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 WA, exercice n°109 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 21 juin 2012 à 23:04:20
Le 109... Le sang neuf... Je reprends l'idée d'Onirian: réécrire le texte qui nous a laissés insatisfaits... ou pour lequel les lecteurs ont manifesté leur insatisfaction...
Ou bien... Ajouter une suite à ce texte pour lequel on a encore une grosse faim ( pas le temps, pas le temps...)
Ou bien... Réécrire un texte qu'on aimait bien mais en lui donnant une toute autre perspective...
Ou bien... Ecrire un texte sur le thème du "sang neuf"...
Cool! La WA aussi prend des vacances. Vous avez le temps, vous avez jusqu'au jeudi 30 août pour réfléchir, écrire un texte, ou deux, ou trois... participer aux WA en retard, commenter toutes les histoires sur lesquelles vous avez pensé " faudrait qu'j'commente..."
Reposez-vous, détendez-vous, laissez monter en vous l'inspiration, mais n'oubliez jamais que pour apprendre à écrire, le plus important c'est d'écrire!
Quant à ceux qui n'ont jamais participé mais qui lisent, en silence, en se disant qu'ils pourraient peut-être... Lancez-vous! La vieille sorcière que je suis va restée connectée tout l'été. Donc les commentaires sont assurés. Choisissez parmi les WA l'exercice qui vous inspire. 109... Ca laisse le choix! Je ne commenterai pas la 109 avant d'avoir participé au moins une fois, mais pour les autres, le commentaire sera ... peut-être pas instantané... mais aussi rapide que possible.
Je vous souhaite à tous un bel été, joyeux, stimulant et littéraire!
Narwa Roquen,


  
Ce message a été lu 8731 fois

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Réponses à ce message :
Antarès  Ecrire à Antarès

2012-06-22 13:28:53 

 WA exercice 109 participation AntarèsDétails
Murmures


Attentif et immobile, Alastor écoutait les jérémiades du vent nocturne. Perdu au milieu des oripeaux des anciens guerriers, l'enfant de 10 ans sentait une jubilation mêlée de mort et de volupté s'emparer de lui. Ombre parmi les ombres, son corps tel un souffle se confondait à celui de la nuit. Un bruit de pas, soudain, se fit entendre : les squelettes reprenaient vie. L'un d'eux, marchant d'un pas décidé s'avança vers lui puis posa sa main décharnée sur son épaule.
Tout secoué, Alastor se réveilla. Une silhouette courbée se tenait devant lui dans la lumière du jour naissant.
"Réveille-toi, voilà l'aube, l'occasion pour toi de faire montre de ta maîtrise de l'Art!"
Dans un grognement, le jeune garçon daigna se lever et alla rejoindre le baquet d'argent pour y immerger son visage et émerger ainsi de sa torpeur. Son reflet moiré apparaissait dans l'eau. Il contemplait pendant quelques instants son visage blême qui lui souriait ainsi que celui du vieil homme qui s'approchait. Vêtu d'un manteau de nuit, il tenait dans sa main droite une longue pipe sertie de cristaux couleur améthyste et saphir. A son coup pendait un globe de terre argentée, auréolé d'une lueur astrale, sur lequel se reflétait son visage sculpté par la sagesse du temps. Ses yeux céruléens occultaient mal une certaine angoisse et ce en dépit de l'air impassible qu'il arborait habituellement, caché derrière sa barbe de bicentenaire.
Après avoir récupéré ses esprits, Alastor sentit une étrange sensation parcourir son épaule : un frisson permanent tiraillait sa peau. Il ne s’en inquiéta guère : il était bien décidé à dévoiler au grand mage l'étendue de son savoir. Il se munit de son matériel d'alchimie antique et passa la porte de la chambre. Malgré la clarté diurne qui illuminait la précédente pièce, une lueur vespérale accompagnée d'un froid mystérieux se répandait dans le couloir orné de peintures préraphaélites. Les murs cylindriques semblaient communiquer entre eux, ou peut-être était-ce avec lui qu'ils communiquaient : une voix térébrante sifflait à ses oreilles au point de l'abasourdir et de le déséquilibrer. Son corps inerte gisait sur le sol comme pétrifié. Le test allait commencer : sous ses yeux sans expression défilaient d'étranges silhouettes ; des visages masqués d’ombres chevelues ne laissaient paraître aucune émotion mais leurs voix résonnaient dans son esprit. Dans un éclat pourpre, l’une d'elles s’adressa à lui :
"Alastor, après délibération du Très Vénérable Conseil Des Cinq nous avons convenu, compte tenu de tes origines étrangères, que ton épreuve pour que nous te conférions le don de possession consisterait à en faire bon usage dans des conditions réelles."

Après qu'eut fini cette première voix, des flammes jaillirent et une deuxième poursuivit :

" -Pour ce faire, tu devras vivre les vies improbables de créatures mâles et femelles du monde inférieur : la première s’appelle Ludivine et la seconde Tom." Après un moment d'observation, elle reprit d'un ton lugubre et menaçant :
" -Mais si tu ne reviens pas indemne de cette épreuve, tu seras condamné à errer dans les méandres abyssales de leurs esprits, tourmenté par les affres de la vie terrienne, emprisonné dans le cachot infernal de leur crâne, partageant leur souffle, ressentant comme tienne leur chair se tordant sous les assauts implacables de toute enveloppe corporelle.

-Inutile d'en faire trop Grand Maître ! -Yue, le maître des maîtres, venait de prendre la parole.- J'ai foi en lui : je l'ai aperçu pour la première fois qui luttait contre la rivière défunte. Je l'ai recueilli et ai fait de lui mon élève. Souhaitons-lui simplement bonne chance!"

Suite à cette intervention, un grand vent se leva et à mesure qu'il chantait de son souffle rauque, les visages s'estompèrent dans un épais brouillard.

Au moment où Alastor rouvrit les yeux, il sentit la douceur soyeuse des cheveux d'une jeune fille lui caresser le visage. Dans sa main, un oeil doré, symbole de clairvoyance le dévisageait d'un air sévère car au travers de celui-ci, le conseil dans son intégralité l'observait.

" -La première épreuve ! pensa-t-il en contemplant son corps de jeune fille. Ainsi me voilà dans la peau de, de, mais de qui au fait?
-Ludivine, Ludivine ! - Sa main imitait des mouvements de lèvres.- Profite de ce moment d'observation : la possession ne peut qu’être temporaire, tu ne peux te permettre de dépasser un temps supérieur à 4 heures par jour. Un mal étrange affecte l'existence de cette jeune fille. Fais en sorte de résoudre le problème. Tu as accès à sa mémoire et à ses pensées. N’oublie pas de recueillir le plus d'informations possible avant d'agir."

Telle fut la mission du conseil.

*****************************************************

Alastor promena son regard : l'environnement qui l'entourait était incongru. Il s'agissait d'une chambre de petite fille dans laquelle se trouvaient, un lit de petite fille, un miroir de petite fille et des jouets de petite fille, comme des poupées qui semblaient ne pas avoir servi depuis fort longtemps. Sur le lit trônait tel un monarque un gigantesque ours en peluche rose sur lequel était inscrit comme une devise : "Je suis ton meilleur ami". En dépit de l'ambiance rose pastelle du décor, un silence anormal et pesant assombrissait ce cliché. Conformément aux instructions reçues, Alastor était à l'affût du moindre détail et du moindre signe susceptibles de l'aider : ses yeux se posèrent alors sur un vieux livre. L’ouvrage était décrépi et bien que d'apparence ordinaire, il l’intrigait. Ne sachant quoi y trouver , il l'ouvrit pour en connaître le contenu...

Au dos de la première page figurait un étrange dessin : une enfant allongée sur une minuscule barque, bercée par le faible courant de la rivière cristalline. Ce genre de représentation qui habituellement inspire harmonie et repos n’avait rien d’idyllique ; son calme solennelle suscitait le malaise. La voûte céleste donnait au corps allongé un hâle blafard. Pendant quelques instants, Alastor crut que le dessin s'animait de lui même, mais dans un moment de lucidité, il comprit qu'il s'agissait de souvenirs enfouis qui rejaillissaient. Une scène atroce, entrecoupée de cris stridents et de gémissements étouffés se déroulait dans son crâne : l'enfant de la barque jouait dans une verdoyante vallée, sa ressemblance avec Ludivine était saisissante, puis, alors que s’assombrissait le ciel, des créatures surgirent d’une rivière bleue pâle. Celles-ci d'apparence humaine n'avaient pas de regard : un néant luisait au travers de leurs pupilles vitreuses ; leur mouvements saccadés étaient ceux de pantins de chair, manipulés par une force invisible. Sur leur front, une étrange main poignardée y était représentée. Vêtus de suaires et de linceuls, ces esclaves du vide s'apprêtaient à sacrifier leur proie : l’enfant.

Pris de vertige, cette réminiscence s'interrompit laissant le corps de la demoiselle fébrile et fiévreux. L'esprit d'Alastor, troublé par les évènements qu'il venait d'entrevoir, se laissa emporter par un profond sommeil.

************************************************************

Mercredi 18 septembre, 7 heures du matin, la jeune fille se réveille sous les appels incessants de sa mère.

"Lève-toi tu vas être en retard, le petit déjeuner est prêt, dépêche-toi de te préparer."

Affublée d'une coiffure hors du commun, la demoiselle, dans un élan de courage, parvint à se lever. Après qu'elle eut rafraîchi son visage innocent, un profond bâillement vint ponctuer la fin sa torpeur. A son entrée dans la cuisine un bol de chocolat chaud l'attendait encore fumant, ainsi qu'une salade de fruits exotiques.

Contrairement à son habitude, une faim étrange la tenaillait : elle dévorait goulûment tout ce qui se présentait à sa vue ; outre la salade de fruits et le chocolat, elle réclama deux bols de céréales, une bouteille de jus d'orange et un paquet de cookies. Subjuguée par la voracité de sa fille, la mère l'observa pendant quelques instants, les yeux écarquillés. Elle avait du mal à la reconnaître, mais cet appétit insatiable ne l'inquiétait qu'à moitié. Elle qui craignait que son enfant ne dépérisse.
Le repas une fois achevé, la demoiselle fila dans sa chambre pour se préparer, le vieux livre était posé sur la table de chevet. Elle le saisit et le mit dans son sac d'école.

" C'est le livre que j'ai trouvé hier, pensa-t-elle, je devrais peut être essayer de le lire dans le bus." Et c'est ce qu'elle s'empressa de faire une fois à l'intérieur.
" Tiens tiens tiens, pas de titre !"

Mais au moment où elle s'apprêtait à tourner les premières pages, une personne pour qui elle nourrissait une profonde inimitié vint s'asseoir auprès d'elle : une cousine répondant au nom d'Alexandrine. Elle avait le même âge que Ludivine, elle était blonde, yeux verts, de taille moyenne et lourde comme un tonneau de vin.
"Alors, le sac d'os toujours à l'école et célibataire ? Ton cas est vraiment sans espoir ! " -La malveillance constituait la base de son éducation.-
Ludivine fit mine de l'ignorer : le regard de sa cousine se fit alors plus insistant, il demeurait fixé sur elle avec une envie de nuire assumée.

Soudain, Ludivine se vit arracher le livre des mains par sa cousine, laquelle l'ouvrit sans attendre. Elle prit une page au hasard et commença à lire ce qui y était inscrit:

"Les remous du fleuve se font plus violents que jamais, pourtant nous semblions avoir fait le nécessaire en apportant la pierre comme convenu. Ce Vespérus nous avaient pourtant assuré que le rituel serait une réussite..."

Elle s’interrompit : à mesure qu'elle lisait les phrases disparaissaient, et à sa grande stupeur une paire d'yeux sombres se dessina sur les pages du livre qu'elle tenait.

Les yeux, d'un gris argenté, semblaient refléter quelque chose, mais à son grand désarroi, elle ne parvenait pas à en distinguer la forme. Soudain, ces derniers se fermèrent puis se rouvrir brusquement, tous dégoulinants de sang. Son reflet apparut sur les pages mais celui-ci était dépouillé d’enveloppe charnelle.

A cet instant, une voix monstrueuse et sifflante résonna dans sa tête : elle susurrait en gémissant : « Repose-moi si tu ne veux pas finir en sac d'os !»
Toute tremblante, Alexandrine rendit le livre, le tout accompagné de ses plus plates excuses, à la grande stupéfaction de sa cousine qui la regardait éberluée par cette transformation aussi soudaine qu'invraisemblable.

Le trajet se termina dans le calme et sans encombre.

Ludivine rangea l’ouvrage dans son sac. Elle descendit du bus à la place de Verdun. Elle n'était plus qu'à quelques minutes de marches de l'université. En marchant son coeur battait la chamade : elle se fatiguait très vite. Un accident cérébral n’est pas sans conséquence, dans son cas : 4 mois d'hospitalisation et l’interruption de ses études. Aujourd'hui, c'était la reprise ! Pas question donc d'être en retard ! Il lui fallait absolument réussir cette année qui lui tenait tant à coeur.

Arrivée devant l'entrée principale de l'établissement, elle aperçut un de ses anciens professeurs qu'elle salua poliment. Celui-ci vint l'aborder de suite.

" -J'ai appris que vous aviez l'intention de revenir, je serai ravi de vous revoir parmi nous cette année ! C'est si regrettable à votre âge d'avoir une santé aussi fragile ! Ne vous inquiétez l’équipe enseignante a été avertie, tout se passera bien. Ne vous surmenez pas trop mais gardez votre sérieux." Mlle Maylie, professeur de philologie chinoise, professeure pour qui Ludivine éprouvait beaucoup de sympathie, était de ces individus qui ne cessaient jamais de sourire.


" -J'espère que les programmes n'ont pas trop changé, j'ai conservé mes anciens cours .


-Je vous rassure, mais que cela ne vous dispense pas d'être assidue et de prendre des notes ! On se reverra tout à l'heure dans l'amphithéâtre."


