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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Vendredi 24 fevrier 2017 à 11:42:20
DRONE WITH THE WIND


La bande-son qui s'imposait comme une évidence!

En déchirant le ciel crépusculaire à toute vitesse, deux F35 gouvernementaux simulèrent une manoeuvre agressive au-dessus des faubourgs extérieurs, avant d’effectuer un large crochet pour revenir vers les cimes enneigées de la chaîne des Cascades, en lâchant derrière eux une flopée d’éclairs brillants destinés à les protéger d’éventuels missiles sol-air. Trois Predators les prirent en chasse quelques secondes avant de remonter se dissimuler dans les nuages.

« Ils sont de plus en plus téméraires ! lâcha Rhett en reposant sa bière. A-t-on des nouvelles du Sud ?
- La colonne envoyée de Sacramento est toujours bloquée devant Olympia, à l’embouchure de la vallée de la Willamette. Les Volontaires de Californie et les francs-tireurs du Nevada sont arrêtés par plusieurs régiments de Washington redéployés d’Irak et d’Afghanistan, répondit Bill qui essuya ses lunettes rondes, cerclées d’une fine monture en écailles. D’après les rapports, les combats sont assez intenses. Sans l’aide de combattants aguerris, les Volontaires, malgré toute leur bravoure, ne peuvent faire le poids face à des Rangers disciplinés renforcés d’unités Delta surentraînées. Cette guerre est asymétrique, mais dans un sens qu’aucun expert de West Point n’aurait imaginé il y a encore moins de deux ans !
- Et la colonne de secours qui est partie ce matin ? questionna Rhett qui fit mine de ne pas remarquer le trouble que suscita ses paroles chez Mélanie.
- Où est Scarlett ? intervint Melinda pour désamorcer la tension engendrée par la réflexion de Rhett. »

Depuis la terrasse qui dominait les quartiers ouest de la Ville des Pluies, Scarlett embrassait les environs, loin à la ronde. Appuyée contre le garde-corps, elle ne sentit pas les regards de toutes les personnes assises autour de la table se braquer sur elle. Elle était perdue dans ses pensées, se remémorant tous les détails du périple qu’elle avait entrepris pour se retrouver piégée dans cette ville. Elle avait cru pouvoir tourner la page en répondant à l’invitation de Mélanie. Elle s’était illusionnée. Elle n’avait pas tardé à regretter sa décision. Elle n’avait pas oublié Ashley.

Elle le revit à la tête de l’escouade offensive des Rams de Los Angeles, distribuant les ballons à ses partenaires, bien protégé par ses avants. Elle était tombée amoureuse la première fois qu’elle l’avait vu au milieu du stade, aussi beau qu’un héros antique dans son costume de lumière. Quand il avait envoyé un sourire complice à Mélanie, sa fiancée assise à côté d’elle, Scarlett avait imaginé qu’il lui était adressé. Qui pouvait vraiment lui résister ? C’était avant. A peine deux ou trois ans auparavant. Une éternité, lui sembla-t-il. Barack Obama était encore Président et les Etats-Unis portaient encore fièrement leur nom.

« Scarlett ! La voix de Rhett l’arracha à ses souvenirs. Viens chérie, tu nous manques et tu manques à tes hôtes ! Il ne me reste encore qu'une poignée d’heures avant que le devoir ne m’appelle à nouveau ! »

Scarlett détourna ses regards de la ville qui s’assombrissait déjà afin de respecter le couvre-feu. Au-dessus d’elle, dans l’obscurité étoilée, elle crut percevoir un léger vrombissement. Les défenseurs de la ville ne disposant pas de flotte aérienne digne de ce nom, compensaient cette infériorité par des drones sophistiqués, capables de déjouer les meilleurs systèmes informatiques embarqués des aéronefs fédéraux. Les laboratoires, réinstallés dans les sous-sols de la ville, tournaient à plein régime. Des bataillons d’informaticiens de toutes nationalités développaient sans relâche des systèmes ultra-perfectionnés qui jetaient la confusion dans les transmissions ennemies. Cela rééquilibrait un peu les forces.

