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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 17 novembre 2011 à 22:20:53
CHAPEAU BLANC



« Cannelle, cardamome, curcuma, cumin... et coriandre ! », sourit Delizia en se léchant les lèvres. « Et un peu de gingembre frais pour corser le tout. »
Elle remua le contenu du grand chaudron de cuivre avec sa longue cuiller en bois de cerisier, et redressa d’un index machinal son chapeau blanc qui avait toujours coutume de glisser sur son front.
« Alors... pour commencer, la mousse de citrouille aux cèpes et les oeufs ; le civet de cuisse de dragon aux épices, et en dessert glace à la corne d’auroch et aux cerises confites... »
Elle jeta un oeil sur la grande pendule qui surmontait le confiturier, et gémit :
«Déjà ! Mais où est-ce qu’ils caracolent encore ? Nom d’un cochon confit, les mulots, ici tout de suite ! »
Une dizaine de petites souris entrèrent aussitôt au pas de course, portant toutes un minuscule chapeau blanc entre les oreilles.
« Pardon, Delizia...
- C’est Pendragon...
- Il nous barrait le chemin !
- Il voulait nous croquer !
- On l’a un peu chahuté...
- On espère qu’il a compris ! »
Delizia fronça le sourcil, en contemplant les mulots qui grimpaient sur la grande table et se mettaient en rang au garde à vous. Elle disposa devant chacun une grosse pomme de terre épluchée, et méfiante, demanda :
« Vous n’avez pas tué le chat ?
- Heu... probablement...pas... »
Elle bondit dans la cour, courut à l’ancien abreuvoir, où le matou se débattait dans un fond d’eau croupie, incapable d’accrocher le bord. Elle le souleva par la peau du cou.
« Te voilà propre ! C’est consternant ! File te sécher devant la cheminée, et je te préviens, la prochaine fois que tu touches à un seul de mes cuistots, je te transforme en confit de canard ! »
Les souris étaient toujours immobiles.
« Et vous, qu’est-ce que vous attendez ? Creusez ! Vous avez cinq patates chacun ! Concentration, constance et célérité ! Le premier qui cancane ou qui conteste je le confie à Pen’ ! »
Les marmitons s’attaquèrent vaillamment à leur tâche ; au fur et à mesure la cuisinière disposait les pommes de terre creusées dans deux grands plats et y répartissait la farce : foies de cygnes, carottes et céleris hachées menu, baies de canneberge et noix de cajou. Une bonne mesure de cannabis, trois pincées conséquentes de yohimbine, une petite cruche de vin cuit d’Archalasie, et... ah oui, une cuiller à soupe de piment d’Estafette.
« Allez, allez, on s’active ! Après, vous avez cinq kilos de cerises à dénoyauter ! Les gnomes, le couvert ! Les Sylphides, remplissez les carafes d’eau, allumez les cheminées, préparez le cocktail ! Quoi ? NON ! Je vais te couper les oreilles, Frénéa ! Un tiers de liqueur de caïman, un tiers, pas un quart ! C’est pas compliqué ! Et n’oublie pas le curaçao et l’extrait de capucine ! Alors, les griottes, ça vient ? Garris, les serviettes ! Doram, le couteau se met à droite, sauf pour Maître Fulgur qui est gaucher. Où il se met ? A sa place, bien sûr ! En bout de table, côté Sud. C’est la coutume ! N’essaie pas de me faire craquer ! Si tu me cherches, je te chaufferai le cul du bout de mes bottines en cuir de chevreau ! Et tu pourras chouiner que ça n'y changera que couic!»
La cuisine s’immobilisa dans un silence consterné. Même le feu sous le chaudron hésita à brûler encore, mais craignant la colère de la maîtresse queux s’il s’éteignait, se cantonna à une combustion discrète et silencieuse. Maîtresse Ouragane, Grande Capitaine du Consortium du Nord, venait de pénétrer dans l’antre culinaire, dans un bruissement continu de longues étoffes noires et parfumées.
« Eh bien, Delizia ? Tout est prêt ? Nos invités seront là dans une heure !
- Ca suit son cours, votre Grâce. Je serai à l’heure.
- Bien. Je peux connaître... le menu ? »
Delizia secoua la tête.
« Votre Grâce, vous savez bien que ce n’est pas possible. C’est le Secret des Cuisines, l’honneur de notre Confrérie...
- Je sais, je sais... », marmonna la Sorcière en tentant de cacher et sa déception et le chatouillis voluptueux qui agaçait ses narines. « Mais le règlement aurait pu changer... »