Suite à cette brève discussion, Ludivine alla consulter le tableau répartissant les étudiants par groupe. Cette année, elle allait devoir faire partie du groupe 4 dont le responsable n'était autre que M. Falaise, un professeur de philologie anglaise dont la réputation de sadique et d'opportuniste n'avait plus à être démontrée. L'an passé, il refusa la moitié des étudiants à l'examen final pour cause de retard. Ces derniers avaient été ralenti par un accident de la circulation qui avait coûté la vie à un père de famille : celui de Ludivine. Elle apprit la nouvelle le soir même par un coup de téléphone des services hospitaliers. Cet évènement transforma sa vie : elle ressentait l'envie de revivre en compagnie de son père disparu. L’absence, plus que tout, était un supplice. Sa personnalité fut donc très ébranlée : elle ne sortait plus que pour aller à la faculté, sans dire mot à qui que ce soit. Le deuil avait mué en mutisme, mutisme qui perdura. Puis, un jour , ou peut-être une nuit, elle sombra : sa mère la retrouva allongée sur le sol, immobile et tenant une clé à la main. Après deux semaines de coma, elle se réveilla très affaiblie. A peine échappée d'un cauchemar qu'un nouveau se présentait : 4 mois de rééducation pour recouvrer ses capacités et une mémoire instable.

"Alors...le premier cours du groupe 4 aura lieu en amphi 350 B à 9 heures et sera administré par...oh non c'est Falaise qui déboule, eh bien l'année commence bien !" pensa-t-elle. Elle éprouvait une telle appréhension à l'égard de ce personnage qui était aussi insupportable que gras : son corps était à la minceur ce que le hamburger est à la gastronomie, et son caractère si colérique et sans aucune patience accompagné de sa voix de siphon suffisaient à faire peur aux étudiants les plus teigneux. Elle se souvenait malheureusement très bien du premier cours dispensé l'an passé par "cet imposant individu",pensait-elle alors avant de rentrer dans son antre. Si la prise de contact avec les étudiants avait été très originale, de cela tout le monde en convenait, elle n'en fut pas moins d'une rare violence. Voici quelques perles rares du discours de présentation qui avait été le sien un an auparavant :

"Bonjour tout le monde, je m'appelle M. Falaise ce qui est un nom très barbare car je suis français ! " ou bien "Je viens de Poitiers, une ville couverte de crottes de chiens, mon bureau pue et mes collègues me pourrissent la vue !" , ou encore "Comme vous êtes en 3ème année de Licence, j'espère que vous n' êtes pas comme ces bébés de classe prépas ! Je vous préviens manquez un seul de mes cours et je vous mettrai un zéro à votre semestre !" ; il avait conclu sa présentation par : "Avez-vous peur ?", sur ce point, là aussi, tout le monde s'accordait pour répondre "oui", et ils avaient raison.

"Bien, mieux vaut ne pas arriver en retard, j'ai déjà assez de problèmes comme ça !"

Elle se dirigea d'un pas saccadé vers l'amphi 350 B, une guillotine l'y attendait peut-être ?
Un étrange bruit attira son attention, il provenait d'une salle annexe dont la porte était restée entrouverte : c'était M. Falaise, il semblait débattre vigoureusement avec Mlle Maylie.

Avant de pouvoir aller jeter un oeil à la scène, la porte se ferma violemment. Ludivine sursauta de terreur : quelque chose d'étrange se passait : quelqu'un l'appelait à partir de son crâne. Une voix fragile, presque enfantine, gémissait et tremblait. Affolée, elle se rendit aux toilettes pour rafraîchir son visage qui avait pris une teinte rouge vif. Elle fixa son reflet dans le miroir. Il n'y avait rien de particulier au premier abord, elle prit une grande inspiration puis ferma les yeux. Elle eut alors une impression étrange : celle de ne pas les avoir fermés car elle se revoyait dans les toilettes. Le miroir quant à lui n'était plus à sa place : sur le sol gisaient des morceaux de verres ensanglantés par des bouts de chair sectionnés. Les gémissements reprirent en accélérant, puis les morceaux de verre s'élevèrent du sol et vinrent se poser contre le mur avec une précision d'orfèvre pour reconstituer le miroir brisé. Ludivine le regarda, elle y vit tout d'abord une brume épaisse puis deux lumières jaunes. "Sûrement une voiture", mais celle-ci roulait à une vitesse très élevée, comme pourchassée par la brume. Quelques secondes plus tard ce fut l'accident. Le brouillard se leva, laissant apparaître les morceaux d'une Citroën Xantia éparpillés sur le sol. Le corps de la victime ayant été éjecté par le choc était méconnaissable : la moitié du crâne avait été atrocement séparée du reste du cadavre. Ensuite, accoururent les secours puis les forces de police, puis s'en suivit un énorme embouteillage, les automobilistes s'impatientaient d'autres étaient atterrés par cette vision. Cette scène ne fut pas sans lui rappeler l'accident de son père l'année dernière, et ce fut le cou noué par la peine et le visage ruisselant de pleurs qu'elle referma les yeux. A son retour une main posée sur son épaule apparaissait sur le reflet du miroir. Elle appartenait à un petit garçon d'une dizaine d'année. Celui-ci lui sourit et lui dit de ne pas pleurer avant de disparaître du reflet argenté.
La sonnerie retentit, signalant la reprise des cours. Ludivine se rendit immédiatement à l'amphithéâtre 350 B. Arrivée dans la grande salle, elle prit une place au hasard en cherchant du regard quelques visages familiers : pas une âme ne semblait lui évoquer de souvenir. Elle sortit ses affaires sans y prêter attention car de son sac, c'étaient des anxiolytiques qu'elle cherchait, ces substances censées apaiser ses nerfs, substances qu'elle appelait ses "cachets bleus". Elle en prit un avant l'entrée du professeur qui avait déjà dix minutes de retard, cependant que de nouvelles têtes continuaient de faire leur apparition. Parmi celles-ci, il y avait une jeune fille nommée de Danae. Elle était blonde, les yeux couleur de jade et dotée de beaucoup de caractère : à 22 ans elle était déjà partie en Chine, en Inde et au Japon. Les envieuses la disaient arrogante mais ceux qui prenaient le temps de faire sa connaissance la trouvaient plutôt enjouée et d'une intelligence remarquable.
En voyant Ludivine assise elle prononça un salut très sonore puis vinrent les questions et les explications :
" -Je pensais être la seule à refaire ma deuxième année en allant en Chine ! Je ne comprends pas tu as toujours été brillante élève. Même Coline qui passe son temps à faire la fête a été reçue ! Je me demande ce qui a bien pu se passer pendant mon absence!
-J'ai eu un accident cérébral pendant la semaine d'examens et j'ai été dans le coma pendant trois semaines suite à cela.
-Putain ! dit-elle comme pour s'excuser.
-Mon père est mort dans un accident de voiture un peu avant, je crois que c'est ça qui a tout déclenché." Elle continuait sans expression comme si elle s'était préparée à répondre à ce genre de questions, puis voyant le visage de sa camarade défait par ce qu'elle achevait de relater, elle s'empressa de conclure par un "Ca va mieux maintenant.".
-Et ces anxiolytiques c'est parce que tout va bien aussi !?
-J'ai juste des douleurs au crâne de temps en temps, mais rien qui ne se soigne pas avec des cachets bleus ! "
A cet instant M. Falaise pénétra dans la salle avec nonchalance. Il avait l'air fatigué et très affaibli et aussi étrange que cela puisse paraître, il commença son discours par des excuses du fait de son retard.

"Bien alors voici une brève bibliographie avant d'entamer cette nouvelle année, dit-il en allumant le rétroprojecteur, comme vous pouvez le voir nous insisterons particulièrement sur la linguistique et sur la littérature anglaise du XVIII ème siècle. Je vous invite à lire le programme attentivement avant toute chose."

A mesure que le professeur expliquait en détail le contenu du cours, Ludivine eut l'impression de renouer avec un quotidien, tout cependant lui semblait fané : le décor de l'amphithéâtre, les discussions imbéciles, les regards affairés de ceux du premier rang, absolument tout. Son amie n'osait pas la regarder, l'idée de son absence tout comme l'image des médicaments la mettaient mal à l'aise. Elle tentait de s'imaginer la détresse que l'on pouvait ressentir face à la perte d'un être cher. Cette détresse avait cependant trouvé un corps pour s'y incarner et ce corps était assis à ses côtés, indiciblement serein.

Le cours prit fin, les deux jeunes filles investirent les lieux d'aisance pour y échanger quelques banalités sous la lumière estivale qui se dissipait. L'automne s’annonçait :
" -Tu parles d'un premier cours! commença Danaé.
-Il a changé ce sale type, il était plus sadique que ça l'année dernière.
-Il se rattrapera sur nos copies je te parie. Au fait les étudiants d'Histoire de l'Art organisent une soirée d'intégration vendredi soir, ça te dirait de venir avec moi, je te présenterai mes nouveaux potes.
-Pourquoi pas, j'ai rien de prévu alors..."

Un portable sonna, Ludivine répondit :

" -Oui j'ai vu l'heure qu'il est, c'est bon attends un peu j'arrive. A toute suite !" -Elle raccrocha.- Ma mère m'attend devant la fac, on s'appelle via MSN ce soir ok?
-D'accord. Oublie pas la soirée pour vendredi.
-T'inquiète, c'est ma mère qui va sauter au plafond mais c'est pas grave."
Ludivine alla rejoindre une voiture garée sur le parking de l'université. Sa mère attendait à l’intérieur : elle avait l'air rongée par l'angoisse et dès qu'elle aperçu sa fille elle lui ouvrit la portière en disant :
" -Tu dois passer un scanner je te signale, c'est juste une vérification de routine alors on va éviter la nervosité si tu veux bien, prends exemple sur moi, déclara-t-elle toute crispée.
-Je suis confiante, le docteur m'a expliqué que mon état allait s'améliorer petit à petit.
-C'est parti, direction hôpital Gilbert des Vieilles Roches.

Après une demi heure de route la voiture s'arrêta. L'hôpital n'était plus qu'à quelques mètres, l'angoisse se lisait sur le visage de maman mais étrangement Ludivine semblait indifférente comme anesthésiée. Elle ne laissait paraître aucun signe d'inquiétude et se dirigea vers l'hôpital, décidée. Une fois à l'intérieur ce fut elle qui s'adressa à l'hôtesse d'accueil et le docteur Ryan la reçut quelques 5 minutes après, chose extrêmement rare. Le docteur Ryan avait déjà eu affaire à elle puisque c'est lui qui était en charge de sa rééducation. Il mena Ludivine et sa mère dans la pièce où le scanner était entreposé. Ludivine s'allongea sur la banquette en plastique et une assistante vint l'attacher pour l'immobiliser, la banquette se dirigea alors vers l'intérieur de ce qui ressemblait à un lave-linge. Après l'opération, le verdict tomba : plus une seule cellule endommagée.

" -J'ai beau chercher je ne vois rien, théoriquement vous devriez pouvoir vous souvenir maintenant." Mais rien à faire, elle ne parvenait pas à se remémorer ne serait-ce que les habits qu'elles portaient ce jour là.

" -Bien je ne vois pas l'utilité de vous faire passer un autre scanner avant disons 3 mois sauf bien sûr si vous éprouvez d'ici là des douleurs particulières et certains troubles sensoriels. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un prompt rétablissement et une bonne rentrée universitaire. Madame, mademoiselle, au revoir." Et le docteur prit congé d'elles sans autre cérémonie. Ludivine était perplexe, mais sa mère éprouvait un tel soulagement qu'elle dit à sa fille :
-Demande-moi n'importe quoi ce soir, c'est oui!
-N'importe quoi tu dis?
-Dans la limite du raisonnable cela va de soit.
-Eh bien Danae m'a invité à une soirée vendredi, je peux y aller?
-C'est d'accord, mais attention avec l'alcool, et aussi...
-Mesdames, un autre patient attend pouvez-vous vous dépêcher le docteur Ryan va revenir d'un moment à l'autre, intervint l'assistante.
-On en discutera dans la voiture." Mais finalement, elles n'en discutèrent pas et rentrèrent à la maison. Pas de cours l'après-midi le jour de la reprise, c'était la tradition, cela signifiait pour Ludivine la possibilité de reprendre se remettre au dessin.

Fusain en main, elle décida de faire le vide dans son esprit et de tracer la première image qui se présenterait à elle : elle commença par dessiner le visage d’un enfant ainsi que celle d’un démon lui faisant face. Le visage semblait appeler à l’aide cependant que le monstre prenait forme, elle s’empressa donc de rajouter au jeune garçon un corps et une épée, laquelle se trouvait plantée dans le coeur de la bête. L’enfant arborait désormais le sourire de la victoire et le démon celui de l’agonie. Les lèvres du monstre remuèrent pour prononcer ces quelques mots : " Ahrnarëk crisus teryú thaä ". Une traduction se fit immédiatement dans son crâne : "Le cri de l’esclave s’est tu.". Des souvenirs réapparurent soudainement : son père, ancien archéologue à la retraite avait entreposé des objets issus de fouilles qu’il menait aux alentours de La Rochelle dans un vieux monastère de l’an 1000. Elle se rappela s’être rendue au laboratoire qui se trouvait dans le sous-sol de la maison le lendemain de sa mise en terre. Elle y avait trouvé quelque chose d’inattendu car les recherches semblaient porter sur d’anciens rituels druidiques, mais le plus inquiétant était ce message gravé sur une stèle ornée d’ossements et d’écailles de poisson : "Seithmar ourfeg mor Mirna ", ce qui d’après la traduction de son père signifiait : "Le savoir se paie par la vie.", à côté de celle-ci il avait ajouté la note suivante "Que personne ne le retrouve !".

Ludivine posa le fusain et se leva. Elle se rendit au sous-sol, mais la porte d'entrée du laboratoire était fermée. Elle se souvenait d'avoir été la dernière personne à y avoir mis les pieds. Sa mère descendit les escaliers à son tour pour l'y retrouver.

" -C'est là que je t'ai trouvé lorsque tu es tombée dans le coma. Tu sais, c’est Patrick qui a récupéré les recherches de ton père. Ils ont travaillé de nombreuses fois sur les mêmes projets. Maintenant si tu veux bien, on va remonter, j'aime pas te voir ici, ça me rappelle trop de mauvais souvenirs.
" -Je peux savoir pour quelle raison tu as fermé cette porte ?
-Eh bien ton père n’étant plus, ce lieu est devenu son sanctuaire à présent et maintenant remonte."

Ludivine s’en fut aussitôt dans sa chambre, elle retira de son chevet une boite à musique. Son père la lui avait offerte à l’âge de 10 ans. En ce temps-là, elle rêvait de devenir danseuse étoile. Elle ouvrit le coffret et laissa la mélodie enchanter son esprit : le sommeil la gagna rapidement. Avant de fermer les yeux, elle répéta ce qu’elle murmurait, enfant :

"Les étoiles me manquent."

*************************************************************

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z653z  Ecrire à z653z

2012-07-26 16:53:16 

 ajouter une suiteDétails
voilà ce qu'il faudrait à ce texte.

