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 WA - Participation exercice n°118 - part II Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Lundi 1 avril 2013 à 20:25:09
2. LA GRANDE GIGUE DANS LE CIEL


La musique...

Le staccato lancinant des armes automatiques les cloue derrière la carcasse retournée du Humwee. Sans répit, les balles s'écrasent contre les longerons ventraux ou arrosent le sol tout autour de l'épave, donnant naissance à de petites fontaines sablonneuses. Angelson et Myers sont couverts de sang mais vivants. Les deux Rangers ont eu moins de chance. L'un a été éjecté pendant que le Humwee, atteint de plein fouet par un RPG, se cabrait brutalement comme si un poing géant s'était abattu sur le capot moteur. Emporté par l'énergie cinétique, le véhicule était parti dans une série d'embardées avant de s'immobiliser près d'un gros rocher. Le Ranger aurait pu y survivre si les trois tonnes du véhicule n'étaient pas retombées sur lui. L'autre a perdu la vie peu après. Un tir de sniper en pleine tête.

La lumière, sale et épaisse, décline au fur et à mesure que la tempête monte à l'assaut du ciel. Il est impossible de voir au-delà d'une centaine de mètres. Le colonel parvient tout juste à distinguer les silhouettes fantomatiques de trois MRAP, tous feux allumés, qui semblent intacts. Ils progressent au ralenti. Angelson ne parvient pas à entrer en communication avec eux. La ligne est saturée de grésillements dus aux forces électromagnétiques qui se crépitent sur le front de la tempête. Les vents se renforcent et emplissent l'espace de hurlements démoniaques.

Une autre roquette frappe le premier véhicule blindé qui s'ouvre comme une fleur de feu, les flammes s'échappant de toutes les ouvertures. Une silhouette parvient à s'extraire du brasier mais elle est en feu et s'écroule après quelques mètres d'une course aveugle. Le MRAP gît en travers de la piste. Juste après, une autre détonation libère des tonnes de rochers du flanc de la montagne qui viennent heurter le véhicule calciné et obstruer définitivement le passage. Myers secoue la tête et tourne son pouce vers le bas. Pas bon du tout!

Dans ce décor de fin du monde biblique, Angelson parvient quand même à philosopher. On dirait que les hommes ont décidé de se moquer éperdument de ce qui les attend, malgré l'imminence du tsunami de sable qui va bientôt tous les balayer sans distinction de religion. Les Djihadistes, tapis hors de vue, les arrosent sans arrêt d'un feu nourri. Le colonel perçoit la voix basse et rageuse d'une 12,7 qui répond, quelque part, aux aboiements rauques et brefs des AK-47. Quand il jette un regard vers le ciel, il revoit malgré lui certaines images de films catastrophes où une vague immense menace de recouvrir les régions côtières. Mais la réalité est bien pire. La tempête les entoure désormais. Elle forme un cylindre ressemblant, en bien plus grand, aux vortex des tornades géantes, des F4 et des F5, qui dévastent chaque printemps les Grandes Plaines. A présent, le ciel au-dessus du massif est un disque parfaitement régulier dont le bleu indigo vire au noir. Les lèvres de la tempête se replient insensiblement vers l'intérieur.

Myers lui crie quelque chose mais la puissance des vents redouble, emportant les mots qui lui sont destinés. Il le voit dégoupiller une M67 et la projeter loin devant lui. Il suit la longue parabole que dessine la grenade avant de retomber au milieu d'un groupe d'hommes qui dévalent la pente tout en mitraillant vers eux. L'explosion fait trembler le sol. Quand la poussière se dissipe, il n'y a plus personne debout. Myers est hilare et lève son pouce en signe de victoire. Son sourire se fige. Angelson n'a pas entendu la détonation mais une rose de sang s'étale sur la poitrine du sergent. C'est à ce moment seulement qu'il remarque que celui-ci ne porte pas son gilet pare-balles. Merde, Myers! Pas toi! Le grand gaillard tombe en avant. Angelson le retient de justesse. Myers est en vie mais perd beaucoup de sang. Il lui prodigue les premiers soins en pillant la boîte marquée d'une croix rouge. La blessure n'est pas belle. Il endigue l'hémorragie mais cela ne sera pas suffisant. S'il n'est pas rapidement évacué vers un hôpital de campagne, Myers risque d'y passer.

"Sergent, bordel, sergent, tiens bon! Infirmier! Infirmier!" hurle Angelson mais il sait que c'est inutile. Personne ne l'entendra dans le vacarme apocalyptique.

