Version HTML ?

Messages FaeriumForum
 Ajouter un message Retour au forum 
 Rechercher un message Statistiques 
 Derniers messages Login :  S'inscrire !Aide du forum 
 Masquer l'arborescence Mot de passe : Administration
Commentaires
    Se souvenir de moi
Admin Forum 
 Derniers commentaires Admin Commentaires 

  WA - Participation exercice n°91 (edit) Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Vendredi 8 avril 2011 à 12:14:14
Il y a quelques éléments de discours indirect mais pas facile au long cours!




It's a long way home



Une bande-son...

IIl avait trahi les siens. Le seul fait d’y penser le rendait malade. Une envie de vomir qui lui soulevait le coeur. Il avait trahi les siens au plus profond de la forêt, là où une armée entière pouvait disparaître sans laisser de trace. Les cris avaient décru pendant qu’il courait vers l’orée du bois. Il avait émergé seul du sombre manteau forestier. Dans son dos, la bataille était terminée. Qu’ils soient tous maudits, jusqu’au dernier. Quand il était ressorti à la lisière, il avait étendu ses bras vers la lumière retrouvée malgré la douleur sous l’omoplate. Ce n’était pas en signe de victoire. C’était une renaissance après beaucoup de souffrance. C’était une façon d’exorciser le passé. La chaleur du soleil lui avait réchauffé le visage. Il avait trahi les siens. Il l’avait fait. Les cris des agonisants avaient diminué d’intensité au fur et à mesure qu’il s’éloignait du carnage. Mais dans ses oreilles résonnaient toujours le froissement du métal contre du métal, le bruit écoeurant des corps déchirés, le fracas des lourdes haches qui fauchaient encore et encore et les sifflements aigus des flèches décochées à la volée. Ses oreilles étaient pleines de fureur, de rage et de peur.

Elle comprendrait. Elle le comprendrait, il en était persuadé. Elle l’avait toujours soutenu envers et contre tous. Il laissa ses mains effleurer les hautes herbes. Un mince filet de sang s’écoulait de sa manche gauche, gouttant au bout de ses doigts. Un ultime cadeau. Ils avaient mérité le châtiment qu’il avait fait s’abattre sur leurs têtes. Ils avaient péri dans la clairière près de la rivière. Tous. Les grands seigneurs dédaigneux qui toisaient quiconque du haut de leurs pâles destriers et les hommes d’armes marchant en cadence derrière les gonfalons festonnés d’or et d’argent. Ils avaient tous mérité de mourir. Il avait été l’instigateur du destin impitoyable déchaîné sur leurs têtes. Il irait lui expliquer. La marche serait longue et pénible et il ne lui restait que peu de forces mais il la rejoindrait avant. Il se mettrait à genoux pour lui décrire chaque détail de sa vengeance. Elle l’écouterait avec attention, comme elle l’avait toujours fait.

La forêt bruissait d’une rumeur sourde et inquiète. Il se retourna. Une longue plainte où se devinait un nom. Son nom. C’était un vent tragique qui semblait l’appeler depuis les rameaux ruisselants des vieux saules penchés. Ces pleureurs rapporteront longtemps ce qui s’est passé là-bas, au plus profond de la Grande Forêt, près de l’eau courante. Ils plongeront avec délice leurs longs doigts blêmes et verts dans l’onde frémissante pour écouter les morts allongés dans le lit de la rivière, prisonniers des remous et des longues herbes sous-marines. Ils se nourriront de leur colère et de leur désespoir, de leur chair et de leur sang pour accroître leur noir pouvoir et piéger les voyageurs imprudents. Il avait trahi ses propres frères, ceux de son sang. Il hoqueta de douleur quand la crampe mordit à nouveau son estomac. Il chancela. Ils étaient tous morts à présent. Nobles nés et roturiers. C’est ce qu’il désirait depuis si longtemps. Ils avaient payé leur dette envers lui. Principal et intérêts. Ils avaient réparé de leur vie le tort qu’ils lui avaient causé. Qu’ils pourrissent tous loin de la lumière et loin de leurs Dieux. Elle lui pardonnerait puisqu’elle l’aimait. Elle comprendrait. Il trouverait les mots et saurait la convaincre. Du reste, ne lui avait-il pas confié son projet? Elle n’avait pas protesté, se contentant de couler vers lui son regard minéral. Alors en toute bonne foi il avait continué, certain que sa cause était juste.

