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Éloge du gris

Comme chacun sait, au commencement, il n'y avait rien. Zéro étant l'inexistence, il n'était même pas une bulle.
Et puis, du hasard du néant, du vide absolu, émergea le Un.
Comme il ne trouvait rien autour, Un se prit pour tout. "Je suis unique! , clama-t-il, l'univers est Un et tout n'est qu'une seule chose: Moi!". Un, ivre d'existence, certain, impudent, imbu de lui-même, imperturbable, promenait son entièreté mégalomaniaque dans l'inconsistance. Droit comme un 1, fier comme un paon, dictateur du rien, Un se pavanait... Et finit par se lasser.
"Quel Untérêt qu'il y ait quelque chose, enfUn, si personne ne le voit? Je voudrais être quelqu'Un... mais sans copUns... Un, sans riUn d'autre, sept et trois... C'est trop étroit... Seul, je suis inutile! Je suis vUn!"
Un comprit que sans le regard de l'autre, il ne valait pas mieux que ce néant béant qui l'entourait.

D'un miracle opportUn, vingt le Deux. "Deux, sept un plus", se dit le Un satisfait. Bien vite, il réalisa que Deux, c'était beaucoup mieux que ça. À deux, ils commencèrent à compter. L'un pour l'autre. Un, Deux, Un, Deux, ça marchait bien entre eux. Deux créa l'ombre pour qu'on voie la lumière, Deux créa le silence pour qu'on entende la musique, Deux créa le non pour que Un lui dise oui. Par Deux, on put aussi multiplier: de foi, tout devient possible. Bref, Deux créa le monde.

Se complétant, se reflétant, Deux posant l'alternative et Un unifiant, chacun ému du travail de l'autre, Un et Deux devinrent Untimes, Unséparables. Bras Deuxsus-bras Deuxsous, de treize agréables réveils en douze après-midi, vingt une nuit où, de la tiéDeuxr d'un câlUn, naquit une étrangeté inattendue: le Trois.
...Et avec lui, une tornade de changements! Trois déstabilisa tout ce qui tenait debout. Trois virevoltait, Trois valsait, quelle idée! Trois, marginal, instable, déraisonnable, se déclara artiste et inventa de farfelues inutilités: Un et Deux ne comprirent rien au gris, qui n'était ni blanc ni noir. Ils cherchèrent longtemps la signification du peut-être, sans jamais la seizir. Ils jugèrent que leur produit, ni à droite ni à gauche, fréquentait un milieu malcin,quante à sa passion pour l'incertain, elle les minait profondément. Excédés, ils tentèrent d'en dixcuter:
"Regarde-le! C'est indécent, ce n'est qu'un bon à rien! Tout est ta faute! Avant toi, je régnais dans l'absolu, sans peine et sans fatigue!
- ...et sans joie et sans énergie...
- Mais tout était clair! J'étais tout!
- ...et tu n'étais rien! Ah, soupira Deux, je crois bien, c'est vrai, que cette nuit-là où nous nous sommes additionnés, nous avons fait un impair... Mais c'est de toi qu'il tient, assurément", ajouta-t-il dans un sourire narquois.
- "Vraiment? Et cent toi, comment me serais-je multiplié? C'en est trop! Ne compte plus sur moi!"
Un, survolté et humillier, s'enfhuit.

Deux s'assix seul sur son séant, sachant, soucieux, que siéger en ce rien sans son cher Un, c'est sûr, c'est incentsé... (et imprononçable, en plus.)
"Je viens de nous diviser", centglotta Deux. "Un a toujours été là pour rassembler, unir, tout intégrer, et moi, je ne sais que scinder! Septerrible! Sixeulement je savais comment..."

Trois, attendri, approcha en tournoyant presque sans bruit, et d'une voix de jazzman swinguante, souffla quelque chose à l'oreille de Deux.

Deux sourit. Il avait tout compris. Il venait d'apprendre le compromis.

Trois heures plus tard, entre chien et loup, Un et Deux dansaient la java que Trois venait d'inventer pour eux. Deux s'extasiait devant les mille nuances du rire de Un, qu'il n'avait jamais perçu jusqu'alors, et Un découvrait avec délectation les innombrables couleurs qui illuminaient enfin le ciel.
Depuis, on ne parle jamais d'eux sans Trois, qui du compromis les unit dans un éloge du gris. Et l'envie leur vingt de s'additionner encore et encore..

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© Elemmirë



Publication : 12 août 2006
Dernière modification : 09 novembre 2006


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3 Commentaires :

Robin 
le 17-10-2006 à 02h08
L'éloge du bien
La subtilité de la vie transparait dans ce message de paix.
Le bien fondé de l'être qui l'écrit n'est plus à prouver.

Douceur sucrée des méandres du clavier,
Agréable moment de lecture partagée.

Tu sais que .. .'....
Narwa Roquen Ecrire à Narwa Roquen 
le 18-08-2006 à 19h14
Champagne?
C'est fin, transparent, pétillant... quelques grammes de fraîcheur... J'ai beaucoup aimé!
Estellanara Ecrire à Estellanara 
le 16-08-2006 à 11h02
Ce concours commence biUn
Fable très mignonne, drôle et émouvante, pleine de calembours inventifs. Une jolie fantaisie littéraire, originale et bien menée. Et en prime, transparaît une moralité de bon aloi, amenée avec naturel. Une belle réussite !


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