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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Lundi 8 avril 2013 à 22:41:31
La ville dont la reine est une petite fille (2)




Je les avais entendus parler sur le marché où j’achetais de l’orge et des pommes. Ils avaient l’air de qui a chevauché plus que de raison pour une cause perdue d’avance. Ils cherchaient un guérisseur, un marabout, un herboriste, n’importe quel prétendu soigneur qui pût sortir un homme du coma. Leur uniforme bleu grisé de poussière portait l’emblème de l’escargot. Depuis combien de temps n’avais-je pas mis les pieds en Hélix ?
Ce fut sans doute la curiosité, ou le désoeuvrement, ou la recherche d’une certaine reconnaissance qui me poussa vers la ville labyrinthe. Mon fantôme familier avait disparu depuis plus d’une semaine, et outre la solitude me tenaillait l’angoisse douloureuse qu’il ne revînt jamais.
La nuit était tombée quand je frappai à la porte étroite de la citadelle. J’avais gardé le souvenir d’un marché animé, d’une petite ville étrange mais accueillante, gouvernée par un roi prudent et discret. Nhoral avait succédé à Landor, son père, que j’avais bien connu.
« Je suis une amie de Nhoral, fils de Landor.
- Alors passe ton chemin, étranger. Voilà bien longtemps que le roi Nhoral est mort. Et son fils le roi Lyssol est mort lui aussi. Tu dois sortir de la tombe pour avoir de tels amis ! »
La voix goguenarde qui me parlait de derrière la porte se gaussait de moi. Cela me laissa de marbre, mais, plus ennuyeux, l’huis resta fermé.
J’aurais pu camper à proximité et me représenter le jour venu. Mais l’intuition qui m’a toujours portée me pressait de ne point attendre. Je fouillai dans mes réminiscences. Il existait un passage qui donnait accès directement au château, et que n’utilisaient que ses habitants. Je l’avais emprunté maintes fois, avec Landor puis avec Nhoral. Mais la végétation avait dû se modifier tant et plus depuis si longtemps... Alors comment retrouver l’entrée du souterrain ? Mes amis avaient saisi ma pensée. Kyo prit son envol au clair de lune pour repérer les lieux d’en haut, et frère Loup à mon flanc se mit en chasse d’odeurs d’hommes et de chevaux. Rolanya nous souhaita bonne chance et se trouva un carré d’herbe pour passer le temps.



« Tuvien ! » (1), jappa Frère Loup en ressortant de derrière un bouquet de broussailles. Je nous rendis invisibles, lui et moi, pour le cas où nous rencontrerions quelqu’un, et nous nous engageâmes dans le tunnel qui serpentait sous la ville et menait au coeur même du château, exactement comme dans mon souvenir. Je guidai frère Loup sans peine. La voix de Landor résonnait encore à mon oreille, comme s’il m’avait parlé la veille.
« Cet embranchement à gauche mène aux écuries. A droite, c’est un cul de sac. Le château est droit devant. Ensuite, la deuxième à droite, la troisième à gauche, et encore la troisième à gauche, puis... Là... La troisième porte... Prends garde, les marches sont raides... Ce corridor dessert les pièces d’habitation de la famille royale. Rien de très luxueux, mais le luxe a affaibli plus d’un monarque, qui fut ensuite défait. Pour ma part, j’ai toujours pensé que si je devais emmener quelque chose dans mon tombeau, je préfèrerais que ce soit une bonne action plutôt qu’un monceau d’or. »
Landor était austère et méfiant, mais c’était un homme honnête, un ami loyal, et somme toute un sage. Son fils Nhoral était mort, c’était l’oeuvre du temps. Son petit-fils Lyssol... Je recomptai les années dans ma tête. Il avait dû passer dans la force de l’âge, je l’avais connu tout enfant, chevauchant son premier poney... Mais alors, qui régnait en Hélix ? Je me reprochai tacitement d’avoir depuis si longtemps négligé ce territoire d’Arda, pourtant situé non loin de la frontière de l’Est, de là où ne pouvait venir que du Mal... Des voix assourdies guidèrent mes pas jusqu’à une grande pièce surchauffée, dont étrangement la porte était restée ouverte, ce dont Avan Oromë (2) je rendis grâces aux Dieux.
Je reconnus aussitôt la gravité de l’état de l’homme couché sur le lit, à sa respiration profonde et irrégulière. Devant lui, une petite fille somptueusement vêtue portait un diadème d’or et de saphirs. Princesse ? Un homme entre deux âges, habillé comme un vagabond, lui tenait tête, sous le regard attentif de deux gardes, la main sur leur épée, et d’un homme âgé dont le riche pourpoint s’ornait d’un grand collier d’or – une espèce de chambellan, de prélat ou de premier ministre... Ces gens-là ont toujours besoin d’or comme marque de leur puissance.
