Version HTML ?

Messages FaeriumForum
 Ajouter un message Retour au forum 
 Rechercher un message Statistiques 
 Derniers messages Login :  S'inscrire !Aide du forum 
 Masquer l'arborescence Mot de passe : Administration
Commentaires
    Se souvenir de moi
Admin Forum 
 Derniers commentaires Admin Commentaires 

 WA - Participation exercice n°97 part II (edit) Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Dimanche 18 septembre 2011 à 20:50:39
Le Seigneur Fladnag reste songeur, le regard posé sur la flamme des Jeux où s’unissent cinq pentagrammes habilement imbriqués. Il est en sueur, revenant de son ultime entraînement quotidien qui fut particulièrement harassant. Il a dû s’exercer intensément pour être fin prêt. Demain, il affrontera ses homologues au cours de l’ultime épreuve des Jeux Magiques. En tant que Grand Maître des Arcanes Solaires, il s’alignera en effet dans le Pentathlon, l’épreuve reine qui réunit les dirigeants des Cinq Loges Occultes. Le vainqueur sera sacré Arcane Céleste pour dix ans, un honneur qui confère à son détenteur, prestige inégalable, richesse inépuisable et pouvoir exorbitant.

Pourtant, ce n’est pas le titre que vise Fladnag. Loin de là ! Qui est assez fou pour signer son propre arrêt de mort? Fladnag a croisé récemment l’Arcane régnant, à l’occasion d’une cérémonie démoniaque oecuménique. Malgré le rituel assez croustillant mêlant jeunes vierges et vieux boucs, il a été frappé par la pâleur maladive du Maître des Loges que n’arrivaient pas à dérider une phalange exubérante de beautés nubiles au zèle empressé. Il avait le teint terreux, les yeux larmoyants et poussait d'incessants soupirs. Il avait tout l’air d’une bête aux abois. Derrière ses houris enthousiastes et infatigables, les discrets mais redoutables représentants du Contingent d’Intervention Arcanique surveillaient étroitement le moindre de ses mouvements. Ils avaient donné à Fladnag l’impression de veiller sur lui comme des vachers gardent un boeuf promis à l’abattoir! C’est le revers de la médaille. L’Arcane Céleste ne vit que dix courtes années. Pas un jour de plus. Et sa fin est particulièrement atroce, point d’orgue de la cérémonie de clôture des Jeux Magiques.

En fait Fladnag espère, comme les quatre autres concurrents, éviter la première et la dernière place. La première le propulserait sur le trône tragique de l’Arcane Céleste! La dernière est synonyme de décapitation sur le champ à la fin du Pentathlon. Il lui faut donc absolument décrocher une place intermédiaire, ce qui nécessite une parfaite maîtrise des zombis dont il va se servir durant les cinq épreuves. En outre, les Juges Souverains ont imposé des limites inférieures à chaque épreuve afin d’éviter toute atteinte malséante à la maxime venue du fond des âges : au plus vite, au-delà, au-dessus! Les concurrents malheureux qui n’atteignent pas ces minimaux sont poussés au bout d’une planche fixée à la verticale d’un bassin grouillant de poissons carnivores passablement affamés! Tout ceci explique l’ardente assiduité avec laquelle Fladnag a fréquenté des semaines durant, la salle d’entraînement située dans les sous-sols de la cathédrale qui abrite son Ordre.

Fladnag joint ses dix doigts devant sa bouche, appuyant les majeurs sur ses lèvres. C’est une nouvelle miraculeuse qui pourrait bien changer le destin de l’Ile-continent en général et le sien en particulier. Devant ses yeux mi-clos, des plans s’esquissent et s’épanouissent, plus machiavéliques les uns que les autres. Il en caresse les potentialités qu’il écarte quand les risques l’emportent sur les avantages. Mais il lui faut se dépêcher. Le mince avantage qu’il possède sur les autres Ordres se réduit de minute en minute. Les avatars vont fondre sur ces terres désolées comme les huissiers istriens sur un locataire en retard de loyer! Les huissiers n’ont aucun sens de l’humour, comme tous les originaires de la péninsule d’Istrie. Ayant racheté les créances impayées aux propriétaires, ils s’abattent sur les locataires impécunieux qu’ils saignent littéralement! Aucun sac de riz, aucune gousse d’ail ni aucune croix n’arrêtent leurs procédures de recouvrement.

Il prend rapidement une décision. Une fois la nouvelle connue, il n’aura plus aucune marge de manoeuvre. Il convoque un esprit familier qui se matérialise sous les traits d’un jeune tambour, haut comme trois pommes, arborant crânement un petit calot rouge. Il a les joues rebondies et les yeux gouailleurs. Seuls ses pieds caprins et sa toison rebelle rappellent sa nature obscure.

