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  WA - Participation exercice n°135 (Part II) Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 14 decembre 2014 à 17:36:41
Voilà la seconde partie de l'histoire. Elle a pris une ampleur inattendue et je crois que la suite ne pourra intervenir dans des délais compatibles avec cette WA. Mais Narwa, il y a tous les ingrédients correspondant à la consigne. Non?

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2. UN MARCHE PLEIN DE SURPRISES


Le même assistant, dans une tenue toujours aussi fuligineuse, apparut dans l’encadrement de la porte. Il balaya la pièce d’un regard professionnel en s’attardant sur Poul, évaluant sans doute ses chances en cas de corps à corps. Ses traits anguleux, gravés au burin dans le granit de son visage, n’exprimèrent aucune émotion. Satisfaite, l’inquiétante silhouette céda le passage au vieil homme vêtu d’un complet en velours lustré qui lui conférait une allure aristocratique. Il était de taille moyenne et d’apparence banale, mais il émanait de lui une assurance et une aisance qui mettaient mal à l’aise et forçaient un respect instinctif.

A l’invitation du commandant, il s’assit simplement au bout de la table tandis que son garde se postait derrière lui, mains dans le dos. Euric ne remarqua sur lui aucune arme visible.

« Vous vouliez vous adresser à mon équipage. C’est chose faite ! dit laconiquement Feelgood en guise d’introduction. Je vous présente Alizéa, l’officier en second, Poul, le manutentionnaire, Vatel, le chef cuistot et Euric, notre moussaillon ! Il manque les jumeaux, Su-Mer et Su-Ulmor, qui sont en caisson d’hypersommeil.
- Merci, commandant, répondit courtoisement le vieil homme, en faisant un curieux signe de la main, comme s’il écartait une mouche. Permettez-moi de me présenter. Je suis Arno Van English, et je vous souhaite la bienvenue sur mes terres. »
Tous les membres de la Paresseuse, sauf Feelgood, écarquillèrent les yeux. La famille Van English était parente de la Maison Impériale, dont elle était une branche mineure. Dans l’ordre protocolaire, elle était située sur l’un des degrés les plus proches du Trône. Ses possessions s’étendaient sur de nombreux mondes et sa puissance économique était fondée sur l’exploitation minière et les activités financières.

« Comme je vous l’assurais tout à l’heure, commandant, poursuivit Van English, je n’avais aucune intention cachée à votre égard et je ne vous ai pas attirés dans un piège machiavélique. J’étais prêt à vous régler rubis sur l’ongle la facture du contrat. Mais vous connaissez sans doute cette très vieille expression selon laquelle il faut savoir tirer parti de l’inattendu. Ce que vous qualifiez à juste titre de catastrophe est pour moi une opportunité que je dois saisir !
- Vous m’avez dit que vous étiez prêt à tirer un trait sur la marchandise détruite, rétorqua Feelgood.
- Bien sûr, j’ai dans ma poche tous les papiers avec tous les cachets qui vont bien. Si nous tombons d’accord, vous ne devrez plus rien, ni à moi ni à l’Empire. Le directeur de l’astroport est un vieil ami qui peut se montrer très compréhensif. Il est prêt à abandonner tous les chefs de poursuite s’il obtient de moi une certaine promesse.
- Si je puis me permettre, hésita Vatel en lançant à Feelgood un regard en coin, cela représente un sacré paquet de plaques, tout ça, Monsieur !
- L’argent, c’est très relatif. Prenons l’exemple d’un homme très riche. Il tombe nez à nez avec un Sprefit Roller, lors d’une excursion sur les laves de Strygia. Mettons qu’il a les poches bourrées d’ordres au porteur. Qu’est-ce que cela lui procure comme avantage dans sa situation ? Je dirais à peine de quoi ralentir l’action des acides de la première poche gastrique de l’animal. L’argent n’est important que dans son paradigme. Ici, l’’argent a la valeur que je veux bien lui reconnaître !
- D’accord. Vous êtes riche au point que le concept même de richesse ne veut plus rien dire, soit ! résuma Alizéa en souriant. Il paraît que cette planète vous appartient, pourquoi pas ? Mais je ne connais personne qui ne fait rien pour rien ! Alors, j’ai une question toute simple. En échange de quoi feriez-vous ça ?
- Votre magnifique chevelure a la couleur translucide et bleutée du givre. Je croyais que les natifs des Nuages ne rêvaient que d’étoiles mais je me trompais, visiblement ! s’amusa le vieil homme. Bien sûr, chère amie, qu’il y a une contrepartie ! Forcément ! Je vous l’ai dit, je veux conclure un accord. Disons que vous en connaissez l’un des deux termes : je vous règle la facture majorée du bonus convenu, j’efface l’ardoise impériale et je paie les réparations dont a besoin votre vaisseau, liées ou non à l’incendie. Ne me dites pas que cela n’est pas honnête ! Vous serez plus riches que vous ne l’auriez espéré.
- J’attends de connaître l’autre terme du marché, prévint Feelgood. Je ne m’engagerai pas sur n’importe quoi !
- Nous y voici, soupira le vieil homme. Je vais vous raconter une histoire. Une histoire vraie, dois-je préciser. Car c’est mon histoire. Quand j’ai acquis cette planète, j’étais attiré par ses ressources minières. Selon les premiers rapports confidentiels sur les forages effectués par mes équipes, le sous-sol de cette planète regorgeait de métaux rares et de minerais précieux, dont l’exploitation génèrerait d’incroyables profits. Et puis je reçus un autre rapport. Il consignait la mise à jour d’un gisement de cristaux dont la composition atomique se révéla totalement étrangère à la table périodique des éléments. La nouvelle était sensationnelle et prometteuse. Toute une nouvelle chimie pourrait faire ses choux gras de cette découverte, avec d’énormes profits à la clé. C’est ce qui me permit de convaincre ma famille d’acheter cette planète. L’Empereur aimait alors une ravissante fleur qui lui faisait tourner la tête. Cette fleur se trouvait être ma soeur. L’esprit de famille, Commandant, soulève des montagnes. Il favorisa mon entreprise.

