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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 9 decembre 2006 à 21:17:01
Une petite nouvelle pour une rapide mise en bouche. Bâtie avec deux fois rien et pas vraiment dans le style coutumier. Mais elle m'a plus dans son concept. Et encore sans doute rebelle comme un Noldor.

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Le général américain mâchouille une sorte de machin informe qui a dû être un cigare avant Thanksgiving. Mais cela fait près d’une année que le massacre sacré de la dinde a eu lieu pour rappeler le don de Samoset! C’est un cinquantenaire à la bedaine naissante, sanglé dans son bel uniforme rutilant de médailles gagnées pendant la campagne d’Italie et en Corée. Il a un faux air de Burt Lancaster, mâchoire virile et testostérones à la demande.

Dans la salle de commandement enterrée sous les Rocheuses, l’atmosphère est tendue. Les écrans géants s’illuminent de points brillants. Les estafettes vont et viennent, portant des télex urgents aux officiers de permanence. La grande mappemonde représente l’équilibre des forces en présence. Le monde est d’ailleurs en équilibre instable. Le survol d’installations cubaines a révélé des batteries de SS-4 à tête nucléaire sans compter les rampes de lancement, les missiles, les bombardiers.

Depuis trois jours, un blocus de Cuba est opérationnel. Or près de 30 navires soviétiques transportant des ogives nucléaires voguent vers l'île. Le monde retient son souffle et les joueurs du crépuscule se regardent droit dans les yeux. Ils bougent chaque pièce avec une infinie prudence, la maintenant dramatiquement immobile au-dessus de l’échiquier avant de la poser délicatement sur le plateau sans quitter l’adversaire du regard. Aucune prise n’est annoncée, juste des positions qui se renforcent. Si échec il y a, cela sera mat en un coup !

Le général, appelons-le Burty, s’éponge le front. Une douleur sourde lui taraude le crâne, l’éclat d’obus allemand inopérable se rappelle à lui. Un souvenir de plomb d’une saison de feu. Il connaît parfaitement la procédure. Le NORAD est une machine de survie. La survie américaine en tous cas, ou plutôt la conception américaine de la survie. Les gyrophares rouges projettent des lumières rouges tournantes tandis que des ordres sont aboyés dans les haut-parleurs scellés dans les murs.

Un téléphone rouge est silencieux sur le bureau en simili teck du général. Il est posé juste à côté des photographies du bonheur américain : une femme d’âge mûr souriante sous une savante composition capillaire, un grand étudiant dégingandé souriant en toge universitaire, une jeune femme blonde et svelte qui sourit aussi en tenant une raquette de tennis. La famille est bien là, à près de cent mètres sous les roches du Colorado.

Burty a mal digéré l’épaisse tranche de steak de son déjeuner au mess des officiers. Il se demande parfois si les tonnes de viandes à peine cuites qu’il a ingurgitées depuis son adolescente, ne sont pas directement tombées au fond de son ventre. Il se promet d’en parler à un oncologue de ses amis lorsqu’il pourra regagner la surface, après cette crise. Juste à droite, un clavier d’apparence inoffensive est protégé par un capot transparent. C’est le clavier d’armageddon. Il pense soudain qu’étymologiquement, armageddon signifie « montagne de Meggido ». Et où est-il sinon au coeur des plus hautes montagnes du monde puisque américaines ! Il détient le feu nucléaire après la validation du Président bien sûr. Burty est un texan et un fervent républicain qui lutte pour Dieu et l’Amérique. Il grince des dents chaque fois qu’il pense à ce foutu démocrate assis dans le bureau oval. Ses idées progressistes vont ruiner le pays. Il lui reconnaît cependant le mérite d’avoir coiffé au poteau les russkofs dans la course aux étoiles !

Les systèmes d’aération sont poussés au maximum mais il a chaud, très chaud en ce vingt-septième jour d’octobre. Il ne sait pas qu’à quelques 3.500 kilomètres de là, sur une île de musique et de filles torrides, un adepte de la philosophie jeffersonienne a convaincu un enfant de Kalinovka de frapper en premier pour éviter une invasion imminente des troupes américaines. Il ne sait pas que l’enfant a fait sa moue boudeuse et a rageusement lancé la série d’ordres secs à ses généraux aux visières de casquettes démesurées, enclenchant par là même le mécanisme infernal. Les démons ont frappé : un ange américain est tombé du ciel, touché en plein vol. L’ange s’appelait Enderson. Pour Burty, Enderson est maintenant chez lui, dans les cieux où il a toujours voulu être. Son oiseau noir aux ailes immenses ne l’empêchait pas de voler. Plus haut, toujours plus haut, toujours plus près des étoiles, si près des étoiles. Il rêvait de tendre la main pour toucher leur coeur de glace.