Fladnag se penche vers lui :

« Tu vas te rendre chez l’Arcane Céleste. Tu lui répètera exactement ce que je vais te dire. Oublie un seul mot et tu devras te justifier devant mon maître-queue! Tu connais son goût immodéré pour tout ce qui se mijote, n’est-ce pas ? »

Le petit tambour proteste de sa bonne volonté en roulant un pas de charge énergique sur la peau tendue et en bombant le torse. Il ne faillirait pas. Il n’a pas envie de finir en pieds et paquets, l’une des spécialités culinaires du chef redouté qui manie la feuille de boucher plus vite que son ombre.

***


Pendant ce temps, la créature vole bien au-dessus des nuages. Elle se dirige vers l’endroit localisé par ses organes géosensibles. Vers le nord-est. Sous la couverture cotonneuse, les terres désolées ont cédé la place à de grandes étendues verdoyantes qui entourent de vastes forêts aux multiples tons de vert. Ce magnifique spectacle la laisse indifférente. Elle est venue du bord extrême de l’univers pour répondre à un impérieux appel. Elle accourt vers son mâle car c’est la saison.

Avant de quitter son nid, elle avait senti sa chimie interne se modifier. Des organes végétatifs et oubliés s’étaient réveillés pour libérer des substances particulières. Celles-ci migrèrent le long de vaisseaux asséchés comme une rivière reprend son cours après une longue canicule. A leur contact des réactions biochimiques se produirent en chaîne. Son métabolisme changea, elle grossit. Elle se détourna de ses occupations habituelles pour se focaliser sur ses changements internes et fit appel à sa mémoire profonde pour identifier le nouveau cycle qui débutait. Mais quand la poche vitelline se forma dans son ventre, une poche tiède et humide n’attendant plus que son futur hôte, elle sut qu’elle devait partir. Elle prit son envol, frôlant une comète vagabonde pour emmagasiner de la vitesse. Elle accéléra encore en étendant ses ailes dans le souffle de vents solaires. Sa vitesse s’accrût jusqu’à ce que les épaisses écailles dorsales extrudent une matière nacrée qui l’enveloppa telle une chrysalide protectrice lorsqu’elle fut emportée au-delà de la lumière. Ainsi, elle se rapprocha du coeur de l’Univers en expansion, se dirigeant de façon infaillible vers son but grâce aux indications fournies par ses organes géosensibles. Ceux-ci puisaient leurs informations dans d'immenses banques cellulaires où étaient enregistrées les coordonnées spatio-temporelles du seul mâle pouvant féconder l’unique ovule de la créature. Ces fabuleuses mémoires renferment évidemment bien plus. Comment une Mère pourrait-elle oublier ne serait-ce qu’un seul de ses fils ? Même si leur nombre est hors de portée de l’imagination humaine.

Elle survole sans le savoir un « Carrefour de Cantonniers », une cérémonie qui n’a lieu qu’exceptionnellement. Comment peut-elle se douter de l’émotion qui étreint à cet instant la famille Kerouac? Les Cantonniers sont un peuple nomade dont les origines restent indéterminées. Certains historiens soutiennent qu’ils sont les descendants des «Gens du Voyage», tribus légendaires qui sillonnaient les routes noires du Monde d’avant. D’autres érudits professent qu’ils appartiennent à une secte dont le crédo fondamental a été oublié durant les Grandes Convulsions. Tous s’accordent cependant à reconnaître que les Cantonniers sont altruistes et pacifiques et qu’ils ne se mêlent jamais des affaires des autres. Ils ne savent ni lire ni écrire. Tout leur savoir se transmet oralement.

Chaque clan, composé en général des membres de deux à trois familles, comprend entre trente et cinquante longues caravanes, dont une bonne partie de fourgons transportant leur matériel. Leurs caravanes sont peintes en couleurs vives et joyeuses et possèdent de grandes voiles de lin tissé, le vent étant la seule force motrice utilisée par les Cantonniers. Leurs roues métalliques sont ajustées pour correspondre à l’écartement de la voie ferrée et pour épouser étroitement le profil des rails. Car les Cantonniers construisent des voies ferrées éphémères. Jour après jour, du début à la fin de l’année, ils posent inlassablement des rails, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige. Chacun de leurs gestes obéit à un code rigoureux et solennel. Aucun n’est inutile. Aucun n’est ajouté. Ils suivent à la lettre ce qu’ils ont appris de leurs Pères. Leur technique est devenue un Art hermétique pour les profanes. Les Cantonniers mettent un soin inouï à fabriquer éclisses, tire-fonds ou traverses de bois.

