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 WA, exercice n°94 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 19 mai 2011 à 23:09:53
Comme vous l'aurez remarqué, les deux seuls participants réguliers et obstinés de ces exercices ont le même défaut: ils écrivent des textes longs. Alors... La consigne, cette fois, sera d'écrire une histoire "coup de poing", qui n'excèdera pas 4 pages en format A4 (c'est une limitation fréquente dans les concours de nouvelles). Concision, rapidité d'action, il va falloir porter l'uppercut au lecteur, sans pour autant cesser de l'interpeller, de sorte qu'à la fin de sa lecture il éprouve la profondeur du silence - silence qui, comme chacun sait, appartient toujours à Mozart.
Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 9 juin. Ne vous précipitez pas! Chaque mot doit être pesé, chaque mot doit porter. Et si vous décidez d'écrire un texte à suspense, gare! z653z veille, et on ne la lui fait pas si facilement! Qui réussira à le déconcerter, à le surprendre? C'est lui qui le dira!
Narwa Roquen,il est revenu, le temps des cerises...


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-06-03 17:52:48 

 WA - Participation exercice n°94Détails
4 pages format A4 et je n'ai pas employé de police < 10!


Let the music begin

CHUTE LIBRE


La fraicheur de l’éponge sur mon visage me fait ouvrir les yeux.

Je suis assis dans un coin, avec un peu de mal à faire le point. Il y a plusieurs soleils blancs qui projettent une lumière violente. Ils délimitent précisément la réalité où j’évolue. J’essaie de chasser le flou qui règne dans ma tête. Les secondes s’égrènent. Qu’est-ce que je fous là ? Un train de marchandises passe et repasse entre mes oreilles pendant que ma vue se précise. Je reprends peu à peu le contrôle de ce corps lourd et usé. De l’autre côté, mon double attend. Et puis vient le bruit. Ma perception s’élargit. Un bruit composé de mille bruits. Une rumeur qui enfle dans l’obscurité s’étendant au-delà du jour artificiel. Je ne peux pas ouvrir tout à fait ma paupière gauche. J’entends leurs voix qui composent une grinçante cacophonie. Je secoue la tête. Je dois chasser cette confusion et retrouver mes repères. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je lève une main devant mon visage. Une main lourdement gantée de rouge. Je me rappelle enfin et je sens le goût du sang dans ma bouche. Je suis le Champion. C’est la dernière reprise. Au bout, il y a le titre, la ceinture d’or, l’argent et tout le reste. Putain, cela fait plaisir de te retrouver fiston !

Je parviens à synchroniser le son avec les mouvements de la bouche de Lou qui s’agite devant moi.

« Champion, tiens bon. T’es devant. Fais gaffe à sa droite. Tourne. Danse. Ne le laisse pas t’emmener dans les cordes. Garde tes distances. Sers-toi de ton allonge. Tu comprends ? »

Il m’asperge à nouveau avec son éponge magique. Puis il m’essuie avec la serviette. Il introduit dans ma bouche le protège-dents. Je lis dans son regard une sourde inquiétude qu’il croit cacher. C’est la douzième. L’autre moi-même ne veut pas abdiquer. Il m’a fait mal. Il connait mes points faibles secrets. Il a pénétré ma garde. Il n’est pas comme les autres. C’est mon reflet idéal. Celui que j’ai toujours cherché sur tous les rings du monde. Je suis le Champion. L’invincible Champion. Le plus grand de tous les temps. Plus fort que Tyson. Plus technique que Sugar Ray. Plus dominateur que Mohamed Ali. Plus emblématique que Rocky. Oui. Je suis une parfaite machine à frapper, plus rapide que l’éclair, plus impitoyable que la Mort.

La dernière reprise va débuter. Jamais adversaire ne m’avait poussé aussi loin. Les meilleurs ont tenu jusqu’à la cinquième. Comment battre sa propre image ? Je ne peux rien dire à Lou. A personne. Ce mec assis de l’autre côté était jusqu’à ce soir un parfait inconnu, le champion de son pâté de maisons tout au plus. Les magouilles l’ont conduit jusqu’à l’antichambre de la gloire. Il devait être la victime expiatoire de la centième victoire du vrai Champion. Moi.

Je perçois la densité effarante de leurs émotions. C’est quasi physique. Une tension hautement électrique. Ils retiennent leur souffle. Cela monte comme une vague frémissante jusqu’en haut des gradins, prête à s’abattre et tout emporter. Au centre de cette attente exacerbée, il y a un moment vraiment magique. Mes muscles connaissent ça mieux que mon intelligence. Cet instant particulier où chaque fibre de mon corps attend que sonne la cloche. Peut-être une seconde, peut-être moins, mais cela inonde mes sens d’une pulsion orgasmique. Je fixe le centre du ring, visualisant l’endroit où j’irai défier mon image avant de la faire voler en mille morceaux. Le masque est replacé sur mon visage. Allons-y. Mes poings se referment et mon coeur se cuirasse une dernière fois.

Je me lève au signal de la cloche. Je tape mes gants l’un contre l’autre puis les frotte sur mon torse. Le monde se résume à ce carré bleu ceint par quatre cordes. Je m’arrête juste au centre du ring, où se concentrent les feux venant des cintres. Il s’avance aussi, lourd et massif, aussi inexorable qu’un glacier dans la vallée. L’arbitre pourrait bien être sur Mars, il ne compte pour rien. Je maîtrise difficilement l’adrénaline qui bouillonne en moi. Je dois contrôler mes émotions. Je suis un professionnel. Derrière les cordes c’est le néant, obscur et informe.