Dans quelques jours c’est la fête des sorcières mais avant cette nuit de citrouille, l’humanité aura connu son matin des magiciens, car la frontière est ténue entre le visible et l’invisible, le réel et l’irréel, la guerre et la paix. Burty soupire en repensant à la mort de la sublime résidente de Brentwood : cela l’a jeté dans un abîme de perplexité. C’est la faute des frères Dalton de la Maison-Blanche et sûrement leur plus sordide méfait. « Happy birthday, mister président » !

La sonnerie du téléphone rouge est assourdissante comme les clameurs des trompettes de Jéricho. Il doit se maîtriser pour ne pas plaquer les mains sur les oreilles. Il a horreur de ces exercices d’alerte. Il y en a eu plusieurs dans les dernières 48 heures, uniquement destinés à maintenir la chaîne de commandement en vigilance maximale. Il aperçoit derrière la paroi de plexiglas de son bureau les visages qui se lèvent vers lui. Il se force à paraître naturel mais personne ne lui a dit que ses traits n’ont jamais dissimulé sa nervosité maladive.

Il prend le combiné d’un geste olympien qui apparaît presque déplacé dans le contexte. Il le porte à son oreille et prend son air le plus pénétré. Mais au fur et à mesure qu’il écoute, ses traits se décomposent, masque de désolation. Il marmonne deux ou trois syllabes et raccroche le téléphone en le regardant comme s’il tenait un serpent. Il jette des regards désemparés par-dessus le bureau et croise ceux de ses subordonnés qui l’interrogent silencieusement. Un lieutenant laisse tomber ses dossiers. Les feuilles glissent au sol comme les pétales d’une fleur multicolore.

Alors il soulève le capot transparent et glisse dans une fente cruciforme une petite clé qu’il garde toujours autour du cou. Puis d’un doigt tremblant et hésitant, il compose la série de chiffres qu’il a tirée d’une grande enveloppe sans signe particulier. Il pousse deux boutons. A cet instant, de puissantes alarmes résonnent dans toute la base secrète. Enfin, il enfonce un gros bouton ressemblant à un champignon écarlate...C’est la fin du monde : dans quelques minutes, des centaines d’ogives nucléaires vont se croiser au-dessus de l’Atlantique pour s’abattre sur leurs cibles prédéfinies. Demain, il ne restera rien.

La guerre, c’est l’impasse de la vie. Aucune poésie, aucune grandeur là dedans. Il n’y aura pas d’anges descendant des cieux, pas de nobles chevaliers luttant avec honneur et courtoisie. Non, simplement quelques militaires qui suivent d’un regard de myope les prescriptions d’une fiche de procédure. Il n'y aura rien à voir sinon tous ces corps qui brulent et tous ces morts qui ne le savent pas encore.

M


  
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Fladnag  Ecrire à Fladnag

2007-01-05 11:28:56 

 WA 7 - Commentaire Maedhros - ADétails
Une tranche d'histoire, bien documentée... je n'ai pas vecu ces instants, mais ce texte fait bien ressortir l'espece de tension absurde qui a due regner sur cette epoque.

Le theme était de décrire "une scene de combat", ce qui te rend un peu hors sujet, mais bon, je te soupconne fortement de le faire expres ;o)

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2007-01-05 18:49:36 

 Commentaire Maedhros ex7ADétails
Oui, bon... Si la fiction se met à faire pire que la réalité, qui n'est déjà pas rose... Alors non seulement c'est hors sujet, mais en plus c'est le genre de texte à ne surtout pas lire dans la grisaille de janvier, après les fêtes, à la fin des vacances, avec les comptes dans le rouge...
Repassez-moi la boîte de chocolats, vite!
Narwa Roquen,ce soir j'embrasserai mon cheval deux fois au lieu d'une, voilà!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2007-01-06 11:17:54 

 Moi non plus....Détails
Moi pas directement, à l'époque j'étais très très jeune...voyons...j'avais...oups...tant que ça?


Par contre, les 2 textes sont volontairement écrits sur un mode "calme", même s'ils sont hors sujets (mais je suis coutumier du fait...) pour essayer de dessiner en creux la violence sous-jacente...

Quand j'ai écrit le second (sniper), j'avais ça en tête :

"C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. .."


M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-06-14 17:14:26 

 Exercice 7 : Maedhros => CommentaireDétails
Alors là, rien à dire, c’est du bonheur ! Le texte a pile la bonne longueur. Le portrait du général est réussi. On sent que tu es à l’aise pour créer des personnages. Je crois qu’on dit quinquagénaire et pas « cinquantenaire ». Le parallèle avec les échecs est sympathique. Tu distilles une satyre subtile de la culture américaine avec des références religieuses bien à leur place. Encore une fois, tu te joues du sujet en décrivant cette bataille moderne, d’une violence incroyable mais sans tambours ni médailles. Mention spéciale pour la belle phrase de fin.

Est', et de deux !

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