J'attendais la possession de Tom et aussi plus d'interventions d'Alastor.
Le texte est assez captivant et plein de mystères.
J'espère une suite pour enrichir ce commentaire.

Au rayon des bricoles :

A son coup pendait - cou

Ses yeux céruléens occultaient mal une certaine angoisse et ce en dépit de l'air impassible qu'il arborait habituellement - manque de ponctuation

récupéré ses esprits - je ne sais pas si ça se dit

rose pastelle - pastel

son calme solennelle - solennel

Mercredi 18 septembre, 7 heures du matin - Pourquoi cette date au milieu de l'histoire ?

se fermèrent puis se rouvrir - rouvrirent

tous dégoulinants de sang - j'aurais mis tout

Ludivine rangea l’ouvrage dans son sac -
Curieux pour quelqu'un qui comptait le lire dans le bus.

professeur de philologie chinoise, professeure pour qui - répétition et incohérence de genre

"On se reverra tout à l'heure dans l'amphithéâtre" - et on ne la revoit pas de la journée

Ces derniers avaient été ralenti - ralentis

Comme vous êtes en 3ème année de Licence - redondant

les automobilistes s'impatientaient d'autres étaient atterrés - des automobilistes

ces substances censées apaiser ses nerfs, substances qu'elle appelait - répétition

cependant que de nouvelles - pendant que

sur le visage de maman - problème de narrateur

que les habits qu'elles portaient ce jour là. - elle portait

cela va de soit - soi

Danae m'a invité à une soirée - invitée

la possibilité de reprendre se remettre au dessin - redondant

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Antarès  Ecrire à Antarès

2012-08-02 21:56:57 

 Je suis tellement bête que je me vomirais parfois !Détails
Oups, ça fait vraiment beaucoup de bricoles pour le coup ! J'ai honte.

J'ai écrit une suite, mais une suite qui appelle encore une autre suite...Rhaaaa !
Merci en tout cas. Je corrige et je vous soumets la suite en espérant qu'elle soit moins truffée d'âneries...

Par contre, il y a des répétitions que je garde, notamment celle de "substances".

"Cependant que" ne me semble pas incorrect en l'espèce.



EDIT : Je suis désolé mais je ne peux plus éditer le texte originel. La fonction "éditer" n'apparaît plus.

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Antarès  Ecrire à Antarès

2012-08-02 23:51:42 

 La petite suite inachevéeDétails
Le sommeil avait gagné la chambre. La boite à musique s’était tue et le calme apaisant du repos était rythmé par la respiration régulière de l’occupante. De minuscules filets de larmes s’échappaient de ses yeux clos alors que les rideaux de lin couleur ivoire et ébène s’écartaient. Derrière les fines fenêtres, une pleine lune zébrée de nues occupait le ciel de minuit. Lentement, le corps de la dormeuse s’éleva de son lit tel un vampire lévitant au-dessus de sa couche sépulcrale. Sur les murs roses et décolorés par la lumière cendrée se dessinaient les ombres charbonneuses de cheveux gigantesques. En deux mesures, le son d’une harpe brisa le silence : Alastor était de retour dans ce corps, rappelé par ses maîtres.
"_Nous savons ce que tu as vu, nous étions présents avant que tu ne perdes connaissances ! déclara une voix morne. Il n’est pas prudent de continuer Alastor, mais la décision t’appartient.
_Le Conseil est formel, coupa une autre voix, tu as été envoûté par le sommeil. L’origine du sortilège est encore inconnue. Il s’est manifesté par l’entremise du codex relié que tu as ouvert ! Imbécile ! Ne sais-tu pas que ces objets peuvent renfermer de grands pouvoirs ?!
A cet instant le reflet de Yué apparut dans le miroir de la commode, son inquiétude n’était cette fois plus dissimulée.
"_Quelle est ta décision ? demanda-t-il.
_ Je continue, répondit le jeune garçon avec fermeté.
_ Dans ce cas, par sécurité, nous allons devoir t’accorder une protection avec un nouvel outil... Tends ta main la plus habile ! Tout de suite !
Alastor s’exécuta et rapidement les veines de son bras droit d’emprunt devinrent de plus en plus visibles : elles gonflaient à vue d’oeil. Ses ongles devenaient encore plus longs et prenaient une couleur jaune safran. Des éraflures vinrent entailler sa peau de jeune fille et son sang coulait abondamment sur le sol. Le liquide ainsi répandu se concentrait en une masse informe et spongieuse qui grossissait à mesure que le bras se vidait. Puis le saignement prit fin, les plaies se refermèrent, les ongles retrouvèrent leur aspect originel et les veines se firent discrètes, seule une masse mouvante et ensanglantée bouillonnait sur le sol : des molécules gazeuses s’élevèrent en un tourbillon carmin. En son centre, un bras desséché flottait. Sa chair était parsemée de trous, et sa main, composée de six doigts immenses, ne cessait de remuer. À son extrémité, des ongles argentés et menaçants étincelaient d’une lueur livide, telle le métal intrigant d’une épée.
"L’Appendice de Survie. Je l’ai confectionné moi-même, il y a 500 ans de cela ! " intervînt la voix sinistre d’un vieillard fripé.
Vêtu d’une étrange toge de cendre, sa silhouette était élancée et son visage dissimulé par une longue chevelure. Des colliers de racines et de vers pendaient à son cou. La chair de ses bras apparaissait dénudée et tatouée d’innombrables visages qui gesticulaient de terreur. Ganté tel un médecin légiste, ses mains contrastaient avec la texture mouvante de ses bras.
"_Permets-moi de me présenter : je suis Vespérus Crématur. On me nomme aussi le Maître du Crépuscule. Protecteur des terres sacrées de Walda et membre du Grand Conseil.
L’outil qui t’attend a été conçu à partir du corps d’un mage redoutable qui s’est laissé corrompre par l’ambition. Il s’appelle Albert Vern, nous le croyons vivant encore de nos jours, il se cacherait sur l’île maudite du Deemonian. Je lui ai moi-même arraché ce bras lors de notre affrontement. Par la suite je me suis servi de sa propre chair que j’ai investie de mes pouvoirs... Voyons, ne vois-tu pas qu’elle t’appelle ? ! Va la voir si tu souhaites que les pouvoirs qu’elle contient te soient transmis. Quand tout sera accompli, un bras de fumé jaillira de ton dos et te prêtera... "main forte" ! Hahaha !!! "
Obéissant, Alastor s’approcha du membre dont les doigts semblaient l’inviter à le rejoindre. Arrivé à un pas de la chose, il constata que les symboles d’Uranus et de Saturne liés par un même cercle y étaient tatoués. Résolu à réussir son examen, Alastor serra la main en état de déconfiture organique : les deux paumes se touchèrent et l’accord physique et symbolique fut conclu aussitôt. Alastor, secoué de spasmes, sentit le membre cadavérique pénétrer sa chair. Il lui était impossible de relâcher ce qu’il venait de saisir. Progressivement, le bras flottant s’évaporait pour ne laisser dans la main de l’enfant qu’un gant serti d’un cerceau argenté et dont les contours dessinaient une pleine lune traversée de nuages ; nuages symbolisés par des cordes métalliques. L'aire du cercle était recouverte d'un liquide moiré qui se troublait à la moindre résonance. À sa surface, un poignard minuscule et fort discret était relié au cerceau par ses extrémités. Il lévitait caressé par des eaux troubles.

De façon très subtile et progressive, une aura commença à étendre sa chaleur depuis le dos d'Alastor.

"J'en ai fini avec toi : je vais devoir m'éclipser, quelques tornades de soufre m’attendent... Je te laisse en compagnie de Yué, ton Initiateur."
Le mage du crépuscule s’en alla en un claquement de doigts. Alastor se retourna : son maître se tenait désormais devant lui. Son visage était éclairé par la lumière blafarde de la lune et non plus par le globe argenté qui lui pendait au cou.

"_Sacré Vespérus, ses méthodes sont toujours aussi singulières ! commença-t-il par dire.
_ Je vous entends... fit la main d’Alastor.
_Ah ah ! J’oubliais... Je suis là pour te conseiller. Où est ton matériel ? Tu vas devoir effectuer quelques prélèvements. Prendre le pouls de l’air, vérifier la sudation des murs, examiner les écailles des eaux. Il te faut mettre en application mes enseignements. Ce qui veut dire : sel de rosée, creuset azur sur le Saint-Elme et bien entendu, nous allons commencer par ton oeil de sève ! Allons bon qu’attends-tu pour citer la formule ? !
_Cercles démêlés aux vérités cristallines, J’invoque ton pouvoir dans la nuit opaline, Le volcan du creuset crépite sous l’assaut, Du Saint-Elme réveillé par le feu du faisceau. Terre, matière gisante, ombres sculptées d’éclats, Traversez le silence, surprenez nos yeux las !"

A cet instant, des murs, du plafond et du sol, jaillirent l’essentiel d’alchimie et une flamme irréelle baptisée ‘‘Saint-Elme’’. Alastor prit son oeil de sève et le plaça dans un creuset tapissé de sel de rosée. Après quelques crépitements sourds, le faisceau de feu fit apparaître une poudre aux propriétés surprenantes. Depuis des temps immémoriaux, les mages de Walda la considéraient comme « le murmure des choses défuntes ». Paradoxalement elle redonnait vie aux éléments éteints pendant une très courte durée, ceux-ci, réactualisant leur "mémoire" délivraient leurs secrets avant de s’évanouir de nouveau, ravalés par le silence. Cette poudre extraordinaire ne fonctionnait que sur la matière dite ‘‘trépassée’’, c’est-à-dire inhabitée par le souffle magique. Une minuscule pincée suffit pour faire apparaître un écran de brume : la mémoire des choses se profile depuis le néant sur l’écume du ciel.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-08-30 23:23:42 

 WA n°109, participationDétails
PASSER



J’appelle la vie
Splendide hasard
Michel Berger


« Tu l’as encore ratée ? »
Epiphanie ne répondit pas. D’un pas lourd, elle porta le chaudron dans le jardin et en répandit le contenu sur un coin d’herbe, qui se flétrit aussitôt. Vieillesse. Mal au dos. Poignets, épaules, genoux. Douleurs. Au moindre mouvement.
« Et tu sais pourquoi tu l’as ratée ? », insista le chat.
- « Si je le savais, gros malin, je l’aurais réussie.
- Trois fois, ce mois-ci...
- Eh bien oui, trois fois. Mon Pouvoir décline. Je vieillis. Est-ce que tu n’as pas manqué un mulot, toi, hier matin ?
- Non ! L’herbe était mouillée, j’ai glissé, voilà. Et de toute façon c’était un très petit mulot tout maigre. Et je n’avais pas faim. Et puis », ajouta-t-il avec un haussement d’épaules quelque peu méprisant, « moi, j’ai neuf vies.
- Et moi je survivrai bien encore quelque temps sans potion pour éplucher les légumes. Il doit bien me rester un couteau quelque part...
- Avec tes mains engourdies, la soupe va être longue à préparer !
- Tu as l’intention de devenir végétarien ? »
Rodrigue, comme tous les chats, n’appréciait que son propre humour. Après un battement de queue furieux, il sauta par la fenêtre entrouverte. Epiphanie, non sans un soupir, s’attabla devant carottes, pommes de terre, navets et poireaux, grimaçant quand la prise en main du couteau déclencha un éclair de souffrance.
Vieillir. Avec les potions, encore, on atténue. Elles sont en train de partir aussi. Le feu, depuis longtemps. Mais comment jeter des sortilèges avec des doigts raides ? Pas que ça. Le Pouvoir, doucement, s’étiole. Creuser une tombe, s’endormir. Creuser... comment ? Peine déjà à soulever la bêche...
Elle était loin d’avoir fini sa corvée d’épluchage quand le chat réapparut au rebord de la fenêtre.
« Tu devrais aller voir dans la grange. J’y ai trouvé un drôle d’oiseau tombé du nid.
- Peux plus le guérir. Mange-le.
- Viens-voir, je te dis, tu ne le regretteras pas ! »
S’appuyer à la table. Le poignet est-il plus ou moins douloureux que le genou ? Le genou craque davantage. Observer sa douleur la garde un peu à distance. On apprend ça avec l’âge. Et avec la douleur. Marche, carcasse.
Entre deux bottes de foin un petit garçon dormait roulé en boule, le bonnet de laine enfoncé jusqu’aux yeux. La sorcière le remua du bout de sa bottine.
« Eh, loupiot ! Réveille-toi ! Je fais pas auberge ! »
Deux grands yeux noirs écarquillés, une bouche close.
« Ca va, je te fais pas de mal. Tu t’appelles comment ? Tu viens d’où ? »
Yeux fixes cillant à peine, lèvres scellées. Assis mais prêt à bondir, doigts jouant nerveusement avec les brins de foin. Fausse statue.
« T’as faim ? »
Battement de cils.
« Tu comprends ce que je te dis ? Ca va, on va pas y passer la Noël. Viens. »
Taiseux mais trottinant. Niché sur une chaise, les pieds nus sous les fesses, maigrichon mais peut-être pas si jeune que ça. Huit ? Neuf ? Pas plus. Ca causait pas mais ça avalait tartines beurrées, tranches de fromage et bol de lait. Et toujours pas un mot.
« Tu veux rester pour la nuit ?
Pas difficile de lire l’espoir dans le regard.
« Moi c’est Epiphanie. Et toi ? »
Haussement d’épaules, geste vague de la main.
« Quoi, ça n’a pas d’importance ! Tu as un nom ? »
Petit soubresaut de la tête, de côté. Gêne, agacement ? Les adultes posent toujours les mêmes questions.
« Pas de nom ? Donc je suppose pas de famille. Tu cours les routes en mangeant ce que tu peux, c’est ça ? »
Regard baissé.
« Ben, y a pas de honte. Je vais te préparer la chambre. Si demain t’as envie de causer, te gêne pas. »
D’un geste vif il attrapa le couteau et entreprit l’épluchage des légumes. Habile. Pas si jeune que ça.
« Quel malheur de voir ça », soupira la sorcière en sortant des draps propres de l’armoire, «un gamin qui n’a même pas de nom ! J’en ai vu des pauvres gens, mais là... »
Bonne odeur de propre dans la petite chambre inoccupée depuis toujours. Vite fait, le lit. Penser à tuer un lapin pour mettre à la marmite. Ce soir, une omelette. Ca mange, ces moineaux-là.



