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 WA - Participation exercice n°154 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Mardi 28 mars 2017 à 08:40:33
Les chevaux de mon âme


La bande-son


Ce soir, j’irai à la fête foraine. Comme chaque année quand revient le printemps. Comme chaque année depuis dix ans. Je me ferai beau. Je mettrai mes habits du dimanche, ma chemise à jabot et mon cuir de moto. Je lisserai mes cheveux avec soin et, quand tout sera parfait, je sourirai à mon reflet dans le miroir. Ce soir, je me remettrai à espérer. Ce soir, je me remettrai à vivre. Ce soir, je pourrai tenir ma promesse, si elle le veut bien. J’ai patienté son retour toute une année. Une année qui s’ajoute aux neuf autres. Mais je n’ai pas perdu espoir. Cette fois, elle le voudra bien. Ce soir, j’irai à la fête foraine. Ils ont installé les guirlandes lumineuses dans le champ qui longe la rivière, en bas de la route poussiéreuse, juste avant les virages qui s’enfoncent dans la forêt. Je me rappelle. Les arbres se taisent et gardent leurs secrets. Je n’ai rien à voir avec eux.

Ce soir, j’irai à la fête foraine. J’achèterai un billet pour le manège. J’en achèterai un second. J’en achèterai autant qu’il le faudra pour que tourne toute la nuit le carrousel à double étage, tout en bois blond et lumineux. Avec son chapiteau rococo et ses chevaux de bois qui montent et qui descendent au rythme de la ritournelle, ses renards qui ne rattrapent jamais les tortues et ses miroirs menteurs. Ceux-là même qui m’ont trahi il y a dix ans.

Je ne dirai rien quand les enfants me feront des grimaces, quand ils me tireront la langue et se moqueront de moi. Je resterai de marbre quand leurs parents me fusilleront du regard en me montrant du doigt. Je ne piperai mot quand le gendarme se postera pour m’observer. Qu’ils aillent tous au diable. Ils ne sont rien pour moi, juste des silhouettes confuses de l’autre côté du manège. Je suis venu pour elle. J’en ai le droit. Toute l’année, j’ai trimé comme un forçat pour un salaire de misère. J’ai retourné cette maudite terre qui n’enfante que des pierres. Encore et encore.

Dans la folle cavalcade des petits chevaux immobiles, tout deviendra flou et sans aucune importance tant que les accords sautillants de l’orgue limonaire retentiront. Alors arrivera le moment magique où les flonflons de la fête empliront ma tête jusqu’à étourdir mes sens. Il me faudra alors redoubler de vigilance et ne pas perdre la cadence. Car elle m’attendra juste un instant. Il me faudra saisir ma chance pour compléter mon existence.

Elle... je l’aime toujours, même si elle a disparu au détour du manège. Elle me souriait,là, assise sur le cheval de bois qui caracolait devant le mien. Je l’ai quittée des yeux une seconde à peine. Un seul clignement de paupière et elle n’était plus là. Son rire résonnait à mes oreilles, son parfum flottait tout près de moi, sa chaleur m’enveloppait encore mais elle s’était évanouie au beau milieu du carrousel enchanté. Elle a emporté mon coeur et les couleurs du monde. Elle a disparu et je n’ai pas quitté la selle de bois avant que les lumières ne s’éteignent et que la musique ne s’arrête.

Ils m’ont chassé sans ménagement. Je suis tombé dans la poussière du bord de la route. Ils ont démonté les stands de tir et la grande roue, le palais des glaces et le train de l’horreur. Ils ont replié les auto-tamponneuses et la tente de la femme à barbe. Ils ont remisé les machines à sous et fermé les loteries de peluches. Mais j’ai crié son nom en vain quand ils ont mis en pièces le manège enchanté qui avait volé celle que j’aimais. Ils ont ricané en haussant les épaules, pauvres fous.

Quand ils eurent terminé, ils sont repartis sur la route. Je l’ai ai suivis jusqu’à l’orée du grand bois où je me suis arrêté. Les ombres avaient envahi la chaussée et je ne pus aller plus loin. Dans le flanc des camions qui disparaissaient sous le couvert des arbres, je savais qu’elle était là, parmi les animaux de bois peint et les barres torsadées qui les clouent sur le plateau tournant tels des insectes de collection.

Alors, ce soir, j’attendrai l’heure où elle apparaîtra enfin devant moi, aussi belle que dans mon souvenir. Je suis prêt à la suivre jusqu’au bout de l’arc-en-ciel, de l’autre côté du manège. Et même si les miroirs menteurs refusaient de nous voir, je murmurerai à l’oreille de son cheval de bois qui monte et qui descend, pendant qu’elle sourira de bonheur :

« Tournez, tournez ! Le ciel en velours
d’astres en or se vête lentement
Voici partir l’amante et l’amant.
Tournez au son joyeux des tambours... »

...car ce soir, je vais à la fête foraine.

M


  
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Réponses à ce message :
3 WA n°154 : Maedhros - Estellanara (Jeu 9 nov 2017 à 11:41)
       4 Explications... - Maedhros (Jeu 9 nov 2017 à 19:37)


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