La grand salle se remplit d’un coup. Vingt et un sorciers et sorcières du Nord, vingt et un sorciers et sorcières du Sud. Réunis, après tirage au sort sur le lieu du colloque, pour négocier la possession d’une petite île qui venait de surgir des flots à égale distance des deux continents. En les observant par la porte entrouverte afin de faire son entrée au moment propice, tandis que les Sylphides servaient l’apéritif, Delizia se disait qu’ils étaient, quoique ennemis depuis toujours, relativement peu différents. Oui, les femmes du Nord laissaient leurs cheveux libres alors que celles du Sud les nouaient de diverses manières. Certes, les hommes du Sud portaient sur leur tunique des ceintures hautes et cloutées, tandis qu’au Nord la mode était de laisser les vêtements retomber sans contrainte. Mais leurs grands chapeaux noirs étaient en tous points semblables, et les uns comme les autres étaient persuadés d’être les plus puissants. Une gorgée, deux gorgées, quelques regards explorant l’alentour... C’était le moment. Elle souleva le grand plateau couvert d’amuse-gueules et prit une profonde inspiration avant de pousser la porte avec son dos.
« Bonsoir, Vos Seigneuries ! Pour agrémenter le cocktail de bienvenue et réveiller vos papilles avant le dîner, voici quelques mignardises de mon crû : queues de scolopendres confites sur canapé, brochettes de scorpion à la sauge et au romarin, coupelles de cervelle de caméléon au caramel d’animelles de castor, crumble de crabe aux courgettes et à la coriandre fraîche et petites saucisses tièdes de croupe de girafon... »
Des « oh », des « ah », des sourires concupiscents, quelques applaudissements de ceux qui savaient comment laisser leur verre en suspension. Quelle que fût l’issue des âpres discussions, il n’y aurait pour elle que bienveillance et compliments – sauf si elle avait été trop sotte pour les mériter. Une fois de plus elle se félicita d’avoir suivi cette carrière. C’était toujours elle qui avait la meilleure part.
Son coeur s’emballa un instant quand son regard croisa celui de Firmamis, le bras droit de Maître Fulgur. Delizia n’était pas une cane blanche. Elle savait bien que son charme ténébreux, ses longues boucles brunes, ses yeux immensément céruléens et l’aura que lui conférait son pouvoir incontesté avaient fait chavirer toutes les femmes qu’il avait convoitées et dont il se jouait impunément. Le sourire câlin qu’il lui adressa en prélevant une coupelle de son plateau semblait être une invitation muette, presque une promesse. Semblait. Presque. Delizia esquissa un soupir, et se concentra sur sa tâche. Il en est de certains hommes comme de certains fruits. Leur aspect est des plus tentants, mais quand on les ouvre ils sont pourris au coeur et leur consommation est toujours néfaste.
« Allons, je vais m’occuper des entrées. »
Maîtresse Ouragane fit asseoir les convives, et les Sylphides commencèrent à emplir les verres. Fulgur, en connaisseur, huma le bouquet du liquide citrin.
« Hum... Saute-Ernest... Six ans d’âge... Un bijou... »
Delizia, le torse bombé, précéda la cohorte des serveuses qui portaient les assiettes.
« En entrée, cassolette de mousse de citrouille aux cèpes et brouillamini d’oeufs de griffon aux truffes noires du Père Igor. Permettez-moi de souhaiter à Vos Seigneuries un bon appétit et une digestion légère, et que ce modeste repas inspire vos échanges de la plus douce des manières.
- Merci, Delizia », rétorqua Maîtresse Ouragane manifestement contrariée.
- Merci, chère Delizia », ajouta Maître Fulgur avec une malice cordiale. « Nous te sommes tous reconnaissants de la peine que tu as prise, autant qu’admiratifs de ton art incomparable. »
Un sourire, un signe de tête, s’éclipser. Son Maître Bocusias avait toujours insisté sur ce point.
« De la dignité, de la courtoisie, mais jamais un mot de trop. Ils sont venus dîner, pas écouter ta conversation. »
Néanmoins, elle amplifia son audition pour entendre ce qui se disait dans la salle.
« Toutes mes excuses », maugréa Maîtresse Ouragane. « C’est une excellente cuisinière, mais elle est un peu trop cérémonieuse.
- Mais c’est un cordon-bleu hors pair », répondit courtoisement Maître Fulgur. « Et une sommelière de grande classe. Si vous vous en lassez, je ne serais que trop heureux de lui proposer un contrat.
- C’est divin ! », soupira une sorcière du Sud. « Si délicat, si parfumé...
- Extraordinaire !
- Jamais dégusté une telle perfection...
- Et ce vin... Du bonheur liquide ! »
Puis le silence tomba, rompu par le cliquetis des couverts, les grognements satisfaits et le tintement des verres.
« S’ils se taisent », professait Maître Bocusias, « c’est que c’est bon. »
Delizia brandit le poing en signe de victoire et retourna à son ragoût.


