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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Jeudi 19 aout 2010 à 18:01:49
7 – LE PIEGE



J’ai levé les yeux sur le tableau. L’apparition se précisait, envahissant peu à peu la toile. Elle prenait forme et contenance. Sa présence altérait subtilement l’équilibre tonal et pictural de la composition. La lumière se faisait plus rare, éteignant les couleurs du ciel et tissant une atmosphère morne et grisâtre. Mon reflet paraissait plus emprunté encore. Son maintien devenait, comment dire, moins naturel, presque forcé. Mon visage et mes mains prenaient une teinte maladive, jaunâtre, cireuse. Je souriais mais on aurait dit que ce sourire avait été taillé par je ne sais quel instrument de torture. Un sourire douloureux et désespéré.

Les symptômes s’aggravaient. Ce que j’avais appris sous les Alpes se confirmait. Je devais craindre trois choses. Une femme, les miroirs et ce foutu tableau. Le masque n’était qu’un vecteur. Quand j’étais en Grèce, elle m’avait parlé de deux femmes. La Perse et la Grecque. De laquelle des deux devais-je me garder ? Est-ce qu’elle était aussi celle du tableau ? Pourquoi les miroirs ? Et quelle est l’autre femme, celle que je croise au gré de mes voyages insolites ? Il fallait que je retourne au jardin du Luxembourg. Elle saurait m’aider, d’une façon ou d’une autre.

Alors que je m’apprêtais à sortir, Louis, qui devait surveiller le vestibule, se présenta à moi :

« Monsieur, avant que vous ne repartiez, pourrais-je vous rendre compte des résultats de mon enquête sur l’expéditeur du tableau ? »
« Je t’écoute mais fais vite, je suis pressé ! »
« J’ai appelé mes contacts les plus à même de m’aider dans ce genre de circonstances. J’ai pu remonter d’abord la piste jusqu’à une société basée à l’étranger, en Grèce pour être précis, une société tout à fait légale, respectable, avec pignon sur rue. Mais elle n’était qu’un intermédiaire. Elle agissait pour le compte d’une fondation située, elle, en Crète. A partir de là, la piste s’évanouit. »
« La fondation porte bien un nom ? »
« Bien sûr, la Fondation 4-6 ! »
«4-6 ? Drôle de nom ! Qui la contrôle ? »
« Je me suis cassé les dents sur le montage juridique, le droit en vigueur localement étant assez laxiste. Tout ce que j’ai réussi à obtenir, c’est qu’elle dispose de capitaux très conséquents et d’un patrimoine foncier considérable. »
« Il y a bien des statuts, un conseil d’administration, des dirigeants, des impôts payés non ? »
« Mes contacts continuent leurs investigations mais malgré le prix qu’ils réclament pour leurs prestations, ils avouent à demi-mot qu’ils ont peu d’espoir pour remonter jusqu’au véritable expéditeur. »
« Ne les lâche-pas . Reste sur leur dos et continue, c’est très important. Appelle nos amis de l’ambassade en tant que de besoin. Autre chose, décroche immédiatement tous les miroirs de l’hôtel ! »
« Les... miroirs ? »
« Ne cherche aucune justification plausible, il n’y en a pas. Fais-le, tout simplement ! »
« Bien Monsieur, je m’y mets tout de suite ! »

Dehors, la pluie s’était arrêtée et les trottoirs luisaient sous le soleil. Le jardin n’était pas bien loin, un petit quart d’heure de marche, à peine. Je tournais le coin de l’avenue pour m’engager sur le passage protégé quand un fourgon de livraison freina à ma hauteur. J’ai senti une très légère piqûre au cou et après... le trou noir.

Je me suis réveillé assis sur un fauteuil, ligoté et menotté au milieu d’un bureau sans fenêtre. Il pouvait tout aussi bien être situé au trentième étage d’une tour de la Défense que très profondément enfoui sous Paris. Ou ailleurs du reste. Les murs étaient nus et le mobilier se résumait en tout et pour tout à quelques chaises de métal, un bureau au style anonyme et à un canapé de tissu collé contre une paroi. Pas de téléphone. Un ordinateur portable trônait sur le bureau qui me faisait face. Sur une petite table basse, la verseuse d’une grosse cafetière était remplie à moitié. Le plafond était maillé de diodes basse intensité qui inondaient la pièce d’une intense lumière artificielle aplatissant les perspectives.