Des balles sifflent à ses oreilles. Il tire difficilement son ami sous une roue qui offre un abri de plus en plus inconfortable. Il y a d'autres tireurs et ils ont trouvé des angles de tirs. Ils menacent de les prendre à revers. Putain, c'était bien un crève-coeur. Le sable commence à fouetter son visage. Putain de pays. Putain de guerre. Pourquoi l'état-major ne décide-t-il pas de balancer une de leurs bombes de dernière génération une bonne fois pour toutes? Une bonne foi pour toutes? Il n'y a rien à gagner ici. Que du sable et du sang.

Puis il se ressaisit. Rageusement, il épaule son M4 équipé d'un M203 et balance une série de grenades de 40 mm qui déchaînent l'enfer domestique à plusieurs dizaines de mètres, parmi les rocailles estompées d'où partent les tirs croisés. Il se retourne soudain, plus par instinct qu'autre chose. Une forme humaine rampe sur la piste, vers lui. Il ajuste lentement son M4 et aligne sa cible. Son doigt se replie sur la détente quand, au dernier moment, il suspend son geste. Il est rare que les Djihâdistes se mettent une perruque blonde pour mener la guerre sainte. Et, quand il regarde à travers sa lunette de précision, il reconnait ce visage féminin sur lequel la terreur le dispute à la détermination. Malgré la fin du monde toute proche, malgré sa position de plus en plus critique, il est incrédule. Ce bout de femme le surprend une nouvelle fois. Il faut en avoir pour faire ce qu'elle fait. Et une sacrée paire. Il connaît de soi-disants baroudeurs qui auraient hésité. Des noms? Ben, lui, pour commencer!

Il abat d'un tir précis un extrémiste qui a commis l'erreur de sortir de son terrier. Un autre connait le même sort. Angelson couvre la progression de la journaliste. Merde, c'est quoi son nom déjà? Il l'a oublié. Jones? Downes? Il continue de tirer. Son prénom alors? Pas mieux. Ce n'est pas le genre d'informations utiles dans une zone de combat. Il change de chargeur, le tapant au préalable sur son casque. Il insère une autre grenade dans le M203 et vise la chandelle de rochers qui se dresse au-dessus de l'endroit où il estime que sont planqués les Djihâdistes. Bingo! En plein dans le mille! Les blocs de granit dégringolent en soulevant des nuages de poussière. Dans sa lunette, plusieurs silhouettes se mettent à courir pour éviter l'avalanche. Il retient son souffle. Son arme tressaute trois fois. Là-bas, trois corps s'écroulent presque en même temps.

Pendant ce temps, la journaliste a atteint le Humwee retourné. Claire. C'est ça. Claire MachinChose. Non, elle s'appelle Claire Suchet. La fiche d'identité lui revient instantanément en mémoire. C'est la nièce d'un haut-gradé du Pentagone. Illustre famille de militaires qui compte un Maréchal parmi ses aïeux. Un des compagnons de l'Empereur quand celui-ci a débarqué à New-York après s'être enfui de l'île d'Elbe. Cela aide pour obtenir les sauf-conduits et tout le reste. Elle en aura pour son argent. A titre posthume.

Il l'attrape par le col et la tire vers lui.

"Alors, mademoiselle Suchet, vous avez gagné au super-loto à ce que l'on dirait!"

La jeune femme lui adresse un regard qui pourrait carboniser la moindre herbe à des kilomètres à la ronde s'il était accouplé à un lance-flammes de bon calibre. Du sang macule son treillis mais elle n'a pas l'air d'être blessée. Sa tignasse blonde semble avoir été soufflée par un pet particulièrement violent du Diable en personne. Son visage est chiffonné, le Rimmel de ses yeux a coulé, ses joues sont pleines de terre et les larmes y ont creusé des sillons rectilignes. Sa bouche se plisse en une grimace peu avenante.

"Bordel de merde, crache-t-elle comme un chat qu'on aurait voulu baigner de force, c'est quoi ce merdier, Colonel? Vous avez prévenu la base? Ils doivent tout voir depuis leur putain de satellite! Qu'est-ce qu'ils attendent pour envoyer les renforts? Je sais pas moi, les F22, les F15 et tous les F de la création! Ils peuvent même pousser jusqu'à la lettre G!"