« Mes chers amis », grinça Maîtresse Ouragane, du ton avec lequel elle aurait pu dire « bande de crapules maléfiques », « je pense qu’il est temps de commencer notre discussion. L’île innominée, qui vient d’émerger entre nos territoires, est certes équidistante des deux, néanmoins son vent dominant vient du Nord, et il me semble donc, sans contestation possible...
- Pet de coucou! », contre-attaqua Maître Fulgur dont les yeux lançaient des éclairs. « Le sable qui en orne les côtes est le même que celui de nos dunes. Les grèves du Nord sont couvertes de galets !
- Mais on y trouve des cèdres, des chênes et des cyprès... Pas de cactus ni de cocotier !
- Voilà une contre-offensive des plus cocasses !», constata Firmamis avec un rictus carnassier, lui dont les cancaniers disaient qu’un de ses maîtres était un cobra aux crochets venimeux.
- « Je ne me laisserai pas conspuer sous mon propre toit ! », clama Maîtresse Ouragane.
C’est le moment que choisit Delizia pour quitter les communs, un sourire candide aux lèvres, et les convives aussitôt calmés se concentrèrent sur l’évènement capital du dîner : le plat principal.
« Civet de cuisse de dragon aux épices et pommes de terre farcies aux foies de cygne, avec une petite salade de cornette au vinaigre de cachalot...
- Du dragon ! Par le Cornu ! Mais comment...
- J’ai l’insigne bonheur d’avoir un frère chasseur...
- De la cornette ! Ce n’est pas possible, elle ne saurait croître sous nos climats !
- Hem... Mon Maître Bocusias, que la Magie ait son âme, avait su constituer un réseau commercial extra-planétaire... »
Murmures, exclamations, le ballet des Sylphides, le vin rouge égayant le deuxième verre, Maître Fulgur claquant de la langue :
« Par les Sept Cercles ! C’est du Côtes d’Eclair ! Mon vin préféré ! J’en suis le principal éleveur du Sud... Mais par toutes les Furies de toutes les Vengeances, le mien n’a pas autant de corps !
- Votre Seigneurie m’honore », s’inclina Delizia en battant en retraite, l’oeil courroucé de Maîtresse Ouragane braqué sur elle.
- « Du dragon ! C’est inouï !
- Prodigieux ! La cuisson de la chair est parfaite, et ce parfum capiteux...
- Des foies de cygnes... Tant pis, demain j’aurai pris un kilo, mais pour une caisse d’or je ne renoncerais pas à ce bonheur exquis !
- Ni moi pour une tonne de diamants !
- De la cornette ! Une folie ! Cette douceur croquante avec le moelleux du ragoût... Cette fille est géniale, géniale... »
Delizia se trémoussa de plaisir.
« Ca a marché ! », exulta-t-elle. « Bon, attention, maintenant il ne faut pas rater le final... »


