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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Dimanche 23 septembre 2012 à 23:11:05
Avertissement: jeune public et Bisounours s'abstenir...





LA DEESSE INTERDITE



Sheya ô Sheya Mère du Serpent
Ecoute le chant de mes bracelets qui tintent pour toi
Vois la danse de mon corps qui te supplie
Accorde-moi la souplesse et le sang froid
Et guide mon poignard vers le coeur de mon ennemi

Extrait de « La chanson de Sheya », chant rituel du Désert Blanc





Mon sommeil est plus léger que la plume d’aigle perdue sur l’herbe de la plaine. On la croit figée dans sa solitude, mais au moindre murmure d’une brise naissante elle frémit, s’enlève et s’envole. Elle virevolte dans le vent, aussi fière et rapide que l’aigle qui l’abandonna, et un Dieu touché par son courage et sa force peut la transformer en un aigle nouveau, encore plus courageux et encore plus fort. Un Dieu. Ou une Déesse. Sheya, je t’appartiens.
Le bruissement discret du tissu de la tente m’a éveillée d’un coup. Je laisse le pas s’approcher du lit, prenant soin de maintenir ma respiration calme et lente. Arakht, mon Seigneur et Maître, chef des vaillants guerriers de l’Ouest, ronfle à mon flanc, la main toujours posée entre mes cuisses. Il a bien célébré sa victoire hier au soir, et le vin, traître ami, l’a emporté loin de toute prudence. Que je dorme ou que je veille, ma main est toujours posée sur mon poignard, rivé à ma cuisse droite dans le long fourreau de peau que j’ai sculpté patiemment jour après jour dans la chaleur même de ma chair. Sa longue lame courbe est l’objet de tous mes soins. Son manche est incurvé dans l’autre sens, afin qu’il dessine un S allongé. En secret je l’appelle Sheyot, car c’est Sheya qui me l’a donné, dans le sable du désert. Le jour, mes doigts sont lourds de bagues, mes poignets bruissent de bracelets nombreux et mon cou est paré de colliers précieux ; mais il est mon unique fortune, et le seul bijou dont je ne me sépare jamais. Arakht le sait. Cela l’amuse. Il est si sûr de sa force qu’il ne craint même pas de mourir de ma main. D’ailleurs pourquoi le tuerais-je ? Je suis son esclave et sa Reine, et son pouvoir est mon pouvoir.
Les braises rougeoient à peine, mais j’ai des yeux de chat. Je vois la main armée se lever lentement au dessus d’Arakht, et je frappe plus vite que le serpent des sables. L‘homme s’écroule dans un gargouillement sanglant sur la poitrine du Grand Guerrier, sans avoir le temps de prononcer une parole. Arakht repousse la masse importune d’un bras négligent en murmurant pâteusement :
« Qu’est-ce que c’est ?
- Ce n’est rien, amour de ma vie. Dors en paix, rien ne presse. »
Sheya a guidé mon poignard vers le coeur de mon ennemi, et je suis plus que jamais la Maîtresse du Grand Guerrier.