« Mais c’est la seule chose à faire, vot’Majesté ! Une bonne saignée et y n’y paraîtra plus ! Y s’engorge, j’vous dis, comme une vache qu’a trop brouté l’trèfle. J’y r’tire quoi, trois pintes... Et m’est avis que l’gars y s’lève et y vous r’mercie.
- Faible comme il est, vous allez le tuer !
- Ma p’tite Reine, j’vous jure par le soleil et par la lune qu’j’ai jamais tué quiconque ! Trois pintes, pas plus ! »
Une reine enfant, un charlatan sans vergogne, et un homme dans le coma pour une raison que j’ignorais. Cela aurait pu être cocasse si une vie n’avait pas été en jeu. Cet homme ne m’était rien et sa peau couverte de noirceurs étranges annonçait peut-être une mort prochaine. J’hésitais à intervenir – apparition, qui êtes-vous, palabres, explications, Istar etc... - quand un souffle familier de pomme et de cannelle réchauffa mon cou.
- Il a mal à la tête. A droite. Je l’ai rencontré. C’est un brave garçon. Il était venu chercher du secours pour son village, atteint d’un mal étrange dont tu vois les stigmates sur sa peau. Ils habitent juste à la frontière Est, comme par hasard. Il a été frappé sur le marché. Noralys l’a soigné elle-même, mais il n’a pas eu le temps de lui parler des siens. S’il meurt, ils sont tous condamnés.
- Tu dis qu’il a mal à la tête ?
- A droite. C’est là qu’il a reçu le coup.
- Et tu l’as rencontré.
- Il est presque mort, comme tu le vois. Son âme vagabonde déjà. Ce monde-là, pour l’instant, m’est plus accessible qu’à toi. Tu n’aurais pas une pomme ?
»
En soupirant devant les ennuis à venir, je réapparus.
« Arrêtez ! », m’écriai-je au moment où le soi-disant guérisseur allait trancher la peau du bras de son poignard stupide – et sale, de surcroît. « Vous allez le tuer ! »
La jeune Reine sursauta mais ne recula point.
« Qui êtes-vous ? Comment avez-vous pu... »
Je laissai tomber mon capuchon, ce qui d’habitude suffisait à me faire reconnaître. Mais j’avais été absente d’Hélix depuis trop longtemps, et l’enfant dont l’esprit me sembla acéré et épris de justice devait être trop rationnelle pour s’attarder sur les légendes qui couraient à mon propos. Un instant interrompu dans son geste, le charlatan rapprochait sa lame du bras du comateux. Frère Loup gronda en montrant les crocs, et l’homme lâcha son arme en courant se mettre à l’abri derrière la souveraine. Puisque personne ne songeait à m’en dispenser, il allait falloir que
je me présente.
« Je suis Narwa Roquen, la sixième Istar. Oromë m’a confié la mission de servir et de protéger Arda. Je ne cherche pas à vous effrayer, Majesté. J’ai bien connu votre arrière grand-père Landor et votre grand-père Nhoral. La dernière fois que j’ai vu votre père, il était plus jeune que vous aujourd’hui. Je suis venue pour sauver cet homme. »
Sur son visage enfantin passèrent en un éclair des esquisses d’émotions violentes – la surprise, la peur, la méfiance, l’espoir - qu’elle contrôla en un battement de cils et une respiration profonde. D’une voix mesurée, elle me lança :
« Et qui me le prouvera ? »
Je fronçai les sourcils en me demandant si j’allais devoir recourir à trois tours de passe-passe ridicules pour montrer que je possédais bien des pouvoirs magiques. Mais enfin la chance se souvint de moi. Le vieux chambellan-ministre sortit de son silence hautain, et une pensée incongrue s’imposa à moi : «Qu’a-t-il à y gagner ? »
« Elle dit vrai, votre Majesté. C’est Narwa Roquen, la sixième Istar. Ses exploits guerriers sont célèbres sur toute la Terre du Milieu.
- Ah... guerrière... Mais guerroyer n’est pas guérir... Je vous écoute, dame Istar.
- Certains maux ne se guérissent que par les armes, Majesté. Mais j’ai d’autres pouvoirs que ceux qui portent la mort. »
Si elle voulait énoncer des sentences, j’en étais capable aussi. Je n’allais pas me laisser moucher par une enfant ! Maedlin, juste devant moi, s’esclaffait de bon coeur. Je lui jetai un regard furieux, et m’approchai du corps inerte. Je soulevai les paupières : les pupilles étaient dilatées à l’extrême. Maedlin se pencha avec moi sur le blessé. Le pouls était filant, irrégulier, anormalement lent. L’agonie était proche. Maedlin me parla par la pensée. Je déglutis sans bruit en le traitant de fou. Mais la confiance que j’avais en lui était plus grande que l’océan. Je devais suivre son chemin, même si je doutais fort de réussir...