Je débarquai sur cette planète avec des bataillons d’ingénieurs expérimentés en matière d’exploration minière. Une petite équipe scientifique atterrit discrètement sur un autre hémisphère, avec pour unique mission d’étudier le cristal. Elle s’attela à la tâche durant de nombreuses années, engloutissant une bonne partie des bénéfices que me rapportaient les mines. Mais les meilleurs chercheurs et les meilleurs équipements ne parvenaient pas à percer le mystère du cristal. Il y avait quelque chose dans sa composition qui empêchait toute tentative d’étude subatomique. Je désespérais tellement d’obtenir une avancée significative que j’étais prêt à rendre publics son existence et l’ensemble des travaux infructueux. Et puis le hasard se mêla à la partie. De façon fortuite, nous découvrîmes que le cristal semblait être doté de propriétés uniques et fantastiques ; des propriétés qui renvoyaient à de très anciens mythes de l’humanité. J’ai été fasciné. J’ai succombé à la tentation et j’ai écouté la voix de mon démon. J’ai perdu la tête et accompli des actes qui ont fait de moi un paria pour ma propre famille depuis des lustres et jusqu’à aujourd’hui. J’ai expié... au centuple.

Car le cristal s’est vengé, d’une certaine façon. Le châtiment le moins cruel est que je ne puis quitter cette planète. C’est une condamnation à vie, sans rémission possible. Je jouis encore de tous mes privilèges et je suis immensément riche, certes. Cela fait de moi le roi de ce monde ! Autant dire que je suis le roi de mon cachot ! »

Le vieil homme s’interrompit, laissant un silence s’installer entre eux. L’équipage du cargo était suspendu à ses lèvres, captivé par l’incroyable récit.