Au matin le feu s’alluma dans l’âtre avant d’avoir gratté l’allumette. Mouvement de recul. Etonnant. Toujours ça de repris.
« Bon, moineau, tu fais quoi ? Tu repars, tu restes avec moi ? »
Le chat était perché sur son épaule. Il avait dormi avec lui, Epiphanie n’en doutait pas, le côté gauche du bonnet noir était couvert de longs poils blancs.
« Je l’ai surveillé », proféra le chat.
- « Oui, en ronronnant... et tu connais ses intentions ?
- Si tu lui disais que tu serais contente s’il reste... »
La sorcière alluma son regard vert.
« Je n’ai pas à être contente ou pas. Chacun de nous ici-bas est libre de ses choix. Il reste s’il veut.
- Pfui... Tu es sûre que tu n’as pas été chat dans une vie antérieure ? »
L’enfant fit oui de la tête – et s’attabla devant le bol de lait.
« A mon avis, ça veut juste dire qu’il a faim.
- Tu n’es qu’un chat glouton et dérisoire.
- Mais je suis le Chat. »
Le garçon se mit à rire – rire bref, rayon de soleil fugitif, rosée du matin, battement d’ailes – et caressa le chat.



Il resta.
Epiphanie en fut contente. Il l’aidait bien. Il était silencieux mais efficace et vaillant à la tâche.
Et puis le Pouvoir avait l’air de revenir un peu. Ca la mettait de bonne humeur. Elle souffrait moins, elle était plus leste et plus rapide. Peut-être était-ce juste pour qu’elle puisse faire survivre l’enfant, mais ça ne la fâchait pas. C’était bon à prendre.


« J’en ai un peu assez de t’appeler moineau ou loupiot ou gamin... Il te faut un nom à toi. As-tu une idée ? »
Yeux inquiets, non de la tête.
« Je propose, tu choisis. Veinard ! Nous autres, les parents décident, et on porte ça toute la vie. Alors... Emile. Non ? Vagabond. Non plus ? Abel... Roland... Emeri... Commode... Bol de lait... Ami du chat... Automne... Quoi c’est stupide ? Je cherche, moi ! Passager... Fils du Vent... Vie... Vi... Victor... Vivant... Vivien ! Ca te va, Vivien ? Allez, c’est bon, te voilà nommé. »
Yeux écarquillés, comme devant un monceau d’or. Première possession, première richesse, bien inaltérable, inaliénable, définitif. Si peu, pourtant. Et pour lui, tellement. L’humain a besoin de noms. Ce qui n’est pas nommé ne peut se dire. Donc honteux.
Il faisait la carpe à essayer de prononcer le mot. Devenait rouge d’effort. Et larmes perlantes de frustration salée. La main gauche d’Epiphanie sur la gorge de Vivien. Parce que ce qu’on n’a pas appris à faire, ça ne peut être fait que de la main gauche. La droite a ses codes et son obéissance. La gauche seule a le pouvoir d’improviser.

Un noeud. Un noeud de fils serrés d’angoisse et de souvenirs à maintenir intact pour éviter la souffrance. La douleur indicible de qui n’a pas encore de mots et attrape par le regard tout le malheur du monde – sans un cri.
Des pleurs en cascade et une longue plainte de nourrisson abandonné, des sanglots, des hoquets, des vagissements enfermés depuis des années dans un corps grandi en silence. Les bras d’Epiphanie autour du bébé-enfant, une sorte de vision – sorcière, après tout -, une mère baignant dans son sang, la main tendue vers le fils immobile, pétrifié, muet.
« Pleure, mon gars, pleure. T’as des années de larmes à rattraper. Faut que ça sorte. »
Il se détacha. Plissa le front. Se força à articuler quelque chose.
Elle attendait « Vivien ». Ce fut « Heppi ».
« Heppi ? Moi c’est Epiphanie, mais bon...
Triomphalement, il répéta :
« Heppi ! Heppi ! »
Jusqu’à hurler :
« Heeepppiii !
- D’accord, d’accord. Heppi. Et Vivien ?
- Vi... Vi... vien !
- Ben voilà. Ca c’est fait. Bon ben maintenant, y a plus qu’à t’apprendre à lire. »
Il la regarda d’un air interrogatif.
« Ben quoi ! C’est pas quand on gagne qu’il faut s’arrêter de jouer... »


Elle lui enseigna à lire et à écrire. Il apprenait vite, et il apprenait bien. Quand elle estima qu’il maîtrisait assez la langue, elle lui montra le Grand Livre.
« Voilà. Je suis une sorcière. J’ai le Pouvoir. Je ne sais pas s’il te sera donné, tu es trop jeune. Mais il y a beaucoup de choses que je peux t’apprendre, et avec lesquelles tu pourras gagner ta vie quand je ne serai plus là.
- Mais tu es là !
- Vivien ! Le temps passe pour tout le monde ! Toi tu grandis, moi je vieillis. C’est comme ça.
- Ca ne me plaît pas. Avec ton Pouvoir, tu pourrais vivre longtemps, et comme ça on serait ensemble... »
Epiphanie éclata de rire.
« J’ai déjà vécu longtemps ! »
Le petit se renfrogna.
« Et moi, alors ? Si moi j’ai besoin de toi, tu vas mourir quand même ? »
Elle posa la main sur la sienne.
« Je ne suis pas sûre de pouvoir décider. Mais il est dans l’Ordre des Choses que je meure avant toi. Et j’aimerais bien que tu aies un métier honnête. Je n’ai jamais souhaité élever un voleur de grands chemins. »
Il hocha la tête.
« D’accord. »
Elle lui apprit les plantes, elle lui apprit les pierres. Sa mémoire était prodigieuse. Telle une terre longtemps laissée en jachère, inondée de limon fertile, la moindre graine de connaissance donnait une récolte luxuriante. A ceci près que la paysanne de l’esprit ne moissonnait pas pour son propre compte. Et pourtant ! Tant de joie ! Tant d’émerveillement à le voir découvrir, s’étonner, comparer, raisonner, déduire, et toujours questionner, toujours vouloir en savoir davantage et toujours comprendre... Il était trop jeune pour avoir le Don, mais si lui ne devait pas l’avoir, qui aurait pu ? Ne pas se monter la tête. C’est seulement un enfant intelligent.
Parfois elle en trépignait d’impatience, de ne pas savoir encore, et elle souhaitait, et elle souhaitait... Mais déjà tant de satisfaction à travers ce petit bonhomme tombé du ciel. Plus encore que d’avoir non seulement retrouvé le Pouvoir, mais de l’avoir amplifié comme jamais dans toute sa vie. Il est des avantages à être solitaire. Mais rien ne vous rend jamais aussi riche que le don de soi.


Vivien à présent rasait obstinément les trois poils noirs qui ornaient sa lèvre supérieure sous l’oeil effaré de Rodrigue qui trouvait cela indécent.
« Se couper la moustache, quelle horreur ! »
Un soir au dîner il fut pris d’une quinte de toux qui laissa sa voix éraillée pendant plusieurs jours, malgré tout le miel de romarin qu’Epiphanie lui faisait avaler du matin au soir.
Sans doute une conséquence de la mue. Son timbre devient plus grave. Il grandit tellement vite, ses pieds vont bientôt dépasser du lit ! Fière, fière, fière ! Pensée pour la mère morte, double mort que de laisser un enfant derrière soi ! Si tu le vois, de l’au-delà, alors tu dois être fière aussi.
Un matin il entra en titubant dans la cuisine. La sorcière perçut tout de suite qu’il était malade. Yeux cernés, mine grise. La main sur le front, fièvre, fièvre !
« Va te recoucher. Tu as dû prendre froid hier à la rivière. »
Le coeur serré. Jamais rien, pas même un rhume. Et alors ? La croissance l’a peut-être affaibli. Tout le monde peut s’enrhumer un jour ou l’autre. Je m’inquiète parce que c’est lui. Dans deux jours il sera sur pied. Tuer une poule pour mettre dans la soupe.


Depuis deux semaines il dormait, mangeait à peine, essayait de se lever, était pris de vertiges, se recouchait. Toujours cette fièvre folle, amante jalouse qui ne le quittait jamais. Et rien d’autre. Pas de toux, pas d’abcès, pas de douleur. Juste une fatigue sans fin. Et la fièvre.
Toutes les tisanes, les incantations, les sortilèges, les impositions... En vain. Etre rutilante de Pouvoir, et se heurter pourtant à une forteresse imprenable ! Leçon d’humilité. A l’aide ! Mais personne. Maître Isidore est mort depuis longtemps. Tous ces petits jeunes, pas confiance.
Et la peur. Il se fane, il s’étiole, il se meurt. Non ! Ce n’est pas dans l’Ordre des Choses ! Ce n’est pas à lui de mourir !
« C’est dommage », sentença le chat en se léchant une patte, « j’ai comme l’impression qu’il aurait pu devenir un grand sorcier.
- Il le sera ! Par ma vie ! Il le sera !
- Deux sorciers dans une maison...
- Quoi ? »
Le chat avait déjà disparu. Agaçant, ce chat. Mais quand même, toujours avec Vivien, jour et nuit, depuis sa maladie. Sans doute le connaît-il mieux que personne. Sans doute a-t-il senti en lui l’éveil du Pouvoir. Les chats savent des choses que même les sorciers... des choses que même...
S’asseoir. Parce que cette idée est folle et pourtant lumineuse et évidente. Mais si je me trompe, Vivien est mort. Et si je ne l’écoute pas, Vivien est mort aussi. Peut-être. Mais si j’ai raison...



Toujours été différente. Quand mon Pouvoir a vu le jour, mon père m’a chassée. Ma mère a détourné le regard, ma soeur a ricané. M’attendais pas à autre chose. Ma soeur était blonde, jolie et menteuse. Moi je voulais la justice et le respect. Toujours le sentiment d’être de trop. Le Pouvoir, c’était ma revanche ! Je suis partie en chantant. Libre et légère, j’avais déposé mon fardeau. Pour toujours.
J’ai travaillé. D’abord pour Maître Isidore, de jour comme de nuit, dans la neige et la fournaise, deux ans. Pas de paie, pas de compliment. Pas de reproche non plus. Parfois un vague sourire, je savais quand j’avais bien fait. Pendant deux ans, toutes les nuits il m’a fait recopier le Grand Livre, sans me dire pourquoi. Et puis un jour il m’a dit que j’étais prête, que je pouvais partir, et il m’a offert le Livre.
J’ai fait les marchés, les foires, les kermesses. Potions, impositions des mains, soins aux animaux, puis aux hommes. J’ai acheté ma maison. Et j’ai travaillé encore et encore.
Je voyais passer des hommes qui aimaient leur femme, leur faisaient des enfants. J’en ai mis au monde plus que je ne saurais dire. C’était toujours magique, ce moment où le petit ouvrait les yeux et rencontrait le regard de sa mère. Je ne dis pas que ça me faisait envie, j’avais le Pouvoir, je ne pouvais rien espérer de mieux. Mais curieuse, oui. Et... ça m’a toujours semblé étrange... L’homme qui met sa veste sur les épaules de la femme... Le ruban qu’il lui ramène de la foire... Ca, peut-être...
Mais ils me craignaient. Jamais touché à la magie noire. Jamais lancé de maléfice, ni pour mon profit, ni pour celui d’un autre. Les demandes n’ont pas manqué, j’aurais pu m’enrichir... Jamais. A la longue, ça devait se savoir. Mais ils me craignaient quand même.
Un vagabond, un jour, a dormi chez moi. Avec moi. J’ai cru que je l’aimais, tellement j’étais étonnée... émerveillée... Vagabond il était, vagabond il est reparti, silencieux comme un chat. Plus personne. Et alors ?
J’ai fait ce que j’avais à faire. Le Pouvoir ne m’a jamais rien refusé. On ne peut pas tout avoir, et j’ai beaucoup reçu. Le petit, c’est mon dernier cadeau. Le plus beau. Plus encore que le Pouvoir. Le seul souvenir que j’emporte avec moi.
Ca ne doit pas aller trop vite. Des choses à lui dire. Au revoir, au moins.
Il ne va pas être content.
Survivra.
Fort.
Et le Pouvoir avec lui.
Je sais où j’ai rangé les sombres flacons. M’ont aidé quelquefois à faire passer ceux qui souffraient trop. Pas de mots entre nous. Notre secret. Mais l’air était chargé de reconnaissance. Me suis jamais prise pour une divinité. Juste l’instrument de la justice et du respect. Souffrir ne grandit pas l’homme. Souffrir ne sert à rien. Quand l’heure est juste, il faut passer.
C’est un peu amer, malgré le miel. Mais c’est juste.
« Rien ne t’y obligeait », soupire Rodrigue.
- « C’est mon choix.
- Et si tu te trompes ?
- Je te parie un bol de crème, si j’ai raison.
- Je m’étais habitué à toi.
- Et tu aimes bien le petit.
- Un bol de crème, d’accord. »



Vivien s’agite dans son sommeil. Il ouvre les yeux.
« Heppi ! Tu es là ! Je me sens bien... Je crois que la fièvre est tombée.
- Elle est tombée, mon gars. Tu vas guérir.
- Tu as réussi !
- Quand tu te lèveras, tu donneras un bol de crème au chat. Et tu devras me remplacer demain au marché.
- Mais... Je n’ai pas le Pouvoir !
- Bien sûr que si. C’est pour ça que tu étais malade : le Pouvoir s’installait. Regarde, j’ai préparé le feu dans ta cheminée. Allume-le. Tu m’as vu faire des centaines de fois. »
En riant, il regarde l’âtre, tend la main. Le feu s’allume. Le vertige m’oblige à fermer les yeux.
« Heppi ! Heppi ! Tu te sens bien ? Tu es toute pâle !
- C’est mon heure, loupiot. Faut que je parte.
- Non !
- Râle pas. On choisit pas. Tu es assez grand pour te débrouiller. Je te confie le Grand Livre. Et la maison. Tu sais où est rangé le magot. Tout ça est à toi, maintenant. J’ai creusé la fosse, t’auras qu’à recouvrir.
- Heppi !
- C’est pas triste, Vivien. C’est juste la vie qui veut ça. Et j’ai eu une bonne vie. Le Pouvoir a été une grande chance...et toi...encore plus... Souviens-t’ en... Un enfant, c’est du bonheur... Et du bonheur, je t’en souhaite tant et plus... mon... petit...
- Heppi ! Heppi ! Heppi !
- Laisse tomber », l’interrompit Rodrigue. « Elle ne t’entend plus. Tu devrais plutôt lui obéir : elle m’avait promis un bol de crème... »
Narwa Roquen, avec des soucis de mise en page...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-02 15:40:40 

  WA - Participation exercice n°109 (EDIT)Détails
Préambule :

Les rouleaux dits de « Magesh » ont été mis à jour par une équipe de vulcanologues près du Mont Ida, qui s’élève sur une île excentrée de l’archipel des Clades, dans l’Océan Oural. Les scientifiques y effectuaient des forages dans la caldeira. Dans une gangue de lave ancienne, ils découvrirent une petite amphore hermétiquement scellée, faite dans une matière si dure que le diamant lui-même connut de grandes difficultés à se frayer un chemin.