« J’ai besoin de vrilles de différentes tailles, et d’une eau de vie très forte. Il y a du sang dans son crâne, qui comprime le cerveau. Je dois l’évacuer.
- Et comment le savez-vous ? »
Elle était fraîche et belle comme un soleil d’avril, mais son esprit critique commençait à m’agacer profondément. Il est vrai que depuis tant de siècles en Arda, je n’étais pas habituée à ce que quiconque contestât tant soit peu mes décisions et mes ordres. Oromë me proposait une leçon d’humilité. Cela m’aurait amusée si j’avais été sûre de mon fait... Je sentis la pression de la main de Maedlin sur la mienne, et un long frisson me parcourut l’échine. Ce diable d’Elfe savait très bien que pour lui il n’était aucune épreuve que j’eus refusée...
« Il a été frappé à la tête. Il s’est évanoui sous le choc violent, et la poche de sang s’est constituée lentement. Quand elle a commencé à comprimer le cerveau, il a de nouveau perdu connaissance.
- Vous avez déjà pratiqué ce genre d’intervention ? »
J’ai toujours rechigné à mentir. Maedlin me souriait, soutien paisible et tolérant.
«Garde ton calme. Elle est attachée à lui, elle se sent responsable parce que l’agression est survenue sur son domaine... C’est une petite fille, Roquen ! Une enfant redoutablement intelligente, avec des responsabilités d’adulte, mais une enfant avec un coeur d’enfant ! »
Je me contentai de hausser les épaules dans un geste d’agacement impatient.
« Voulez-vous que nous discutions toute la nuit au risque de le voir mourir sous nos yeux ? »
Noralys dépêcha l’un des gardes chercher les instruments.
Je rasai la partie droite du crâne à l’aide d’un de mes stylets – les Nains de Khâzad-Dum n’auraient jamais pu prévoir que leur métal splendide servirait un jour de rasoir ! Je versai de l’eau de vie sur la peau maintenant glabre, et passai les pointes des vrilles à la flamme d’une lampe. Puis je commençai à percer l’os du crâne, à l’endroit que m’indiquait Maedlin, en priant Oromë pour qu’il guide ma main et sauve ce pauvre bougre de sa maladie et de mon incompétence. Quand la première vrille ne rencontra plus de résistance, je la remplaçai par une plus grosse et par une plus grosse encore. Un peu de sang suinta à la peau, et je retirai l’instrument. Le sang sous pression gicla en fontaine sur l’oreiller blanc. J’agrandis encore l’orifice avec la plus grosse des vrilles, et le sang coula, encore et encore, dans un silence tendu dont, si j’avais été mortelle, je me serais demandée s’il signifiait soulagement ou condamnation. Mais Maedlin souriait, et cela seul avait de l’importance à mes yeux fatigués.
Le sang se tarit enfin. Le pouls s’accéléra et reprit de la vigueur. La respiration devint régulière. Le visage de l’homme se crispa en une grimace douloureuse. Noralys bondit vers moi, prête sans doute à me sauter au visage, mais juste à ce moment le blessé ouvrit les yeux et un pâle sourire se dessina sur ses lèvres sèches tandis que d’une voix rauque il essayait de proférer un son qui ressemblait à « ...a...es...é...
- Lehr ! J’ai eu si peur ! Tu me vois, tu m’entends ?
- Boi...
- A boire, oui, bien sûr... De l’eau, vite !
- Doucement ! Relevez-le un peu, là... De l’eau pure, à peine. Il lui faut de l’eau salée, avec du miel. Lentement, mais en grande quantité. Et il faut lui bander la tête. »
Noralys releva vers moi ses yeux d’azur, sans se permettre encore le moindre sourire, tant l’angoisse tirait les traits de son joli visage.
« Merci... », souffla-t-elle d’une voix que l’émotion rendait plus ténue, comme un verre de cristal près de voler en éclats.



Lehr dormait paisiblement dans la grande pièce lumineuse. Rolanya avait gagné sa place aux écuries royales, la nuit dans un grand box paillé de frais et deux repas d’orge fine et de foin parfumé. Le jour, elle prenait un malin plaisir à sauter les clôtures pour aller visiter ses congénères, au grand désespoir des palefreniers qui s’acharnaient en vain à la rattraper. Kyo faisait bombance de poulets encore chauds, tués à son intention, et quant à Frère Loup, j’avais l’impression que le temps qu’il ne consacrait pas à s’empiffrer de quartiers de boeuf il le passait en longues digestions paresseuses... Nous étions des invités privilégiés, mais dormir entre quatre murs nous pesait à tous chaque nuit davantage.
