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 WA-Exercice 112 - Horreur toute en finesse Voir la page du message Afficher le message parent
De : Onirian  Ecrire à Onirian
Page web : http://oneira.net
Date : Mardi 6 novembre 2012 à 16:19:17
Finesse... Le mot n'est pas forcément le plus approprié. Mais il n'y a pas la moindre goutte de sang, promis.

--
La pesée.


Le hurlement est terrible, je me prends la tête pour ne plus l'entendre, mais c'est encore pire, il pénètre jusqu'à mon âme. Me terrifie.
C'est moi qui crie.
J'arrête.
Je me réveille.
Où suis-je ?
La pièce est nue et chaque mur me renvoie mon propre reflet. Des miroirs partout. Même au sol et au plafond. Bordel, qu'est-ce que je fais ici ?

Derniers souvenirs...
J'ai signé les papiers du divorce, la fin d'une dizaine d'années de ma vie. Une fin qui avait commencé en bons amis, avant de déraper au moment du partage. Connards d'avocats. Ensuite... Une cuite, la première de ma vie, une bien sévère. Il me reste quelques flashs, une fille en rouge, des oiseaux, un barman étrange.
Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ?
Je n'ai pas mal. Pas l'impression d'avoir les idées embrouillées... Mais j'ai peur. Putain, je suis mort de trouille. Et ce n’est pas seulement cette cage avec ces murs qui me multiplient à l'infini.
La pièce... Pas de porte, pas de fenêtre, juste un cube parfait, pour autant que je puisse en juger.
- Il y a quelqu'un ?
Ma voix sonne étrangement, je n'arrive pas à déterminer s'il y a de l'écho ou si le son est assourdi au point d'être presque inaudible.
- Est-ce que je rêve ?
Je n'ai jamais rien entendu de pareil.
- Sortez-moi de là !

Aucune réponse. J'ai envie de m'approcher des murs, mais j'ai peur. Ils me font peur. Je me fais peur. Je ressemble à un fou sur ces murs. Et ces images de moi qui rebondissent à l'infini... Ça me rappelle cette vieille question que je me posais étant gamin. Dans le noir absolu, on met deux miroirs parfaits exactement face à face, puis on allume la lumière. Que reflètent-ils ?
Rien, du noir, du blanc, une image de dieu, tout, autre chose.

Je choisis un mur au hasard et décide de l'affronter. Je m'approche et mon image grandi. Barbe de trois jours, cheveux en bataille, vêtements froissés. La première étape vers le clodo. Après tout, je n'ai plus de maison, merci chérie. Connards d'avocats. Quelques pas. Je voudrais toucher ce mur... Quand ma main s’approche, son reflet vient à sa rencontre. Mais juste avant l'instant du contact le reflet surgit d'un coup et m'attrape le bras, serre. Je plonge.

* * *


Le hurlement est terrible, je me prends la tête pour ne plus l'entendre, mais c'est encore pire, il pénètre jusqu'à mon âme. Me terrifie.
C'est moi qui crie.
J'arrête.
Je me réveille.
Où suis-je ?
L'endroit me semble familier. Une pièce nue, cubique, intégralement composée de miroirs. Je suis effrayé. Oh dieux, c'est pire que ça. Ces murs me terrifient, et mon reflet...
Mon reflet...
Je suis famélique, comme si j'avais oublié de manger durant plusieurs jours, mais je n'ai pas faim. Ni soif. Je veux sortir. J'ai peur. Par les dieux, est-ce possible d'avoir si peur ?
Des centaines de mois réagissent à mes mouvements. Lorsque je tremble, c'est toute la pièce qui tremble, des millions d’ondulation qui se répètent à l’infini.
- Au secours !
Je n'ai jamais rien entendu de pareil, c'est comme si ma voix était à la fois étouffée et démultipliée.
Qui a pu me faire ça ? La fille en rouge ? Le barman. Ils étaient... différents. Je ne sais plus de quoi on a parlé. Est-ce que j'ai baisé la fille ? Je ne sais plus. Je ne sais rien. Au fond de moi, un éclat de raison se débat. Bouge. Oui, bouger... Je choisis un mur au hasard et je m'approche.
Il n'y a moins de trois mètres à faire pour atteindre ce mur, mais j'avance avec des pas si petits qu'il me faut bien une éternité avant d'être assez près pour le toucher. Le mur me renvoie l'image d'un fou. J'ai les yeux injectés de sang, et ma barbe a bien une semaine. C'est en approchant ma main du miroir que j’aperçois enfin les bleus sur mon poignet. Je n'ai pas le temps de me reculer que mon reflet se jette sur moi et m'entraine, de l'autre côté.