En effet, l’armée fédérale était très dépendante de son environnement technologique. Comme un drogué à besoin de son fix. Il lui fallait des fantassins connectés, des satellites opérationnels H24, des schémas tactiques disponibles en temps réel et des couvertures, aérienne et d’artillerie, guidées par GPS capables de frapper au millimètre près à la demande des troupes au sol. Car la notion de guerre no-dead demeurait profondément ancrée dans les esprits des stratèges du Pentagone. Cette panoplie de la guerre du futur s’était révélée être le talon d’Achille des troupes expérimentées de Washington, trop vulnérable aux intrusions malignes qui faisaient les délices infinis des jeunes prodiges de Redmond et de Mountain View, sans parler des facéties informatiques des geeks de Redwood.

Les jeunes informaticiens, qui jouaient en tee-shirt et en sandales au babyfoot ou au flipper dans les salons de détente, avaient toujours une ligne de code d’avance ou une application géniale mettant la pagaille dans les transmissions pourtant ultra-sécurisées des unités fédérales. Ils étaient épaulés par les Mad Hackers, viscéralement attachés à des valeurs battues en brèche par les séides du Maître de la Maison Blanche. Ces virtuoses du code livraient une guerre invisible et stressante pour la maîtrise des réseaux auxquels aucun camp n’avait vraiment osé s’attaquer. Les Mad Hackers s’insinuaient dans les moindres failles des firewalls les plus durcis pour tenter d’aller prendre d’assaut les forteresses virtuelles qui protégeaient les centres névralgiques des fédéraux. Au sein de matrices à n-dimensions, ils affrontaient, sans jamais les voir, leurs homologues ennemis qu’ils avaient baptisés par dérision les Trump Pets, nom de code Jéricho !

Bien sûr, quelle que fut l’ingéniosité de leurs défenseurs, elle n’était pas suffisante pour conférer aux Etats GAFA un avantage décisif sur l’oppresseur mais elle accordait un peu plus de temps aux diplomates qui siégeaient en permanence dans l’immeuble des Nations-Unies à New-York. Cela retardait aussi la chute de Seattle qui signifierait celle de l’Etat de Washington, l’un des derniers états libres à résister encore à la reprise en main de l’ensemble du territoire américain par le pouvoir fédéral. Depuis la fermeture de la frontière avec le Canada tout proche au nord, qui ne cachait pas ses sympathies pour les Etats GAFA, la nourriture et le matériel nécessaires à maintenir la résistance devenaient plus rares. Cette fermeture avait fait suite à l’incident de Blaine, sur la frontière américano-canadienne, qui avait opposé, durant plus d’une heure, militaires américains et canadiens.

Quand les armes s’étaient tues, plusieurs dizaines de victimes avaient été dénombrées dans les deux camps. La gravité de l’accrochage avait conduit les autorités américaines à élever au maximum le niveau d’alerte de leurs forces armées. Une demi-division avait franchi la frontière de façon symbolique, repoussant la garde montée canadienne, tandis que des F35 et des Raptors survolaient le Canada, ne recherchaient qu’un prétexte pour déclencher des représailles à la hauteur de l’hystérie qui s’était emparée du Bureau Ovale.

A la demande des deux ex-puissances coloniales du continent Nord-Américain, la France et le Royaume-Uni, le Conseil de Sécurité de l’ONU avait été réuni en extrême urgence. Les diplomates européens avaient déployé des trésors de persuasion pour désamorcer la crise et enrayer l’escalade. Au terme de négociations très serrées, les deux parties avaient convenu d’un arrangement à l’amiable, le Canada s’engageant à ne plus aider de quelque façon que ce soit, les états GAFA, les Etats-Unis se repliant derrière la frontière internationale. Lors du vote, les représentants russe et chinois s’étaient empressés de se murer dans une abstention circonstancielle et hypocrite. Le Président américain était alors monté à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations-Unies où il avait tonné, menaçant du feu atomique quiconque désormais s’immiscerait dans une affaire interne des Etats-Unis.