Le visage de Noralys ne reflétait que la concentration. Je lisais en elle à livre ouvert, et les émotions ne manquaient pas dans ce jeune esprit prodigieusement doué, certes, mais tout de même enfantin. Elle avança sa reine. Je contrai avec ma tour. Elle sortit son cheval, je fis jouer mon fou. Elle eût peut-être considéré comme malhonnête que je reçoive ses pensées, et pourtant si je ne reculais devant aucune manoeuvre pour la battre à tout prix à ce jeu qu’elle adorait, ce n’était pas pour y gagner quoi que ce fût. Tout enfant a besoin de ressentir ses limites. Tout enfant a besoin d’être confronté à la défaite, entouré d’adultes chaleureux et compatissants qui relativisent sa frustration et lui permettent de la surmonter. De plus, il n’est pas de meilleur moyen de le persuader des vertus de l’effort ; et enfin, la toute-puissance pervertit déjà trop facilement les esprits des adultes pour qu’on prenne le risque de la laisser déstructurer le mental d’un être en devenir.
Elle renversa rageusement les pièces de l’échiquier.
« Mat en trois coups, d’accord ! », reconnut-elle d’une voix exaspérée. « C’est la dixième partie que tu gagnes, Narwa Roquen. Tu es plus forte que moi à ce jeu. A quoi me servirait-il de te proposer la onzième ?
- Peut-être à apprendre quelque chose », murmurai-je insidieusement.
Je replaçai les pièces, de mémoire, telles qu’elles étaient disposées au sixième coup.
« Si au lieu de chercher à m’impressionner en sortant ton cheval tu avais sagement avancé un pion... »
Son regard s’éclaira.
« Oui, c’est vrai, j’aurais pu... »
Pour la première fois, je lus dans ses yeux clairs non du ressentiment mais de la reconnaissance. C’est le moment que choisit Lehr pour se réveiller tout à fait. Il s’étira longuement comme un chat indolent, puis se dressa, la mine souriante et l’oeil alerte.
« Je me sens vraiment bien, votre Majesté. Vous m’avez sauvé ! Je suis juste tracassé par une chose.... J’ai faim ! »
Tandis qu’il dévorait une belle assiettée de poulet rôti et de pommes de terre nouvelles, Noralys le couvait des yeux comme une chatte son petit. L’inaction mettant des fourmis dans mes jambes, quand il se recala sur ses oreillers dans un soupir repu, je lui demandai :
« Parle-nous de ton village, mon ami, et de cet étrange mal qui l’a frappé. Le temps est venu de porter secours à ceux que tu aimes. »
Il tressaillit, serra les yeux sur une lourde vague de chagrin.
« Les Dieux me pardonnent de les avoir négligés ! Ma femme, mon fils, mes amis... Pendant que je m’empiffre ici, ils sont tous dans un immense malheur...
- Tu as failli mourir pour eux. Tu avais besoin de reprendre des forces, et nul ne saurait t’en tenir rigueur. Raconte-nous, maintenant, depuis le début. »
L’homme fixa son regard sur les flammes de l’âtre, convoquant ses souvenirs, ordonnant ses pensées, contrôlant le timbre de sa voix.
« Le début... C’était il y a presque deux ans, à l’automne. L’été avait été très sec, les récoltes décevantes. La terre était craquelée, dure comme de la pierre, et même les moutons avaient du mal à trouver leur pitance. Nous attendions les premières pluies avec une impatience mêlée d’inquiétude. Mais la chaleur perdura et plusieurs sources se tarirent. Le vent se leva, mais hélas de l’est, augmentant encore la sensation d’étouffement. Nous espérions tous qu’il tourne, que de bons gros nuages venus enfin de l’ouest nous amènent au plus vite l’orage salvateur... Un matin, le ciel se couvrit. Nous frissonnions déjà de bonheur anticipé, devant ces lourdes nuées sombres... Bien sûr, elles arrivaient de l’orient, ce n’était pas habituel, mais passe ! Plus l’espoir s’amenuise, plus l’homme abdique sa raison. Les nuages nous recouvrirent, brumes opaques chargées de cendres lourdes et âcres. L’air devint irrespirable, et chacun se calfeutra chez soi, préparant tisanes et sirops pour calmer la toux incoercible qui nous malmenait tous. Quelques vieillards et de nombreux nourrissons moururent, étouffant dans les quintes douloureuses qui hachaient nos nuits et nous ôtaient vigueur et appétit. Nous priâmes Iluvatar d’épargner nos vies, et nous nous crûmes exaucés quand, après une semaine d’obscurité malsaine et nauséabonde, le jour redevint clair. Tout sembla rentrer dans l’ordre, la pluie nous inonda, le gel sidéra la terre, le printemps la réchauffa...