Au matin Arakht trébuche sur le cadavre de son assassin, gisant près de sa couche comme un chien à tout jamais fidèle. Il serre encore le couteau dans sa main, et une fleur rouge colore sa tunique grise de soldat madrynien.
« Parle, femme. Que s’est-il passé ?
- O mon Seigneur et Maître, j’ai seulement protégé ton sommeil sacré. »
Je m’étire, nue sur les fourrures qui recouvrent le sol de la tente. Je lui adresse ce sourire ingénu qui a le pouvoir de dresser aussitôt son membre viril, surtout quand mon corps s’offre dans toute la splendeur de ses formes pleines. Sheya m’a donné des seins lourds et des fesses girondes, une taille fine et des hanches galbées, de longues jambes nerveuses et musclées, des mains fines et habiles, des pieds sculptés et endurants. Ma mère m’a appris le port de tête, les jeux d’épaule et la démarche chaloupée. Aucun homme n’a jamais résisté à mes charmes. Imbus qu’ils sont de leur personne, ils s’imaginent tous être admirables, dès qu’une femme gémissante leur fait croire que leur virilité est exceptionnelle. Ma mère m’a enseigné l’art de plaire et l’art de simuler, qui vont de pair comme le jour et la nuit. Elle voulait me vendre à un marchand de filles, mais Sheyot m’en a libérée. Elle n’avait plus rien à m’apprendre.
Arakht ne cède pas à mon invitation tacite. Une peur rétrospective plisse ses yeux bovins, et une ride angoissée barre son front couturé de cicatrices de guerre.
« A-t-il parlé avant de mourir ?
- Il... Non... Je me suis trompée, peut-être...
- Parle ! Il n’a pas pu s’introduire ici sans complice ! Cet uniforme gris... C’est un des prisonniers capturés hier. Qui l’a fait échapper ? Qu’a-t-il dit ? Parle, enfin !
- Je crois... Il m’a semblé... Il a dit... « Katira »... »
J’ai avoué dans un souffle gêné, car nul ne saurait mentir à notre chef vénéré, même si dénoncer un membre du clan n’est pas une chose estimable.
« Dorth ! Va chercher Katira à l’instant ! Où sont les prisonniers ? Qui montait la garde ? Vous n’êtes qu’une bande d’incapables ! Trois mille guerriers chevronnés, et je ne dois mon salut qu’à la fidélité de ma femme ! Quelle sorte d’hommes êtes-vous, pour être moins vigilants et moins prompts qu’une femelle ? »
Arakht est hors de lui. Nue sous la fourrure que j’ai enroulée autour de moi, je garde les yeux baissée. Ils en bavent tous, ces chiens avides et rampants que mon Seigneur et Maître conduit chaque jour à la victoire.
Voilà qu’approche Katira, encadrée par Dorth et Tesiakh, les deux fidèles lieutenants.
« Qu’as-tu à dire pour ta défense ?
- Mais... Je ne sais pas... Je n’ai rien fait...
- Vermine ! », hurle Dorth en la giflant. On t’a vue hier donner à boire aux prisonniers. Et ça, c’est quoi ? Un bracelet de turquoises ! Seuls les madryniens sont assez décadents pour oser s’attifer de cette pierre maudite! C’est lui qui te l’a donné ? En échange du couteau ? Et tu lui as montré la tente ? Avoue, ou je te tranche la gorge ! »
La jeune fille fond en larmes. Une enfant de seize ans. Belle comme l’aurore. Deux grands yeux bleus stupidement innocents. Des seins comme des alouettes. La cuisse longue, la démarche légère, j’ai bien vu comment Arakht la regarde quand elle ramène de l’eau de la rivière. Certes, elle est sa fille adoptive depuis que Norskh est tombé au combat. Mais un homme est un homme, et une fille est une fille...
« Je n’ai rien fait », hoquète-t-elle. « Le bracelet, c’est Mavoa qui me l’a donné. Elle a dit qu’il avait la couleur de mes yeux... »
Arakht se plante devant elle.
« Et non contente de m’avoir vendu comme un vulgaire poulet, tu oses accuser celle à qui je dois la vie ! Misérable ! Je t’ai nourrie et protégée comme ma propre fille ! Ton père Norskh le Brave doit rougir de honte dans les Plaines Sacrées ! Et les dieux le conspuent d’avoir engendré une créature aussi vile ! Si je te laisse vivre, ils le chasseront vers les Enfers de Glace, et lui, le Guerrier sans Reproche, endurera des souffrances éternelles qu’il ne mérite pas ! Que son honneur soit lavé à tout jamais ! »
D’un unique coup de son épée de combat, si lourde que je peine à la soulever même à deux mains, il lui tranche la tête – sa jolie tête blonde aux yeux exorbités qui vient rouler dans la poussière à mes pieds.
« Jetez-la aux chiens, c’est tout ce qu’elle mérite. Gloire et honneur à Norskh, et malédiction sur les traîtres et les assassins.
- Gloire et honneur à Norskh », reprend en choeur la troupe rassemblée autour du Seigneur.
Je suis son esclave et sa Reine.