* * *


Le hurlement est terrible, je me prends la tête pour ne plus l'entendre, mais c'est encore pire. Il pénètre jusqu'à mon âme. Me terrifie.
C'est moi qui crie.
Je n'arrive plus à m'arrêter.
Le temps passe. Est-ce des pleurs, des gémissements, un chant funèbre ? Est-ce moi ou mes semblables ? Je suis allongé dans une pièce cubique, avec des miroirs sur chaque paroi. La pièce tourne, à moins que ce ne soit ma tête. Les murs, le plafond, le sol, tout est si semblable. J'ai peur. Non, je suis terrifié, terrorisé. Je n'ose pas bouger. J'ai mal partout. Mes mains sont cadavériques, mes ongles longs, et sur le sol, quand je me vois, une barbe fournie me donne l'impression d'être un autre.
Je n'ai pas faim, pas soif, je veux juste que ça s'arrête, je veux arrêter d'avoir peur. Je veux sortir d'ici.
- Pitié...
Je n'ai jamais rien entendu de tel. Mon murmure était assourdissant, comme si les milliers d'autres mois qui pleurent dans les murs avaient murmuré ce pitié à l’unisson. Je n'arrive plus à rassembler mes idées. Je vois un oiseau, une femme en rouge, et un barman. Ils me parlent, me proposent quelque chose, je ne sais pas quoi. Je rampe vers un des murs. Au fond de moi, j'ai l'impression qu’il va fondre sur moi, et m'entrainer vers la fin. Je rampe malgré tout, je ne sais pas pourquoi, je ne sais plus, je ne sais rien, je ne veux rien savoir. Juste oublier. Tout oublier. Jusqu’au rouge qui sort de cette femme parce que cet homme à trop bu. Et oublier l’oiseau qui a tout vu, qui sait.
Arrivé à proximité, alors que ma main s'avance pour rejoindre sa jumelle, tel un diable, son image sort du mur et me soulève pour m'emporter. Loin... A jamais.

* * *


- Pourquoi s’inflige-t-il ça ? Et il est là dedans depuis combien de temps ?
- De son point de vue, de quelques minutes à quelques heures à chaque fois, mais depuis plusieurs semaines.
- Mais pourquoi ?
- Il en a besoin, pour ne pas commettre les mêmes erreurs, dans sa prochaine vie. Il grave son âme, sa chair.
- Mais il a déjà tout oublié, nous y compris ! Est-ce que je ressemble vraiment à un barman ?
- Qu'importe les images qu'il a pu placer sur nous. Si elles existent, c'est qu'elles sont nécessaires pour lui. Tu es une jeune recrue, tu comprendras avec le temps.
- Et le corbeau ?
- A-t-il jamais parlé de corbeau ? Tu vois, toi aussi tu places des images sur ce que tu ne comprends pas.

* * *


- Dis-moi... Y prends-tu plaisir, démone ?
- Et toi, mon ange ?

--
Onirian, ni ange ni démon.