Pauvres de nous ! Crédules comme des enfants, nous pensions que nos malheurs étaient derrière nous. Mais de semaine en semaine apparaissaient les signes d’un étrange mal. Notre peau se couvrait de larges taches brunes. Passe ! Nous n’en souffrions pas. Nos vaches et nos brebis se révélèrent moins fertiles, ou bien elles mettaient bas des produits difformes et monstrueux qu’il nous sembla plus sage d’abattre. Ce n’était que du bétail... Ce qui nous atteignit au coeur, ce fut de constater que nos femmes aussi étaient frappées de stérilité. Dans toute l’année, il n’y eut que deux naissances au lieu d’une bonne vingtaine. Une petite fille née sans bras et sans jambes, que son père étrangla de ses propres mains malgré les cris de sa femme en pleurs... Et un petit garçon dont la tête était si grosse qu’il tua sa mère et ne survécut pas...
Je me souviens de ce Conseil que nous tînmes à l’automne dernier. Nous avions tous la tête basse et les yeux cernés. C’était la première fois que nous en refusions l’entrée à nos femmes, tant nous redoutions leurs plaintes et leurs larmes, et peut-être leur colère devant notre impuissance. Mais nous étions tellement démunis ! Dans le silence lourd, Arith, notre chef sage et respecté, annonça qu’il ne se sentait plus la force d’assurer sa fonction. Son désistement nous plongea un peu plus dans le désespoir, d’autant qu’aucun de nous ne se proposa pour relever le flambeau. Nous restâmes ensemble jusqu’au jour, sans doute plus pour retarder le retour à nos foyers que pour vraiment trouver des solutions. L’exil était dans tous les yeux, dans toutes les pensées. Mais pas un de nous n’osa laisser ce mot franchir ses lèvres. Que deviendrions-nous, loin de la terre de nos ancêtres ? Des mendiants, des parias, des vagabonds méprisés et honnis ?
Nous convînmes collégialement, par prudence, de ne plus toucher nos femmes jusqu’au printemps suivant ; peut-être qu’à la longue le mal se dissiperait. Peut-être qu’à force de prières et de patience, Iluvatar nous prendrait en pitié... Nous sommes un peuple rude. Nous avons connu de mauvaises années, et nous avons survécu en serrant les dents. Quand nous nous séparâmes enfin, ce fut pour tenter, en refoulant nos larmes, de rassurer la femme qui nous attendait, inquiète et silencieuse, et qui fit semblant de nous croire pour ne pas nous blesser un peu plus...
L’hiver fut pénible. Les greniers étaient vides, nous avions faim. Nous enterrâmes beaucoup de morts, enfants, vieillards, jeunes filles. Nous essayâmes de chasser, mais le gibier était rare et malingre. Il nous fallut abattre une partie des troupeaux, juste pour subsister, sans savoir de quoi demain serait fait.
Nous sommes un peuple fier. Nous ne sommes pas des pleureuses ! Mais quand la neige a commencé à fondre, je me suis dit que j’encourrais bien volontiers l’opprobre des miens si je pouvais simplement les aider à survivre. J’ai embrassé ma femme et mon fils, je n’ai rien dit aux autres. J’ai quitté Emmin.
J’ai marché, fatigué, affamé, assoiffé, meurtri. J’ai été chassé de Barath, d’Almédine, de Ters. Je me suis enfui de Péroth sous un jet de pierres. Et puis je suis arrivé à Hélix... Et vous savez la suite.
- Convoquez Korin sur-le-champ. Je pars demain matin à l’aube avec la Garde. Nous ramènerons les survivants, et nous leur donnerons un nouveau foyer et une nouvelle patrie. »
Un des soldats s’éclipsa en courant pour aller quérir le Capitaine de la Garde.
« A vrai dire, Votre Majesté », entonna Mérik d’une voix doucereuse, « cette initiative vous fait honneur et participera sans aucun doute au rayonnement d’Hélix dans la Terre du Milieu. Hélix, terre d’accueil, Hélix la généreuse ! Tant de détracteurs qui nous calomnièrent, qui nous accusèrent de vivre repliés sur nous-mêmes, égoïstes et satisfaits ! Tant de critiques infondées, motivées par la jalousie et la concupiscence, alors que notre cité est un modèle de justice et d’équité. Tant de ...
- Pardonnez-moi, Majesté », l’interrompit Korin en entrant en trombe, « on vient de m’informer... Je suis à vos ordres. Je vous sers aussi loyalement que j’ai servi votre père. Je ramènerai ces braves gens avec un détachement de dix hommes. Mais je refuse d’affaiblir les défenses d’Hélix en la privant de sa garnison. Et je refuse – pardonnez mon impudence ! – je refuse, ma reine, de mettre votre vie en danger en vous emmenant avec nous. Chassez-moi si vous le souhaitez, mais votre père m’a confié votre vie, et je donnerais la mienne vingt fois pour vous éviter le moindre mal.