Bénie sois-tu, Sheya, déesse serpentine et sauvage. Tu nous as encore fait triompher. Dans quelques mois, nous entrerons en vainqueurs dans la citadelle de Naouas, perle du royaume de Madryn, et toute la populace s’inclinera devant nous le front dans la poussière. Jamais plus je n’aurai à approcher un cheval, cet animal malodorant et stupide, retors et dangereux. J’aurai plus de servantes qu’il n’y a d’étoiles dans le ciel d’été, je dormirai sur des lits de plumes et je mangerai dans une vaisselle d’or massif. Je couvrirai mon corps de soieries brodées d’or et serties de pierres précieuses, et à mes doigts et à mon cou et à ma taille et à mes bras scintilleront les diamants éternels et les rubis sanglants. Je n’aurai plus rien à redouter et ma seule tâche sera de garder sous ma coupe un homme fatigué et vieillissant.
Ce soir je n’aurai pas à supporter son haleine fétide et son poids écrasant. La journée a été rude, et le vin achèvera de le rendre inoffensif. Après une nuit entière à cheval, ils ont fondu sur le village aux premières lueurs, tuant et égorgeant, pillant et violant, aigles voraces et jamais rassasiés terrassant sans peine une horde de lapins impuissants. Quand je les ai rejoints, à la tête de la colonne de chariots, la terre était gluante de sang et les vautours criaient leur joie dans le ciel clair en attendant le festin à venir.
« Que fait-on des prisonniers ? », a demandé Dorth tandis qu’Arakht pressait contre le mien son corps balourd empestant la sueur et le sang. « Il y a beaucoup de femmes et d’enfants...
- Race de Madryn ! Honte de la terre ! », ai-je craché. « Que nul ne vienne mettre en péril les jours et les nuits de notre Grand Guerrier !
- Des femmes et des enfants », a soupiré le Seigneur des plaines.
- « Et la terreur est ton alliée comme la pluie féconde la terre.
- Soit. Mavoa est sage et sa prudence est mon meilleur bouclier. Tuez-les tous. Valtrakh le divin Vautour nous en sera reconnaissant. Donne-moi à boire, femme. J’ai la gorge plus sèche que le désert. »
Bois, mon Seigneur et Maître. Bois le vin noir dans la coupe d’airain que j’ai parfumée de ma rivière intime, enivre-toi de cette fragrance entêtante qui enchaîne tes sens et te rend docile à mes désirs. Cet artifice-là, ce n’est pas ma mère qui me l’a appris. C’est Sheya, qui inspire mon esprit et façonne mon corps. Sheya, déesse du Désert et des patientes revanches, Sheya honorée en secret par les Initiés du Désert, et dont le pouvoir est tellement redouté par les hommes du commun qu’ils ont interdit son culte et profané ses temples. Mais cachés sous le sable nous sommes, à jamais silencieux et toujours prêts à frapper. Quand le temps sera venu, je te ferai bâtir le plus beau des sanctuaires, et reviendront les foules qui chanteront ta gloire !

Il pleut depuis quatorze jours et quatorze nuits. Les rivières ont enflé comme des ventres féconds, nous barrant le passage. Naouas n’est plus qu’à quelques jours de marche, et le roi Odaris s’y est piteusement tapi depuis la dernière pleine lune. Le royaume nous appartient, il ne reste plus que cette dernière place forte pour qu’Arakht soit consacré et que la guerre se termine à notre plus grand bénéfice.
« Il faut remonter vers le nord, et traverser le Désert Blanc », suggère Tesiakh. La tente est pleine d’hommes fatigués et dégoulinants de boue que même le vin brûlant n’arrive pas à réchauffer. Malgré les herbes parfumées que j’ai jetées dans le feu, ils dégagent une odeur âcre que j’ai peine à supporter.
- « La pluie finira bien par cesser », profère Dorth sans avoir l’air d’y croire lui-même.
- « On dit que ce désert est redoutable », avance le vieux Lubakh, que la chaleur affaiblit. « Nous pourrions nous y perdre, et mourir de soif... Ou arriver tellement épuisés que l’ennemi nous terrasserait sans peine...
- Tu vieillis, Lubakh. Nous ne manquerons pas d’eau à emporter ! Une fois dans le désert, nous ne marcherons que la nuit, en nous guidant aux étoiles. Je ne laisserai pas à Odaris le temps de reconstituer ses forces. J’ai dit. Nous partirons à l’aube. »
Sheya, je vais revoir ma terre brûlée. Je vais retrouver le sable tendre et les palmiers luxuriants des oasis bienfaisantes. Sheya, je reviens dans ton berceau.