Je reporte mon attention sur mon adversaire. Il me ressemble comme un frère oublié, un jumeau disparu. Je suis le seul à m’en être aperçu. Je pousse mes poings contre les siens. Cela va commencer. Il fait un pas de côté, presque aérien, souple et délié. Je me contente de tourner les hanches, assurant mes pieds et montant ma garde. C’est à lui de venir chercher la victoire. Il a des points à rattraper. Il me balance une droite négligente que je bloque sans difficulté. C’est lancé. Il poursuit son lent déplacement circulaire, testant ma défense par quelques directs, fouettés ou jetés, mais sans enchaîner derrière. Ce sont des hors d’oeuvres. Je prends bien soin de ne pas me laisser aspirer dans une trajectoire qui file vers l’un des coins. C’est un malin. C’est ce que je ferais si j’étais à sa place. Je fais soudain deux pas en arrière et laisse pendre mes bras le long du corps. Ne pas se laisser endormir par sa routine. Je sautille sur place, le défiant du regard. Viens au centre, à la lumière. Je frappe à nouveau dans mes gants en lui adressant mon sourire de carnassier. Il marche vers moi. Son rictus est le mien. Il feinte à gauche et son uppercut remonte à toute vitesse vers mon menton. Je parviens à le bloquer in extremis en tournant mon torse de façon fort peu académique. Le murmure de la foule grandit. Il est sur moi et martèle mes côtes de crochets courts. La plupart n’atteignent pas leur but, déviés par mes coudes ou mes avant-bras, mais les autres me secouent bien malgré la ceinture de muscles bandés. Il est de plus en plus rapide, me forçant à un corps-à-corps acharné. Je romps une nouvelle fois l’assaut en faisant un pas en arrière Je surprends l’amorce d’un sourire qui s’éteint aussi rapidement qu’elle est née. Il me suit pied à pied. Je lui décoche une gauche vicieuse quand il s’y attend le moins. Il se baisse en catastrophe et je le touche au front. Sa tête est violemment rejetée en arrière. La foule hurle de joie. L’arbitre s’interpose. Mon challenger le repousse du bras. C’est bon pour lui. Combien de temps reste-t-il ? J’ai perdu le compte de mes battements de coeur. Les flashes crépitent tout autour du ring, allumant des novae éphémères qui illuminent le néant extérieur. Je surprends des gestes figés par l’éclair, des bras levés et des bouches ouvertes qui disparaissent aussitôt les ténèbres revenues. Est-elle toujours là ?

Je n’ai pas le temps de penser à ça. J’entame une danse sauvage, faite de petits sauts, en bougeant mes épaules selon un axe vertical. Viens danser avec moi si tu l’oses! Je m’approche de lui et pour la première fois je sens qu’il est indécis, moins monolithique que durant les onze derniers rounds. L’image se lézarderait-elle ? A bonne distance, j’allonge mon bras droit comme si je voulais prendre sa mesure. La sueur perle sur son front qui porte encore la marque du coup reçu. J’arme mon bras en portant tout mon poids sur le pied droit. Il lève sa garde légèrement comme pour anticiper l’attaque. J’esquisse un mouvement avec l’épaule. Il l’accompagne en verrouillant sa défense en position haute. Erreur ! Vif comme l’éclair, tel un piston qui se détend, mon poing droit file vers son visage. Au moment de l’impact, je cherche son regard mais je suis déséquilibré quand mon gant ne rencontre que le vide. En même temps, j’ai l’impression de prendre une locomotive de béton au niveau du foie. Mon souffle est coupé et les soleils se mettent à danser une gigue incongrue. La confusion envahit mon esprit, un voile blanc passe devant mes yeux. D’autres coups m’atteignent encore, me forçant à lâcher du terrain vers les cordes. Ne fais pas ça ! Mais quoi d’autre ? Il me suit sans pitié. Je ferais pareil! Comment combattre son image? J’ai l’impression qu’il déchiffre mon jeu aussi facilement que s’il était le sien. Au tout dernier moment, je devine son crochet masqué. Malgré ma parade improvisée, le coup m’atteint à la base du crâne. Je tombe sur un genou. Le voile vire au rouge. L’arbitre vient à mon secours. Il fait signe à mon adversaire de reculer et s’accroupit près de moi.

« Ca va Champion ? »

J’agrippe la corde du milieu, cherchant à respirer. Il faut que je profite de cet instant de répit. Les mini-novae forment une galaxie de points brillants. Waouh, le Champion est à terre ! Levant les yeux, je la vois. Au troisième rang derrière la table des juges. C’est bien elle. Elle assiste à tous mes combats. Jamais loin du ring. Je ne saurais la décrire précisément. Elle éclipse pourtant ceux qui l’entourent. Elle est belle dans mon imagination. Je ne l’ai jamais rencontrée. Le match terminé, quand les lumières du Madison se rallument pour fêter le Champion, elle a disparu. J’ai demandé à Lou, j’ai demandé aux officiels, j’ai même engagé un détective privé. Aucun résultat. Elle n’existe que dans l’obscurité où elle entretient mon désir, à chaque fois différente. Il y a une forme de plénitude et de sérénité dans ses traits, fins et réguliers. Et dans ses yeux brûle une flamme guerrière et indomptée, une force archaïque qui me galvanise. Mon Egérie. Au fil des rencontres, je lui ai voué une sorte de culte secret et païen. Dans mes rêves enfiévrés qui suivent les combats, elle me tend un curieux bouclier ovale aux profondes échancrures latérales et me désigne l’infini.

« Ca va Champion ? » répéte l’arbitre. Une pointe d’inquiétude transparaissant dans sa voix.

Je déglutis. « Mouais.. ! »

L’arbitre commence à compter : « un... deux...trois... ! »

Moi, être compté ? Je me redresse en secouant la tête. Regarde petit père, tout va bien. J’ai simplement glissé. Son coup a ripé sans mal sur mon cuir chevelu. Je grimace un sourire de fanfaron. L’arbitre finit son décompte et s’écarte de nous en levant les bras.

Je reprends les choses en main. Je me dirige vers lui, décidé à en finir. J’enchaîne plusieurs swings - droite, gauche, gauche, droite - qui mettent à mal sa défense. Je me concentre pour éviter toute surprise. Je le travaille au corps, visant son foie, ses flancs, sa tête. Sous le déluge de coups, il faiblit enfin. Je passe la vitesse supérieure. Je l’enferme dans un ballet de voltigeur. Je tourne autour de lui, ne lui laissant aucun répit. Une de ses arcades explose sous un coup au but. Il pisse le sang qui ruisselle sur son oeil. Il encaisse toujours. Je le bombarde de crochets précis et meurtriers qui l’obligent à défendre et encore défendre. Des crochets longs alternés à des overhands pour l’empêcher d’anticiper. Le Champion est en colère. Il recule encore. Il semble comprendre, alors il vient plaquer sa tête contre la mienne, emprisonnant mes poings entre ses bras. Il halète contre mon oreille. Son sang se mélange au mien. Je le repousse mais il continue de se coller à moi. Il grogne, cherchant à souffler un peu dans la tempête que j’ai déchainée. C’est l’arbitre qui nous sépare. Il lui donne un premier avertissement. Quelques secondes épargnées. L’arbitre examine son arcade ouverte. Merde, il ne va pas arrêter le combat ? Non, le match continue!