Elle contenait quinze rouleaux, confectionnés dans une peau d’origine animale particulièrement souple, dans un état de conservation miraculeux. La surface totale de chaque rouleau déplié est légèrement supérieure à celle d’une page standard, au verso finement recouvert d’une trentaine de lignes serrées de logogrammes et de phonogrammes, rappelant les systèmes d’écriture cunéiformes.

Mais cet alphabet était irréductiblement étranger à tous ceux déjà connus et déchiffrés. Sans système de référence utilisable, les techniques de comparatisme linguistique ne furent d’aucune aide. Il fallut près de deux siècles pour en trouver les clés.

De nombreux mécènes, et même des Etats, ont promis des récompenses faramineuses au premier qui parviendrait à déchiffrer le texte des rouleaux. Mais seuls les progrès technologiques et scientifiques permirent une avancée décisive. De puissants algorithmes et une quantité prodigieuse de temps-machine de plusieurs complexes semi-intelligents percèrent enfin le mystère de cette langue perdue.

Sous les yeux stupéfaits des techniciens de garde, qui assistèrent en direct à la transcription en langage commun des textes de Magesh, une épopée éblouissante vint au monde. Ce fut réellement le sublime accouchement d’une toute nouvelle vie. Vous allez lire bientôt le fragment d’un récit plus vaste, un tout petit pan d’une immense épopée vieille de plusieurs millénaires décrivant un monde qui n’existe plus.

La traduction que vous allez découvrir n’est pas l’originale, qui tenait plus du verbiage surréaliste en raison des arbitrages lexicaux des IA qui privilégièrent la rigueur et l’aridité scientifiques. Aussi, un groupe de linguistes s’attela à la tâche à son tour, s’entourant d’experts réputés en littérature comparée, d’historiens chevronnés et de poètes renommés. Il leur fallut douze ans de labeur acharné, passés à ébarber, tailler et polir les mots de la traduction initiale pour rendre justice à cette oeuvre unique.

Bien sûr, nous ne prétendons pas avoir restauré fidèlement la splendeur et l’harmonie de cette épopée. Or une étrange harmonie se dégage des signes utilisés, des symétries troublantes qui se répètent tout au long du récit, malheureusement intraduisibles pour nous qui ne savons même pas comment se prononcent ces mots, hormis les pitoyables tentatives des IA qui ressemblent plutôt à un concert de corbeaux aphasiques. Selon les linguistes, il s’agit bien d’une oeuvre poétique mais nous ignorons encore tout des règles qui la caractérisent. Seules les strophes, des neuvains pour les puristes, ont pu être formellement identifiées.

Cette épopée raconte un évènement qui s’apparente aux chroniques d’Homère ou de Bochco, deux historiens ayant raconté deux facettes d’une même guerre. Le premier a utilisé de nombreuses métaphores, recourant aux puissances surnaturelles, magnifiant les sentiments et le côté héroïque des combats. Le second, au contraire, a rapporté les évènements au plus près de leur source, de façon plus prosaïque, sans intervention divine, éclairant crûment la vie de quelques fantassins ordinaires. Mais il s’agit bien là des mêmes évènements, racontés selon deux points de vue différents !

Ce que vous allez découvrir est simplement le fruit du plus bel effort jamais fourni pour ressusciter une langue perdue, écho brumeux d’un monde enfui. Je dis bien « perdue » et non « oubliée ». Rien de semblable, à la surface de notre monde, aucun disque, bande, papyrus, bloc de pierre, tablette de terre cuite, de grès ou de toute autre matière ou support que l’homme a utilisé pour coucher les preuves de son passage éphémère, n’a été découvert à ce jour.

En guise de conclusion, je vous laisse le soin d’en tirer toutes les conséquences.

La bande-son


LA CHUTE DU FAUCON


Oyez, je vous parle cette nuit d’un temps passé.
D’un temps oublié. D’un temps désespéré.
Pourtant au coeur des ténèbres qui recouvraient alors le monde,
Une lumière brillait encore
Fragile, vacillante et tout près de s’éteindre.
La Roue du Temps a tourné,
Enfouissant cette époque légendaire dans l’obscurité et le silence.
A présent, il n’en reste presque rien,
Juste quelques vestiges méconnaissables et incompris.

Or donc par ma voix et mon verbe,
Les fantômes du passé vont se lever autour de vous
Pour une dernière et magistrale représentation.
Alors écoutez tous, écoutez bien,
Délicieuses Dames, nobles Seigneurs et Princes de ces terres.
Je vous parle d’un temps où votre incommensurable puissance
N’était pas même inscrite dans la course des étoiles.
En ce temps-là, le soleil était orphelin dans le ciel azuré
Et une Lune ronde brillait, immobile, au coeur de chaque nuit.

A l’est de vos palais s’étend le Père des Déserts,
Aride et mortel, infranchissable et sacré.
Où la vie s’accroche à quelques pousses de mauvais lichen.
Là, au beau milieu de nulle part, s’élève un muret
Qu’un enfant pourrait presque franchir d’un seul bond.
Nul ne se sait plus pourquoi il se dresse là.
Rempart dérisoire devant la marée inexorable des dunes,
Il n’a aucune utilité, aucune raison d’être,
Edifié en un lieu où nulle caravane ne passera jamais.

Une brèche causée par quelque dieu courroucé est encore visible.
Les lèvres de cette crevasse sont finement polies,
Comme les flancs des galets roulant sur la grève.
C’est l’oeuvre patiente et têtue du temps qui passe
Et soigne ainsi les pierres et les âmes.
Mais en cet âge ancien dont je vous parle,
Le mur s’élevait fièrement à une très grande hauteur,
Solidement ancré aux montagnes escarpées aujourd’hui disparues
Qui s’élevaient à chacune de ses extrémités.

En cet endroit se déroula une bataille impitoyable,
Que chantèrent longtemps les aèdes.
Une bataille épique et tragique, comme dans toutes les légendes
Où le Bien affronte le Mal en combat singulier,
Sous le regard indifférent des Dieux.
Durant trois jours, les champions des deux camps rivalisèrent d’exploits,
Fauchant les vies comme les moissonneurs les blés mûrs,
Jusqu’à ce que les ombres noires du crépuscule
Finissent par les engloutir tous.

Le Monde était bien différent alors.
Là où s’étend aujourd’hui le Grand Désert infranchissable,
De vastes mers aux reflets changeants
Bordaient de luxuriantes régions aux terres cultivées.
De formidables forteresses sur des buttes rocheuses
Défendaient les palais étincelants de puissants royaumes
Dirigés par des souverains altiers, couronnés d’or et d’argent.
Pourtant comme un ver dans un fruit trop mûr,
Une Ombre grouillante minait les fondations de ce monde opulent..

Ô Muse céleste, aide-moi à dépeindre, sans omettre le moindre détail
Les forces qui vont s’affronter sous nos yeux émerveillés !

D’un côté, protégeant le Mur
Qu’un coup terrifiant a éventré de haut en bas,
Se tiennent, intrépides, les Hommes du Duc Ailé,
Le Seigneur du Faucon.
Sur la voie de l’Honneur, ils se préparent pour le dernier assaut
Le Duc doit tenir la passe quatre jours durant.
C’est le délai réclamé par son suzerain pour fortifier sa propre position.
Cette mission est sans espoir, il le sait pertinemment.
Mais n’ayant qu’une parole, il se tient dos au Mur et ses hommes avec lui.

Face à eux s’alignent les légions innombrables
D’un Roi Noir aux pouvoirs prodigieux.
Sous sa funeste bannière sont accourus d’avides mercenaires.
Attirés par le sang, le viol et le pillage, des plus lointaines contrées.
Ceux-là sont pourtant mille fois moins cruels
Que les âmes damnées du Seigneur ténébreux.
Les Chevaliers Noirs aux casques cornus, surgeons d’arbres maudits,
Patientent en silence, prêts à balayer de la surface de la terre,
L’insignifiante résistance des braves Fauconniers.

Au milieu de ces hommes, un Demi-Dieu se tient la tête entre les mains.
C’est un géant aveugle de presque neuf pieds de haut,
Qui parcourt le monde à la recherche éperdue
De celle que le Roi Noir lui ravit en usant de vils sortilèges.
Et qu’il retient captive dans son antre fortifiée.
Le Phante, ivre de rage et de douleur, le poursuit sans relâche.
Il croyait enfin tenir sa proie et libérer son amour,
Mais le Fourbe s’est joué de lui une fois de plus,
Ses maléfices l’ont soustrait à la vengeance du Héros malheureux.

Je vais convoquer sous ce dôme rutilant les brumes propices.
Estompant peu à peu les frontières du réel,
Elles vont enfanter du néant le théâtre des ombres.
Les protagonistes entrent sur la scène, vagues silhouettes indistinctes.
Mais ces ectoplasmes éthérés se nourriront bien vite de vos désirs.
Apercevez-vous les armures et les boucliers brillant d’un éclat mat,
Les chevaux piaffant d’impatience et les falaises soutenant le ciel?
Devinez-vous, derrière la forêt touffue au ramage métallique,
Les visages inquiets des hommes qui bientôt vont mourir?

Au signal du héraut posté au sommet d’une éminence,
Les mugissements rauques d’une conque marine emplissent tout l’espace
Figeant le temps qui s’arrête de couler dans le sablier des Dieux.
Alors les essaims bruissants des voltigeurs voués aux ténèbres
S’élancent vers les rangs encore immobiles des Fauconniers,
Leurs chants vengeurs couvrent le martèlement des tambours de guerre.
Vêtus de tenues bigarrées, comme des torrents impétueux
Ils chargent droit devant eux, rebelles et déments,
Faisant tournoyer leurs frondes vrombissantes au-dessus de leurs têtes.

Bien avant qu’ils n’atteignent les premières lignes adverses,
Une pluie de flèches les fauche comme des lapins sur la lande dénudée.
Mais rien ne peut ralentir la course aveugle
Des fantassins hurleurs qui se précipitent vers leur destin.
Ils heurtent avec fracas la muraille de boucliers,
Essayant de rompre la ligne pour s’engouffrer dans les brèches.
Mais tous leurs efforts sont vains, leurs corps s’amoncèlent bien vite
Aux pieds des défenseurs qui, sans relâche, les taillent en pièces.
Une trompette véhémente met fin à cette horrible boucherie.

Les voltigeurs survivants s’égaient comme des moineaux devant l’épervier,
Et le silence se reforme, le temps lui-même retenant son souffle.
Le Duc converse avec le Phante qui l’a rejoint sur son poste d’observation.
La haute stature du Demi-Dieu détone parmi les hommes ordinaires
Qu’il domine sans peine, les plus grands d’entre eux paraissant enfantins.
Entre ses bras puissants repose une grande épée
Au fil si tranchant qu’elle peut séparer d’un seul coup les âmes des corps.
Le calme est rompu par les trompettes du Chaos.
Au fond de la plaine, les légions du Sorcier Noir s’ébranlent à leur tour.

Je vois à vos visages attentifs que mon verbe
A tissé autour de cette salle, où le feu se meurt, abandonné dans l’âtre,
Le voile singulier des rêves qui fascine et emporte !
Vos yeux étonnés contemplent la légende millénaire rappelée du néant.
Vos oreilles sont emplies de cris et de fureur qui échauffent vos sens.
Le fracas des armes est si proche que, sourd à la raison,
Vous portez la main au fourreau pour défendre votre existence!
Soufflez un peu ! Versez dans les cratères, l’ambroisie parfumée,
Embrassez votre belle et restez avec moi, l’histoire est loin d’être achevée!

Au-dessus du champ de bataille, tournent dans le ciel des créatures ailées,
Aux corps féminins conçus par un peintre halluciné !
Elles poussent des clameurs perçantes, tenant sur leurs mamelles flétries
Des outres remplies d’un acide visqueux qui corrompt les chairs.
Quand les archers ont détourné leurs traits, ces funestes harpies
Ont précipité du haut du ciel leurs baudruches empoisonnées.
Alors, hurlant de douleur, maints soldats aux cimiers écarlates,
Quittent soudain les rangs, tentant d’échapper aux tourments infernaux
Infligés par la mort gluante qui s’infiltre sous leur peau.

En cet instant critique, la ligne de défense est prête à rompre !
Peu s’en faut que les Fauconniers ne s’affolent et ne se débandent !
Au contraire, les hordes du Chaos exultent et se préparent
A porter le coup de grâce dans le dos des fuyards.
Mais soudain alors que tout semble perdu, du ciel vient le salut !
Crevant les nuages comme une grêle d’automne, faucons et éperviers, aigles et autours,
Et tout ce que la Nature compte de rapaces, fondent sur les harpies !
Accablées par les becs et les serres qui les frappent et les griffent de toutes parts,
Les créatures malfaisantes s’éparpillent pour ne jamais revenir !

Pendant ce temps, les bataillons de lansquenets avancent comme à la parade.
Bouffis d’orgueil, tels des princes dans leurs brocarts rutilants.
Leurs cuirasses resplendissent de bijoux dont se parent les putains.
Ils marchent en cadence, au son du fifre et du pipeau
Gonflant leur torse pour paraître plus beaux.
L’apparence est trompeuse, ce sont des guerriers redoutables.
Ils ne bronchent pas sous les flèches qui cinglent leurs rangs,
Acceptant avec joie le tribut prélevé par la Mort leur maîtresse.
Le corps à corps est terrible quand ils percutent la ligne des Fauconniers!

Sur leurs talons se pressent leurs frères d’armes, les célèbres Doppelsôldner,
Leurs hallebardes ferraillent durement avec les piques des Fauconniers.
Les archers, désormais impuissants, se résignent à troquer l’arc pour l’épée.
Les combats sont intenses, le sang et la sueur maquillent sans distinction
Les vaincus qui agonisent et les vainqueurs qui reprennent leur souffle.
Le Phante arpente sans relâche le front des troupes du Faucon,
Ranimant l’ardeur des défenseurs à la flamme de sa colère.
Leurs camarades éventrés ou décapités, ses ennemis s’enfuient, épouvantés,
Des milliers d’hommes s’affrontent, la bataille a vraiment commencé !