- Un châtiment ? demanda Feelgood, Vous avez donc été jugé ?
- L’Empereur lui-même a apposé son sceau personnel sur la lettre de cachet. Seul mon nom m’a évité, de justesse, le baiser de l’Exécuteur Impérial. Mon nom et le parfum d’une fleur dont était entiché l’Empereur. Dans les jardins de ma Maison poussent les plus belles fleurs de la création, vous savez ! Je ne vous ai pas encore présenté Booth, qui me suit comme mon ombre. Booth appartient à la Guilde des Assassins où il est un Maître de Chapelle. Nous sommes devenus familiers, par la force des choses, cela fait si longtemps qu’il m’accompagne. Il pourrait sans doute tous nous tuer en un clin d’oeil. Deux peut-être, parce qu’il y a un Herculéen parmi vous ! Il ne transpirera pas. Il ne cillera pas. Les armes parfaites demeurent parfaites !
- D’accord, dit Feelgood. Tout ça, c’est bel et bon. Mais qu’est-ce que nous venons faire dans cette histoire?
- Faites-moi plaisir, s’il vous plaît ! protesta Van English. Ayez un petit peu de patience. Avant que tout ne dégénère, Jenna, ma fille préciputaire, est venue me rendre visite. Jenna, c’était la prunelle de mes yeux. Elle était aussi belle qu’était ma défunte épouse. Vive et généreuse, Jenna faisait attention aux autres, toujours prévenante et compréhensive. Elle voulait le bonheur des gens, animée de la flamme idéaliste de ses seize ans ! Elle m’amadouait et je signais des contrats qu’elle concluait souvent à perte. Je rouspétais bien sûr, mais cela la faisait rire. Et son rire était ma joie, vous comprenez ? C’était le soleil qui dispersait la grisaille qui m’enveloppait. Jenna. On m’informa de la découverte d'un gisement éloigné qui présentait une concentration anormale de cristaux. Jenna voulut m’accompagner. Ne pouvant rien lui refuser, je l’ai emmenée avec moi. Quel fou ai-je été ! Le site était en fait une profonde caverne située au bout de la galerie artificielle que mes hommes avaient creusée pour accéder au gisement qu’ils avaient détecté. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’était qu’une chose primitive vivait là. D’une façon ou d’une autre, elle s’est réveillée quand nous avons pénétré dans son nid.

Elle a surgi d’une concrétion cristalline géante. Sa vision était effrayante. J’étais confronté à la somme de mes pires cauchemars et pourtant j’étais prêt à damner mon âme pour qu’elle me prenne dans ses bras. Avant que nous ne puissions esquisser un seul geste, elle a anéanti nos machines, qui se sont désagrégées sous nos yeux comme du sable dans le vent. Puis les ténèbres s’abattirent sur nous, au sein desquelles virevoltaient des fulgurances dessinant un réseau de figures complexes. J’entends encore les cris et les hurlements de mes hommes, à l’heure où je vous parle et je les entendrai encore à celle de ma mort ! C’était horrible. Je cramponnais Jenna par la taille en essayant de rebrousser chemin vers la galerie. J’avais presque réussi quand tout s’arrêta. Une pâle pulsation lumineuse se diffusa dans la crypte où je discernai des formes vagues qui se mouvaient très lentement. Aucune n’était humaine. Jenna sanglotait contre ma poitrine. J’avais presque atteint mon but quand la créature se dressa juste devant moi. J’ai senti qu’elle s’insinuait dans ma conscience. C’était douloureux et délicieux à la fois ! Je ne me rappelle pas précisément ce qui se passa ensuite. Je ressens encore cette impression de volupté et de cette ivresse sensorielle qui m’obsède toujours. C’était plus puissant que la plus dure des drogues. Il est inconcevable que de telles émotions puissent faire partie du patrimoine humain. C’était révoltant et tellement jouissif que mon corps et mon esprit furent écartelés dans l’étreinte de cette possession étrangère.

J’ai senti que Jenna m’était arrachée. Elle criait mon nom. Elle me suppliait de l’aider, mais j’étais incapable de faire le moindre geste. Et puis, Jenna ne fut plus là. J’étais seul sur le sol sablonneux de la crypte, vide et silencieuse. Aucune trace de mes hommes. J’ai alors remarqué la source qui se déversait en cascade dans un large bassin de cristal scintillant. Je me suis approché. Sous la surface translucide, j’ai aperçu... ou j’ai cru apercevoir Jenna qui s’enfonçait peu à peu dans les profondeurs du bassin, entraînée par la créature. J’ai plongé dans le bassin sans hésiter. C’était comme si j’avais plongé dans un acide infernal. Chaque cellule de mon corps se consumait. J’ai essayé de résister mais la douleur était trop intense. Avant de sortir de l’eau, une pensée filtra dans mon esprit. Ce n’était pas la mienne. C’était la créature. C’était un avertissement. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Cela tournait en boucle, comme une information virale. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais. Ne reviens jamais.