« Il est certain qu’une concertation serait plus profitable qu’un conflit », proféra Maîtresse Ouragane, déjà moins catégorique.
- Je suis sûr que nous pourrions coopérer confraternellement pour en exploiter les ressources de concert, et en retirer de confortables dividendes...
- Un consensus serait complètement à notre honneur, Maître Fulgur », ajouta Firmamis dont les yeux commençaient à cligner sans aucun contrôle.
- Mais on dit qu’hormis du sable et des palmiers...
- Ouragane, ma très chère, c’est un challenge que nous aurons en commun, clairement une chance que nous devons chérir ! Nous pourrions... allons, mes chers collègues, c’est le moment de croire à vos chimères !
- Un parc d’attractions !
- Un centre de remise en forme !
- Un élevage de chevaux !
- Une réserve d’animaux sauvages, avec des chameaux !
- Le plus haut gratte-ciel du monde !
- Une école de chorégraphie !
- Un cimetière pour chiens !
- Un cirque !
- Un complexe touristique ! »...


« Quel changement depuis le début du repas ! », se congratula Delizia. « Ils ne se crêpent plus le chignon, ils sont à deux doigts de se cajoler sans aucun cynisme ! Voyons si je peux gagner mon dernier combat... »
La cohorte des Sylphides changea les assiettes, tandis que les accents d’un cha-cha-cha coquin rythmaient en sourdine leurs gestes gracieux.
« Pour votre dessert, Mes Seigneurs, je vous propose l’alliance du feu et de la glace : sorbet de corne d’auroch au coulis brûlant de cédrat, parsemé de cerises confites, sous une pluie de pétales de campanules et de fleurs de clémentines... avec bien entendu ma célèbre cascade de champagne ! »
Les applaudissements firent trembler les murs de l’immense château. Qui n’avait jamais vu la cascade de Delizia n’était qu’un cossard calamiteux ! A mi-chemin entre la table et le plafond, en une suspension parfaitement contrôlée, dix jéroboams déversaient un flot continu du précieux vin pétillant, importé par le Diable seul savait comment – et par les soins de la Chapeau Blanc ; la merveille liquide, qui se teintait au passage de toutes les couleurs de l’arc en ciel, rebondissait en chantant sur la pyramide de coupes du cristal le plus pur, qui carillonnait en harmoniques divines, emplissant la communauté d’une admiration aussi exaltée qu’euphorique. Souvent contrefaite mais jamais égalée, cette invention spectaculaire avait fait classer sa créatrice en tête du top cinquante des cuisiniers des deux territoires depuis plus de dix ans. Et qui avait jamais imaginé de déguster une glace à base de corne d’auroch, réputée pour ses vertus stimulantes et aphrodisiaques ? Delizia, qui avait longuement étudié le sujet, savait pertinemment que la corne d’auroch n’était qu’un leurre. Mais en revanche la poudre de cantharide qui entrait dans la composition de son dessert était constamment efficace, mais ça, c’était sa touche personnelle, son secret jalousement conservé...
L’art de la cuisine s’apparente à l’alchimie, à la peinture, à l’architecture, à la médecine et au jeu d’échecs. Il faut marier les saveurs, les couleurs, les textures, les volumes, connaître les effets de chaque ingrédient sur les organismes, et ménager ses effets de surprise, organiser ses diversions comme un stratège chevronné pour cueillir chaque consommateur dans la faille de son armure. Mais après tout, les victimes sont consentantes, et leur douce reddition ne leur apporte que du plaisir.
Bien sûr, l’éclat de la cascade ferait passer au second plan la qualité du dessert. Mais en contrepartie, ayant baissé leur garde, les convives n’en seraient que plus merveilleusement confondus. Faisant mine d’arranger un bouquet sur une commode, elle observa du coin de l’oeil Maîtresse Ouragane, toujours dépitée quand le service d’un nouveau plat lui volait momentanément la vedette. Mais elle connaissait ses civilités, et par devoir plus que par envie, plongea sa cuiller dans le chaud et froid. L’instrument de métal resta dans sa bouche plus que de nécessaire. Ses yeux se fermèrent et une demi-larme pointa à l’extrémité d’un cil.
Eh oui... Le cédrat, la clémentine... Delizia était sûre que ces fragrances la combleraient. C’était écrit en toute clarté dans la conjonction astrale de la Grande Sorcière, et elle ne négligeait jamais de se documenter sur ses clients, à plus forte raison quand il s’agissait de ses employeurs. Le pari était gagné, il ne restait plus qu’à préparer le café, qui serait servi au salon, dont les coussins rebondis avaient été parfumés par ses soins de musc et de cataire : c’était sa dernière cartouche.