Nous entamons lentement une sorte de ronde, lui à l’endroit, moi à l’envers au centre du ring. La reprise touche à sa fin. Elle ne dure que trois petites minutes. Mais le chronomètre défile sur un rythme étrange sur le ring. Il accélère et ralentit au gré des temps forts et des temps faibles. Où en sont les juges? M’ont-ils fait repasser devant ? Je porte une fulgurante attaque qui déborde sa garde. Mon poing s’enfonce sous son plexus, là où ses abdominaux sont impuissants. Il expire bruyamment. J’en profite pour faire un autre pas et propulse un uppercut vers sa mâchoire. Il ferme la porte au dernier moment mais gémit quand le coup s’écrase néanmoins sur son maxillaire. Je pousse mon avantage en venant au corps-à-corps et en pilonnant sa défense affaiblie de directs fouettés. Il rompt à nouveau, lançant au jugé quelques banderilles que j’esquive sans mal. Le choeur des damnés au-delà des cordes a senti la curée et hurle à la mort. L’odeur du sang le plonge dans une transe quasi orgiaque. L’air est saturé de ce parfum bestial qui n’appartient qu’à ce genre d’évènement et qui peint sur les visages des masques hideux et hystériques. Des silhouettes gesticulantes se sont massées autour du ring, prêtes à tout pour assister au KO final. Les cris fusent au sein d’un chaos indescriptible. C’est le moment que j’exècre le plus. Celui où tous les voyeurs écarquillent des yeux pour mieux voir un corps fléchir comme une poupée de chiffon et une tête heurter le tapis, les yeux révulsés.

Elle est vêtue de blanc comme une déesse guerrière, immobile au milieu de la frénésie ambiante. Elle est une île immaculée dans une mer démontée. Ses cheveux de bronze sont coiffés en un sobre chignon. De part et d’autre de son cou dénudé, au bout de minuscules tresses d’argent, scintillent des boucles d’oreille en forme de 8 qui jettent un feu éclipsant celui des projecteurs. J’ai l’impression d’être en plusieurs endroits en même temps, embrassant la scène sous des angles différents. L’oeil du serpent. Je sens le sang ruisseler le long de ma joue, poissant le haut de mon torse. Non, c’est lui qui saigne. Sans réfléchir, j’allonge deux terribles directs du gauche avant de conclure par un crochet du droit qui l’envoie dans les cordes. J’hésite. Putain tombe ! Tu as réalisé un véritable exploit en tenant tête aussi longtemps au Champion. Tu as gagné une revanche. Ma prière muette n’y fait rien. Il secoue la tête comme un taureau condamné au centre de l’arène. Il prend une grande inspiration et revient à la charge. Il rive son regard au mien. C’est le moment de vérité dans la quiétude improbable qui règne au coeur de la tornade. L’arbitre a disparu. La cloche va retentir une dernière fois. Je rentre le cou pour protéger mon menton. Il fait de même. Le sang qui ferme mon oeil n’est plus un problème. Je saisis chaque détail de la scène aussi précisément que si je l’avais contemplé des heures durant. Au-delà des cordes rugissent des forces primitives exacerbées. Elles forment de monstrueuses vagues qui s’enroulent autour du ring, rebondissant entre les gradins, engloutissant corps et âmes. Ma blanche prêtresse écarte sans effort cette masse d’énergie torrentielle. Son visage paraît flotter au-dessus d’un tsunami de cris et de mouvements. Nous voilà face à face. Un seul restera debout. Moins d’un mètre me sépare de ce que je suis. Je mets tout mon poids dans mon dernier uppercut, toutes mes forces en bloquant ma respiration. Je n’ai jamais frappé aussi fort. J’ai libéré quelque chose, quelque chose de primal et d’enfoui. A mes pieds, les ombres multiples s’enfuient, épouvantées, dans toutes les directions.

Le coup ébranle chacun de mes os. Une lumière blanche inonde mon esprit et mon coeur s’arrête de battre. La convulsion tétanique parcourt mes membres, fragmentant ma réalité en mille morceaux, chacun révélant un unique reflet. Le mien. J’écarte les bras mais mon équilibre est perdu. Je vois le tapis s’élancer vers moi et le ciel couronné de lumières s’éloigner. Ou l’inverse. Je cherche un peu d’air mais mes poumons refusent de fonctionner. Il y a ange qui m’adresse un sourire du haut des cintres. Sa bouche vermeille forme un seul mot que je ne comprends pas. Qui suis-je ? Qui suis-je vraiment ?

Il est temps de fermer les yeux.

It's just music...

M

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z653z  Ecrire à z653z

2011-06-05 03:51:25 

 coups de poingDétails
La consigne est respectée jusqu'aux jeux de mots de Narwa ! Bravo !

D'abord quelques questions sur des points de détails :
"Je surprends l’amorce d’un sourire qui s’éteint aussi rapidement qu’elle est née"
qui a sourit ? lui ou son double ? je penche pour son double mais c'est ambigu (en même tout le texte joue sur l'ambiguïté).

"les onze derniers rounds" -- premiers ? à moins que ça soit son dernier combat.

"J’hésite un seconde". un instant ?

Le dernier round est très long. En même temps, le suspense n'en est que plus fort.

Un petit overhand chez les lourds ne m'aurait pas déplu.

Pour le reste, je sens que le champion joue son dernier combat ; le titre, le fait qu'il soit sonné à la fin de la 11e reprise, que ça soit la première fois qu'on le tienne en échec aussi longtemps, sa muse ressemble à la mort (le huit qui symbolise l'infini).

J'attends le spoiler.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-06-05 12:13:48 

 Le temps des châtaignes – Attention, spoiler !Détails
 Qui sourit : a priori, le challenger. Mais tu as raison pour l’ambigüité. Mais j’y reviendrai. 

Les onze derniers rounds : dans mon esprit, les onze rounds précédents par rapport à celui en cours. Mais cela marche aussi avec les onze premiers ou les onze rounds précédents.

J’ai finalement conservé : j’hésite. L’hésitation est en soi un temps suspendu non ?

La longueur du round : en fait, ce n’est pas facile de décrire en peu de mots une scène d’action aussi intense et ramassée. C’est l’inconvénient de la plume par rapport à l’image. Les yeux peuvent saisir beaucoup plus d’informations sur une image animée ou non. Et tu connais ma prédilection pour les petits détails périphériques. En outre, le temps peut s’écouler différemment selon les individus. Trois minutes peuvent s’éterniser comme une heure passer en un rien. En fait, ainsi que tu l’as remarqué, il n’y a que 3 véritables assauts.

L’overhand : en fait, je ne suis pas un grand familier du noble art. Alors, ce coup descendant ne m’est pas venu à l’esprit tout bêtement. Maintenant que mon vocabulaire pugilistique s’est étoffé, je vais voir si je peux l’insérer quelque part ! (c'est fait...)

