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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 9 octobre 2011 à 19:02:00
«Quand j’étudiais encore auprès de mon Maître, celui-ci me confiait parfois le soin de dépoussiérer sa vieille bibliothèque où il rangeait ses livres les plus précieux, glanés au fil de ses recherches. Il y avait parmi eux de nombreuses éditions originales de très grande valeur et quelques ouvrages antérieurs aux Grandes Convulsions, imprimés selon des techniques disparues, comme les langues dans lesquelles ils avaient été écrits. Ceux-ci étaient inestimables. Mon Maître, Colophon, était immensément réputé et ses enseignements figuraient parmi les plus recherchés. Mon père s’était attaché ses services à prix d’or et je suis très fier d’avoir appris sous sa férule éclairée !

Un soir, alors qu’il achevait son Codex... ah ! Je me rappellerai toujours cette soirée ! La lumière diffuse et chaude projetée par la lampe qui brûlait sur le plan de travail, mon maître ployé au-dessus de la page, la concentration se lisant sur son visage, les odeurs de la nuit filtrant par la baie grande ouverte... C’était une des dernières nuits précédant mon Ramage, la cérémonie rituelle qui allait consacrer mon émancipation. Donc pendant que mon maître travaillait en silence, j’époussetais un épais volume dont le titre est resté dans ma mémoire : « Le chemin des étoiles ». Vous n’ignorez pas que nous aimons par-dessus tout étudier les mystères de la voûte céleste. Tout ce qui touche de près ou de loin à l’observation des astres nous passionne. Comme je manipulais cet ouvrage pour en chasser le dernier grain de poussière, un bout de papier s’échappa d’entre les pages. Je le ramassai et je m’aperçus que c’était le fragment d’une feuille déchirée dont les bords noircis par le feu étaient assez éloquents pour comprendre ce qui était arrivé. Quelques lignes imprimées étaient encore malgré tout visibles. Préservée par quelque miracle, une phrase bouleversa ma conception du monde et ma place au sein de celui-ci. »

Avec un art consommé de la rhétorique, le seigneur Colorado s’interrompt à cet instant. Il boit lentement une longue gorgée de vin blond. Les Cantonniers sont suspendus à ses lèvres. Bien qu’il s’exprime dans la Lingua Nostrum, la langue universelle véhiculaire, la voix du Seigneur Colorado coule comme du miel. Chaque mot semble être choisi en fonction de ceux qui le précédent pour conserver l’harmonie du rythme et des tessitures. Il ne fait visiblement aucun effort pour que ses phrases soient parfaitement équilibrées. Oui, le Seigneur Colorado est un très grand poète. Libérant la tension qui s’accumule et les coeurs qui se remettent à battre, il poursuit son récit :

«Tout d’abord, je ne compris rien bien sûr. Elle était écrite en une langue qui m’était inconnue. Cela me fascina au plus haut point. Bien sûr nous savons tous que notre monde a traversé, voici plus d’un millénaire, le feu purificateur des Grandes Convulsions, elles-mêmes suivies d’une longue ère de profondes ténèbres. Avant nous, d’autres civilisations sont parvenues à un degré de perfectionnement que nous rêvons encore d’atteindre. Leur prodigieux savoir s’est perdu avec elles. Bien peu de choses ont survécu aux tempêtes des Grandes Convulsions. Trop peu. Et en cette nuit-là, je tenais entre mes doigts un artefact d’une époque oubliée. Je ne sais ce qui me prit de demander à mon Maître de me traduire ce qui était écrit. Au ton de sa voix quand il m’a répondu, j’ai eu le sentiment qu’il attendait cette question depuis longtemps. C’est à ce moment que je compris que plus rien ne serait désormais comme avant. Ecoutez-bien car en peu de mots il y a tant à comprendre. Je vous l’affirme, moi qui ai sans doute déjà découvert plus que quiconque. Chaque jour qui passe me prouve qu’il reste plus encore à découvrir.

Cette phrase écrite en une langue morte disait simplement « Le silence éternel des espaces infinis m’effraie ! » C’était juste sept mots mais ensemble ils contenaient une sublime symphonie, une musique des sphères envoutante qui n’a cessé depuis de retentir en moi. La prononcer devant vous aujourd’hui m’émeut toujours autant.

Mon Maître Colophon, s’étant aperçu de ma réaction, s’approcha de moi. Me reprenant doucement le papier, il le glissa à nouveau entre les pages du livre qu’il remit à sa place. Puis il m’invita à m’asseoir sur le divan qui faisait face au crépuscule. Il me parla longtemps, infusant en moi les ferments qui allaient modifier toute mon existence. Moi, je regardais le télescope braqué vers les étoiles. Il m’a semblé qu’elles brillaient d’une lumière inédite, qu’elles devenaient complices. Mon maître m’expliqua avoir trouvé ce bout de page lors de fouilles menées dans les ruines ensablées d’une ancienne cité perdue, quelque part dans les Etendues Vitrifiées. C’était tout ce qu’il avait pu sauver. Il m’avoua que cette courte phrase l’avait aussi profondément troublé, l’obligeant à orienter ses travaux dans une tout autre direction. Il n’a jamais pu identifier celui qui avait pensé ces mots, son véritable auteur. La nuit était bien avancée quand il me pria enfin de le laisser pour qu’il se repose. Je soupçonne encore aujourd’hui que rien de ce qui s’est passé n’était dû au seul hasard. Colophon avait fait en sorte de me transmettre un précieux héritage. S’il était encore de ce monde, la lecture de Mon Codex lui aurait fait plaisir je pense car j’ai poursuivi fidèlement ses travaux ! »

Sylvio fait danser le vin au fond de sa coupe et penche la tête sur le côté : « Seigneur Colorado, est-ce une façon élégante et courtoise d’éluder ma question ? »

Le Seigneur Colorado sourit et qui peut tenir rigueur à un enfant de l’Ouest qui sourit si délicieusement ?