Le lendemain de ce discours enflammé, il avait signé un décret-loi autorisant le blocus terrestre et maritime des états rebelles. Les 3ème et 7ème flottes du Pacifique, la 4ème flotte de l’Atlantique Sud et la 5ème flotte de l’océan indien furent rappelées pour monter une garde vigilante des eaux territoriales américaines. Des dizaines de navires de surface et autant de sous-marins surveillèrent nuit et jour les milliers de kilomètres de côtes s’étendant du Canada au Mexique. La Garde nationale de plusieurs états loyalistes avait été mobilisée pour sécuriser la frontière terrestre au nord et des travaux supplémentaires avaient encore étendu la Grande Muraille entre les deux océans, au sud. La Forteresse America vit le jour. Ce cauchemar, qui n’appartenait jusque là qu’aux auteurs de hard science-fiction, devint réalité. America First, proclamaient fièrement les hérauts de Washington DC, comme le martelait chaque jour, le président élu en fin 2016.

Scarlett revint s’assoir à côté de Mélanie, l’épouse comblée d’Ashley. Mélanie était une jeune femme au teint pâle, aux cheveux châtains et aux grands yeux bleus. Elle enseignait le droit, avant la crise, à l’université de Berkeley. C’était aussi la meilleure amie de Scarlett depuis le lycée de Foster City, leur ville natale où elles avaient grandi dans des familles aisées. Leurs parents travaillaient dans des start-up florissantes de la Vallée, à l’ombre bienveillante des géants de l’économie numérique. Mélanie, malgré tout ce qu’avait fait Scarlett pour empêcher son mariage et capter le coeur d’Ashley, en vain, ne lui en avait jamais voulu.

Mais ce soir, Mélanie était mélancolique, malgré toute la gentillesse des hôtes de la soirée, Bill et Melinda.

Bill avait brandi très tôt l’oriflamme de la désobéissance civile, et avait consacré une partie non négligeable de son inépuisable fortune à financer de multiples initiatives visant à contrecarrer la politique du gouvernement fédéral de plus en plus liberticide. Il avait été rapidement rejoint par les Géants de la Silicon Valley. Un Conseil de Défense des Valeurs Américaines, rassemblant tous les grands dirigeants emblématiques, fut constitué. Ses couleurs étaient celles de l’Arc-en-ciel d’où émergeait une colombe tenant un rameau de paix dans son bec.

Les grands états de l’Ouest, celui de Washington, l’Oregon, la Californie et le Nevada, furent les premiers à braver l’autorité de la capitale fédérale, rejetant les mesures impopulaires, bientôt imités par ceux de New-York, de Floride et du Colorado. Le Président nouvellement élu eut beau jeu de stigmatiser la tentative de sécession de ces états, par ailleurs démocrates, qui foulaient aux pieds la volonté du peuple américain. Il menaça d’envoyer la troupe pour rétablir l’ordre et forcer les congrès locaux à reconnaître la légitimité du Capitole. Rien n’y fit. Les états rebelles formèrent une confédération territorialement discontinuelle, une nouveauté juridique dans la géographie politique, et demandèrent à l’ONU de reconnaître sa souveraineté.

Bien sûr, les Etats-Unis, mais aussi la Russie et la Chine, alliés objectifs qui craignaient des revendications similaires de certaines parties de leur territoire, opposèrent leur véto. L’Union Européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande reconnurent la nouvelle fédération et y nommèrent des ambassadeurs tandis que le Royaume-Uni s’abstenait, aux prises avec les Ecossais qui exigeaient violemment que le Parlement britannique entérinât le référendum ayant vu la victoire écrasante du Parti Indépendantiste. Aux Etats-Unis, les « évènements », selon l’expression consacrée pudiquement par le gouvernement fédéral, commencèrent peu après.