Ils étaient quatre, attendant visiblement mon réveil. Trois hommes et une femme. Jeunes excepté celui qui m’apparut d’abord comme leur chef, avec ses cheveux poivre et sel coupés courts. Ils affichaient tous des airs déterminés et à leur façon de se tenir, j’aurais parié q’ils avaient tous un passé militaire. Ils étaient vêtus sobrement, sans aucun signe distinctif. La femme aurait pu être séduisante en d’autres lieux. Oui. Sans aucun doute.

«De retour parmi nous Monsieur Commènes ? Ne vous inquiétez pas, la substance qui vous a été administrée est totalement inoffensive !»

Comme je m’y attendais, c’était l’homme aux cheveux gris qui avait parlé, assis derrière le bureau, en face de moi.

«On verra ce qu’en penseront mes avocats ! Aurais-je droit à une explication? J’imagine que ce type d’arrestation n’est pas couramment utilisé par la police française ?»

«Nous ne faisons pas partie de la police. Ni française ni d’aucun autre état. Mais vous le saviez n’est-ce pas ? Et puis les avocats, comment vous y allez ! Les avocats, il faut qu’ils aient quelque chose à plaider. Or, ici aucune juridiction n’est compétente. En fait, nous n’existons pas ! »

«Vous allez me tuer ? »

Compte tenu de la situation, la question m’avait paru logique même si je m’évertuais à essayer de comprendre dans quel pétrin je m’étais fourré. Mon argent ? J’étais riche mais pas ostensiblement. Il fallait écarter cette hypothèse. En outre, la France, ce n’est pas le Mexique. Une autre Famille ? Inconcevable. Elles ne formaient pas une sorte de Mafia : pas de territoire à protéger ou à conquérir. Alors quoi? Une erreur sur la personne? La probabilité était quasi-nulle compte tenu du professionnalisme dont avaient fait preuve ceux qui me détenaient. Alors pourquoi bon sang ? Je ne vous cacherai pas que je n’étais pas très à l’aise à ce moment.

« Cela fait partie des options » me répondit-il tranquillement « En fait, cela dépend de vous. De la façon dont vous allez coopérer avec nous. »

« Mais pourquoi m’avez-vous enlevé ? Je ne détiens aucun secret stratégique et je ne suis d’aucune valeur particulière. Si vous en voulez à mon argent... »

Il ne me laissa pas finir.

« L’argent ne nous intéresse pas Monsieur Commènes. Il y a par contre des secrets qui nous intéressent. Ils ne sont ni militaires ni industriels. Des secrets que votre famille conserve précieusement. Vous voyez de quoi je veux parler ?» Il avait délibérément appuyé sur le mot « famille ».

« Pas du tout ! » Mon ton était parfaitement lisse et naturel. « De fait, ma famille est réduite à sa plus simple expression. Mes parents ont disparu voici de nombreuses années et aujourd’hui deux ou trois cousins éloignés sont ma seule famille! »

L’homme se leva et s’appuya contre le bureau. Son visage affichait un air narquois :

«Monsieur Commènes... Monsieur Commènes.. Tout cela est extrêmement sérieux. Croyez-vous que nous ignorons à ce point qui vous êtes ? »

« Non, je crois que vous en savez pas mal en fait. Vous savez que je m’appelle Hippolyte Commènes et que je viens d’avoir trente ans. Que je suis français. Vous savez où j’habite, que je suis titulaire d’un permis de conduire B et d’un permis moto. J’ai un abonnement à la RATP et plusieurs cartes bancaires haut de gamme. Enfin toutes ces choses qui figurent dans tout bon portefeuille de nos jours ! »

L’homme secoua la tête. Tout en se remettant debout, il empoigna d’une seule main une chaise qu’il abattit violemment juste devant moi. Il s’assit dessus à califourchon et il aboya en me tendant un doigt menaçant :

« Bon, fini de jouer les boy-scouts ! Je sais et tu sais que tout ça n’est que de la poudre aux yeux. La firme et tout le reste. Cela fait longtemps que nous attendions ce moment. Crois-tu qu’il n’y a personne qui soupçonne votre existence ?»