Il gravit une éminence herbeuse qui dominait la forêt. De cet observatoire naturel, il pouvait distinguer les tours d’un fier château dans le lointain. La citadelle du Roi. Il était bien trop loin pour en distinguer tous les détails bien sûr. Elle était certainement au sommet de la plus haute tour, guettant l’horizon. Elle, la Reine. Il souhaitait vraiment qu’elle soit là. Elle devait être tellement impatiente de voir son souverain et époux s’avancer en majesté sur la large voie gazonnée menant au pont-levis. Elle sera déçue. Sa vie entière passerait à attendre et chaque soir quand elle s’assiéra devant son miroir, elle verrait s’éteindre par degré son espoir. Elle surprendra son image se ternir, ses trait se creuser et elle peignera en gris ses cheveux d’or. Son Roi ne viendra pas. Son Roi ne viendra plus. Il est tombé au milieu du gué, frappé dans le dos par plusieurs traits empennés de noir. Il est tombé sans un cri dans une gerbe d’éclaboussures. Et quand il a touché l’eau, des haches acérées se sont abattues sur lui jusqu’à ce que l’onde devienne rouge d’une rive à l’autre. Son écuyer a été désarçonné par des pattes griffues et frénétiques. Son jeune âge n’a pas ému ses bourreaux qui ont traîné son corps au bout d’une pique. Ils se croyaient invulnérables et ils ont suivi aveuglément leurs éclaireurs. Pauvres fols.

Dans son souvenir, ils étaient tous présents dans la grande salle capitulaire, alignements d’atours magnifiques et de cuirasses polies comme des miroirs. Il avait ployé le genou à dix pas du trône. Ils avaient ricané quand il en avait appelé à la Justice du Roi. Ils avaient osé ricaner confortés par la grimace de offusquée de la Reine. C’est elle qui avait détourné l’attention de son époux lorsqu’il avait voulu prendre la parole. Alors le Roi, parangon de sagesse et d’équité, avait lâchement détourné le regard, laissant à l’Intendant la charge de rendre son verdict. Ce verdict qui ruinait son existence. Le refus et l’exil. Les hauts seigneurs ricanèrent encore quand il était reparti tête basse, entre la haie de vertugadins rutilant de pierreries. Il avait tressailli quand les gardes avaient croisé bruyamment leurs hallebardes après qu’il eût franchi le seuil. C’est la Reine qui a perdu son Roi. Elle seule. Il faut donc qu’elle vive pour souffrir le reste de son existence. Il faut qu’elle vive pour qu’il soit enfin satisfait.

Il sentait dans son dos les blessures à peine refermées infligées par ses tourmenteurs. Il avait souffert, écartelé entre deux poteaux dressés près des fosses communes. Il avait enduré humiliations et sévices durant de longs jours, gardant au plus profond de son coeur son doux visage comme une raison de vivre, une raison de résister. De tenir jusqu’au moment où ils vinrent le détacher. Les shamans l’écoutèrent, pétrifiés au sein de leur transe sacrée et enveloppés dans de délétères nuées sous la tente des Magies. Ils virent au-delà des mots qu’il prononça d’une voix étranglée, avec une lance pointée droit sur son coeur, prête à s’enfoncer dans sa poitrine au moindre signe des sorciers aux têtes de sangliers. Ils l’écoutèrent gravement et quand il se tut, ils firent signe aux gardes de le rattacher au pilori. Il entendit plus tard les tambours rouler comme gronde un tonnerre distant, appelant les chefs de guerre à se rassembler pour le conseil. Il sut qu’il venait de vendre une armée aux ennemis acharnés de son peuple. Il venait de vendre son Roi. Qu’il meurt donc puisqu’il est resté sourd à sa supplique, préférant suivre l’avis aveugle et mesquin de son épouse. Il ne l’avait pas voulu pour fils? Alors qu’il paie le prix de sa douleur.

Les barbares l’avaient forcé à les suivre sur les lieux de l’embuscade. Ils l’avaient bâillonné, craignant qu’au dernier moment il ne donne l’alarme, mesurant la folie de son geste. Ils l’avaient ligoté à un tronc d’arbre d’où il avait assisté, invisible, à l’assaut impitoyable. Il vit les premiers rangs brillant d’argent de l’armée royale culbutés et emportés par la vague déferlante et rugissante. Il vit les chevaliers nue tête éperonner en vain leurs montures pour les précipiter sur les cordes tendues entre les arbres. Il entendit les hennissements de douleur des destriers, leurs antérieurs tailladés par de longues faux. Il vit leurs cavaliers chuter lourdement dans la glaise molle du sentier, comme de gros insectes pathétiques roulant parmi les hautes fougères. Il entendit un cor entonner la retraite avant que le fil d’un glaive ne coupe brutalement son appel inutile. Quand ils le décidèrent, ils le détachèrent et le laissèrent partir non sans lui avoir versé le prix de sa trahison. Le prix qui s’écoulait à présent goutte à goutte de sa manche gauche. Il s’éloigna du champ macabre pendant qu’ils accomplissaient leurs coutumes abjectes, armés de longs coutelas.