J’ai regardé mes mains. Elles étaient absolument intactes, ne montraient pas la moindre rougeur ! Et puis j’ai vu l’anneau dans ma paume. Un simple anneau de vermeil. L’anneau que j’avais offert à Jenna pour ses seize ans. L’anneau des Van English. Dans ma Maison, si son porteur s’en dessaisit, cela signifie qu’il est en danger de mort. Aucun Van English ne peut se soustraire à cet appel à l’aide. Ma fille m’avait donné la preuve qu’elle n’était pas morte.
- Vous voulez que nous retrouvions Jenna? demanda doucement Alizéa, incrédule.
- Croyez-moi, j’ai tout tenté. J’ai englouti des fortunes entières. Autant jeter des perles aux cochons. J’ai pourtant engagé les meilleurs. Des mercenaires Capellans, rompus aux techniques de la guerre extrême ; un groupe de commandos Orion, les unités d’intervention impériales les plus redoutées ; une Conjuration Istarienne au grand complet, versée dans les arts occultes de la Cabale. Aucun d’entre eux n’est revenu de la crypte. Ils furent tous victimes de la malédiction de la créature.
- Alors, comment croyez-vous que nous puissions rivaliser avec eux ? s’alarma Feelgood.
- Parce que lui est là ! dit d’un ton péremptoire Van English, en désignant Euric qui sursauta de surprise.
- Euric.... ? Alizéa ne cacha pas sa stupéfaction. Mais c’est encore un adolescent !
- Il n’en est pas question ! affirma Feelgood. Euric n’entre pas dans l’équation.
- Je pourrais vous menacer, précisa Van English, je pourrais vous dire que vous ne partirez jamais de cette planète. Je pourrais vous faire tellement de choses désagréables auxquelles vous ne pensez même pas. Je suis un banni, il est vrai, mais ici mes pouvoirs sont illimités, vous savez ? Toutefois, je n’aurai pas besoin de faire ça. Réfléchissez, le moment est propice aux conteurs. C’est à votre tour, Commandant, de raconter une histoire!
- Comment ça ? s’exclama Feelgood. Mon histoire ne vous regarde pas ! Elle n’intéresse personne d’ailleurs !
- Pas la vôtre, Commandant, pas la vôtre. Ne vous méprenez pas ! La sienne ! répondit Van English en désignant à nouveau Euric. Dites-nous comment vos destins se sont croisés !
- Et si je refuse, votre assassin s’occupera-t-il de moi ?
- Booth, Dieu non ! Booth n’a qu’un client, moi ! Vous ne l’intéressez pas et je n’ai pas barre sur lui. Pas vrai, Booth ? Celui-ci demeura silencieux. J’ai d’autres moyens à ma disposition. Un blocus n’est jamais totalement imperméable.
- Pourquoi Euric vous intéresse-t-il à ce point ? questionna Alizéa.
- Disons qu’il représente une possibilité. La meilleure depuis longtemps. Commandant, j’ai tout mon temps. Si vous voulez, je repasserai demain, ou après-demain, ou dans dix jours, ou dans dix ans ! A vous de choisir !
- Salaud ! maugréa Feelgood
- Pas de terme grossier, Commandant, vous valez mieux que ça, même si techniquement, c’est effectivement ce que je suis. Je vais parler à votre place. Le jour où vous vous apprêtiez à fuir définitivement Civitas, la planète impériale, vous avez trouvé un couffin où babillait un joli bébé, Vous n’aviez pas beaucoup de temps avant que les unités spéciales de l’Amiral Gorki ne vous arrêtent pour haute trahison...
- Haute trahison ? répéta Alizéa, interloquée.
- Oh, rassurez-vous ma chère, c’était une machination ourdie par un quarteron de hauts dignitaires qui cherchaient un bouc émissaire pour camoufler leur propre incompétence. Le commandant Feelgood, qui portait un autre nom et un autre grade à cette époque, était au mauvais endroit au mauvais moment et il n’avait pas les bons réseaux. Il était le coupable idéal. Bien sûr, les véritables responsables de la débâcle de la Nébuleuse du Lézard ont finalement été pendus aux crocs de boucher dans les culs de basse-fosse de la forteresse des Réprouvés, ne vous inquiétez pas ! Si la justice impériale est parfois paresseuse, elle finit toujours par être rendue. L’Empereur y veille. Malheureusement le Commandant a été sacrifié sur l’autel de la raison d’Etat. C’est toujours un témoin gênant. S’il revient trop près des mondes centraux, il se pourrait qu’on exhume un très vieux décret et qu’on l’envoie croupir, pour le reste de ses jours, dans une colonie pénitentiaire excentrée. Avouez que cela serait désespérant !
- Le bébé dans le couffin, c’était Euric ? intervint Poul, qui fit braquer tous les regards ahuris sur lui.
- Dois-je vraiment répondre à cette question ? s’enquit aimablement Van English. Avez-vous hésité une seule seconde, Commandant, sur la conduite à tenir quand la Providence plaça ce bambin sur votre chemin ? Non, bien sûr. Vous n’avez écouté que votre esprit chevaleresque. C’était un geste gratuit, accompli avec panache, n’est-ce pas, selon l’expression des vieilles Maisons Franques. Et puis, il vous rappelait peut-être...
- Taisez-vous, le coupa brutalement Feelgood. N’évoquez pas les fantômes. Euric n’a rien à voir avec votre histoire et cela fait longtemps que je lui ai expliqué comment je l’ai trouvé. Il n’y a aucun secret. C’était un bébé abandonné, comme il en a tant. Un bébé de la fortune, comme on les appelle. Il aurait pu grandir entre les quatre murs d’un orphelinat ou être adopté mais il a grandi dans la lumière des étoiles. Il a déjà vu plus de mondes à son âge que la plupart des hommes n’en verront dans toute leur vie.
- Vous avez raison mais vous ignorez l’essentiel. Je vais lever un coin du voile sur la vérité. Sa mère était proche de l’Empereur, très proche même, et son père était une énigme. »