C’est à ce moment que j’ai compris qu’il n’était finalement pas le chef d’un commando de barbouzes, non. Il jouait dans un autre registre. Ses acolytes devaient être des surveillants et il était l’Inquisiteur. Il me fallait regarder les choses telles qu’elles étaient désormais. Nous sommes formés très tôt pour gérer ce genre de situation. Nos familles n’ont pas traversé les âges impunément sans développer des techniques défensives élaborées. Si je n’avais été troublé par tout ce qui m’arrivait, jamais ils n’auraient eu la moindre chance de me piéger. Je n’ai pas vu les signes. J’ai été négligent. Ils devaient me surveiller depuis longtemps. Je leur avais offert une occasion rêvée sur un plateau d’argent.

Une pensée me traversa l’esprit et je blêmis d’un seul coup. L’Inquisiteur se méprit sur ma réaction, pensant qu’il m’avait touché à la fin de sa dernière attaque.

« J’ai été inconscient longtemps ? » demandai-je assez crispé.
« Le temps nécessaire pas une minute supplémentaire superflue. Le temps de procéder à certaines vérifications. »

Je ne pouvais rien faire. Je ne pouvais pas m’assurer que le masque était encore sur moi. Je n’éprouvais cependant aucune gêne. Cela impliquait le fait qu’il n’était pas bien loin. Je serais malhonnête si j’affirmais qu’à cet instant précis, le sort de la Famille m’importait.

« J’avais un objet dans l’une de mes poches ! » Il me fallait en avoir le coeur net.
« Ah oui le masque... Un bien curieux masque.. Odile ? »

La jeune femme vint s’attabler devant l’ordinateur et après quelques mouvements de souris, lut d’une voix exagérément atone :

« Nous l’avons analysé. En fait, la matière n’a rien à voir avec du plastique polymère, du tissu ou toute autre matière d’origine animale, comme le cuir par exemple, ou végétale. En fait, elle ressemble beaucoup à la peau humaine, enfin à celle des momies égyptiennes. Les rapides analyses ont démontré la présence d’éléments keratinocitaires, de desmosomes et de spores de micro-organismes, habituellement retrouvés dans la peau momifiée. Mais s’y ajoutent aussi des structures monocellulaires étranges et inconnues. La résistance aux contraintes de cette matière est tout bonnement hors de portée de la technologie actuelle. Toutefois, notre installation ici est assez rudimentaire et le temps à ma disposition assez bref. Avec des équipements plus sophistiqués et des procédures plus soutenues, il sera sans doute possible d’en savoir plus. Mais d’ores et déjà, il est possible d’affirmer que ce masque est à lui seul une énigme scientifique majeure! Quand je l’ai porté...»

« Vous avez... vous avez... mis le masque... sur votre visage? » Je ne suis pas parvenu à maîtriser totalement le tremblement dans ma voix.

« Bien évidemment ! Il se plaque contre le visage comme s’il y était collé par une charge électrostatique. C’est une sensation curieuse. Il n’est ni chaud ni froid et devient très confortable. Comme une seconde peau. Même en secouant vigoureusement la tête, il n’a pas été décroché. Par contre, peu après, j’ai ressenti des picotements cutanés qui me parcouraient les joues, le front, le menton et le front. Comme des décharges électriques microscopiques en vagues successives... c’est très dur à décrire. Mais je n’ai trouvé aucune trace sur ma peau quand j’ai retiré le masque. Je pense que c’est une mine pour nos laboratoires !»

L’Inquisiteur poursuivit :

« Vous voyez bien M. Commènes. Un masque qui semble être étranger à notre civilisation. Et où l’avons-nous trouvé ? Dans votre poche. »

Sa voix se fit toute doucereuse :

«Je crois deviner ce qui vous inquiète. J’ai besoin d’informations et je peux vous garantir que si vous me confiez ce que vous savez, je saurai vous mettre à l’abri. Nous avons un programme pour cela. Vous aurez une nouvelle vie, une nouvelle identité et vous vivrez dans un endroit paradisiaque que nous contrôlons de A à Z. Loin d’ici, vraiment loin d’ici. Vous y serez définitivement hors d’atteinte de quelconques représailles que vous pourriez redouter si vous coopériez ! »

Le jeu ne m’a plus amusé. J’ai abrégé cette pitoyable mascarade.