- Vous n’auriez jamais parlé ainsi à mon père, n’est-ce pas ? En Hélix, c’est moi qui ordonne !
- Votre père, Majesté, était un homme prudent », répondit le Capitaine d’une voix qu’il s’efforça de rendre douce.
- Allons, allons », intervint Merik en souriant d’un air débonnaire, « Korin, sa Majesté ne risque rien. Il s’agit juste de convoyer quelques centaines de malheureux, sur un trajet de vingt lieues tout au plus...
- Cinquante », corrigeai-je. « Cinquante lieues avec des chariots surchargés de leurs pauvres biens, probablement quelques bêtes étiques et sûrement une population affaiblie qui ne pourra guère marcher plus de trois ou quatre lieues par jour, à moins que vous ne souhaitiez les voir mourir en route. Soit un périple d’une quinzaine de jours, dans un pays infesté d’Orques, de wargs et d’Ourouk-haï. Je serai avec eux, mais là ne me semble pas être la place d’une Reine, fût-elle jeune et intrépide. Manies-tu l’épée, Noralys ? En cas d’attaque, devrons-nous sacrifier les amis de Lehr pour assurer ta sécurité ? Tu peux mettre Hélix en danger en t’exposant inconsidérément. Qui te dit que tout ceci n’est pas un plan pervers conçu par Sauron pour t’enlever ou te tuer, et prendre ensuite possession de ta ville, ce qui lui fournirait une base imprenable pour mieux menacer Arda ? Si j’ai bien compris, des hauteurs d’Emmin on aperçoit la tour de Minas Morgul... Et puis ta ville a besoin de toi. Elle ne sera jamais mieux armée que si tu es présente pour la défendre.
- Balivernes ! », me contra Mérik, tandis que je ne pouvais m’empêcher de me demander une fois encore « mais qu’a-t-il donc à y gagner ? », sornettes et balivernes ! J’assurerai les affaires courantes. Vous n’allez pas trembler devant des loups-garous et des croque-mitaines ! Sauron ! Un illuminé qui s’est pris pour Morg_o_t_h ! Un magicien de pacotille, dont plus personne n’a entendu parler depuis des siècles ! Un conte pour faire obéir les petits enfants ! Comment une personne de votre intelligence pourrait-elle gober de telles billevesées ? Songez à votre gloire quand vous reviendrez en Hélix à la tête de vos troupes, convoyant ces pauvres hères que vous aurez sauvés d’une mort certaine ! Arda toute entière chantera les louanges de sa nouvelle héroïne, cette jeune femme inspirée des Dieux dont la beauté n’a d’égale que le courage et la générosité, cette jeune femme qui...
- C’est une enfant, Mérik. Juste une enfant. De grâce, Noralys, prends le temps de ta décision. Laisse passer une nuit. Je me plierai à ton choix demain matin.
- Narwa Roquen a raison », me soutint Lehr. « Votre présence n’est pas indispensable. Et mon peuple peut attendre quelques heures de plus. Réfléchissez-y. Je ne veux pas vous mettre en danger. Je suis un homme simple, et vous êtes une Reine. Je ne veux pas vous offenser. Mais je vous conjure de bien peser votre décision, ne fût-ce que par amitié pour moi. »
Ces paroles semblèrent toucher Noralys, qui grimaça un bref instant de colère et me lança non sans ressentiment un « soit, à demain » passablement furieux, avant de quitter la pièce d’un pas déterminé qui présageait facilement du choix à venir.
Je me retirai dans ma chambre, inquiète et irrésolue. Les beaux discours du ministre avaient éveillé en moi la plus profonde suspicion. Frère Loup les avait écoutés en hérissant son poil, et le même instinct m’inspirait une hostilité méfiante. Le bruit d’une pomme croquée me fit faire volte-face.
«Seyat linwalyana... (3)
-Oh Maedlin... Il se passe d’étranges choses ici. Ce Mérik ne me dit rien qui vaille. Son esprit est verrouillé à double tour, mais j’ai l’intuition... U-istan, e (4)... Cette pauvre enfant est si jeune... Ah si elle avait encore ses parents, que sa vie serait plus insouciante et douce !
- Ses parents... Ils sont morts, n’est-ce pas ? Ma foi... Je devrais pouvoir... disons... te montrer que je peux encore t’être utile...
»
Il disparut sans un mot de plus, me laissant là interloquée et toujours aussi soucieuse.
« Tu devrais dormir », me conseilla frère Loup dans un bâillement contagieux. « Maedlin n’est pas un sot, et tu sais à quel point il tient à toi.
- Je le sais. Au point de renoncer au repos éternel, au point de se contenter de n’être qu’un fantôme errant, à jamais perdu entre deux mondes...