 Pour la chute finale : tu as vu encore juste. Le champion arrive à un instant crucial de son existence. Il a tout gagné. Il semble protégé par une puissance, comme dans la mythologie où un héros était aidé par un dieu ou une déesse. En même temps, il perd un peu ses repères, sans doute fatigué ou moins impliqué. Toutefois, rien n’est décidé. C’est le Champion qui envoie une frappe terrible mais est-ce le Challenger qui est envoyé au tapis ? Qui tombe réellement KO, le Champion ou le Challenger ? J’ai essayé de laisser la porte ouverte aux deux possibilités. D’où le titre. 

 La Muse : c’est en fait une Nymphe qui a remis à un des premiers rois de Rome un bouclier portant des inscriptions prophétiques pour Rome. 


Voici une page qui en fait référence.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-06-10 16:38:43 

 WA, exercice n°94, participationDétails
Avertissement: âmes sensibles, Bisounours et autres jeunes lecteurs, ce texte pourrait vous choquer.


DIS-MOI QUE TU M'AIMES


Yet each man kills the thing he loves
By all let this be heard
... The coward does it with a kiss,
The brave man with a sword!

Oscar Wilde



Les douze photos sur la moquette, en demi-cercle autour de moi. Plus celle de ma mère sur la première page de cet album rouge, trouvé au fond du placard, dans la chambre de papa.
Le temps s’est arrêté là. Au Foyer de l’Enfance, ils tournent autour de moi, ils me disent des mots que je n’entends pas. Ils veulent que je mange, ils veulent que je dorme. Je me tais. Je vomis. Je ne pleure pas. Il y a douze photos dans ma tête, plus celle de ma mère.


Il me restait deux jours pour trouver un cadeau pour la fête des Pères. Il rentrerait vendredi soir. Mercredi 21 mai. Treize ans que ma mère s’est tuée en voiture. J’avais un an.
Mes marguerites sur sa tombe, arrachées au champ voisin. Les deux douzaines de roses rouges de papa, qu’il avait fait livrer comme chaque année. Mai et novembre, il partait une semaine pour le travail. C’était bien. Surtout depuis l’an dernier. Je pouvais enfin rester seule, sans cette horrible madame Mangin, vieille bigote revêche puant le parfum tourné.
Et je pouvais aller chez Flore autant que je voulais. Mon père disait « ces gens de couleur, au rez de chaussée ». Il y avait les melons et les chinois. Les seuls qui avaient une couleur, c’étaient les Blacks.
Mama Winnie, la mère de Flore, portait un boubou, jaune et vert ou jaune et rouge, par tous les temps. Elle nous gavait de gâteaux à la patate douce. La télé beuglait au salon et la radio hurlait dans la cuisine. Parfois je croisais le père, qui travaillait sur les chantiers avec Zéphyrain, le fils aîné, grand, fort, sublime. Il y avait Erica, dix-sept ans, qui dansait toute la journée avec son piercing dans le nez et ses écouteurs dans les oreilles. Et les jumeaux, qui à dix ans étaient presque aussi grands que moi, et dont la chambre était envahie par une colonie de chats qui entraient par la fenêtre.

Treize articles découpés dans des journaux, réunis dans un album rouge. Sur la couverture, papa avait écrit « A ma chérie ». J’ai cru qu’il me préparait une surprise, pour une fête ou un anniversaire. J’étais venue chercher de vieilles photos pour faire un pêle-mêle, j’aurais dessiné des coeurs partout, c’était pour sa fête. Il était lourd mais c’était mon papounet chéri.
Il y avait treize articles parlant de femmes assassinées. La première était ma mère. Et l’accident ? Le journaliste racontait qu’elle avait été poignardée avant d’être précipitée au fond du lac, dans sa voiture. Et puis douze autres, assassinées chez elles, chaque fois dans une région différente, mais toujours le 21 mai depuis 1999, toutes blondes et avec des yeux clairs, de plus en plus jeunes, celle de 2010 avait dix-sept ans ...
J’ai été injuste avec lui. Il m’a tout interdit, télé, ordi, portable, sorties, il m’a pourri la vie, mais c’était pour me protéger. Je lui ai menti, encore et encore, je n’ai pas compris sa peur, je n’ai pas senti sa souffrance.
Il me prenait sur ses genoux.
« Tu m’aimes, ma Lily ?
- Je t’adore, mon papounet chéri !
- Le monde est plein de dangers, il y a tant de prédateurs... Tu comprendras un jour... Ta mère était tellement parfaite... Tu lui ressembles de plus en plus... presque trop... »

La police a laissé tomber mais papa est sur la piste, il accumule les dossiers, il va le coincer, il est courageux... Je vais l’aider. Dans une enveloppe, collée à la dernière page de l’album, il y a des photos tirées au Polaroïd. Douze femmes blondes, comme ma mère. Au dos de chacune d’elles, papa a écrit leur prénom et la date de leur mort.
Elles sont toutes autour de moi.
Et je rêve d’elles toutes les nuits. Elles me sourient.


Papa range toujours le Polaroïd dans le premier tiroir de la commode.
Il n’y est plus.
Mais les séminaires « force de vente » c’est quand même un peu les vacances. Il adore visiter les musées, les vieilles rues, les églises.
Douze photos Polaroïd. Plus celle de ma mère.
Tout le monde a un Polaroïd.
J’ai crié.
Je suis restée une demi heure à grelotter entre deux vomissements devant la cuvette des toilettes. C’est le 21 mai, aujourd’hui, papa est à Strasbourg et j’aurai quinze ans l’année prochaine. Je me monte la tête, je ressemble trop à ma mère, je n’ai pas de preuve. Je vais l’appeler et lui dire que je l’aime.
C’est le 21 mai et il y a peut-être une fille qui va mourir.
Ca n’a pas de sens.
Les tempes en feu. J’ai froid, j’ai peur, j’ai mal au ventre. J’ai trop mangé de beignets chez Flore. Papa est un justicier et il y a une fille qui va mourir. J’ai quatorze ans, qu’est-ce j’y peux ?


J’ai pris le couteau à rôti dans ma poche. Le meurtrier m’attend peut-être devant la porte. Je vais aller voir les gendarmes, ils vont se moquer de moi, on va en rire ensemble, ça sera bien. Dans le hall je croise mama Winnie qui sort sa poubelle. Je ne sais pas pourquoi elle m’arrête par le bras, elle a l’air inquiète, je m’écroule contre elle... et puis le vieil Espace bleu rafistolé avec du scotch, la pluie battante, mama Winnie à l’arrière avec moi ; elle attache autour de mon cou son collier gri-gri aux trois perles bleues. Le capitaine de gendarmerie qui m’écoute balbutier en pleurant. Il ne rit pas du tout.