Yboréal, le Grand Comptable de la Confrérie du Sud, transpirait à grosses gouttes. La Sorcière du Nord qui lui faisait face avait commencé par poser un pied nu sur sa cheville ; puis le pied était monté, monté, pareil à une petite bête curieuse et obstinée, vagabonde et pourtant précise, et ses va et vient le... lui... eh bien mais il était urgent que cette réunion se termine, parce que... parce que...
« Un grand complexe touristique pourrait être du meilleur rendement ; hôtels, restaurants, golf, tennis, massages, saunas... et ... » Il faillit s’étrangler dans son champagne, mais réussit à continuer. « Et musées, bibliothèques, cinémas, boîtes de nuit...
- J’y consens », soupira Maîtresse Ouragane, assaillie depuis plusieurs minutes par le regard flamboyant du Grand Maître du Sud, et qui crispait ses mains sur ses cuisses pour ne pas capituler avant d’avoir conclu cette négociation sans intérêt alors qu’il fallait absolument... rien qu’une fois... mais tout de suite... « Mais à condition que la responsabilité de la restauration soit confiée à Delizia, et à elle seule ; je ne saurais concevoir que sa compétence puisse être contestée dans notre communauté, et je ne transigerai pas sur ce point...
- Tout ce que vous voudrez, très chère », haleta Maître Fulgur, au paroxysme du désir. Par toutes les chèvres lubriques, il la lui aurait bien offerte en totalité, cette île ridicule, s’ils passaient au salon immédiatement, et si...
- Alors nous pouvons rejoindre les fauteuils et les canapés, pour un moment de détente conviviale... »


Delizia avala quelques bouchées rapides de viande encore tiède, une gorgée de vin rouge, et jeta un regard circulaire sur son domaine. Tout était en ordre. Elle pouvait aller finir sa nuit ailleurs. Malgré tout, elle ne put s’empêcher de se faufiler discrètement pour contempler en catimini les conséquences de son délicieux complot. Dans le large fauteuil près de la cheminée, elle vit se trémousser dans les airs les bottines convulsées de la redoutée Grande Sorcière, entre lesquelles le corps massif du Grand Maître s’agitait frénétiquement. Le Grand Comptable transpirait toujours, en poussant des miaulements improbables, chevauché par une intrépide cavalière sur un coin de l’épais tapis de laine. Et autour d’eux, ce n’était que corps dénudés, emmêlés et jouissants, râles et soupirs, exhortations sauvages et suppliques excitées. Vingt et un coïts débridés, en paire ou en multiples, dans tous les sens, dans tous les genres...



« Alors ?
- Bien, bien. Ca te dirait de vivre au bord de la mer ?
- Chais pas. Jamais vue... T’as l’air crevée, mon p’tit loup. Décompresse, ch’te ramène cheu nous. »
Le fouet du cocher claqua dans la nuit claire.
Le trot régulier du vieux cheval la berçait de sa cadence rassurante. Elle pouvait se laisser porter en toute confiance. Ignace n’était pas un grand causeur, mais il se serait fait couper en morceaux pour elle. Certes, elle aurait pu sans peine séduire un des Grands de ce monde. Mais Ignace était jardinier, comme son père. Il savait la patience et la joie. Il savait trimer et il savait cueillir. Et avec lui, nul besoin de gingembre ou de cantharide...
Narwa Roquen, le chrono à la main,complètement ponctuelle!


  
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Réponses à ce message :
3 chapeau bas - z653z (Mer 16 mai 2012 à 00:30)
       4 Déluge! - Narwa Roquen (Jeu 17 mai 2012 à 14:30)
              5 En fait - z653z (Jeu 17 mai 2012 à 21:37)
                   6 Equipier... - Maedhros (Ven 18 mai 2012 à 10:53)
3 La grande abbuffata (*) - Maedhros (Dim 20 nov 2011 à 18:02)
3 Commentaire Narwa Roquen, WA 99 - Elemmirë (Dim 20 nov 2011 à 08:49)


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