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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 4 octobre 2006 à 18:19:46
A.
J’ai erré tout le jour sans savoir où aller. La Brigade patrouillait dans les rues, dans les squares, et je n’ai pas osé m’asseoir de peur qu’ils ne m’embarquent. Une vieille chanson s’accroche à mes basques, que je fredonne malgré moi comme une litanie insensée :
« Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés... »
Pendant trois nuits j’ai pu trouver refuge dans le vieux tunnel désaffecté. Je n’ai pas fait de feu, je ne voulais pas attirer l’attention – et puis je n’avais plus d’allumettes - mais au moins j’étais à l’abri du vent. Ce matin, les enfants Cafard m’ont délogée à coups de pierres, et comme je protestais, l’aîné, Sal, a crié :
« J’vais le dire à mon père ! »
Depuis je marche. Une pierre a touché mon luth, dont trois cordes se sont cassées. La neige s’est mise à tomber, doucement d’abord, puis à gros flocons. Les rares passants, qui de toute façon me refusaient l’aumône, sont rentrés chez eux. Blanche et transie je marche comme un fantôme dans les rues désertes. Je pense à mon bel amant, Augustin, Cigale de mon coeur... si tendre, si jeune...
« Je vais nous chercher un petit nid pour l’hiver », m’avait-il promis.
Ah, j’aurais dû l’accompagner... Non, j’ai bien fait de le laisser partir. Peut-être un heureux hasard lui aura-t-il fait rencontrer une autre fiancée, plus jeune et plus belle. Car le temps passant, qu’aurait-il fait de moi ? Je n’aurais pas voulu lire un jour dans ses yeux la honte de moi, l’ennui, pire, le dégoût.... J’ai bien fait, mais j’ai froid.
Le vent s’est levé, maintenant, gelant les flocons en un cruel grésil qui me fouette le visage. Je n’irai pas beaucoup plus loin. Je vais frapper à cette porte, advienne que pourra.
Je baragouine quelques mots rauques et sans timbre. Ma voix s’est cassée tout autant que mon espoir. Pour m’approcher un peu plus de la lumineuse chaleur qui se déverse à flots de cette riche demeure, je pose ma main droite sur le montant de la porte. Derrière ses petites lunettes carrées, le regard de la Fourmi me foudroie d’un mépris cinglant qui ne me touche pas. J’ai froid. Puis elle hausse le ton et dans une insulte que je n’entends même plus elle claque la porte à toute volée, comme un couperet qui tombe. Est-ce que j’ai mal ? Je regarde sans y croire quelques gouttes de sang gelé perler au bout de ce qui reste de ma main.
Le ciel s’est obscurci. Je tombe à genoux, je me laisse glisser dans la neige et une douce tiédeur m’envahit. Je ferme les yeux. La neige me recouvre. Je vais pouvoir enfin dormir...
« Séraphine ! Séraphine ! »
C’est l’été, je m’envole dans le ciel limpide, je vole vers toi, Augustin, en chantant ma plus belle chanson...

Au bout de la rue, une silhouette enveloppée dans un long manteau court maladroitement dans la neige en criant :
« Séraphine ! C’est moi ! Je suis revenu ! »





B.
Note : le texte qui suit n’est pas la suite du précédent.

Quelques années plus tard....
D’abord arrivèrent les journalistes, nuée vorace et envahissante, déferlant dans l’allée des Oliviers à grand renfort de micros, caméras et projecteurs. Puis ce fut le Conseil Municipal, banderoles en tête, et Monsieur le Maire Ernest Perce-Oreille drapé dans son écharpe bleue. Enfin, poursuivie par une armée assourdissante de gamins en délire, une longue ( très longue) limousine blanche décapotable se gara en face du numéro 26.
« Leebats ! Leebats ! Leebats ! » scandait la foule en lançant fleurs, confettis et sous-vêtements.
Les quatre passagers de la voiture, Ray-Ban disparaissant presque sous une épaisse frange lissée, sourire usé retenant un vieux pétard, saluaient nonchalamment de leurs mains alourdies par d’énormes bagues. John Cigalonn, le leader, réclama le silence et alla sonner à la porte de la coquette maison blanche. Dame Fourmi vint ouvrir... et fut aussitôt bousculée, happée, jetée dans un fauteuil par la horde enthousiaste et hurlante.
« Le micro est branché ? Un deux un deux...OK, man...C’est avec une grande joie... Quoi ? Plus à gauche ? Là, tu me vois ? C’est avec une grande joie que je reviens aujourd’hui, entouré de mes amis... Paul, au chant et à la guitare... (applaudissements) ...George, à la basse...( applaudissements)... et Ringo... à la batterie ! (applaudissements)... Yeah ! Que je reviens, yeah ! Pour remercier celle qui pour moi représente la bonté incarnée... celle dont la générosité, la prévenance et la gentillesse... m’ont autrefois sauvé la vie ! Et on l’applaudit bien fort ! Dame Cunégonde Fourmi ! »
Aveuglée par la mitraille des flashes, brûlée par la chaleur des spots, étourdie par les cris, les vivats et les effets Larsen, Dame Fourmi se laissa pousser d’un air hagard jusqu’à l’immense table qui avait été dressé dans le jardin. Ernest Perce-Oreille à sa droite lui répétait « Souriez, Dame Fourmi, souriez ! », et John Cigalonn, à sa gauche, ne cessait de remplir son verre, qu’elle vidait consciencieusement sans rien comprendre... Il lui sembla bien voir passer ses bocaux de cerises et son nectar d’abricot, mais l’alcool de poires ( qui avait le même goût que le sien) lui montait à la tête...
Peu avant la nuit, la marée bruyante se retira, laissant ça et là quelques groupes attardés qui discutaient encore, plaques de varech visqueux sur la plage déserte...Dame Fourmi se leva en titubant. Le jardin et la maison n’étaient plus qu’un grand champ de bataille, ou plutôt un champ de ruines – fleurs piétinées, vaisselle cassée, lampes brisées, fauteuils éventrés, tapis déchirés...La porte de la réserve, derrière la cuisine, était restée ouverte. Elle se prit la poitrine à deux mains pour contenir sa douleur. Rien, plus rien, il ne lui restait plus rien...
De loin elle entendit le Maire lui crier :
« Oh, à propos, Dame Fourmi ! Après délibération du Conseil Municipal, cette maison est réquisitionnée ! Nous en ferons le Musée National des Leebats ! Ne vous inquiétez pas, je vous ai trouvé un petit studio dans les HLM du Tunnel... »
Dame Fourmi s’évanouit. Elle n’entendit pas les hurlements de Joe Cafard, qui clamait en vain son innocence entre deux policiers de la Brigade.
« Trafic de drogue, mon lascar, ton compte est bon... »
La limousine blanche reprit la route. Les quatre musiciens , les cheveux au vent, chantaient à tue-tête :
« Let it be, let it be, oh let it be... »
Narwa Roquen,pas en veine d'être drôle, mais revancharde si


  
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