- Mais malgré cela il met toute son énergie et son intelligence à ton service, pour t’aider encore et encore. Et il n’est pas impossible qu’il y parvienne.
- Mais comment ?
- Tu lui faisais confiance aveuglément quand il était vivant. Qu’est-ce qui a changé ? »
Un loup peut-il être plus sage qu’une Istar ? Je me couchai avec cette question à laquelle, pendant les longues heures d’une nuit d’insomnie, je ne trouvai pas de réponse.


L’aube pointait à peine que je devinai dans la pénombre la présence rassurante de Maedlin.
«Ulort ?(5)
- Et toi ? Depuis quand n’as-tu pas dormi ?
», insinuai-je en contemplant le visage adoré de ce fantôme qui m’était plus cher que tous les vivants d’Arda. Ce visage maintenant intact, débarrassé par la mort de sa longue cicatrice. Que n’aurais-je donné pour revoir la chère balafre, pour serrer contre moi ce corps vigoureux, pour entremêler encore mes doigts aux siens sans avoir l’impression d’enfoncer ma main dans le brouillard...
- J’ai retrouvé les parents de Noralys. Tu avais raison. Mérik les a assassinés tous les deux
- Tous les deux ? Mais... comment le lui faire savoir, à elle ? Comment faire en sorte qu’elle le croie ?
- Allons, melin ar melwa Istar (6)... N’as-tu plus le pouvoir de changer d’apparence ? Toi qui pris autrefois celle de Notre Dame des Chevaux ?(7) Et ne me dis pas le contraire, c’est Radagast lui-même qui me l’a raconté.
- Radagast ? Mais comment... Mais je...
- Lève-toi, paresseuse ! Pendant que tu te prélasses, Arda a besoin de toi !
»



J’avais fait demander à Noralys de siéger dans la salle du Trône, en présence des notables. Je voulais que la réunion fût tout à fait officielle, non point par désir de spectaculaire, mais afin que nul n’en ignorât.
La jeune Reine s’impatientait.
« Mais où est-elle, à la fin ? Nous devons partir, elle nous retarde !
- Elle n’est pas dans sa chambre, votre Majesté », tenta Korin d’une voix qui se voulait apaisante. « Je suis sûr qu’elle ne saurait vous faire attendre sans une bonne raison.
- Point n’est besoin d’un tel cérémonial ! », gronda Mérik. « Quel tour veut nous jouer encore cet oiseau de malheur, si ce n’est compromettre votre noble mission ? »
Je fus sans doute la seule à comprendre les insultes salaces que hurla Kyo en voletant frénétiquement près du plafond ogival superbement sculpté de l’immense salle. Certains mots ont le pouvoir de l’irriter prodigieusement...
Invisible, je m’étais avancée dans l’allée centrale laissée libre par les Gardes et les courtisans, jusqu’au pied du trône. L’estrade était une véritable oeuvre d’art. Dans un bois sombre et parfaitement lisse étaient incrustées des spirales de nacre, répétant patiemment l’emblème d’Hélix en un ordonnancement qui était lui-même un blason géant. A la droite de Noralys, la mine renfrognée, se tenait Mérik, raide comme une statue. Quoiqu’ayant protesté contre la solennité du lieu, il n’en avait pas moins revêtu son pourpoint le plus chamarré, et outre son lourd collier d’or, accumulé à ses doigts bagues rutilantes et pesants anneaux. Je savourai en silence cet instant rare ; le destin de ce traître était entre mes mains, et sa morgue allait bientôt céder la place à la confusion et au désespoir.
«Que soient démasqués ainsi tous les vils et les retors, et Arda retrouvera la paix », me souffla Maedlin comme si je retardais mon entrée en scène faute de me souvenir de la première réplique du rôle...
Noralys bondit de son royal siège en se tenant le coeur à deux mains, au milieu des cris de stupeur et d’effroi des nobles Hélixiens. Le roi Lyssol se tenait à ma place, le front ceint de sa couronne d’or sertie de saphirs, ombre évanescente d’où émanait un souffle glacé, tendant vers un Mérik défait un doigt accusateur.
« Traître, perfide, félon ! Non seulement tu as empoisonné la reine qui avait découvert tes manigances, mais dix ans plus tard, tu m’as assassiné !
- C’est... c’est une sorcellerie ! », glapit le ministre en reculant d’un pas.
Derrière moi, encadrant Maedlin, se tenait le couple royal ; je ne pouvais pas les voir, pas plus que quiconque, mais je sentais l’énergie des passions violentes qui les assaillaient. Maedlin me transmettait en pensée les paroles qu’ils souhaitaient que je prononce, et moi qui ai si souvent gagné mon pain grâce à quelques numéros de cirque, j’ajoutais à leur désir et l’image et la voix.