Pourtant ces voies ferrées ne rejoindront jamais de gare et aucun train, si ce concept était redécouvert, ne roulera jamais sur leurs réseaux. Le matériel des Cantonniers n’est pas inépuisable. Alors, lorsqu’ils ont utilisé tout leur stock de pièces, ils attendent que le Dieu des Vents libère ses enfants afin que les voiles se gonflent et poussent les caravanes jusqu’à l’extrémité de la voie inachevée, quelques lieues plus loin. Une grande fête, la fête du Rail, est alors donnée. Plusieurs têtes du cheptel sont mises en broche pour le festin pantagruélique. A cette occasion, les mariages sont célébrés, les naissances annoncées et les décès pleurés. A cette occasion, toutes les affaires civiles et religieuses du clan sont réglées, tous les conflits arbitrés et toutes condamnations exécutées.

Puis, à la première heure du deuxième jour suivant la fin de la grande fête, au signal du Conducteur, leur chef spirituel, les Cantonniers s’attellent hardiment au démontage des rails en amont. Quelques semaines de travail supplémentaires plus tard, la voie ferrée aura été effacée progressivement du paysage. La nature reprendra bien vite ses droits, jusqu’à faire oublier le passage des Cantonniers sauf pour des yeux bien exercés. Eux sont déjà en aval, poursuivant leur chemin de fer.

Il existe une centaine de clans actuellement recensée. Voici quelques années, un chercheur fortuné eut l’idée de cartographier toutes les routes tracées par les différents clans. Il a recueilli des centaines, des milliers de témoignages et de documents qu'il a compilés pour déterminer les trajectoires des Cantonniers. Le résultat fut stupéfiant. La distance cumulée de l’ensemble des voies ferrées, calculée à partir des plus anciens relevés, équivalait à plus de huit fois la circonférence de la Terre telle que l’avaient mesurée les civilisations pré-îliennes. Plus de 72.000 lieues! Bien sûr, cette distance est toute virtuelle, les Clans ne possédant au total qu’environ 300 lieues de rails qu’ils considèrent comme leur bien le plus précieux et le symbole de leur identité. Usinés dans un métal inaltérable, à la fois résistant et relativement léger, le secret de leur fabrication s’est perdu à jamais.

Portées sur une projection plane de l’Ile-Continent, les routes se croisaient sans logique apparente. Pourtant le chercheur redoubla d’efforts. Un beau matin, alors qu’il s’était endormi la veille au soir devant le planisphère, il se réveilla après un rêve qu’il qualifia de prémonitoire. Il s’empara d’un chiffon et effaça des tronçons redondants, les Cantonniers passant et repassant à proximité d’anciennes voies disparues. Il effaça, effaça... et, peu avant le crépuscule, quand ses esclaves vinrent allumer les torches murales, il recula de plusieurs pas pour contempler le résultat.

C’était là, sous ses yeux, inéluctable et grandiose. Les routes dessinaient un incroyable système solaire. Il pouvait reconnaître huit planètes principales qui tournaient autour d’un double soleil. Il distinguait leurs satellites et les anneaux que certaines possédaient. Leurs révolutions singulières étaient également représentées. A la périphérie de ce motif central, d’autres étoiles étaient regroupées en constellations. Le savant, exalté, convainquit un de ses amis, astronome de renom, de venir examiner le résultat de ses recherches. Sceptique au début, son ami consentit néanmoins à le suivre. Quel ne fut pas son étonnement quand il découvrit, fasciné, qu’il pouvait mettre un nom sur ce qu’il voyait. Là, c’était la constellation du Cygne, reconnaissable à la Croix du Nord formée par ses étoiles les plus brillantes, ici s’étendaient les constellations de l’Aigle et du Serpentaire et enfin, là se déployait le fier Dragon avec les trois étoiles de son coeur! Pourtant il échoua à identifier le système solaire bicéphale. Selon l’astronome, il n’appartenait pas au Ciel au-dessus de leurs têtes. Malgré toutes ses tentatives, le chercheur ne parvint à résoudre cette énigme. Il publia deux ou trois articles qui lui attirèrent une courte renommée. Il devint riche et nonchalant et ses travaux tombèrent dans l’oubli.

S’il avait consulté un mathématicien et un astrologue, il aurait peut-être déchiffré l’avertissement solennel qui dormait au coeur de ces motifs stellaires. Toutes ces routes prédisaient en effet un évènement qui lierait tous ces éléments entre eux. Un évènement qui ébranlerait jusqu’aux piliers de ce monde.

Oui, si le chercheur avait été plus persévérant, il aurait sans doute pu donner l’alerte pendant qu’il était encore temps. Mais aujourd’hui, il est vraiment trop tard car le rendez-vous annoncé par les Cantonniers aura lieu demain !

M


  
Ce message a été lu 6542 fois

Smileys dans les messages :


Forum basé sur le Dalai Forum v1.03. Modifié et adapté par Fladnag


Page générée en 431 ms - 274 connectés dont 3 robots
2000-2024 © Cercledefaeries