Peu à peu l’étau se desserre, les Fauconniers regagnent pas à pas le terrain perdu.
Leur discipline et leur courage domptent la fougue des mercenaires.
Les boucliers portant l’Aile du faucon les repoussent en arrière.
Des chants anciens sont entonnés par les vétérans que tous reprennent.
Ils chantent la fierté d’être un homme marchant librement parmi les siens.
Le miracle est là, à portée de main ! Tout devient possible même l’impensable
Les armes sont moins lourdes et la soif moins mordante.
Les coeurs sont plus légers et les muscles ne font plus grimacer.
Les serviteurs du Mal luttent à présent pour ne pas subir un revers humiliant!

Qu’importe les mourants qui jonchent le sol comme les chaumes après la moisson.
Qu’importe les souffrances qu’ils ont endurées, elles ne l’ont pas été en vain.
Ils tiennent le Roi Noir en échec, exploit à nul autre pareil!
Hourra ! Hourra ! Hourra !
Un sentiment grisant s’empare des Fauconniers et décuple leurs forces !
Leurs sergents, oubliant les consignes, se jettent à la poursuite
Des ennemis qui refluent en désordre, revenant vers leur camp
Où attendent patiemment les régiments aux bannières serpentines.
Mais que la course est belle quand la Fortune aveugle ceux qu’elle veut perdre !

Les avertissements des capitaines chevronnés ne sont pas entendus.
La ligne se distend dangereusement, les Fauconniers, oubliant tout prudence,
Franchissent une frontière invisible et la Mort s’abat sur eux !
Une pluie de rochers fracasse les premiers rangs,
Faisant valser les corps comme les quilles d’un jeu de croquet.
Les trébuchets chantent en choeur et leurs voix telluriques
Assourdissent les téméraires qui comprennent alors le funeste stratagème
Ourdi par le Roi Sorcier qui tire en coulisse les ficelles de pantins impudents.
Il est trop tard, les mâchoires du piège déjà se referment.

De lourds nuages s’amassent sur la plaine et la lumière décroît rapidement.
Une voix lugubre résonne dans le lointain, une voix noire et profonde
Qui jette dans les âmes une horreur glacée, le sceau d’un horrible destin.
Des éclairs déchirent le ciel, inondant la plaine d’une lumière violente,
Tandis que le tonnerre gronde entre les falaises, recouvrant tout,
Sauf la voix funeste qui enfle et qui menace, qui enfle et qui effraie.
Le Roi Sorcier a libéré des forces sans nom qui dormaient sous la terre
Des démons élémentaires obéissant à sa seule volonté.
Devant ces bêtes immondes, la Nature elle-même, révulsée, cache son visage.

Les Fauconniers, à découvert, hésitent, n’ayant nul endroit où s’abriter.
Ils se regroupent tant bien que mal autour d’officiers plus courageux,
Formant des carrés, boucliers contre boucliers, scrutant les ténèbres alentour.
Dans ce jour sans lumière, des silhouettes fantomatiques les frôlent sans cesse.
Des visages spectraux, des yeux sans vie reflétant une noirceur absolue,
Une horrible faim distend des bouches baveuses aux crocs immenses.
Ces apparitions démoniaques sèment la panique chez les plus endurcis.
Les Fauconniers, en désordre, lâchent leurs armes et détalent en pleurant,
Aucun d’entre eux ne réchappe aux bataillons du Chaos !

Alors les noirs escadrons du Roi Sorcier s’ébranlent pour donner l’estocade.
Ces lourds cavaliers aux casques cornus, comme des vagues monstrueuses,
Submergent la plaine sans défense où ils emportent tout.
La bataille est perdue, le Duc rallie ses dernières forces,
Autour de la bannière où flotte le Faucon, en cercles concentriques.
Ces braves donneront sans regret leur vie pour l’Honneur du Faucon.
Epaule contre épaule, ils sont le rocher sur lequel déferle la tempête.
A côté du Duc se tient le Demi-Dieu au visage fermé.
Il soulève sa grande épée, prêt à lutter jusqu’à la dernière extrémité.

Mais à l'instant fatidique, le Duc aperçoit dans le ciel
Un Faucon qui déploie ses ailes puis s’éloigne vers l’ouest.
Le Duc entend le message délivré par son oiseau totémique.
Ce n’est pas une fuite, ce n’est pas un renoncement, ce n’est pas une fin.
Juste la promesse d’un renouveau qu’il faut saisir à temps.
Un rai de lumière transperce les ténèbres et illumine d’un orbe scintillant
Le visage du Duc qui s’adresse au géant aveugle.
Tous ceux qui vécurent assez pour en porter témoignage,
Jurèrent avoir vu leur seigneur grandir à égaler le Demi-Dieu.

« Noble Ami, ici la fin est proche mais là ne s’arrête pas l’histoire.
Prends avec toi quelques hommes décidés et regagne ton pays !
Le Faucon m’a dit que je devais te laisser partir vers le soleil couchant.
Il faut que je te laisse partir pour trouver le chemin du retour.
Ne rejoins pas le Polémarque, tu ne peux rien pour lui désormais.
Le cours du Destin appartient aux Dieux et non aux hommes.
Tu es aveugle mon ami mais je n'ai jamais vu une lumière aussi brillante
Que celle qui brille derrière tes yeux !
Rentre chez toi !Tu y trouveras les moyens de vaincre le Roi Sorcier! »

Dix hommes s’avancent pour suivre le Phante dans son périlleux voyage.
Dix parmi les plus forts, les plus résolus et les plus rusés.
Un archer se porte volontaire et, contre toute attente, il est accepté.
Le Géant Aveugle a deviné en lui une destinée hors du commun.
Les douze guerriers se faufilent hors de la vue de leurs ennemis.
Avant de disparaître, s’adressant au Duc, le Phante prononce ces paroles
Qui perpétuèrent longtemps l’espoir des Hommes de l’Ouest :
« Je ne trahirai jamais ta confiance, je ne renierai jamais ta foi
Et je n'oublierai jamais ton visage. »


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-03 22:43:47 

 Commentaire Antarès, exercice n°109Détails
Comm Antarès, Wa n°109



En te lisant, j’avais comme un sentiment de déjà vu – de déjà lu. Et pour cause. Tu as publié ce texte en Participation libre, le 1° février 2009. Alors certes, la WA 109 proposait de réécrire un texte. Sauf que ce texte-ci ne comporte que de très vagues modifications par rapport à ce texte-là. Quelques phrases tronquées, quelques rares ajouts, quelques phrases trop longues scindées en deux. Pas vraiment une réécriture. Je n’avais pas commenté ton texte à l’époque, et je me souviens très bien pourquoi : il m’avait laissée franchement perplexe. Je vais donc le commenter aujourd’hui.
L’idée de base est intéressante. Dans un monde magique, un enfant doit passer son épreuve initiatique en prenant possession de deux esprits humains, pendant un temps limité, pour les aider à améliorer leur vie. Le premier paragraphe, qui présente le héros et expose l’intrigue, se déroule sans encombre. C’est cohérent et clair, et ça se lit avec plaisir.
La suite, malheureusement, ne tient pas les promesses du début. On s’enlise dans des détails insignifiants qui alourdissent le texte et n’apportent rien à l’intrigue. Tu donnes des informations en double (l’accident vasculaire). Le lecteur piaffe d’impatience et comble de frustration, le texte s’arrête au même endroit que la première fois, sans que l’intrigue ait beaucoup avancé.
Mes conseils : réduis la mission de ton héros à une seule personne ; augmente son temps d’intervention ( 4 h par jour ça ne laisse pas beaucoup de champ) ; supprime tout ce qui est inutile (les deux profs), raccourcis à tour de bras l’arrivée à la fac, la rencontre avec Danaé, le scanner... Oublie les détails genre amphi 350 B, qui n’apportent rien ; introduis des changements de rythme, phrases plus courtes, voire réduites à quelques mots. Et surtout, termine cette histoire, ne fût-ce que pour te prouver que tu peux le faire. Avoir une idée intéressante est à la portée de n’importe qui . Mais écrire est un véritable travail, avec de la sueur et des larmes. Aucun écrivain ne peut y échapper, pour génial qu’il soit.

Bricoles :
- Alastor se réveilla : on n’a pas l’impression qu’il est endormi
- Il contemplait : contempla
- Après qu’eut fini : eût ; une voix qui finit... ait fini de parler, encore, ou se soit tue
- Comment Alastor peut-il savoir ce qu’est une chambre de petite fille sur terre ?
- Rose pastelle : rose pastel
- Intrigait : intriguait
- Ne sachant quoi y trouver : ça veut dire quoi ?
- Son calme solennelle : solennel
- La jeune fille se réveille : dans un texte écrit au passé
- Ponctuer la fin sa torpeur : de ; exemple type de la phrase inutile
- Ce Vespérus nous avaient : ce... avait, ou ces... avaient
- Ces derniers se fermèrent : c’est trop loin de « les yeux »
- Se rouvrir : se rouvrirent
- Quelques minutes de marches : marche
- En marchant : répétition
- Ne vous inquiétez l’équipe : ne vous inquiétez pas, l’équipe
- Professeur ou professeure ?
- Répartissant les étudiants par groupe : groupes
- L’an passé il refusa : il avait refusé ( c’est le passé du passé)
- Avaient été ralenti : ralentis
- Questions de cohérence :
Vous êtes en 3° année de licence, dit le prof ; je pensais à être la seule à refaire ma 2° année, dit Danaé.
L’accident vasculaire s’est produit pendant la semaine d’examens ; mais l’accident du père, qui a eu lieu avant, se déroule le jour d’un examen de fin d’année.
L’accident vasculaire a lieu en fin d’année scolaire ; 3 semaines de coma, 4 mois de rééduc : pourquoi elle ne reprend pas en décembre ?
- Il commença son discours par des excuses du fait de son retard : il commença son cours en s’excusant de son retard
- Indiciblement serein : pourquoi indiciblement ?
- Pourquoi les filles discutent-elles dans les toilettes ? Ca fait deux scènes à cet endroit-là. La 1° il fallait un miroir, d’accord. Mais pour la 2°, ça apporte quoi ?
- L. alla rejoindre une voiture... sa mère l’attendait à l’intérieur. Essaie d’éviter les évidences ! Ludivine rejoignit sa mère, qui l’attendait sur le parking au volant de sa voiture.
- Dès qu’elle aperçu : aperçut
- Direction hôpital Gilbert... L. sait où elle doit aller. Quel intérêt pour la mère de le lui dire ? Ton info, tu peux la mettre ailleurs. L’hôpital Gilbert... n’était plus qu’à quelques mètres.
- Le scanner n’est pas entreposé, ou alors c’est qu’il ne fonctionne pas. Il est installé
- Longtemps que je n’ai pas vu un scanner, mais ça m’étonnerait qu’on attache un adulte sain d’esprit
- Plus une seule cellule endommagée : la précision du scanner ne va pas jusque là !
- Les habits qu’elles portaient : elle portait
- La possibilité de reprendre se remettre au dessin : ?
- La porte d’entrée du laboratoire : la porte suffit
- Etait fermée : à clef, je suppose
- C’est là que je t’ai trouvé : trouvée


Je reconnais que je n’ai pas été tendre avec toi. Mais j’ai été honnête. Il faut absolument que tu t’astreignes à aller à l’essentiel ; les détails que l’on donne, dans une histoire, doivent avoir du sens, soit pour marquer les jalons de l’intrigue, soit pour créer une ambiance. La fac fascine peut-être les lycéens, mais ceux qui n’y sont pas allés s’en fichent, et ceux qui y sont allés l’ont rarement trouvée passionnante. Que le vilain prof devienne gentil sous l’influence d’Alastor, c’est vraiment un détail insignifiant par rapport à la mort du père ou à l’accident de ton héroïne – dont d’ailleurs on ne saisit pas bien quel est le problème : l’angoisse ? le syndrome post-traumatique ? le livre magique ? un mystère concernant les recherches du père ? De la matière, tu en as. Mets-la en valeur, et ça pourrait devenir passionnant !
Narwa Roquen, toujours aussi pénible...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-07 23:06:15 

 Commentaire Maedhros, exercice n°109Détails
Comm Maedhros ex n°109



Je précise que le commentaire qui suit a été écrit sur la 1° version du texte ( avant l’édit) ;

Je chante les combats de ce héros
Qui le premier fuyant les rivages connus
Suivit les traces d’Homère, le poète immortel.
Son pied était léger et son verbe était fort.
A l’entendre chacun frissonnait et pleurait
Car jamais n’avait résonné de tant de grâce
Le Cercle aux mille histoires murmurées par le vent.


Je ne pourrai pas continuer dans ce style, et pourtant ton texte le mériterait, tant tu nous en as mis plein les mirettes ! C’est à la fois une réécriture, une suite, et une voie nouvelle et inexplorée. La partition est originale, l’interprétation digne d’un virtuose.
Le préambule est pure SF, avec sa situation improbable et son vocabulaire choisi. On ouvre de grands yeux mais on marche, après tout, pourquoi pas ? Juste une question : le mont Ida ( lieu de naissance de Zeus), est en Crète, non loin des Cyclades, jusque là tout va bien. Mais l’océan Oural ? Y a-t-il eu d’énormes modifications géologiques dans ce futur-là ?
Le texte retire l’extrême quintessence d’une précédente WA, en lui ajoutant une suite. La prose était déjà puissante. Mais cette composition en vers libres lui confère une force prodigieuse. Bien sûr il y a les mots, précis, retentissants et justes. Bien sûr il y a le rythme, qui garde son énergie d’un bout à l’autre, sans concession aucune. Bien sûr il y a l’histoire, rebondissante, palpitante, poignante. Mais moi, ce qui m’a touchée le plus, c’est l’accent homérien ( homérique, certes, mais homérien est plus adapté) qui imprègne ce texte du début à la fin. J’ai ressenti le même étonnement ravi qu’en lisant les Mémoires d’Hadrien selon Marguerite Yourcenar. Toutes ces tournures de phrases, l’invocation à la Muse, les vers inégaux comme s’il s’agissait d’une traduction, la manière de s’adresser directement aux auditeurs... Nostalgie sans doute de mes années passées à traduire Homère et Thucydide, mais en tout cas admiration sans borne pour l’exploit littéraire.
Je ne te dis pas le nombre de fois où j’ai écrit « joli » en marge.
J’ai adoré « le temps qui passe et guérit les pierres et les âmes ». La strophe « Je vais convoquer sous ce dôme... », et celle « « Je vois à vos visages... », et celle « Sur leurs talons se pressent... » sont fabuleuses !
La fin ne manque pas de panache, avec ce « et je n’oublierai jamais ton visage » dans la bouche du Phante aveugle ! Dans le texte en prose, tu avais précisé que le Phante possédait une autre sorte de vision, qui suppléait à ses yeux. Ici le mystère reste entier, mais personne ne saurait t’en tenir rigueur tant le lecteur baigne dans le surnaturel !