Euric retint son souffle et un pli se forma sur le front de Feelgood, témoignant de son extrême attention. Van English poursuivit son récit :

- Une expédition scientifique avait découvert, quelques siècles auparavant, une planète isolée, bien au-delà des marches impériales, au bord extrême du Grand Néant Extérieur. Pour des raisons que je ne connais pas, elle se révéla être une menace mortelle pour l’expansion humaine et les intérêts de l’Empire. Dépêchées sur place, les plus grosses unités de la flotte spatiale impériale l’ont ensevelie sous un déluge de feu, déchirant la croûte planétaire sur des centaines de kilomètres de profondeur. Il paraît que l’hiver nucléaire qui s’ensuivit a duré plus de cent ans. Quand les nuages radioactifs se sont enfin dispersés, il ne restait qu’une planète pelée et stérile, privée de toute atmosphère. Les coordonnées de ce cimetière ne furent portées sur aucune carte astronautiques. La raison d’Etat étouffa toute l’affaire.

Mais l’anéantissement n’avait pas été total. Un être avait survécu miraculeusement, une forme de vie fluorescente étonnante. Personne ne sait comment cet être constitué de lumière s’échappa de sa planète calcinée mais la vengeance fut son unique obsession. Il parvint jusqu’au coeur de l’Empire où il ourdit son funeste dessein. Il revêtit une apparence humaine divinement belle sous laquelle il séduisit sans mal une fleur impériale, lors d’un bal costumé. Cette fleur juvénile tomba éperdument amoureuse de cet homme à la beauté subjuguante et surhumaine. De cette union contre-nature naquit pourtant un enfant. Un garçon. Peu après, les services de sécurité finirent par éventer le complot. Ils tuèrent le père et crurent se débarrasser de l’enfant. Mais tel ne fut pas le cas. En effet, à sa naissance, le nouveau-né fut confié à une nourrice aveuglément loyale tandis qu’un autre nourrisson prenait place dans le berceau impérial. Il ne fallut que quelques heures aux services de sécurité pour mettre au jour la supercherie. Cela suffit à la bonne nourrice de déposer le couffin sur le marchepied de votre astronef. .
- Euric serait donc un prince impérial ? s’écria Feelgood.
- Par sa mère, oui. Et grandes pourraient être ses prétentions, s’il demeure assez longtemps en vie une fois que son existence aura été révélée au Trône ! Il choisira son destin en temps utile. Mais aujourd’hui, je pense qu’il a certainement hérité de son père certaines aptitudes qui n’appartiennent pas à la race humaine. Ce sont elles qui le rendent très précieux à mes yeux.
- Quelles aptitudes ? demanda Euric. Comme celles des Istariens ou des Prophètes des Sables ? Des pouvoirs surhumains ? Alors ils sont bien cachés car, à part ma maladresse légendaire, je ne vois pas bien de quoi vous voulez parler !
- Pour être maladroit, t’es maladroit, c’est sûr ! rigola Poul. Euric, le super maladroit. Je vais te dénicher une cape et un masque.
- Certains dons ne se manifestent que dans des circonstances bien particulières, suggéra Van English.