En sortant de l’hôtel, il avait pris un taxi. Ils l’ont arrêté chez la fille, ses parents étaient au cinéma. Elle avait seize ans. Elle les a encore. Elle est vivante.
Papa.


Il a avoué. Il est en prison. J’ai refusé de le voir.
On m’emmène chez un psy deux fois par semaine. Il parle. Je me tais depuis quinze jours. Aucun mot ne peut franchir mes lèvres. J’ai trop honte.
L’éducatrice a traité de charognard un journaliste qui insistait pour m’interviewer. Flore passe tous les jours après le Collège, une fois Zéphyrain est venu aussi ; elle dit que le gri-gri de sa mère est très puissant, qu’il va me protéger.
J’ai fait mettre mon père en prison. Je suis un monstre.
Il est fou. Peut-être que moi aussi je vais devenir folle, et un jour je me mettrai à tuer des gens. Des hommes bruns, sur la quarantaine, grands et maigres. Au hasard, le 21 mai. C’est sûrement ce qu’ils pensent, tous, quand ils me regardent.
Ou alors tout le monde se trompe, mon père est innocent.
Le Polaroïd.
Douze coïncidences.


J’ai des souvenirs qui me reviennent. Mon premier vélo. Les vacances à Biscarosse. Mon père toujours sérieux, recueilli à la messe, ponctuel matin et soir, sans loisir, sans hobby. Son refus catégorique d’un animal.
« Ta mère était assistante vétérinaire. Rien que de voir une bête, ça me tord le coeur. »
Douze femmes poignardées au coeur. Plus ma mère.



L’éducatrice m’a porté une lettre. Je suis blottie dans mon lit, je grelotte. Je ne veux même pas la toucher. C’est du poison. Je voudrais qu’il soit mort. Ou alors partir au bout du monde. Changer de nom.
« Tu sais, c’est la fille de... »
Ne plus jamais entendre ça. Trop de honte.


Est-ce qu’il aurait fini par me tuer ? Le 21 mai 2012 ? Ca me soulagerait presque d’en être sûre. Je n’aurais fait que sauver ma peau.
Je ne sais même pas si je le hais. J’ai tout le temps envie de vomir.


Un petit garçon en fauteuil roulant ouvre à la volée la porte de ma chambre. Il a une jambe dans le plâtre. Je l’entends souvent hurler dans le couloir. Il me braque avec un pistolet en plastique.
« Pan ! T’es mort ! »
Il fait rouler son fauteuil jusqu’à la table de nuit.
« Ouais, t’as du courrier, toi, le bol ! »
D’un geste prompt il me vole la lettre, s’éloigne et fait demi tour, il me nargue. Je n’ai pas bougé. Ma voix s’étrangle dans ma gorge. Il déchire l’enveloppe.
« Je sais lire ! J’ai huit ans ! Je ne suis pas mongol ! Je vais te montrer ! Ouah, c’est mal écrit...
Ma Lily chérie,
Je suis sûr que tu peux me comprendre. Tu es ma petite fille chérie, je t’ai tout donné. J’ai aimé ta mère par...pass... passio-né-ment, trop peut-être. Un jour j’ai senti qu’elle m’échappait. Elle passait trop de temps avec ce vétérinaire. Tu es grande, maintenant, tu peux comprendre. Ca serait arrivé un jour ou l’autre. Et je ne voulais pas, ça n’était pas digne d’elle, elle était parfaite, tellement belle, tellement douce...Elle m’aimait tellement...J’ai renoncé à elle, mais je l’ai gardée pure et parfaite. Elle ne m’a jamais trahi. Nous avons pu continuer à nous aimer parfaitement.
Les autres... Il fallait que je le fasse. Il fallait qu’elles restent à tout jamais jeunes, jolies et fidèles. C’est un cadeau que j’ai fait à tous ces hommes. L’amour ne peut qu’être absolu.
Je t’aime, ma Lily. Tu es tellement douce, tellement parfaite...
Papa
C’est nul ! », hurle le gamin en jetant la lettre et en disparaissant dans le couloir.


Je n’ai pas bougé. Je ne répondrai pas. L’éducatrice m’a dit que c’était mon père, malgré tout, que je devrais ceci, que je devrais cela, le psy m’a dit pareil, que ça serait bien de garder le contact. Ils sont parfaits, tous les deux.
Les gens parfaits, je supporte pas. C’est mortel.
Narwa Roquen,si je tiens l'allumé qui a pondu cette consigne...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-06-12 15:53:36 

 Commentaire Maedhros, exercice n°94Détails
C’est ce qui s’appelle suivre une consigne au pied de la lettre ! Ca m’apprendra à faire des métaphores...
Quatre boules de cuir tournent dans la lumière...mais ta musique est bien choisie pour illustrer l’agressivité. Et si c’est Mozart qui nous accueille dans l’au-delà, c’est plutôt une bonne nouvelle !
L’ombre et la lumière, le silence et le bruit, la solitude et la foule – tu joues avec les contrastes pour mieux nous perdre dans l’ambiguïté du je. Je est l’autre – ou peut-être pas. Le rite barbare et primitif s’apparente à un sacrifice, mais au nom de quel dieu ? Est-ce pour attirer la faveur de la mystérieuse guerrière blanche ou celle du Dieu Chaos éclaté en mille bouches hurlantes ?
Quel que soit le vainqueur, c’est toujours l’Homme qui perd, tant que le peuple s’obstine à réclamer du sang.

Bricoles :
- « le masque est replacé sur mon visage » : pourquoi combat-il masqué ?
- Les hors d’oeuvres : hors d’oeuvre


Il se dégage de ce texte une atmosphère étrange, un peu décalée. Je trouve le langage de ton héros très élaboré, mais peut-être que je sous-estime la culture des boxeurs... J’aurais bien vu cependant quelques flash-back sur le passé du champion, sa première victoire, je ne sais pas, ses rêves de gamin, pour le poser un peu plus, le sortir de l’instant présent.
La description du combat est un morceau de bravoure, surtout si tu n’es pas un habitué de ce genre de spectacle. La compilation seule des coups échangés aurait été un simple exercice de style, aride et gratuit, mais l’enchevêtrement avec les pensées du héros arrête le temps, provoque des cassures de rythme comme dans un vrai combat, et donne du sens. Le lecteur est happé, il retient son souffle comme s’il allait recevoir le coup suivant...
Le paradoxe de la fin est très fort. « Je n’ai jamais frappé aussi fort »... « Le coup ébranle chacun de mes os ». Il fait écho à la problématique du double que tu déploies tout au long du texte. Dans un sport de combat individuel, cette vision est à la fois originale et troublante. Les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre... et ta jolie Nymphe a quand même des allures de déesse de la mort...
Narwa Roquen,essoufflée...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-06-13 12:52:09 

 Le jeu des sept famillesDétails
Qu’est-ce qu’on peut ressentir quand un de nos parents est un monstre, un psychopathe froid et déterminé, aliéné dans une logique qu’il est le seul à comprendre ? Y a-t-il des gènes qui prédisposent à ce type de comportement ? Il paraît que non, qu’il n’y a pas d’inné chez les serial killers ! Ouf ! Très bien mais en ce qui concerne l’acquis ?