Bricoles :
Juste « Peu s’en faut pour que les Fauconniers s’affolent et se débandent » : il me semble que le « pour » est superflu, et qu’en revanche il faudrait dire « ne s’affolent et ne se débandent »



... Et j’en étais là de mes réflexions quand j’ai lu la 2° version.
Et si j’avais le pouvoir de choisir, je choisirais sans hésiter la première. Oui, il y avait bien quelques détails qui auraient pu mériter correction ( et si tu veux je te les écrirai plus tard). Mais toutes les lourdeurs, toutes les maladresses, toutes les imperfections de la première version faisaient partie du jeu ! Ca fleurait bon la traduction d’une langue concise sur laquelle le traducteur fidèle est obligé de mettre des rallonges pour exprimer toutes les nuances, et le langage parlé ( et peut-être chanté), transmis oralement de poète à poète avec les ajouts de chacun... C’était ça, le véritable charme de ce texte, qui ne devait surtout pas être trop lisse ! Et alors je suis là, ce soir, comme un chaton à qui on a volé son bol de crème, et qui miaule à la lune toute sa frustration...
J’espère que tu as gardé la version originale ! Moi je l’ai imprimée, s’il le faut je la retaperai pour te l’envoyer, mais de grâce ! rends-nous le chaos joyeux, le désordre vivant, l’improvisation innocente du poète !
C’est un monument de pierres brutes que tu nous as livré : à trop le polir il perdrait son âme...
Narwa Roquen, miaououou....

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-08 17:59:39 

 Y a des regards qui…Détails
Sur une tendre mélodie de Michel Berger, aussi aérienne que cristalline, tu brodes une histoire de transmission, de passage, de don de soi. J’aime bien l’image, elle résume à la perfection ce moment privilégié où une vie qui menaçait de s’éteindre a été réanimée pendant qu’une autre, le devoir accompli, pourra s’endormir et partir en paix.

L’histoire d’Epiphanie (dont l’origine du nom me semble remonter aux Epiphanes grecques, ces divinités qui apparaissaient aux hommes dans leur sommeil, plutôt qu’à la conception chrétienne plus réductrice) possède une trajectoire assez symétrique.

Elle débute par l’exil de la maison familiale, Epiphanie est chassée par son père après que son pouvoir se soit manifesté, et se termine au contraire, par l’accueil d’un petit orphelin et permettre la révélation de son don. Splendide hasard. Mais tu as le chic pour raconter, en touches légères, ces histoires en apparence toutes simples mais qui recèlent une richesse et une profondeur incroyable. Comme ces lacs forestiers si calmes en surface que rien ne permet d’imaginer ce qui hante leurs eaux profondes.

Cette histoire est focalisée sur les protagonistes que sont la sorcière, son chat et ce petit fugitif qui a tellement vu d’horreurs qu’il en garde de cruelles cicatrices psychologiques. Tu décris parfaitement les jours déclinants de cette femme qui ne s’apitoie jamais sur son sort mais note les petits renoncements qui chaque matin l’accompagnent un peu plus. Elle ne remet pas en question l’ordre des choses mais l’arrivée soudaine de cet enfant réveille en elle des pulsions qu’elle croyait endormies, un besoin inassouvi de maternité car le magot qui dort dans l’âtre ne remplacera jamais celui qui se souviendra d’elle. Et Rodrigue, son chat, l’ami des sorcières, est plutôt la voix de sa conscience.

L’éveil du don chez Vivien (vivant en latin, NDT) est également bien décrit, comme la façon dont la sorcière transmet son art au garçonnet. En quelques touches rapides, tu brosses un background assez précis pour ancrer l’histoire mais suffisamment estompé pour ne pas la déséquilibrer.

Le style est très fluide, mêlant narration subjective (à la 1ère personne) et indirecte, renforçant son côté très vivant. Les pensées de la sorcières ne sont pas dénuées d’humour et de second degré. Vivien est moins présent, normal, le maître parle, l’élève écoute. La progression est sans à-coups, naturelle et le dénouement est élégant, pas de drame, pas de larmes, juste la sérénité du devoir accompli. J’aime beaucoup la tombe préparée à l’avance, l’acceptation de l’inévitable dans sa plus belle traduction.

M


PS : est-ce que la présence d’une autre chanson de M. BERGER, tirée d’ailleurs du même album, est volontaire ?

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-09 15:15:55 

 Y a pas de honte...Détails
... à aimer ça! Non, ce n'était pas volontaire. Mais probablement pas fortuit non plus, puisque pendant que j'écrivais cette histoire j'écoutais l'album en boucle...
Narwa Roquen, puisque rien ne dure vraiment...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-09 17:15:23 

 Le mieux est l'ennemi du bien!Détails
En fait, au début, quand je me triturais les méninges pour décrire l’affrontement entre les troupes ducales et les forces du chaos, j’avais fini par m’atteler à deux versions de la bataille. Au final, une seule a survécu, l’autre n’a pu être menée à son terme.

La première est la version homérique, racontée comme une épopée. La seconde, et je l’avais pourtant bien en tête, aurait consisté à présenter un tableau qui décrivait aussi la chute du Faucon. Je trouvais qu’il aurait été intéressant d’essayer de mettre ainsi les choses en perspective, à la façon de ces artistes qui ont peint toutes ces fresques parsemant nos livres d’histoire. Il y avait beaucoup de matière à travailler : le trait, les couleurs, les personnages, les postures, ces regards qui n’appartiennent qu’aux portraits, les mouvements figés, et qui donnent un je ne sais quoi de vivant et saisissant quand on contemple ces tableaux. C’était une gageure mais la marche était trop haute pour moi !

Je voulais aussi que cette épopée soit complètement décalée dans le temps. Le monde où elle se passe est la Terre située dans un passé incroyablement ancien, bien plus ancien que ne l’admet aujourd’hui la science. Et les rouleaux qui l’ont préservée ont été découverts par des hommes vivant sur une Terre encore bien plus différente, très éloignée dans notre futur. Une Terre où la géographie a été bouleversée par la dérive naturelle des continents ou par des circonstances exogènes. Aussi, un Océan OURAL s’étendrait du nord de la Finlande aux contreforts de la haute vallée du Nil au sud. Donc, quatre Terres : celle où se déroule la légende, celle où est chantée l’épopée, celle où ont été découverts les rouleaux, sans compter la nôtre située entre les deux précédentes !

J'avais d'abord retenu Thucydide en lieu et place de Bochco (réalisateur américain qui a notamment tourné la série TV « Over There » narrant les tribulations de fantassins US durant la guerre d’Irak). La Guerre du Péloponnèse fut l’un de mes livres de chevet quand j’étais jeune ado, cela fait bien longtemps à présent!

Hélas, là où tu vois du positif, je ne voyais moi que lourdeur et maladresse. Disons, pour essayer de me justifier, qu’il me semblait délicat qu’une brochette des plus éminents poètes et linguistes n’ait pas tenté de "rendre justice" à cette épopée, au mieux de leurs talents!

En réalité, je suis un habitué du « redacted », ces multiples corrections que je ne vois qu’une fois que le texte est posté. Je ne conserve jamais les versions antérieures et donc, je n’ai pas la version pré-edit.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-10 15:04:45 

 Les fourmis ont changé!Détails
Autrefois, elles n'étaient pas prêteuses... Mais l'évolution leur a fait du bien. Maintenant elles impriment les textes pour mieux les lire... Et elles conservent précieusement les originaux. Bon, après il leur faut les retaper pour les envoyer... Mais à coeur de fourmi rien d'impossible!
Narwa Roquen, qui a sauvé les précieux rouleaux, yes!

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2012-09-19 09:42:40 

 Exercice, 109, Participation, MaeglinDétails
L'heur ou l'ondine

Où l'on retrouve le Margrave dans un de ces fameux voyages qui ne mènent à rien

Les premières giclées de sang répandirent une odeur cuivrée dans la souille. Adossé contre le mur en chaux, Le Margrave ne pouvait départir ses yeux de la seille de bois qui se remplissait de liquide grenat par saccades de moins en moins régulières.

Un seau de ferme. C'était là, selon les expériences des mages, le contenant idoine pour recueillir le fluide vital d'un être humain jusqu'à sa dernière goutte, peu importe que celui-ci fût tire-laine, seigneur ou prélat. Jamais à l'abri d'un bon mot, Le Margrave se prit à penser que ces histoires de sang neuf finissaient tôt ou tard en eau de boudin et que, quelle que fût l'énergie que les êtres déployaient pour se prémunir d'une vie morne et sans relief, ils remettaient à une forme de postérité charcutière que les plus pompeux appelaient « histoire » l'utilité et la saveur réelle de leurs existences.

A quelques détails près, cet étrange rituel lui évoquait les longues saignées que lui administrait Anselme afin de le soulager de ses crises d'apathie. Il avait conclu depuis quelques étés un accord avec le moine supérieur qui lui permettait de bénéficier des soins prodigués par la communauté religieuse en échange de menus services tels que la chasse et la protection armée. De part l'isolement de la fraternité, il apportait également des nouvelles de l'extérieur et était chargé lors de son départ de plusieurs courses ou messages à destination des édiles locaux.

Agenouillé sur le thorax du verrat, le jeune porcher fit dégorger du corps quelques onces supplémentaires de raisiné écarlate en faisant tournoyer une patte dans un salut absurde signant la fin du premier acte.

Tant pour freiner la métaphore funeste qu'accélérer sa digestion, le Margrave entreprit de rejoindre la salle capitulaire en traversant le quartier des convers. La petite communauté croulait sous un amoncellement de vivres qui contrastait avec le dénuement architectural et la vocation spirituelle du lieu. Il fallait certes toquer chaque heure durant une décade à l'entrée du domaine pour y être reçu puis méditer en silence durant treize lunes la règle monastique afin de revêtir la bure, mais on se débarrassait alors de l'encombrante charge de sa destinée. Dans leur infinie bienveillance, les divinités avaient su prodiguer en abondance du labeur pour les plus idiots afin que les anachorètes puissent rendre pleinement grâce aux divinités éthérées sans se soucier de leurs besoins matériels.

En sa qualité de commensal, le Margrave passait outre cette hypocrisie que sa présence entretenait. Mis à part les soins corporels dont il bénéficiait, il ressentait le besoin de la sévérité silencieuse de la lumière sur le calcaire brut, de reposer ses cals en ablutions quotidiennes à la fontaine du cloître dont le clapotis discret n'était couvert que par les polyphonies des moines qui rythmaient chaque heure de la journée et de la nuit. Ces longues résonances harmoniques, ce rappel continu et nécessaire que pouvait exister une forme de cohérence apaisait chez lui le douloureux sentiment qu'où qu'il fût, il n'était que de passage.

L'ermite Anselme l'accueillit froidement dans le chapitre, désignant à son attention les rochers polis de la partie non construite de la salle. De la douzaine de moines lettrés qui composait la communauté cénobite, seuls deux frères attendaient une audience avec le Haut-Chanoine. C'était le seul moment, hormis les chants et des prières, où la parole était tolérée dans l'aile consacrée à la vie spirituelle.

Lorsqu'il en eût terminé avec les confessions de ses coreligionnaires, Anselme le fit pénétrer dans un laboratoire où flottait une lourde odeur d'encens. Le Margrave se dévêtit et s'allongea sur la petite table en pierre tandis que le moine réactivait le petit brasero et apprêtait ses carafons. Leur rituel voulait que la conversation ne débutât qu'après les premières succions, une fois les premières sangsues au travail.
« - Voilà bientôt une lune que je vous soigne, mon ami. Comment vous sentez-vous ?
- Je ne sais pas à qui de vous ou de ces bestioles je dois rendre grâce, frère Anselme, mais ces séjours me font le plus grand bien.
- J'ai pourtant peur de n'avoir aucun remède contre votre plus grand mal... »
Une morsure soudaine tirailla le dos du Margrave. Il répondit dans un soupir. « L'absence de foi... mon ami... est à la fois une tare et une bénédiction. Une forme un peu spéciale... de cadeau des Dieux. 
- Seigneur Margrave, laissez donc la théologie à ceux qui se sentent concernés, s'amusa Anselme en permutant quelques bocaux. Ces sangsues vous tireront peut-être quelques humeurs biliaires, mais votre salut ne se trouve pas dans ces murs bâtis pour les âmes simples. Avez-vous songé à la rumeur que je vous ai reportée la dernière fois ?
- Quelques rôdeurs retrouvés morts en pleine forêt... Non que je rechigne à vous rendre service, frère Anselme, mais votre histoire de bête sanguinolente aux étranges vertus bienfaitrices relève plus de la fable paysanne que de la quête ésotérique !
- Notre communauté, insista le chanoine, est persuadée que le pacte conclu avec les entités ancestrales qui peuplaient les collines alentour il y plus d'un siècle par San Remeggio, notre bienheureux fondateur, confère à notre fratrie des facultés médicinales uniques... au prix de quelques victimes que les créatures prélèveraient pour leurs rituels obscurs. Je ne suis pas dupe, mon ami, je sais mieux que quiconque que mes pouvoirs de guérison résident essentiellement dans la bouche de ces petites sangsues et une pharmacopée vieillissante... mais qui mieux que vous, Margrave, pour vous jouer des imbroglios entre les mythes et les réalités ?  Il ne se passe pas une lune sans que les villageois ne reportent une disparation ou un cadavre de voyageur retrouvé lors d'une cueillette. On raconte ici ou là que les protecteurs divins désertent notre région, et que les rituels d'un autre temps prennent le dessus sur nos prières...

Le chanoine retira une à une les sangsues du dos du Margrave et lui appliqua un linge chaud imbibé d'une teinture jaune et odorante qui le soulagea immédiatement des dernières démangeaisons. Une forme d'embarras silencieux avait fait suite à la demande tacite d'Anselme, à laquelle Le Margrave n'avait pas daigné répondre.