Quand les premières tensions naquirent entre les autorités fédérales et les états GAFA, Ashley avait demandé Mélanie en mariage, écoutant sa raison. Scarlett avait étourdi ses sens mais il avait été dépassé par la passion qui animait la jeune femme. Il s’était enrôlé très vite dans les Volontaires du Southland où ses exploits sur la pelouse du Memorial Coliseum de Los Angeles l’avaient propulsé directement au grade de lieutenant-colonel. Il commandait une troupe d’anciens vétérans démobilisés des guerres du Moyen-Orient auxquels se mêlaient de jeunes idéalistes des campus californiens, les Schwarzy Irreverents et les Hollywood Associeted Stars. Ashley avait une conception très élevée de sa mission et de son but dans la vie. Il dirigeait ses hommes comme le quaterback qu’il avait été menait ses coéquipiers à la victoire, sans coup-fourré et sans compromission.

Il avait affronté à Mesquite, dans le nord-est du Nevada, quelques unités de Marines en mission de reconnaissance sur la route menant à Las Vegas. Cela n’avait été qu’une escarmouche, les Marines s’étant contentés de tester la résolution et la cohésion de leurs adversaires. Ashley ne recula pas, tenant ses positions près d’un petit pont enjambant une rivière à sec. Il donna ses ordres sans faiblir, même quand les obus de mortiers s’abattirent non loin. Les Marines étaient de redoutables combattants. Ils avaient traqué les talibans en Afghanistan et étaient rompus aux techniques de guérilla les plus tordues. Mais Ashley tint bon. Ses hommes ne s’enfuirent pas quand les balles s’écrasèrent à quelques pas de leurs visages. Ils ne se débandèrent pas quand deux Apaches survolèrent leurs positions à très basse altitude. Soulevé par leurs pales, le sable les avaient giflés si fort qu’il s'était incrusté dans leur chair. Ashley laissa passer l’orage puis il fit parler ses armes à bon escient, veillant lui aussi à ne pas commettre l’irréparable. L’échange de tirs ne s’éternisa pas. Devant une opposition aussi ferme, les Marines se replièrent en bon ordre.

Ce n’était que le début de la crise. Il y avait des Américains des deux côtés. Cette drôle de guerre s'acheva à Blaine. A partir de là, les faucons de Washington prirent leur envol et plus rien, ni personne, ne put se mettre en travers de leur route.

Scarlett but une gorgée de la boisson fermentée concoctée par Melinda. Fraîche et désaltérante, elle était sucrée et laissait un goût pimenté surprenant sur la langue. Scarlett se tourna vers sa voisine :
« Mélanie, as-tu reçu des nouvelles d’Ashley ? demanda-t-elle sans arrière-pensée.
- Aucune. Juste un SMS avant qu’il n’atteigne le nord d’Olympia. Il allait bien jusque là.
- Bill, combien d’unités as-tu dépêchées pour tenter de briser l’encerclement et permettre le passage des Volontaires de Northern Cali ? demanda Rhett
- Il y avait un régiment d’Amazon Laughters, répondit Bill, un autre de Starbuck Miners, trois escouades blindées d’Uber, une demi-escadrille de Predators Microsoft et une cohorte complète de drones de couverture aérienne. Les plans ont été établis en liaison avec les coordonnateurs du D.Wave 2X Mark VII, à Mountain View. A sa demande, j’ai confié à Ashley la tête d’une petite troupe de technopérateurs Google Men, fraîchement débarquée à Seattle. C’est une équipe logistique et de support. Ashley devrait rester en retrait de la première ligne. Mélanie, tu veux que j’aille moi-même aux nouvelles ?
- Merci Bill mais ce n’est pas la peine, assura Mélanie qui triait les grains de céréales au fond de son assiette.
- Avez-vous vu en streaming la nouvelle comédie musicale française, qui fait fureur à Broadway, essaya Melinda pour changer de sujet.
- Oh oui... ! s’empressa de suivre Scarlett. Les Français sont devenus vraiment les maîtres du genre. Bon, l’image était un peu pixellisée mais le son passait bien.
- Les gars de chez Cisco font des miracles! intervint Bill.
- Non, je ne l’ai pas vue, dit Mélanie avec un pauvre sourire. Quel est son titre ?
- Lol ! Holland, je crois, la renseigna Scarlett. Cela raconte comment François Hollande, le président de la France qui, après un premier mandat complètement raté, a réussi in extremis à se faire élire une deuxième fois, en jouant sur les difficultés de ses adversaires, leur crédulité et grâce à une certaine mentalité bien française. C’est irrésistible. C’est bien la première fois, je crois, que la politique contemporaine et le music hall se marient et avec quel succès ! Le spectacle se joue à guichets fermés tous les soirs depuis un mois !
- Lol ! Holland... le jeu de mot est facile, sourit Melinda.
- Quel jeu de mot ? demanda Rhett qui se joignit à la conversation.
- Il est à plusieurs niveaux. Il fait référence bien sûr à la réputation d’humoriste que les médias français prêtent à François Hollande. Mais il rappelle aussi le film du réalisateur franco-américain Damien Chazelle, La la Land, qui fut multi-oscarisé en 2017.
- Mais François Hollande est toujours président de la France, non ? s’enquit Scarlett.
- Mais oui, confirma Bill, et il a même fredonné un refrain lors du dernier Conseil de l’Europe, en duo avec le Chancelier allemand, Martin Schulz, son compère social-démocrate qui lui aussi a joué un sacré tour à Angela Merkel en 2017 ! »