  
Ce message a été lu 5813 fois

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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-11-11 23:29:10 

 Commentaire Onirian, exercice n°112Détails
Comm Onirian, ex n°112






Que voilà un texte riche et complexe, sous son apparente simplicité d’horreur étrange et infernale ! Ce huis clos très sartrien nous promène entre mythologie et psychanalyse dans les profondeurs de l’âme humaine, avec une sobriété redoutablement efficace. Le mythe égyptien de la pesée des âmes est ici conjugué au mythe de Sisyphe, condamné à la répétition éternelle d’un geste inutile et épuisant. Et le miroir ! Ce miroir qui interroge sur l’ego, la conscience de l’être, l’illusion du moi et le « connais-toi toi-même ».
La construction en répétitions obsédantes, tandis que l’être visible semble se dégrader petit à petit, donne l’effet paradoxal et troublant d’une immobilité éternelle où un certain temps ( le temps de l’ego) est encore en mouvement. C’est très fin. Le titre, en clé de voûte et clé de compréhension, ne se déguste qu’à la fin, quand le puzzle se complète, et l’on ne peut qu’admirer la maîtrise subtile qui nous guide, par petites touches, jusqu’à la conclusion. Tu restes un peu flou sur le factuel, mais ce n’est pas ça qui compte. Le Bien et le Mal, images officielles générées par leur proie humaine, ne sont que spectateurs du sujet qui s’objectise lui-même, à la fois juge, bourreau, condamné et victime. Si ce n’est pas de l’existentialisme !
J’ai bien aimé le tremblement qui se répercute à la pièce tout entière. C’est une belle image pour décrire la confusion intérieur/ extérieur, self/non self, expérience de dépersonnalisation qui nous renvoie à une forme d’angoisse archaïque, bien avant l’amorce d’une structure de la personnalité. Reste la signification de cette peur ( « Je me fais peur », qui aurait pu s’écrire aussi « Je me fait peur », pour pousser le paradoxe dissociatif). Et je suppose que par delà les images-écran de la fille, des oiseaux et du barman, probables souvenirs retouchés à l’aune du symbolisme, il y a la peur existentielle d’un ego défaillant et déstructuré qui se refuse à lâcher prise.
Alors que tout le monde sait que le Tao est un point, et que ça n’a rien d’effrayant !


Bricoles :
- flashs : flashes est plus puriste ( c’est un mot anglais), mais flashs est accepté aussi
- mon image grandi : grandit
- cet homme à trop bu : a


C’est une très belle réalisation, sophistiquée et concise. Du travail d’artiste !
Narwa Roquen, clap clap clap

Ce message a été lu 5884 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-11-12 20:10:30 

 Apesanteur!Détails
C’est une histoire prenante et très bien construite. Le titre, tout d’abord, l’illustre fidèlement et il claque bien. J’ai apprécié bien évidemment les références à la mythologie égyptienne mais aussi à la tradition chrétienne (la balance de Saint Augustin), et tu connais mes goûts en la matière !

En outre, c’est un texte très visuel, presque cinématographique. Le décor est dépouillé à l’extrême mais il se construit à l’infini sur une même image qui se transforme insensiblement. Au début, on pourrait penser à « Cube », le film où les protagonistes étaient aussi enfermés dans des cubes. Il y a également des petits côtés à la « Inception » dans cette façon de sauter de réalité en réalité ! Deux belles références. Oui, cette histoire est très graphique. Le côté miroir est renforcé par les répétitions volontaires du début des paragraphes où le héros se perd pour mieux se reconstruire.

J’aime aussi son intemporalité et sa liberté, sans amarre au concret. Tu brodes à partir d’un drame qui n’est pas évoqué ou très incidemment. Cela permet justement de mieux se focaliser sur cette ivresse de la dépossession. J’ai songé à ces peaux de lézards dont l’animal se débarrasse une à une. Pour moi, c’est comme ça que fonctionnent ces reflets. Ils tirent la couche superficielle du héros et l’oblige, à chaque fois, à recomposer son identité. Les reflets lui retirent toutes ces pelures d’oignon pour le laisser, à la fin des fins, vierge et innocent, au sens premier des termes.