- Il y a beaucoup de zones d’ombre dans tout ça ! rétorqua Alizéa. D’’abord, vous disiez que notre venue ici n’était pas préméditée. Mais alors comment êtes-vous arrivé à la conclusion qu’Euric était cet enfant impérial ? Ensuite, qui vous assure que ses hypothétiques pouvoirs sont de nature à affronter la créature qui vit dans le bassin ?
- Excellentes questions, ma chère ! admit Van English. Les Nuages, j’adore les Nuages ! Vous vous montrez toujours intrépides et logiques. Des qualités inhérentes aux astronavigateurs. Je ne suis, hélas, doué d’aucune préscience, sinon peut-être que tout ça ne se serait jamais produit. Mais il y a une personne de mon entourage qui est une Presciente extraordinaire. Elle était dans le véhicule quand j’ai bavardé avec votre commandant, n’est-ce pas, Commandant ?
- Il y avait en effet une forme humaine complètement dissimulée sous de nombreux voiles. Homme ou femme, je ne saurais dire ! Il ou elle n’a pas prononcé un seul mot ! reconnut Feelgood.
- Les prêtresses d’Artémidore ne montrent jamais leur visage en pleine journée ! précisa le vieil homme. Mais je ne vous ai pas menti. Houldah était là tout à fait par hasard. Ou peut-être pas, mais cela n’était pas de mon fait. Elle a aperçu ce jeune homme, qui se tenait au bord de la soute. Des images se sont imposées à elle, comme la surface d’un lac qui se brouille sous le vent, faisant naître des rides sur l’eau. Celles-ci formèrent alors des images fugitives, en rapides successions. Houldah m’a révélé ses visions.

Elle a vu la créature qui pleurait dans le bassin et ma fille qui s’enfuyait le long d’un sombre couloir vers une lumière aveuglante. Elle m’a vu fermer les yeux et une femme tenir à deux mains une coupe d’où ruisselait une eau aussi bleue que ses cheveux. Elle a vu le jeune homme, celui que vous appelez Euric, tendre la main vers celle de la créature et celle-ci semblait redouter le contact. Elle a vu ce jeune homme au-dessus d’une planète en feu dont les flammes, bondissant à travers l’espace, finissaient par encercler un Trône d’Or chancelant. Elle a vu le jeune homme marcher vers le Trône sur une route de fer où des milliers de fleurs coupées surnageaient dans de larges flaques de sang!

Voilà, je ne vous ai rien dissimulé. Les prêtresses d’Artémidore sont réputées pour l’excellence de leur divination. Je fais confiance à leur talent. Houldah ne m’a jamais déçu. Peut-être ai-je tissé ces visions dans un canevas fidèle à mes aspirations, mais il entretient l’infime espoir que ma fille est vivante. Aussi je m’accroche à lui comme à ma dernière bouée.
- Combien de temps nous laissez-vous pour vous donner notre réponse ? demanda Feelgood.
- Le temps qui sera nécessaire, répondit Van English. Je serai patient. Je vous ferai livrer ce dont vous aurez besoin.
- Entendu. Faisons alors comme ça ! conclut Feelgood en se levant.

(à suivre, mais pas dans cette WA)

M


  
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3 Commentaire Maedhros, exercice n° 135 - Narwa Roquen (Dim 25 jan 2015 à 15:27)


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