En cela comme en toutes choses, il réservait ses décisions. Attendait patiemment l'évidence ou le hasard qui, en familiers lunatiques, ne manquaient jamais une occasion de fuir lorsqu'il les invoquait de manière trop pressantes. Aussi, lorsque son pied heurta quelques jours plus tard une besace maculée de sang à quelques pieds de l'endroit qu'il avait choisi pour placer ses collets, il eut un léger sourire et se tourna vers le monastère qu'on distinguait en contrebas pour adresser une réponse muette au frère Anselme. « Je crois, mon ami, que je suis sur une piste. »

Le corps n'était pas bien loin. Contorsionné, livide, ne dégageant qu'une faible odeur de putréfaction. Les plaies béantes se concentraient vers l'aine et les aisselles, et le cou était déchiré de part en part, faisant pendre la tête dans un angle improbable. La scène recelait à la fois trop d'élaboration et de brutalité pour être le fait d'une bête sauvage ou d'un homme. Avec une légère pesanteur dans la poitrine, le Margrave sut d'instinct qu'il fallait chercher ailleurs.

Le sac ne lui rendit que quatre grives parfaitement faisandées et une poignée de piécettes, ainsi qu'un vieux couteau de braconnier dont il se débarrassa sans regret. Il retrouva par acquis de conscience les traces du rôdeur près de l'arbousier où avaient disparu ses pièges, mais ne put déceler d'autres indices. Le soleil montait du Levant, réveillant les odeurs de garrigue. Le Margrave prit une ample respiration, puis se détourna résolument de la lumière naissante pour débuter sa marche. Du monastère, un jeune convers qui regardait vers la colline jura qu'une grande silhouette brune s'était évaporée dans l'aurore.

Il poussait vers l'Ouest. S'il avait dû expliquer à un compagnon de voyage où il se rendait, le Margrave aurait répondu qu'il ne connaissait pas le chemin, mais qu'il savait la direction. « Continue jusqu'où n'existent plus de cartes, et marche encore un peu ». Chaque fois qu'il remplissait sa gourde aux maigres résurgences d'eau qui perlaient entre deux plateaux arides, le Margrave se tournait de nouveau vers le monastère désormais invisible. Par réflexe d'abord, puis peu à peu comme un besoin de ne pas se couper du monde. Le deuxième jour, il lui avait semblé encore entendre une mule. Le râle s'était perdu dans le vent sec qui depuis accompagnait sa route.

Il fallut encore marcher, jusqu'à ce qu'une journée ressemblât suffisamment à une autre et que le temps ne fût plus un problème.

Elle était assise sur le rocher à quelques pas de lui et peignait ses longs cheveux clairs lorsqu'il se réveilla.
« Sais-tu que tu es le premier à boire aussi près de la source ? » Le Margrave peinait à ouvrir complètement les yeux. Il reconnaissait pourtant le petit vallon parsemé de cistes dans lequel il s'était assoupi, au milieu des aiguilles de pin près d'une grande roche.

« Tu ne sais pas non plus que je t'ai appelé Naanu pour cette raison, et parce que mes soeurs ne t'en connaissent pas d'autres. Ce n'est pas très poli de cacher son nom ! Je m'appelle Belodh, mais tu vas probablement m'appeler Ondine, car c'est plus ou moins ce que je suis. Et maintenant que tu es debout – Le Margrave se levait péniblement, rassemblant ses esprits – je voudrais que tu me suives. » Hagard, le voyageur rassembla ses affaires et à peine eût-il remisé celles-ci dans son sac qu'une main fraîche saisit la sienne pour l'entraîner.

« Je déteste rester immobile ! » Vêtue d'un tulle gris bleu, l'ondine sautillait sans peine là où Le Margrave trébuchait péniblement. Rapidement essoufflé par le rythme que lui imposait la créature et passablement agacé par ce réveil un peu trop actif à son goût, il abandonna la main de Belodh qui, en lui adressant un large sourire, se mit à virevolter autour de lui.

« - Pour répondre à ta question, Belodh – il avait choisi à dessein le véritable nom de la créature – je me doutais bien qu'arriverait un moment où je serai confronté à quelque étrangeté. C'est... comment l'expliquer aimablement, un trait redondant de mon personnage que de m'infliger régulièrement des rencontres saugrenues avec des êtres dont la plupart de mes contemporains ignorent jusqu'à l'existence. Il m'est arrivé de vexer des démons pour des questions protocolaires, de serrer la paluche à des quidams vieux de plusieurs millénaires et même, une fois, de jouer une partie de dés contre la Chance elle-même. Que je ne sois pas surpris outre mesure par les bavardages matinaux d'une nymphette à moitié nue qui débarque au milieu de rien est envisageable, qu'elle m'affuble d'un nom bizarre pourrait même passer, mais pour la balade mystérieuse en sa compagnie il va tout de même falloir, dussé-je paraître inconvenant, être beaucoup plus clair.
- Comme de l'eau de roche ? » Elle éclata de rire. Et au fond de lui, Le Margrave s'en voulait de ne l'avoir pas vue venir.

« Tu me plais, Naanu, quand je te prends au dépourvu. Les autres, Anselme et toute la clique de ton espèce, ils n'osent même plus le faire. Et parce que tu n'as pas peur de nous, ils ont peur de toi maintenant. Sais-tu que tu es le premier à boire aussi près de la source ? » Le Margrave tentait d'accrocher ses yeux bleus foncés qui prenaient la lumière.
« Ah oui, tu me désires aussi. Je suis faite pour ça, tu sais, nous avons chacun un rôle bien défini, il faut que tu te dépêches, je t'emmène à la source. »

Ils suivaient, à contre-courant, les minces filets d'eau qui fendaient les collines. Et parce qu'il n'avait d'autre choix que de se laisser porter par l'ondine, le Margrave fut léger de ses babils, des caresses vers sa nuque qui cuisait au soleil et de des lèvres humides de Belodh qui s'interposaient lorsqu'il désirait boire.

Ce que dura ce temps, le Margrave ne s'en souvint que bien plus tard. Il se savait juste être quelque part, entre un monastère à la frange des terres connues des hommes et un monde improbable, qui reculait sans cesse et l'appelait pourtant. Il savait aussi que les routes n'existaient que vers quelque chose, quelle que fût la longueur et le prix du voyage. Cette destination, dans nos géographies intimes, marquait indifféremment le début et la fin de la route.

Les stridulations des insectes annonçaient le repos d'une autre journée chaude. Elle sentait le fenouil et les genévriers, peut-être un peu le thym. La main de l'ondine s'était lovée dans la sienne lorsqu'ils avaient franchi les pins. Il crut d'abord à un reflet du soleil couchant dans la petite mare bordée de lauriers rose.

Le lac était de sang.

« Il fallait que tu saches. », lâcha Belodh de sa plus petite voix. Réprimant un haut-le-coeur, le Margrave s'agenouilla lourdement devant la mare écarlate. L'ondine se mit face à lui puis recula lentement, jusqu'à ce que ses chevilles nues fussent immergées.

« Le moine aussi, il savait. San Remeggio, je crois, mais je l'ai aussi appelé Naanu. Il n'a pas bu à la source. Il voulait la magie pour guérir les blessures et moi, Naanu, j'ai besoin du sang pour donner la magie. J'ai protégé la source, je ne lui ai pas fait boire le sang neuf. »

Le tulle flottait autour de ses cuisses tandis qu'elle reculait encore, sans cesser de regarder Le Margrave de ses yeux bleus mouillés de larmes.

« Mais toi tu peux boire, Naanu, parce que tu ne peux pas guérir. Il faudra que tu me tues ou que tu me pénètres, mais il y aura encore du sang. Il y en a toujours au début et tu meurs, Naanu, tu meurs car tu n'en auras jamais assez. Ce que tu cherches quand tu viens vers nous, c'est toujours le sang. D'un père que tu assassines, d'une mère que tu violes, d'une blessure que tu t'infliges.»

L'onde rouge jetait des vaguelettes sur sa poitrine pâle et ses longs cheveux clairs s'imbibaient de grenat. Elle sembla se figer.

« Tu es à contre-courant, Naanu, ne t'attends qu'à souffrir et n'avancer que par à-coups. Il n'y a rien à trouver d'autre par ici que des vérités mouvantes qui n'abreuvent jamais. L'histoire que tu veux écrire, d'autres l'ont déjà écrite pour toi, là-bas au monastère, parce qu'ils sont dans le fil de l'eau quand tu t'épuises à remonter sa source. Viens goûter au sang neuf, Naanu, viens vérifier par toi-même qu'il ne guérira rien. »

Le Margrave s'était dévêtu. Tout son corps se tendait vers Belodh, un désir fou lui intimait de briser ses entrailles, de boire à pleine bouche le sang qui s'ajoutait au sang, de s'y noyer encore et de n'en plus sortir.

« -Tu auras encore envie de moi demain. Comment vas-tu t'y prendre ?
- Je te chercherai, toi et tes soeurs.
- Nous nous cacherons plus loin encore. »

Un frisson lui parcourut l'échine lorsqu'il reprit connaissance. Trempé, il rampa vers ses vêtements froissés sur la berge et entreprit de s'essuyer avec sa chemise. Dans la fine brume du matin, le silence des animaux laissait le clapotis de la source envahir tout l'espace. A travers la limpidité parfaite de l'onde, le Margrave contempla un long moment les oxydes et les hématites rouges qui recouvraient les roches de la mare. Les premières lueurs de l'aube l'eurent bientôt séché complètement. Il emplit sa gourde d'eau pure, l'engloutit tout à fait, puis la remplit de nouveau. Une petite voix claire lui chantait qu'il était le premier à boire aussi près de la source.


Quelques années plus tard, le Margrave tomba par hasard sur une copie des chroniques d'Anselme, Haut-Chanoine de la Fraternité. Elles racontaient comment, après que les disparitions et les meurtres eurent considérablement diminué durant l'été de son passage, une petite expédition de convers à la recherche d'un chasseur disparu avaient découvert à plusieurs jours de marche la source ferrugineuse qui alimente le monastère et le rend si propice aux guérisons miraculeuses. La source fut baptisée San Remeggio, en mémoire du fondateur de la bienheureuse communauté, et il est précisé à l'attention des sceptiques et des mécréants que lorsque l'été se fait particulièrement accablant, l'eau de la fontaine du cloître prend durant plusieurs jours une étrange teinte brunâtre qui disparaît aux premiers froids.

Ce soir-là, à l'auberge, le Margrave se fit servir une assiette de charcuterie, ainsi qu'une belle part de boudin poché.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2012-09-27 23:56:40 

 Commentaire Maeglin, exercice n°109Détails
Comm Maeglin 109




Revoici le Margrave dans une nouvelle aventure. Ca faisait longtemps, mais rien à dire, il se ressemble ! Ton héros cultive l’ambiguïté comme d’autres le cannabis. Désabusé jusqu’à la limite de l’humour ( la politesse du désespoir), il se laisse mener par le hasard dans une quête qu’il n’est pas sûr de pouvoir nommer. Il a le côté romantique des dandys du XIX° siècle, entre Baudelaire et Oscar Wilde, partageant avec eux une forme de spleen raffiné et oisif où le sexe et la mort se partagent la scène.
L’histoire est métaphorique à souhait, mais la boucle se referme sur elle-même. Le sang, omniprésent, frais ou cuit, humain ou porcin, image de vie ou de mort, est soustrait ou ajouté pour que les comptes s’équilibrent au zéro, que seuls les comptables vénèrent. Et tout est à recommencer.
Le 2° paragraphe est géant ! Ton style y atteint son apogée, en particulier avec cette « postérité charcutière », association improbable qui va une fois de plus régaler tes lecteurs.


Bricoles :
-sans que les villageois ne reportent une disparation : faute de frappe
- lorsqu’il les invoquait de manière trop pressantes : idem
- mes soeurs ne t’en connaissent pas d’autres : autre
- rassemblent ses esprits... rassembla ses affaires : répétition
- où je serai confronté : serais
- qui cuisait au soleil et de des lèvres humides : faute de frappe
- quand tu t’épuises à remonter sa source : à sa source



Ce texte est excellent. Autant par ton style si personnel que par ta manière de présenter l'intrigue, et aussi par ton art subtilement félin de manger la crème sans te salir les moustaches. Et je ne doute pas qu’il soit méritoire. J’espère que tu as pris autant de plaisir à l’écrire que nous à le lire. Le plaisir est une source de joie, mais il est éphémère, il peut nous asservir et nous endormir. Mais le désir, lui... c’est l’essence même de la vie. Et je suis sûre que tous les Faëriens ont comme moi le désir intense de te lire à nouveau !
Narwa Roquen, être en retard et avancer quand même, c'est de la magie!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2012-09-29 16:15:50 

 Au nom de la prose.Détails
En effet, il flotte sur ces lignes le même parfum de mystère surnaturel que celui qui s’étendait sur l’abbaye perdue dans les montagnes. Et le Margrave possède cette intelligence distanciée qui a tant tourmenté le sage Guillaume de Baskerville. Bien sûr les crimes frappent à l’extérieur de l’enceinte monacale et c’est une jolie nymphe qui attire à elle les marcheurs imprudents.

Comme Narwa l’a fait remarquer, c’est une histoire d’eau et de sang. Finalement, l’eau et le sang ne forment-ils pas l’essentiel du véhicule dont on se sert pour voyager d’un bout à l’autre de l’existence ? La belle naïade qui séduit le Margrave échange l’un pour l’autre et c’est le soleil matinal qui apporte la réponse à l’énigme du lac de sang. Bien vu. La distanciation transpire des considérations charcutières.

La narration est fluide et agréablement équilibrée. La richesse du vocabulaire ajoute également une dimension esthétique et onirique. J’aime bien l’absence de justification et d’explications rationnelles qui nuiraient à cette élégante enquête en mode mineur. Le détective est conduit par la main du coupable qui à la fin l’éconduit ! C’est une histoire qui ressemble à ces enluminures ornant les livres saints.

Au rayon des bricoles :

- Il ne se passe pas une lune sans que les villageois ne reportent.. : sauf si tu l’as fait intentionnellement, je soupçonne là un anglicisme (weather report : à l'attention des moins jeunes, super groupe de jazz-rock. En français, c'est plutôt le verbe « rapporter » (au sens de rapport).

- ... la communauté cénobite : redondance, cénobite voulant dire celui qui vit en communauté.

Ah oui, j’allais oublier : « Penitenziagite ! »

M

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