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 WA, exercice n°153, participation Voir la page du message Afficher le message parent
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Dimanche 15 janvier 2017 à 22:06:30
Jeannot sur le pont dans la nuit


Jeannot s'en allait donc, tout seul au clair de lune, serrant contre son coeur un si joli bouquet. Sauvages, voyez-vous, sauvages étaient les fleurs, cueillies avec amour sur le flanc de colline, pour Elle qu'il aimait, pour Elle qui l'aimait. Le village en riait, Nine la blonde et Nano le brun, si pareils en leurs sourires et si semblables dans leurs yeux que s'ils n'avaient été amants ils eussent pu être jumeaux... Qui peut presser le pas d'un homme mieux que la hâte d'aimer ?
Sur le pont, au milieu, noire était la silhouette. Claire la lune, ronde la lune faisait scintiller une lame à son flanc. Une faux... Noire la robe aux longs plis distingués, noire la haute stature immobile dans la froide lueur de la lune d'été.
Demi-tour ! Demi-tour ! Ne t'y risque pas ! C'est la Mort qui t'attend, amoureux imprudent ! Demi-tour, demi-tour, Elle t'attend vivant, tu la verras demain, est-ce que c'est important ? Si tu mourais ce soir... Plus jamais, plus jamais... Ses cheveux ondoyants, sa grâce, sa douceur, son souffle sur tes cils, sa main, ses seins, son coeur...
Mais Jeannot lui avait promis. Elle attendait.
"Bonsoir", salua-t-il d'une voix un peu tiède. "Bonsoir... Puis-je passer ?
- Passer, ah oui, sans doute...
- Je veux dire...
- Passer, oui, trépasser, pourquoi pas. Es-tu prêt ?
- Je voudrais bien pourtant, voyez-vous... Elle attend.
- Moi aussi je t'attends, viens-t-en donc. Je suis prête.
- Vous êtes... effrayante. Ma Nine est plus jolie.
- Mais c'est l'éternité que je t'offre en échange.
- Hum... Mais je ne suis pas sûr que j'en aie bien envie. Ce que j'ai me va bien, ici et maintenant. Est-ce que vous avez déjà aimé quelqu'un ?
- Aimé ! Quelle question ! Je suis la Mort, que diable !
- Laissez, si vous voulez, le Malin où il est. Aimé, comprenez-vous ? Senti, au fond du coeur, le matin se lever. La vie qui bat et chante, la joie qui vous emporte, être prêt à donner tout ce qui est de soi et accepter de tout recevoir à la fois, être fort, être faible, se perdre pour se retrouver enfin magique et un... Est-ce que vous avez jamais aimé quelqu'un?"
La Robe se troubla, le vent la fit frémir.
"Assieds-toi près de moi. Il semble qu'il y ait des choses que j'ignore. Parle-moi. J'avais toujours pensé que vous étiez stupides, humains de vanité et de stupre confits. Qui t'a appris ces mots que je ne saurais dire ?
- Appris, non. Je le vis, dans ma chair et dans mon sang. Je vais te raconter quel bonheur est le mien. Après... Mais rapproche-toi un peu, je t'en conjure. Ces choses-là ne peuvent qu'être murmurées...
Quand elle me regarde, alors, tout est possible. Il n'est point de héros que je n'égalerais ! Qu'importent les armées, les monstres, les montagnes ! J'ai toutes les vaillances et toutes les fiertés... Et pourtant... quand je lui tends la main, je suis un mendiant nu. Quand son souffle sucré vient embraser mes lèvres, je m'enivre de ce parfum de paradis, et plus elle m'en donne et plus j'en veux encor. En moi monte le feu d'un torrent en tempête, et il emporte tout – raison, sommeil, pensées... Je la veux, je la veux, dussè-je y perdre l'âme... Je me donne à son bon plaisir et quand elle me reçoit en même temps elle donne ! Union de l'impatience et de l'éternité... Quelle magie peut être plus puissante ? Sa tête sur mon coeur, je suis le roi du monde et l'esclave soumis. Ma main flâne épuisée sur la réassurance, ce sein rond et tendu, ma terre, mon espoir, et de là sur sa cuisse humide et odorante, parfums d'automne mûr, promesse de printemps... Que demander de plus ? Ni l'or, ni les diamants, les chevaux, les récoltes... Elle est tout ce qui fait que je peux être bon, toujours meilleur pour qu'elle continue à sourire. Je peux porter un veau. Mais quand elle se lève, c'est l'aube et le soleil et la vie et le jour, et je suis un enfant émerveillé d'amour...
- D'amour..." rêve la Mort en caressant les fleurs.
- Tout ce que je voudrais, c'est vivre à ses côtés. Trimer jusqu'à la nuit pour qu'elle soit contente d'avoir assez de grain au grenier pour l'hiver. Elever nos enfants, voir en eux son visage, ces petites manies qui me chavirent tant ... Vieillir, si elle est là, porte le nom de chance. Attends encore un peu, veux-tu ? Quand nos corps épuisés, douloureux et tordus ne seront plus que les carcasses de nos rêves, nous partirons ensemble ; et si tu sais chanter, nous viendrons sur ce pont pour danser avec toi..."
Une averse salée sur le visage pâle. Son regard sur les fleurs.
"Prends-les. Elle te les donne. Merci. Nous reviendrons."
Jeannot fredonne un air qui parle de toujours. La Mort lève les yeux vers la lune et sourit.
"Aimer... Et pourquoi pas ? Je crois que je saurai..."
Narwa Roquen,en hiver


  
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3 WA n° 153 : Narwa - Estellanara (Lun 27 nov 2017 à 17:18)


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