« Cher monsieur, je ne pense pas que ce que vous m’offrez puisse m’intéresser ! Et je n’ai à vendre, ni à échanger ! »
« J’étais persuadé que vous réagiriez ainsi Monsieur Commènes. Je leur avais dit mais ils n’ont pas voulu entendre. Il y a toujours deux méthodes. La bonne et la mauvaise. Nous venons d’essayer la mauvaise. Il reste donc la bonne ! Elle sera moins confortable, plus pénible.. pour vous. »
« Je vais vous livrer un secret. Je commence à parler tout seul.. et c’est le symptôme que je commence à perdre les pédales non ? »
« Vous parlez tout seul, je ne comprends pas ! » L’inquisiteur semblait sincèrement étonné.
« Bien sûr puisque je parle en ce moment.... avec des morts ! Mais des morts qui ne le savent pas encore et qui croient qu’ils vivent toujours ! »

Juste à cet instant, une sirène s’est mise à hurler une note stridente tandis que la lumière des diodes virait au rouge.

Une voix synthétique ânonna en boucle un avertissement : « Alerte... alerte... des éléments non autorisés ont pénétré le périmètre... alerte.. alerte... ceci n’est pas un exercice... »

J’ai entendu deux explosions assourdies et la porte du fond a volé en éclats. Trois grenades fumigènes ont rebondi sur le sol plastifié jusqu’à nous. De lourdes volutes de fumée blanche n’ont pas tardé à envahir tout l’espace. Puis tout s’est emballé. Dans la lumière saccadée d’éclairs stroboscopiques, j’ai vu l’Inquisiteur ouvrir la bouche sur un hurlement inaudible tandis qu’il essayait de dégainer une arme et se recroqueviller sous l’impact de plusieurs projectiles silencieux. Le sang refluant par sa bouche pendant qu’il tombait face contre terre, les yeux grand ouverts. Les deux surveillants eurent encore moins de chance, fauchés par les balles des deux membres de l’équipe d’exfiltration qui avaient fait irruption, fantômes de grisaille insaisissables évoluant à une vitesse stupéfiante. La femme, Odile, n’avait fait aucun geste de défense. Elle avait plaqué les mains sur ses oreilles et me fixait avec des yeux exorbités. Une balle se logea au milieu de son front. Elle bascula en arrière en renversant la cafetière. J’ai regardé stupidement le liquide noir se déverser de la verseuse brisée et se mélanger à la flaque de sang qui se formait autour de ses cheveux.

C’était à peine commencé que c’était déjà fini. Plus de deux mille ans d’expérience forgent une compétence inégalée.

Louis s’approcha de moi et me débarrassa rapidement de mes liens. Cela ne m’étonna pas de le voir. Il avait retiré son masque et abaissé la capuche de sa tunique de camouflage. L’autre prétorien s’était déjà éclipsé. Louis écouta quelque chose dans son oreillette.

« Ok ! » dit-il « Fin de l’opération. Nettoyez les lieux et repliez-vous ! Monsieur, tout est sous contrôle ici. Aucune perte de notre côté. Il faut partir rapidement. Il nous reste moins de deux minutes avant qu’ils puissent nous opposer d’autres unités. »

J’ai soupiré en me massant les poignets :

« J’ai merdé Louis. J’ai merdé mais je ne pouvais faire autrement ! On ne repart pas sans le masque ! Il me le faut. C’est vital pour moi ! Il doit être dans cette pièce ou pas loin !»
« Nous avons une minute ! » a répondu Louis.

Louis ne se rebella pas plus. C’est moi qui devrait rendre des comptes aux coordinateurs familiaux. La chance fut de notre côté. Le masque était sagement rangé au fond d’un tiroir du bureau. Je le repris, soulagé. Louis se ré-harnacha et nous sortîmes. Au milieu des fumées stagnantes, nous longeâmes un mur gris jusqu’à la brèche ouverte par les prétoriens. Quand nous débouchâmes enfin à l’air libre, nous étions dans un pavillon de la banlieue ouest de Paris. Deux véhicules attendaient le long du trottoir. Vingt minutes plus tard, nous étions sur le périphérique intérieur. Avec Louis, nous changeâmes de véhicule au dernier sous-sol d’un parking résidentiel puis encore une fois dans celui d’un grand magasin. Opportunément, aucune caméra n’a été en mesure d’enregistrer la moindre image de notre passage. Bug informatique.

J’ai réellement soufflé quand je me suis retrouvé dans mon salon devant une bonne tasse de thé fumant et quelques biscuits au citron. Moins de quatre heures s’étaient écoulées depuis que je mettais le pied sur le passage clouté.

M


  
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