L’originalité de ce texte c’est l’approche indirecte de ce monstre né d’une fêlure dans sa recherche insensée de perfection. Bien vu la focalisation pathologique sur un type féminin et la redondance des dates. La fête des pères est devenue la fête de l’amer ! La fin est forme d’avertissement est délectable. Surtout que le serial killer qui se respecte est plutôt du genre macho. Ceci dit, le père avait ses raisons. Côtoyer un vétérinaire, c’est comme quand on a un percepteur dans son équipe de foot. On accepte toujours boire une bière avec lui après le match, mais on n’est jamais à l’aise à cent pour cent. Je me suis toujours méfié des gars qui prennent des gants avec les animaux ! (joke !)

L’écriture est nerveuse, sans fioritures, avec des phrases assez courtes et des paragraphes qui vont droit à l’essentiel. Pas de description inutile (ça je ne sais pas faire !). C’est une épure clinique. Seules quelques taches de couleurs : les pola et les voisins. Tout le reste respire le blanc, virginal et tombal. La consigne est respectée, le récit se lit d’une traite et même si tu mets le lecteur assez rapidement sur la piste (dès que tu parles de polaroid), on n’a envie de connaître comment va se terminer ce drame !

(...)The passion poesy, glories infinite,
Haunt us till they become a cheering light
Unto our souls, and bound to us so fast
That, whether there be shine or gloom o'ercast,
They always must be with us, or we die!


John Keats

M

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z653z  Ecrire à z653z

2011-07-08 13:41:42 

 A chaque fois que je lis ce texte..Détails
.. j'ai l'impression de l'avoir déjà commenté.
Cette fois, c'est (presque) fait.

C'est rythmé et le titre ne gâche pas le suspense.

Pour moi, avant le polaroïd, les phrases à retenir sont :
each man kills the thing he loves (j'aurais mis ces 4 lignes plus tard dans le texte).
album rouge (je ne l'ai bien remarqué que la 2e fois où il est répété)
J’ai cru qu’il me préparait une surprise (sous entendu : la découverte de l'album n'était pas prévue)
Ta mère était tellement parfaite... Tu lui ressembles de plus en plus... presque trop (à ce moment, j'ai même cru qu'il allait essayer de tuer sa propre fille dans ton histoire)
papa est sur la piste (très beau double sens : car c'est lui qui chasse et qui tue)

La lettre-confession allonge le texte mais elle introduit les dernières phrases que j'adore !

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Netra  Ecrire à Netra

2011-07-14 21:22:23 

 WA, exercice n°94, en faisant semblant de ne pas être en retard. Détails
Bon je vais commencer à embêter tout le monde avec Lou moi XD Mais je suis en manque de jdr depuis que la joueuse d'Hildegarde s'est barrée à Nice. J'espère que vous m'en voudrez pas.

Passage à situer avant Nouvelle Lune, quand Lou vivait dans la forêt, pour faire plaisir à Narwa qui veut pas qu'elle devienne vampire...

