à Netra 
le 22-05-2009 à 22h37
Des étonnants mouflets de Mélamine Courtepointe... ATTENTION SPOILER
Episode bien mené de la saga Courtepointe, où l'on approfondis un peu le personnage de Felinor, qui éclipse temporairement sa charmante aînée. Alors lui, à défaut d'être un sorcier surdoué (quoiqu'on n'a encore rien vu !) fait joujou avec les atomes... C'est mignon !
Bon, t'as failli me faire pleurer avec le coup de l'avortement. Par contre, j'ai bien ri avec les pensées inopportunes qui travers...

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