Soudain, plusieurs explosions retentirent de l’autre côté des collines sur lesquelles avait été bâtie Seattle. Des déflagrations puissantes, accompagnées par d’intenses halos éblouissants, déplacèrent vivement les masses d’air, faisant trembler les vitres pourtant épaisses des baies vitrées de la terrasse. A peine visibles dans le soir qui s’épaississait, des formes sombres et fuselées glissèrent dans le ciel, en direction de la plus haute tour de Seatlle, la Space Needle, qui culminait à plus de 160 mètres de hauteur.

« Des F35, cria Bill pour se faire entendre dans le vacarme des sirènes qui avait succédé aux coups de tonnerre des explosions. On y est, je crois que Trump a décidé que le siège avait suffisamment duré. Rhett, il faut que vous repreniez la mer. Emmenez avec vous Mélanie et Scarlett. Elles seront en sécurité. »

Des trainées de feu signalèrent que les chasseurs venaient de larguer des missiles air-sol. Au même moment, de minces lignes lumineuses formèrent une sorte de toile d’araignée éphémère qui se déploya dans le ciel. Elle emprisonna la plupart des AGM-87 Focus qui se désintégrèrent à son contact. Malheureusement, quelques uns réchappèrent aux drones de défense et continuèrent leur course programmée. Quand ils touchèrent leur but, il fit soudain jour en pleine nuit. La Space Needle, touchée de plein fouet, se disloqua de haut en bas, ses débris pleuvant alentour. Les forces gouvernementales avaient abattu le symbole de Seattle, en guise de funeste introduction.

Ebahis, Bill et ses invités, assistèrent à la chute de la tour altière. Le Président américain avait décidé de frapper fort. Oubliée, la reddition de New-York, qui avait eu lieu presque paisiblement. Oubliée, la reddition de Miami qui avait suivi peu après. Oubliée celle de Denver, qui n’avait fait que quelques poignées de victimes. L’Ouest avait montré une résistance plus acharnée, organisée autour des ressources cumulées de la Californie et de l’état de Washington. Ces deux états avaient un PIB qui les plaçait dans les toutes premières nations au niveau mondial. C’était l’affront suprême pour le président américain. Ses négociateurs avaient tous échoué et il sentait que les puissances européennes inclinaient dangereusement vers les Etats GAFA.

Mais celui qui avait fait pencher la balance du côté de l’épreuve de force, celui qui avait emporté la conviction du président était son récent conseiller à la sécurité intérieure. Un esprit diabolique et avide pouvoir. Un esprit calculateur et sournois qui avait écarté les autres conseillers humains. Personne ne savait ce qu’il avait murmuré à l’oreille du président. Quelles promesses mirifiques lui avait-il faites.