De crocs et d'acier



J'ai faim. Faim. J'ai jamais eu aussi faim de ma vie, je crois. Ça fait cinq jours que j'ai rien crapé, cinq jours... Encore deux jours à tenir avant la venue de la vieille*, la seule qui nous apporte des aumônes été comme hiver. Les autres veulent sans doute pas sortir, et ça se comprend vu comme il fait froid ! Un bon mois a passé depuis ma rencontre avec la vieille. Je fais attention, toujours, à rester invisible. Oh, y'a des fois elle sait que je suis là, mais bon. C'est à peu près à la même époque que les loups ont commencé à piller ma ligne de collets. J'en ai que sept, des collets, parce que j'en avais sept quand j'ai dû m'enfuir de Lehon et que le cuir, ça pousse pas sur les arbres. J'y tiens, et je leur réserve toujours le meilleur traitement que je peux : dès qu'on a du lard, je le passe dessus mes collets avant de le mettre à griller. Pareil pour la peau d'oiseaux, c'est un bon lubrifiant.
Sauf que depuis un mois, mes collets, ils sont vides. Non que j'attrape rien, je change les emplacements chaque jour, après de longs examens des lieux pour être certaine de mettre toutes les chances de mon côté. Bon, avant, y'avait toujours un renard pour me piquer une prise, mais cet hiver il fait si froid que c'est plus les renards qui pillent ma ligne, c'est les loups. Et les loups, non seulement ça mange bien plus que les renards mais en plus ça vit en meute. Donc ils se contentent pas d'une prise, toute la ligne y passe, tous les jours. Ah, pour sûr, ils bectent bien, les bâtards ! Ils me suivent quand je pose ma ligne et ils reviennent toujours à temps, forcément, ils sont huit ou neuf au moins pour surveiller !
Et en attendant, Bartholomey et moi, on a toujours le ventre creux. Lui, il accepte. Il prie et il dit que le Seigneur pourvoira à la nourriture. Sauf qu'il compte, comme moi, les jours qui nous séparent encore du lundi où la vieille viendra nous apporter un peu de pain et peut-être quelque chose de plus si elle peut. Depuis qu'elle sait que je suis là, je sais qu'elle essaie de mettre plus mais je veux pas. J'ai pas besoin de sa charité, j'ai besoin que les loups me fichent la paix. Et j'ai pas attendu un mois de disette pour agir. Demain, j'irai défier leur chef.
Ça fait un mois que je me prépare. Je les ai observés pendant qu'ils m'observaient, et aussi pendant qu'ils se reposaient, en me cachant d'eux des heures durant. Bartholomey n'est pas d'accord avec ce que je vais faire. Il dit que je vais y laisser la peau. Mais moi je sais ce que je fais. J'ai appris le langage des loups, et je vais aller leur parler. Défier leur chef, et l'affronter. Enfin, je vais pas tout à fait l'affronter à la loyale, j'suis pas folle non plus. Il est tellement fort qu'il m'arracherait la tête sinon.
Je regarde dehors. Il est encore tôt mais bien sûr la nuit est déjà tombée. Je prends un foulard, que je noue autour de mon cou. Pas question de mettre la cape trop grande de Bartholomey pour aller me battre ! Je prends mon dernier collet, celui que j'ai pas posé aujourd'hui, et je le défais pour avoir un lacet de cuir. Ensuite, je prends trois peaux de lapin que j'ai tannées cet automne et je les enroule autour du fourreau de mon poignard de bergère. Le poignard en question, il est dans les braises depuis ce matin. Je me suis cousue un genre de moufle en lapin aussi, pour le manier malgré la chaleur. Je peux pas y aller avec du feu, ils approcheraient pas. Mais avec ça... Je vais casser du loup !
- Je savais bien que ça finirait par arriver.
Le ton de Bartholomey me signale qu'il sait exactement ce que je fais et qu'il n'approuve pas. Ce qui ne m'émeut pas un instant, d'ailleurs.
- Je vais faire valoir mes droits sur ma ligne.
- Je le sais. Ce que je ne sais pas, c'est si tu as bien réfléchi.
- Je préfère encore crever en me battant contre un loup qu'attendre d'en faire autant, ici, de faim, j'explose. J'ai faim, Bartholomey ! Faim à en craper de la terre ! Et me dis pas que toi pas, t'as failli pas pouvoir te lever ce matin tellement t'as plus de forces !
- Nous en avons déjà discuté. J'ai suffisamment foi en Notre Seigneur pour ne pas ressentir la faim ni la souffrance comme une inutilité. Tu le sais. Mais je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter. Tu seras seule, tu comprends ?
- T'inquiète pas. Si ce que je fais est juste, alors Dieu me protégera, non ?
- Imprudent sûrement, juste il se peut... Tu as ma bénédiction. N'oublie pas cependant... tu seras vraiment seule.
J'attends pas plus longtemps, je prends mon poignard, je le colle dans son fourreau avec la lame blanchie par la chaleur et je file. Dehors, le froid me saisit jusqu'aux os. Rien à faire. Je ne reculerai pas.
Je n'ai pas fait deux pas que je sens sa présence, sombre, imposante, inquiétante. L'ange gardien de Bartholomey. Ça arrive, de temps en temps, mais là ça faisait un moment. Il tombe bien, tiens. Quand Bartholomey le voit, je ne sais pas ce qu'ils font puisque je viens jamais mais ça lui fait du bien, au vieux. Et vu son état après cinq jours de jeûne forcé...
Je m'éloigne. J'ai rien à faire avec lui. Il me tolère, sans m'approcher. Il n'a accepté de se montrer à moi qu'une seule fois. Depuis, je ne fais que sentir sa présence. Enfin, peu importe. J'ai un combat à mener. Je m'en vais dans la neige, vers la tanière de la meute.
À ma grande surprise, la présence de l'ange gardien me suit. Est-ce qu'il sait ce que je vais faire ? Bah ! Tant pis, de toute façon je le ferai quoi qu'il arrive. Il n'est pas du genre à intervenir dans ma vie... Si ça se trouve, il veut juste assister à un petit spectacle !
Je trouve la meute autour de mon premier collet. Ils m'ont volé une perdrix blanche, les saligauds ! Je gronde, le grondement sourd et menaçant d'un loup très, très mécontent. Étonnés, ils se retournent, et me regardent. Bien ! Très bien. Ça marche comme prévu.
Je regarde le chef des loups dans les yeux, rentrant la tête dans les épaules, ouvrant mes doigts comme des griffes, l'invectivant dans un aboiement rauque. Il s'avance vers moi, répondant à mon défi. Les autres forment bientôt un cercle autour de nous. Nous tournons l'un autour de l'autre, essayant de se montrer le plus impressionnant possibles, même si je sais que dans mon cas, c'est limité. Les loups sentent que je suis encore une enfant. Après tout, je viens juste d'avoir douze ans... N'empêche qu'ils n'aiment pas ça. Ils savent très bien pourquoi je suis là, et ce que je fais. Heureusement, si ça tourne mal, j'ai aussi appris comment on se soumet platement dans le langage des loups. Je préfère m'écraser devant un loup et survivre que mourir par témérité.
La présence de l'ange gardien agit aussi sur eux. Ils sont à l'aise, ils savent qu'ils ne craignent rien de lui, mais elle les excite comme elle m'excite. Le chef n'abandonnera pas. Moi non plus.
Nous nous figeons, les yeux dans les yeux. Viens-y, crevard !
La lueur glacée du clair de lune filtrée par les arbres donne à la neige un aspect d'argent quasiment fantastique. C'est beau, mais j'ai mieux à faire que regarder ça.
Nous nous jaugeons.
Et puis il se jette sur moi.
Je replie le bras gauche devant la gorge, je n'attendais que ça ! Au moment où il mord dedans, je le laisse m'entraîner pour qu'il se retrouve au-dessus de moi, laissant accès à son flanc. Je n'ai qu'un instant pour mettre mon plan à exécution ou tout perdre. Ma main droite, gantée, saisit la garde brûlante de mon poignard, le dégaine et je plante d'un grand coup sec la lame chauffée au rouge dans le ventre de mon adversaire avec un hurlement sauvage. Il piaille, gémit, et s'écroule sur moi. Je crois que ça l'a fait mourir de douleur tellement le choc a été violent. Une horrible puanteur de poils roussis et de chairs brûlées me prend au nez, me contracte mon ventre vide. C'est écoeurant ! On dirait l'odeur des mauvais bûchers de la Saint-Jean, l'année où il y avait que du bois mouillé et qu'on l'avait arrosé de suif liquide pour l'enflammer. Je pousse le cadavre et je m'extrais de dessous. J'ai le visage, le bras et les vêtements en sang, sans parler de la dégaine que tire mon poignard. Le reste de la meute me toise avec incompréhension. Ils ont du mal à croire leur chef mort. Je demeure là, à côté du corps. Je dois être la dernière à quitter les lieux si je veux vraiment signifier que j'ai gagné. Maintenant que l'excitation du combat retombe, j'ai froid.
Finalement, un par un, ils s'en vont queue-leu-leu. Je reste seule avec la dépouille du chef. J'en enlève mon poignard. C'est là que je comprends. Il manque un détail, en bas du ventre.
Une louve. J'ai affronté une louve.
J'avais bien remarqué qu'il y avait deux chefs loups, mais elle semblait toujours plus importante que l'autre... Je comprends maintenant. C'est à cause des bébés. Est-ce qu'il y aura une portée de bébés loups au printemps ?
J'ai le ventre qui gargouille. C'est bien le moment, tiens ! Je soupire, et puis je hisse le cadavre sur mes épaules en le tenant par les pattes de devant. Je m'en ferai une couverture, j'en ai qu'une petite que Bartholomey me cède que l'hiver... Avec elle, j'aurais plus froid ! Et puis, peut-être que dans mes rêves, je la retrouverai et je pourrai lui demander pardon. Mais c'est une question de survie. Si j'avais su, j'aurais tué le mâle.
Je reprends le chemin de l'ermitage, et je sens la présence de l'ange gardien disparaître au-devant de moi. Il aura le temps de voir Bartholomey avant que j'arrive, je suppose. Le retour, pieds et tête nus dans la neige, chargée d'un poids qui refroidit vite et blessée au bras, est long et douloureux. Peu importe. Demain, je mangerai.
Le vieux m'attend sur le seuil de la porte. Il me sourit. Je rentre, laissant la dépouille du loup sous l'appentis, derrière les bûches. Elle est trop lourde pour qu'une bête l'emporte et il gèle trop pour qu'elle soit encore mangeable demain matin.
Bartholomey a sorti le vinaigre et les plantes médicinales. Il en profite pour m'apprendre un cataplasme pour les blessures profondes.
- Tu vas avoir une belle cicatrice, mon enfant !
- Bah, ça sera pas la dernière...**