Il chassa ces images où le sang coulait plus fort que la rivière. Il ne regrettait rien. Il ne prit pas la large route pavée de dalles blanches menant au Château. Il s’engagea sur la petite voie qui, au pied des collines, s’enfuyait vers le sud. Il rentrait chez lui. Il n’avait pas le droit de fouler les parages du royaume. Il y était persona non grata. Exilé, avait articulé d’une voix forte l’intendant royal. Les gens d’armes et les sergents avaient reçu l’ordre de s’emparer de lui s’il tentait de franchir la frontière. Mais cela lui était indifférent. Il y avait une dernière chose qu’il devait faire au Château. Mais l’heure n’était pas venue. Il avait une obligation plus pressante, plus puissante à remplir.

Ses pensées accélérèrent le temps, galopant sur le chemin poussiéreux bien plus vite que lui, avalant une lieue là où il faisait un pas. Il fusa en pensée le long de carrières escarpées, traversant des bourgs où des fantômes flous se mouvaient au ralenti. Les couleurs bavaient autour des contours des objets et des silhouettes. Il fila mentalement droit vers sa destination. L’amour pouvait faire de tels miracles. Et son amour était tout ce qui lui restait. Il avait tiré un trait définitif sur son passé et son avenir. Il vivait au présent désormais. Seuls les morts vivent au présent, les vivants en sont prisonniers. Il devint une hirondelle volant vers l’objet de son désir. Il s’éleva dans les airs, libéré de tout poids. Pur esprit, il sentit la fraîcheur du soir caresser son front, caresse fluide et douce. La campagne ordonnée des hommes alignait ses rectangles multicolores et ses futaies jusqu’à l’horizon circulaire. Il découvrit des étangs inconnus et des lacs aux eaux dormantes. C’étaient autant d’yeux limpides où se réfléchissait le ciel chamarré, des yeux limpides qui le suivaient dans son vol. Des yeux amicaux et compréhensifs. Son corps physique se faisait moins présent tandis que ses pensées accentuaient encore leur emprise sur sa perception du temps et des choses.

Il touchait presque au but. Il y avait une petite ferme au toit de chaume et aux murs d’adobe, assoupie près d’un torrent qui dévalait des montagnes toutes proches. Il y avait aussi un grand arbre qui se dressait dans le contre-jour, un grand arbre sous lequel ils s’étaient aimés, au sein de la nuit complice. Il toucha le sol aussi légèrement qu’un oiseau sur la branche. Elle attendait son retour. Il était resté absent bien trop longtemps. Le coeur battant, il s’avança vers la porte, environné des parfums vespéraux de cette fin d’été. La lumière déclinait à présent, allongeant les ombres et les rendant plus consistantes. Le soleil s’enfonçait derrière les sommets, embrasant leurs crêtes d’une ligne de feu scintillant. Il éprouvait chaque sensation bien plus précisément que s’il avait été physiquement présent. Il oublia peu à peu qu’il continuait de marcher, ne prêtant aucune importance aux messages que lui adressait son corps épuisé. Et vint le moment où il ne put faire de différence entre le rêve et la réalité. Alors sans regret, il abandonna cette dernière, trop grise et trop lente. Il était là où il voulait être et rien dans ce qu’il apercevait ou ressentait ne présentait la moindre anomalie. Il était de retour à la maison. Ce qui l’entourait était aussi réel que son amour pour elle. Il franchit les derniers pas qui le séparaient de la porte.

La pénombre l’accueillit quand il pénétra dans l’unique pièce de la fermette. Les volets étaient tirés. Elle n’était pas là. Il l’appela mais seul le silence répondit à son appel, un silence étrange et déroutant. Il l’appela à nouveau. Il avait tant à lui dire, pelotonné tout contre elle. Il voulait libérer son coeur et son âme. Mais elle ne dit rien. Il s’approcha de l’âtre. Il était froid et nu. Il s’approcha du lit. Elle n’y reposait pas endormie. Les draps avaient glissé par terre. Cela ne lui ressemblait pas. Il ressortit. Il laissa la porte ouverte. Il ne toucha pas non plus au poignard profondément fiché dans le bois de la table.