Bill serra son épouse, Melinda, entre ses bras. Il l’embrassa avec tendresse puis il lui dit :

« Melinda, il faut penser à demain. Le Conseil va se réunir. Pars avec Rhett. Son navire est rapide et il est doté des technologies qui lui permettront de se faufiler sans dommage entre les mailles du filet tendu par la Navy. Pars avec lui, il est plus que temps. Si Dieu le veut, nous nous retrouverons à San Francisco bientôt.
- Viens avec moi, supplia Melinda, ici, tout est perdu si l’armée fédérale ne retient plus ses coups. Nos défenses n’arrêteront pas les chars Abrams, ni les hélicoptères Apache, ni les Marines et les autres troupes d’élite. Nos drones les retiendront quelques heures, au plus. Après, les fédéraux deviendront les maîtres de la ville.
- Il faut que je reste encore un peu. Si le général part avant que la bataille ne se termine, la défaite volera à ses trousses. Je vais parler aux autres Conseillers. Le Président n’est pas fou au point de raser une ville de son propre pays ! Il n’est pas fou à ce point-là, je ne peux le croire ! Il y a des centaines de milliers d’habitants à Seattle. Cela serait une infamie. Un crime contre l’humanité ! La Liberté sera bannie de ce pays à jamais !
- Lui peut-être pas, avertit Rhett qui se préparait à partir, mais n’oublie pas Loki, cette langue de vipère. Maudit soit-il ! Il a profité que son frère était occupé au loin pour jeter de l’huile sur le feu. Il n’attend que ça, l’avènement de la folie et de la dictature. Entre ses mains, le Président sera, s’il ne l’est pas déjà, sa créature.
- Rhett, tu es encore ici, s’énerva Bill. Filez ! Il ne reste pas beaucoup de temps avant que les ports ne deviennent impraticables. Ton navire est rapide mais il ne pourra rien contre les armes de Stark Industrie.
- Iron Man n’a pas choisi son camp, il a refusé de combattre d’autres américains, comme la plupart des Avengers ! protesta Scarlett.
- Peut-être pas lui directement, mais son entreprise a passé des marchés avec le gouvernement. Elle lui a vendu un des systèmes d’armes très évolués que nous avons beaucoup de mal à contrecarrer, répondit Bill. Bon, je ne le répèterai pas une fois de plus. Partez ! »

Rhett poussa devant lui les trois femmes. Ils descendirent par des chemins détournés jusqu’à un petit port, à peine un ponton mobile où mouillait l’Eclair de Lune, le puissant catamaran géant de Rhett, en fibre de carbone et en matériau non réfléchissant.

Pendant que Rhett se dirigeait vers la passerelle, criant ses ordres à l’équipage, Scarlett ne suivit pas Mélanie et Melinda qui s’engouffrèrent dans la cabine. Elle resta sur le pont et regarda en arrière. Les gratte-ciels de Seattle se découpaient nettement sur les halos aveuglants des explosions qui se succédaient sans interruption. Dans le ciel balayé par les larges pinceaux de puissants projecteurs, elle assista au ballet vertigineux des hélicoptères qui zigzaguaient entre les tours. Elle en vit un, le rotor en feu, tournoyer en une vrille incontrôlable et, à la fin, s’écraser contre la façade d’un building de verre et d’acier. Mais une alouette ne faisait pas le printemps. Seattle ne tomberait pas sans combattre mais elle était déjà perdue.

Scarlett sentit sous ses pieds les vibrations qui annonçaient que les turbines se réveillaient. L’Eclair de Lune glissa lentement en arrière, le long du ponton. Aucune lumière ne filtrait de ses ponts et sa peinture non réfléchissante était d’un noir mat. Même le bruit des moteurs était assourdi et contenu pour réduire au maximum la signature radar du bateau. Comme une ombre sur les flots, l'Eclair de Lune sortit de la petite rade qui dissimulait le ponton pour mettre le cap vers la pleine mer.

Scarlett tressaillit. Le froid de la nuit avait fini par traverser ses légers vêtements en coton. Croisant les bras sur sa poitrine, elle leva les yeux vers le firmament. Quand une perle de lumière glissa du haut du ciel, Scarlett frissonna plus encore, retenant un sanglot. Elle venait d'assister, impuissante, à la chute d’une autre étoile du drapeau américain.

M


  
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3 WA n° 152 : Maedhros - Estellanara (Lun 27 nov 2017 à 17:20)


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