Puis le contrecoup de la tension nerveuse qui lui a permis de faire tout ça s'effondre et la journaliste commence par trembler de tous ses membres. Elle redevient une petite fille terrorisée. Angelson lui presse doucement le bras, essayant de se rappeler ce que dit le manuel en pareille circonstance. Une balle ricoche tout près, forçant le colonel à abandonner provisoirement la rescapée. Il se redresse et alterne grenades et courtes rafales. Il faut que les autres sachent qu'il y a toujours un Ranger décidé à vendre chèrement sa peau. Ils n'auront pas facilement son scalp.

Sans cesser de tirer, il interroge la reporter :

"Les autres?"

"Ils sont tous morts!" hoquète la jeune femme. "Il y a eu des tirs venant de derrière. Il n'y avait plus d'endroit où se cacher. J'ai tenté ma chance!"

"Vous avez un ange gardien de première bourre mademoiselle!" lui répond Angelson qui fauche à nouveau un Djihadiste trop téméraire. "Mais pour les renforts, faudra attendre! Personne ne viendra tant que la tempête sera sur nous! Pour l'instant..."

Angelson ne peut terminer sa phrase. Il ressent une violente douleur à la tête et le sang inonde son visage, l'aveuglant à moitié. Il bascule en arrière tout en lâchant son arme. Il ne perd cependant pas conscience. A travers un épais voile rouge, tout au bout d'un télescope, le rond du ciel entre dans une gigue insensée. C'est marrant, pense-t-il, c'est donc ça...?"

Il se souvient d'autres paroles. Elles disaient :
"And I am not frightened of dying, any time will do,
I don't mind. Why should I be frightened of dying?"

Comme si elle n'attendait que cela, la tempête choisit ce moment pour entrer en action. Les vents tourbillonnants deviennent chaotiques, désagrégeant la stabilité du vortex. Des écharpes furieuses de sable balaient la piste, les carcasses de véhicules et les contreforts jusque là miraculeusement préservés. En une seconde, l'Apocalypse est sur eux, les ensevelissant sous un déluge de sable qui entre par chacun de leurs pores, qui pique les yeux, qui s'immisce dans la gorge malgré les lèvres closes, qui s'infiltre dans les vêtements. Dans une semi-lucidité, Angelson voit Claire faire de grands gestes, se débattant sous les rafales de sable. Pourquoi lutte-t-elle? Quand l'heure sonne, les retardataires seront les moins biens servis, n'est-il pas vrai? Le sable n'est rien. La douleur est partie. Il est dans cette stase où un équilibre surnaturel sépare la vie de la mort. Il en goûte chaque instant. Ses perceptions s'éteignent peu à peu. Il n'entend plus rien. Il ne sent plus grand chose. Angelson se surprend à observer cliniquement sa propre mort. La regarder de l'extérieur.

Il commence à délirer. Il croit voir des formes humaines immobiles dans le chaos qui les entoure. Claire est recroquevillée pour tenter d'échapper aux étreintes du sable. Il passe une langue déjà sèche sur ses lèvres insensibles. Il sombre dans le néant. C'est comme ça que tout finit? Est-ce ma dernière pensée? Il espère la lumière blanche.

Il ouvre à nouveau les paupières et c'est exactement comme il l'imaginait. Il semble voler sur les ailes de la tempête. Il ne voit pas son corps. Normal, pour un pur esprit, n'est-ce pas? Une onde de fraîcheur sur son front est une sensation incongrue. Il referme les yeux. Le voyage vers le Paradis est fatigant.

Il les rouvre encore. Il y a une silhouette près de lui. La nuit tombe. Il voit les étoiles. Il vole toujours au milieu du ciel. Sous lui, quand il tourne la tête, la tempête l'accompagne, masquant le sol bien plus bas. Il y a un ange près de lui. Ses cours de catéchisme traduisent ce qu'il ressent. Ce n'est pas forcément la meilleure traduction! Un homme curieusement attifé est tout près de lui. Il paraît chevaucher un nuage. C'est bien un ange. Il est vêtu d'une longue tunique blanche et un orbe lumineux coiffe sa tête, empêchant le colonel de distinguer son visage.

Angelson soupire de contentement. Il avait raison. C'était un putain de crève-coeur mais finalement ce n'était pas plus difficile que ça. Il se voit déjà déambuler dans les prairies célestes en taillant le bout de gras avec Myers. Au Paradis, il n'y a pas d'apartheid n'est-ce pas?

Et le colonel s'évanouit cette fois-ci pour de bon.

(à suivre...)

M


  
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3 Commentaire Maedhros, exercice n°118-2 - Narwa Roquen (Sam 13 avr 2013 à 22:40)


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