Il se dirigea vers l’arbre. Elle l’y attendait. Il aurait dû y penser plus tôt. Quel autre endroit aurait-il mieux convenu à leurs retrouvailles ? Il pressa le pas. Il avait hâte de lui dire combien elle lui avait manqué, combien il l’aimait. Il était impatient de terminer tout cela. Elle était là, aussi radieuse que dans son souvenir, adossée au tronc puissant qui portait une ramure non moins imposante. Il l’enlaça tendrement et elle fondit entre ses bras. Il attacha ses yeux aux siens.

« Mon amour, ne m’en veux-tu pas trop d’avoir autant tardé? » Son coeur battait à tout rompre. Il avait du mal à trouver sa respiration et ses jambes flageolaient sous lui, comme s’il avait couru au-delà de ses forces. Il oubliait quelque chose mais ne parvenait pas à s’en souvenir.

Elle lui sourit, un sourire fragile et merveilleux. Elle fit de la tête un signe de dénégation. Elle avait noué le foulard en soie qu’il lui avait offert et qui rehaussait superbement la ligne souple de son cou de biche. Elle s’écarta de l’arbre et doucement se dégagea de son étreinte. Elle lui prit la main et l’entraîna de l’autre côté de l’arbre cyclopéen.

« Où m’amènes-tu ? »

A nouveau, elle ne lui répondit pas. Elle mit un doigt sur ses lèvres pour lui intimer de ne pas poser de question. Il ne pouvait pas lui résister. Il voulut embrasser ce doigt mutin qui lui échappa aussi rapide et léger qu’une libellule.

Il y avait un banc de pierre tout simple faisant face au levant. Un banc d’un seul tenant, sans dossier et à la large assise. Il sentit naître en lui un inexplicable malaise. Il n’avait aucun souvenir de ce banc. Elle le poussa pour qu’il s’asseye et un froid minéral s’insinua en lui peu à peu. Elle s’assit à ses côtés et l’enlaça à son tour. Elle pesa dans ses bras et ils se retrouvèrent presque allongés sur la pierre glaciale. Elle lui souriait constamment, l’embrassa de mille baisers qu’elle piquait sur son visage, ses yeux, ses joues, ses lèvres ou ses oreilles. Ses grands yeux ne quittaient pas les siens et il plongeait dans leur or lumineux où l’amour pétillait jusqu’à l’ivresse. Un sentiment de détachement hypnotique s’empara de lui. Il était si bien contre elle, caché dans l’ombre épaisse du crépuscule qui s’avançait. L’arbre millénaire déployait sur leurs têtes ses branches qui formaient une cathédrale bruissante et vivante. Elle se redressa au-dessus de lui et détacha lentement le foulard soyeux qui entourait sa gorge. Horrifié, il découvrit la large déchirure qui mutilait son cou de part en part. Les souvenirs affluèrent dans sa mémoire. La fuite du palais. La poursuite. La liberté. Ils avaient cru en cette liberté. Ils s’étaient aimés tout au bout du monde, pensant naïvement que la Reine ne les retrouverait pas. Et le sinistre jour où revenant de la chasse, il l’avait découverte sans vie. Cyniquement, l’Assassin du Roi avait signé son forfait, son odieux poignard planté bien en évidence au centre de la table, la pointe dentelée transperçant son épaisseur. Il semblait que le bois pleurait des larmes de sang.

Elle se pencha sur lui et posa un long baiser sur ses lèvres. Elle maintint cette douce pression qu’il ne voulait briser pour tous les trésors de la terre tandis que leurs formes, perdant consistance, s’enfonçaient lentement dans la pierre, réunies à jamais au plus profond des ténèbres.

Bien loin de là, un corps s’affaissa sans vie et roula dans le bas-côté boueux. Quand il s’immobilisa, face contre terre, un reflet de cendres joua sur sa chemise trempée de sang où baillait une fine déchirure juste sous l’omoplate.


M


  
Ce message a été lu 7561 fois

Smileys dans les messages :
 
Réponses à ce message :
3 petite réponse - z653z (Ven 29 avr 2011 à 13:42)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°91 - Narwa Roquen (Jeu 14 avr 2011 à 23:33)
       4 Explications. - Maedhros (Dim 17 avr 2011 à 12:53)
              5 Histoires de famille - Narwa Roquen (Dim 17 avr 2011 à 16:28)
                   6 La super-glu - Netra (Lun 18 avr 2011 à 19:46)
                       7 Merci! - Narwa Roquen (Mar 19 avr 2011 à 14:13)


Forum basé sur le Dalai Forum v1.03. Modifié et adapté par Fladnag


Page générée en 800 ms - 397 connectés dont 2 robots
2000-2024 © Cercledefaeries