La fin justement est également bien trouvée avec l’apparition de ces deux « juges ». Ils donnent d’abord tout son sens au titre et ensuite ils jouent encore une fois avec les reflets. Le Bien et le Mal ne sont-ils pas en quelque sorte eux aussi des reflets? La femme en rouge est un fantasme de l’attraction ou de l’attirance féminine, qui en a mené plus d’une au bûcher. Cela colle bien à son côté démon! J’ai plus de mal avec le barman, apparemment angélique, mais les deux juxtaposés, cela marche ! L’oiseau, qui complète la trinité, est souvent le messager qui annonce l’augure et qui est envoyé par les Dieux. Le fait que cela soit l’Ange qui le transforme en corbeau (oiseau de mauvaise augure) est aussi bien trouvé.

En définitive, c’est un très bon texte que tu nous as livré là, fluide dans sa narration et puissant dans ses fondements, enveloppé d’un voile de mystère réussi. Le titre est idéalement choisi et fait honneur au texte. Oui, c’est un sacré bon texte... que j’aurais aimé écrire.

Au rayon des bricoles :

- Personnellement, je n’aurais pas mis « moi » au pluriel.
- Des millions d’ondulations.
- Il n’y a moins de trois mètres : il y a moins de trois mètres...

Ah oui, j’allais oublier. La consigne est parfaitement respectée !

M

Ce message a été lu 5932 fois
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2012-11-16 20:31:45 

 Commentaire OnirianDétails
ouhla, 3 commentaires le même jour... attention il va pleuvoir!!

Commentaire subjectif et non constructif : j'ai kiffé grave ton texte. J'adore la répétition sans fin, l'absence de sens, c'est comme une peinture abstraite, on peut y voir ce qu'on veut, de la mythologie, des contes, de la psychanalyse, du cinéma, mais au final ce qui compte c'est que c'est surtout de l'émotion pure. Et tu disais que la finesse n'était pas le bon mot? C'est un texte extrêmement fin, élégant, poétique, mystérieux, qui se suffit à lui-même et n'a pas besoin d'être sensé pour exister.

Bref : un 3ème "like" (faut vraiment que j'arrête facebook!!) et j'éteins la lumière. Mais si je la rallume sur deux miroirs face à face... alors ça, d'ailleurs, sacré questionnement qui est pour moi le clou du texte! Merci pour ton ouverture d'esprit.

Elemm', qui se demande si elle osera rallumer la lumière après tout ça...

Ce message a été lu 6513 fois
Netra  Ecrire à Netra

2012-11-17 14:13:45 

 Je ne suis pas un ange... Détails
Psychéééééééééé

ça c'est le genre de texte à pas lire trop fatigué si on veut comprendre !!!

J'adore le style déstructuré et le message dessous. Et le coup du barman.
Netra, music your life !

Ce message a été lu 6145 fois
z653z  Ecrire à z653z

2012-11-24 17:39:36 

 barman jugeDétails
Excellent texte même si à la 3e répétition (tu aimes le 3 décidemment), j'ai eu peur qu'il y en ait une 4e qui aurait été de trop.
J'ai bien aimé le côté Cube où on observe le fond de l'âme.

"Mais il a déjà tout oublié, nous y compris ! Est-ce que je ressemble vraiment à un barman ?" Pour le coup, c'est toi qui aime les bars (rappelle-toi la WA 105).

Par contre, l'épilogue a un côté clin d'oeil un peu superflu.

PS : le titre est vraiment superbe.

Ce message a été lu 6348 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2013-06-18 09:27:56 

 Commentaire WA 112 : OnirianDétails
Oh, quel titre énigmatique !
Moi aussi, étant enfant, je me suis posé la question des miroirs face à face !
Tiens, c'est pas souvent que je le vois, le mot "famélique" !
Très étrange, cette scène qui se répète...
Euh........ ok. Là, c'est officiel : j'ai rien compris à la fin !
Au final, ben j'ai pas tout compris alors j'ai pas trop d'avis... Vu le titre, j'imagine que l'ange et le démon sont en train de juger le type qui est mort. C'est souvent zarbi et mystérieux, ce que tu écris, n'empêche...

Trucs et bidules :
"Des centaines de mois" j'aurais laissé "moi", quand même. Ca me fait bizarre, là.

Est', lecture, lecture !

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