«Nos terres sont interdites et je ne puis en dire beaucoup en ce domaine. La route est fermée à tout autre navire que les vaisseaux blancs aux voiles bleues. Vous ne devriez pas tourner vos pensées vers mon Pays. Il a été retranché de ce monde. Aucune femme, aucun enfant ni aucun homme ne pourrait y survivre longtemps. J’ai cependant répondu à votre question. Indirectement. Savez-vous que nos deux peuples partagent en commun l’appel des étoiles ? »

Sylvio est pris au dépourvu. Il sent la douce pression de la main de Sullen sur son avant-bras mais ne peut s’empêcher de demander : « Comment cela ? »

Le Seigneur Colorado attrape une grappe de raisin noir et en détache délicatement un grain gorgé de soleil qu’il apporte à sa bouche.

« Vous êtes le Conducteur du Clan des Vagabonds des Limbes et vous calculez votre route grâce à votre Astrolabe, n’est-ce pas ? »

Sylvio acquiesce, intéressé.

« Et chaque Conducteur, vous comme Ennio, dispose de son propre Astrolabe, utilisable par nul autre que lui, je ne me trompe pas ? »
Sylvio acquiesce à nouveau.

« Si je vous disais que mon peuple vous surnomme les Céphéides ? »

« Les Cé...phé... quoi? » Ennio se penche vers Sylvio. « Hé, tu savais ça ?

Sylvio lui fait signe que non.

Le Seigneur Colorado poursuit :

« Nos observations et l’étude de certaines documents pré-Convulsions nous ont appris qu’il y avait dans le ciel des sortes de balises lumineuses. Des étoiles qui brillent d’une façon singulière, de temps en temps. Les Anciens les ont dénommées les céphéides. D’après nos plus grands savants, elles ont été utilisées pour calculer des distances fabuleuses, bien au-delà de la portée de nos pauvres instruments actuels. Certains ont émis l’hypothèse que les Astrolabes des Conducteurs ont été étalonnés sur des configurations de Céphéides bien particulières qui dessinent des routes terrestres prédéterminées et incroyablement précises ! »

Sylvio pose la main sur son Astrolabe, comme pour le soustraire à l’influence du Seigneur Colorado. Il est mal à l’aise. Ennio l’est également, fronçant les sourcils et jetant un regard circonspect sur le Seigneur de l’Ouest.

« Et ce n’est pas tout ! Le mot « planète » signifiait, dans une très ancienne langue, « vagabond ». Cette notion de vagabond figure de près ou de loin dans tous les noms des Clans de Cantonniers, à commencer par le vôtre Sylvio. Vous êtes des planètes mais votre espace est circonscrit sur cette île-continent. Vous filez le long de révolutions prédéfinies et nous estimons qu’il existe un lien entre votre parcours terrestre et quelque chose qui se déroule au-dessus de nos têtes, au milieu des étoiles. Un évènement à venir semble être inscrit dans vos mouvements apparemment désordonnés. J’ai dans mes bagages, une vieille étude réalisée par un chercheur qui pourrait nous éclairer à ce sujet ! Il a collationné beaucoup de données topographiques sur les routes tracées par les Cantonniers. »

Sylvio lève la tête vers le ciel qui a retrouvé toute sa limpidité. Il ne sent plus aucune présence menaçante. Elle est déjà loin. Alors il répond au Seigneur Colorado :

« S’il est encore temps ! Mais dites-moi Monseigneur, pourquoi le silence de l’espace devrait-il nous effrayer à ce point ? »

«Ne vous demandez-vous jamais pourquoi le ciel est vide, Messire Conducteur ? »

« Jamais Monseigneur ! Peut-être parce que les Cantonniers ne le regardent pas très longtemps car ils redoutent qu’il leur tombe sur la tête ! »

« Vous vous dérobez par une pirouette Messire ! Il ne se peut que les espaces soient vides jusqu’à l’infini. Il y manque quelque chose ! »

« Comment se fait-il Monseigneur, avec tout le respect que je vous dois, que vous, un Seigneur des Royaumes Lointains, dont la puissance n’a jamais été contestée et la sagesse louée en tous lieux, comment se fait-il que vous soyez si affecté par cette considération philosophique ? »

Le Seigneur Colorado plisse les yeux, se plongeant dans l’examen de la peau sans défaut des derniers grains de raisin suspendus à leur grappe. Quand il répond, sa voix si suave se fait lisse et monocorde :

« Messire, vous a-t-on jamais parlé de Dieu? »

M


  
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Réponses à ce message :
3 Juste une question... - Narwa Roquen (Lun 24 oct 2011 à 14:10)
       4 La réponse est... - Maedhros (Lun 24 oct 2011 à 16:39)


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