* La vieille : une paysanne âgée qui fait l'aumône chaque semaine à l'ermite Bartholomey, chez qui Lou a trouvé refuge. Lou l'a rencontrée une fois mais comme elle ne veut pas être vue, elle l'évite.
** Pour la petite histoire, lors d'une partie Erik a corrigé Lou à coup de griffes, depuis elle a une énorme cicatrice dans le dos ^^'
Netra, 30 pages de background et pas la moitié d'écrit... Si le MJ bute ma p'tite Lou, j'l'assassine.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2011-07-17 20:04:00 

 Commentaire Netra, exercice n°94Détails
Flash back sur les aventures de Lou. Quelle vie pour une gamine de 12 ans ! On est impressionné par son courage, ses techniques de survie et sa résistance ! Le fond de l’histoire est riche, il y a de la matière, de quoi nous emmener sans réticence dans ces contrées sauvages...
Mais la forme ! Allez, dis-moi que tu ne t’es pas relu !
D’une part, la consigne était « un texte coup de poing » ( ce qui bien entendu ne veut pas forcément dire « bagarre »). Pas une rupture de rythme, des tonnes de discours indirect, pas une surprise (à part le sexe du loup). Tu racontes. Ou plutôt tu jettes là, sans aucun des effets de style que tu sais pourtant bien manier.
D’autre part, c’est truffé de répétitions :
- le verbe savoir (tous temps confondus) apparaît 13 fois, et souvent d’une ligne à l’autre
- je les ai observés pendant qu’ils m’observaient
- dans le même paragraphe : 4 fois « je vais »
- je prends : un foulard, mon dernier collet, 3 peaux
- j’ai rien à faire... je ne fais que sentir... ce que je vais faire... je le ferai ( en 8 lignes)
- je le laisse m’entraîner... laissant accès à son flanc


Plus quelques maladresse :
- qu’attendre d’en faire autant, ici, de faim, j’explose : trop haché
- me contracte mon ventre : contracte mon ventre
- le retour, pieds et tête nus dans la neige, chargée... est long et douloureux. La phrase est trop longue, et la distance entre le sujet et son verbe gâche la fluidité


Plus un petit « s » de trop à « j’aurais plus froid » : c’est un futur

Plus une question : pourquoi fait-elle chauffer la lame ?


Pour un premier jet, d’accord. Mais le travail essentiel de l’écriture c’est de se poser les bonnes questions, et d’y répondre.
- qu’est-ce qui est au premier plan ? Le Monde ou les personnages ?
- est-ce une histoire d’action ou de réflexion ?
- quels sentiments ou quelles réflexions ai-je envie d’inspirer au lecteur ?
- quels moyens je me donne pour réaliser mes objectifs ?

Tu ne peux pas être satisfait tant que tu n’es pas sûr de ne pas pouvoir faire mieux. Quelquefois il faut tout reprendre, commencer différemment ou à un autre moment de l’histoire, finir différemment, changer de point de vue... L’histoire est ce qu’elle est. Mais il y a toujours plusieurs façons de la raconter. Il faut choisir la tienne en fonction de ta personnalité, certes, mais aussi pour une efficacité maximale , selon ce que tu veux exprimer ou faire ressentir.
J’ai l’impression de radoter, et en aucun cas je ne prétends y réussir moi-même chaque fois. Mais ça ne coûte rien d’essayer...

C’est sympa que tu fasses revivre un peu la WA engourdie dans les langueurs de l’été. Mais si tu t’imagines que tu vas pouvoir brader ton talent avec ma bénédiction, tu te mets la harpe dans l’oeil...
Narwa Roquen,remontée comme une horloge!

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Netra  Ecrire à Netra

2011-07-17 21:12:49 

 Ah ben cette foisDétails
Le commentaire ne s'est pas fait attendre ^^'

Bon oui j'avoue : c'est le premier jet. Comme je suis en saison depuis mi-mai j'ai plus trop de temps mais je voulais poster quand même alors...
Je vais essayer de reprendre ça entre deux concerts, promis.

Edit : J'ai oublié... La lame, elle la fait chauffer à blanc, parce que ça fait tellement mal de se faire brûler les chairs qu'elle espère bien n'avoir qu'un seul coup à donner pour gagner, que ce soit en tuant ou non son adversaire, sinon elle est morte. Une môme de douze ans affamée n'a pas du tout la force physique d'un loup adulte ^^'
Netra, en saison, en Bretagne *-*

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z653z  Ecrire à z653z

2011-07-19 13:04:30 

 histoire courteDétails
Une histoire concise avec un début, un combat, une fin sans trop de surprises, dommage.
Quelques phrases un peu longues mais c'est assez rythmé.
"Elle est trop lourde pour qu'une bête l'emporte et il gèle trop pour qu'elle soit encore mangeable demain matin." -- Je ne comprends pas la 2e partie de la phrase. Pourquoi ne l'emmène-t-elle pas dans la maison ?

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Netra  Ecrire à Netra

2011-07-20 23:06:39 

 Parce qu'un cadavre... Détails
... ça pue et ça attire la vermine, surtout dans une maison dans laquelle il y a un feu ^^' Dehors, ça peut schlinguer, on s'en fout.

Bon il faut que je refasse la fin, parce qu'il y a un truc que j'ai pas bien expliqué, c'est le choc que ça a fait à Lou de découvrir qu'elle a combattu une mère. ça lui a carrément fait changer d'avis sur son acte en réalité.

Mais pitié, pas avant la semaine prochaine...
Netra, en saison, en Bretagne *-*

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