« Le roi est tombé de cheval ! C’est bien ce que tu leur as dit, n’est-ce pas ? Oui, j’ai chuté de ce cheval que tu avais drogué alors que toi et moi chassions bien à l’avant du groupe. Je me suis cassé le bras. Mais j’étais bien conscient lorsque, gisant à terre, je reçus sur le crâne ce billot de bois dont tu me frappas de toutes tes forces ! Et maintenant que te faut-il ? La vie de ma fille, pour satisfaire enfin ton ambition criminelle ? C’est pour cela que tu veux l’envoyer, pauvre enfant innocente, dans les griffes de Sauron ? Combien de légions d’Orques t’a-t-il promis en échange de ta trahison ?
- Vous n’allez pas croire à cette mascarade, Majesté ! C’est une imposture !
- Ma fille bien-aimée, c’est en pensant à toi que j’ai rendu mon dernier soupir. A tous ces dangers que tu allais courir auprès de ce monstre sanguinaire, sans que je puisse t’en protéger ! Mais voilà que l’occasion m’est donnée de te porter secours, grâce à une Istar dont les pouvoirs s’étendent au-delà de la mort. Et tu ne me croirais pas ? Tu te souviens de cette poupée que je t’avais rapportée de Minas Tirith ? Une poupée blonde comme ta mère, au fin visage de porcelaine. Tu l’as nommée Odriel, comme elle, cela n’est un secret pour personne. Mais te souviens-tu de ce que tu m’as dit ce jour-là ? « Père, seras-tu fâché si je l’appelle ainsi ? Peut-être qu’un peu de son âme passera dans ma poupée, et peut-être que la nuit, quand je la serrerai fort dans mes bras, ma mère viendra visiter mes rêves... »
Noralys, livide, chercha des yeux Korin. Mais son regard n’échappa pas à Mérik, qui se sentant perdu, dégaina un poignard large comme un couteau de boucher qu’il plaqua sur la gorge de sa souveraine.
« Reculez tous ! Vous ne pouvez rien contre moi ! Un destin prodigieux m’attend depuis des années, et je vous ferai regretter de ne pas l’avoir partagé avec moi ! »
Il me faisait face, ignorant que j’étais là. Il eut sans doute le temps de m’apercevoir, réapparaissant là où se tenait Lyssol auparavant, avant que mon stylet rapide comme l’éclair ne vienne se ficher entre ses sourcils épais.
« Que meurent ainsi les traîtres et les assassins, afin qu’Arda retrouve un jour la paix », déclarai-je pour rendre hommage à Maedlin.
«Tye melane » (, murmura-t-il à mon oreille, et j’espérai que personne ne se rendait compte que je rougissais...





Nous partîmes quelques heures plus tard, Lehr chevauchant en tête avec Korin, Frère Loup et moi à l’arrière-garde. Kyo nous survolait, jouant les vigies comme à son habitude. Rolanya caracolait de bonheur tant l’inaction lui avait pesé, et je me sentais revivre aussi à reprendre enfin la route. Maedlin, en croupe derrière moi, ne pesait pas plus qu’une plume, mais je sentais sa présence toute proche qui me réchauffait bien plus que toutes les fourrures. Le ciel était presque noir de l’orage à venir. Je me doutais bien que la colère de Sauron ne nous laisserait pas de répit, mais j’étais bien décidée à mener à terme cette mission, et la perspective de quelques combats acharnés m’excitait joyeusement. Oromë m’a faite guerrière...


Sin simen, inye quentale equen, ar atanyaruvar elye enyare. Oromë valuvar, yeva ata min. (9)



Narwa Roquen

(1)J’ai trouvé !
(2)Loué soit Oromë
(3)Tu sembles bien tourmentée...
(4)Je ne sais pas, en vérité
(5)Tu ne dors pas ?
(6)Ma chère et adorable Istar
(7) cf « Notre Dame des chevaux, in Concours « Chimères »
(Je t’aime
(9)Ici et maintenant je vous ai conté ce récit, et vous le raconterez à votre tour. S’il plaît à Oromë, il y en aura encore un.
Narwa Roquen, coucou, me revoilà!




NdA
Mes hommages en forme de clin d'oeil à Henri de Montherlant, en souhaitant que son esprit n'en prenne pas ombrage.
C'est la première fois que Narwa Roquen s'invite dans les WA; pour ceux qui n'auraient pas lu les textes précédents, ils sont tous à la rubrique "Concours", sauf "Retour à Chiswarta" qui est en page 3 des participations libres de la Librerie.


  
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3 Commentaire WA 118 : Narwa - Estellanara (Ven 3 mai 2013 à 10:59)
3 La vérité sort de la bouche des absents. - Maedhros (Dim 14 avr 2013 à 19:08)


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