Je n’ai rien oublié. Ni la douceur du sable fluide s’écoulant entre mes doigts, parfum insaisissable et chaud de mes rêveries d’enfant. Ni la brûlure vive du Soleil-Roi, qui éveille le désir et consume celui qui s’y abandonne. Ni le froid lancinant de la nuit, blottie contre les rochers nus pour y retrouver un peu de chaleur. Ni la menace du scorpion, contre lequel rien n’immunise. Ni la tendresse des Hommes Blancs qui m’ont recueillie et m’ont initiée. On dit que le désert est traître, mais les Hommes Blancs ne s’y perdent jamais, même si la piste s’efface au premier souffle de vent, même si les dunes succèdent aux dunes, semblables et mouvantes à la fois, même si les mirages égarent l’esprit du voyageur assoiffé. Sheya les guide, Sheya est leur sauvegarde et leur protection. Sheya, ma déesse de revanche et la paix de mon âme inquiète. Pendant deux ans, j’ai vécu comme une enfant heureuse, nourrie, protégée, instruite. Ma mère vendait mon corps depuis déjà longtemps, mais dans le temple de Sheya tout m’était donné sans contrepartie, et aucun Homme Blanc n’a jamais posé la main sur moi. Pendant deux ans j’ai dormi sans crainte et sans cauchemar. Shadahs, notre Maître à tous, Grand Prêtre de Sheya, m’a pris en affection, et il est devenu le père que je n’ai pas connu. Il m’a montré comment sculpter un fourreau de peau sur ma cuisse pour y abriter Sheyot. Il m’a instruite de la sagesse de Sheya, apprenant la patience à mon coeur impulsif, apprenant l’endurance à mon corps sédentaire, plus souvent allongé que debout. Et puis il m’a Nommée. Mon nom est Sylelys, Serpent de Nuit. C’est ma fierté et mon secret. Seuls les Hommes Blancs le connaissent. Mais combien en reste-t-il à présent ?
Un jour les hommes d’Odaris sont arrivés en grand nombre ; ils ont tout détruit, tuant, dévastant, démolissant jusqu’au dernier mur, profanant sanctuaires et statues, anéantissant mon fragile bonheur. Les Hommes se sont battus, et Shadahs à leur tête. Mais quand la défaite devint une certitude, ils l’ont prié de s’enfuir pour que survive le culte de Sheya. Il a d’abord refusé, car sa dignité s’offusquait d’abandonner lâchement ses compagnons. Puis il s’est plié à la raison, et il m’a emmenée avec lui, parce que j’étais la plus jeune. Nous nous sommes cachés dans le sable, tel le serpent prudent, et à la nuit, refoulant nos larmes et nos regrets, nous nous sommes enfuis sans nous retourner. A la première ville, Shadahs m’a acheté des vêtements de couleur et malgré mes protestations véhémentes, m’a obligé à quitter le Blanc. Puis il m’a donné l’ordre de partir, parce que sa présence à mes côtés me mettait en danger et que j’étais trop jeune pour mourir. J’ai crié et pleuré, il n’a pas répondu. Nous nous sommes endormis côte à côte, mais au matin il avait disparu. Depuis, mon sommeil est plus léger que la plume de l’aigle.
Un jour, un jour bientôt je pourrai à nouveau porter le Blanc, et retrouver la paix de Sheya.




Arakht me tient le poignet fermement et m’entraîne hors de la tente, pour le regarder en pleine lumière.
« Mais c’est une morsure de serpent !
- Mais non...Je m’en souviendrais ! J’ai dû m’écorcher quelque part...
- Ne mens pas, femme ! Je connais ces traces ! Dix hommes déjà en sont morts !
- Eh bien... C’est possible, après tout. Mais j’ai passé mon enfance ici, tu le sais. Nos mères nous protègent avec leur lait, et nous font mordre plusieurs fois avant de nous sevrer. Ainsi, nous sommes protégés pour la vie. »
Mon mensonge a l’air de l’apaiser. Somme toute, il est plausible. Comment pourrais-je lui dire que nous sommes exposés progressivement au venin pendant tout l’apprentissage, et que le jour de l’Initiation, la morsure est la dernière Epreuve ? Je n’ai pas tremblé, je n’ai pas pleuré, et j’ai survécu, parce que telle était la volonté de Sheya, qui punit de mort ceux dont la foi vacille.
J’attire mon seigneur et Maître sur mon sein dressé. J’ai le pouvoir d’effacer de son esprit jusqu’au souvenir du moindre de ses doutes. Il en va de ma vie, certes, mais surtout il en va de l’avenir du culte de Sheya, et je suis l’instrument de la Déesse. Sheya, garde-moi dans ta protection, et je ferai refleurir les Hommes Blancs.




Je somnole encore aux guides de mon chariot dans le jour qui se lève ; je n’attends qu’une chose, c’est qu’Arakht donne enfin le signal de la halte. Il n’y aura plus alors qu’à monter la tente et enfin s’étendre et dormir, dormir... Des cris venant de l’avant du convoi me tirent de ma torpeur. Ma curiosité est aussi engourdie que mon corps fatigué. Ils peuvent bien tuer qui ils veulent, pourvu qu’ils fassent vite...
« Mavoa ! »
Obéissante, je m’approche en baillant de mon Seigneur et Maître.
« Regarde ce que nous avons trouvé sous ces ruines ! De drôles de rats, vivant dans des labyrinthes creusés dans la profondeur du désert. Tu as vécu ici autrefois. Tu les connais ? »
J’ai du mal à garder un air indifférent quand mon coeur s’emballe et hurle dans ma poitrine. Ils sont Blancs ! Je ne regarde surtout pas leurs visages, je hausse les épaules.
« Je suis partie depuis si longtemps, ô amour de ma vie, et ma famille est morte. Je ne connais plus personne.
- Mais ce sont des Hommes Blancs, n’est-ce pas ? Ces monstrueux fanatiques d’une religion interdite, qu’Odaris dans sa mollesse et son indolence n’a toujours pas réussi à exterminer ! Je ne permettrai pas que cette vermine corrompe mon royaume. Tiens, regarde celui-là ! Il est si vieux et si maigre qu’une épine de pin le transpercerait ! A toi l’honneur, ma Reine : tue-le ! Nous serons à Naouas dans deux jours. Un royaume, cela vaut bien la peine de se salir les mains ! »
Je lève les yeux vers le visage de l’homme. Et malgré le temps passé, je ne peux pas ne pas le reconnaître. Shadahs regarde droit devant lui, comme si j’étais une parfaite inconnue. Il me protège encore. Peut-être même aura-t-il un petit sourire affectueux quand ma lame s’enfoncera dans son coeur. Sheya ! Je ne peux pas...
Je me détourne, je fais trois pas en me tenant le ventre, et je vomis une salve de bile dans le sable immaculé.
« Je... Je porte ton héritier, Arakht. J’ai besoin de calme et de repos, et ton enfant aussi.
- Un nouveau guerrier ! », rugit Arakht, « Le sang ne peut que l’aider à se fortifier ! Tue, ma beauté adorée, et je le saignerai comme un porc, et je te laisserai boire son sang, et je te ferai Reine du monde ! Je t’ai donné un enfant, montre-toi digne de cet honneur ! Allons, tu en as tué de plus vigoureux !
Mon mensonge n’a pas suffi. Sheya, sois bénie pour m’avoir évité cette abomination ! Porter un parasite grouillant et avide, se déchirer les entrailles pour l’expulser de nous, le laisser ensuite sucer notre vitalité et enlaidir avant l’âge notre féminité si fragile... Il m’a donné un enfant ! Que croit-il donc m’avoir donné, hormis sa puanteur fétide et cette humeur poisseuse dont il se glorifie tant ? De quelle extase divine pense-t-il donc me gratifier, tandis qu’il évacue en moi sa déjection virile dans l’unique dessein de se soulager ?
« Embrasse-moi, Roi des Guerriers, et j’aurai la force de te complaire. »
Arakht se rengorge en m’ouvrant les bras. Ma main droite se glisse dans la fente que je pratique dans toutes mes jupes, le long de la cuisse. Mes lèvres se tendent amoureusement tandis que Sheyot, mon ami fidèle et mon trésor le plus précieux me délivre encore une fois d’une emprise que je refuse. Le Grand Guerrier s’écroule à mes pieds et je lève mon poignard vers le ciel dans un cri de triomphe.
« Mort à tous les ennemis de Sheya et gloire à la Déesse ! »
Le sable est doux sous ma joue et je n’entends plus les cris et la furie autour de moi. Le premier rayon du soleil est une caresse chaude et j’ai gagné ma liberté. Sheya me tend les bras dans la Blanche lumière, elle m’offre la beauté éternelle et la jeunesse éternelle, et le repos...
Narwa Roquen,... et tant de choses à faire...


  
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3 Commentaire WA 110 : Narwa - Estellanara (Lun 9 sep 2013 à 09:54)
3 Sword and Sorcery. - Maedhros (Sam 29 sep 2012 à 17:49)


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