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 WA, exercice n°79 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 3 juin 2010 à 23:29:55
Allez, un dernier coup de collier avant les vacances! Je vous propose d'écrire une histoire qui contiendra une description de la nature (faune et flore) pendant au moins une page A4. Rébarbatif, me direz-vous, inutile, sans intérêt... J'ai volontiers tendance, en tant que lecteur, à sauter les descriptions. Seul Kipling, avec sa fonte des glaces, avait réussi à me garder attentive. Jusqu'à ce que je lise "Le Dieu dans l'ombre", de Megan Lindholm (Robin Hobb). Les histoires de Robin Hobb sont passionnantes, mais son style ne m'a jamais émerveillée. Pour la première fois, dans ce livre, qui contient de longues descriptions de l'Alaska, sa terre d'origine, j'ai réalisé que cette femme était un grand auteur. Et ça m'a fait rager, bien sûr, parce que je me suis dit que je ne ferais jamais aussi bien.
Mais qui ne tente rien...
Je vous propose ce challenge. Relèverez-vous le défi? Après tout c'est le printemps, saison où la nature n'est pas avare de ses beautés... Mais bien entendu, vous pouvez choisir une autre saison, et un autre monde...
Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 24 juin, le début de l'été, les feux de la Saint Jean...
Narwa Roquen: devant une peinture de Raphaël, Corrège s'exclama: "Et moi aussi je suis peintre!"


  
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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-06-23 20:29:46 

 WA - Participation exercice n°79Détails
TERRE D’AMOUR



Le chemin épouse gaiement les formes arrondies de la colline, telle une couture artistique sur sa robe tendrement printanière qui frissonne de plaisir sous les caresses amoureuses d’un vent primesautier. De part et d’autre, les pivoines, timides et rougissantes, tentent vainement d’échapper aux embrassements trop insistants d’entreprenants chardons aux allures délurées. Spectateur amusé, accroché au firmament comme le funambule burlesque aux cintres du chapiteau, le soleil s’esclaffe en longs rayons dégoulinants. Ses hoquets de chaleur font reculer les ombres qui, en s’amenuisant, s’enfoncent sous la terre où elles vont espérer patiemment l’heure de la reconquête.

A perte de vue, les coteaux verdoyants moutonnent comme autant de vagues immobiles parties à l’assaut des quatre horizons. Les damiers sagement alignés des champs cultivés alternent l’or mat des blés mûrs et le vert épais du maïs, le pourpre des fleurs cardinales et l’ocre gras des terres retournées. Au loin, les tours jadis altières d’un château se mirent inlassablement dans le miroir verdâtre qui s’est finalement reformé dans les douves centenaires. Nul ne fera le voyage de l’autre côté du miroir. Quelques étendards déchirés, au sommet des longues hampes, applaudissent à tout rompre dans le vent débonnaire. Ils ne se posent aucune question. Ils ont oublié. Comme le bâillement incontrôlé d’un géant de pierre assoupi, le pont-levis est abaissé sur son tablier et la herse est à moitié remontée sous la voûte cintrée de la porte fortifiée, mâchoire de fer vainement menaçante. Plus près, le champ bellique déserté s’est transformé en théâtre de guerre éphémère et miniature où des cohortes de rongeurs se disputent les graines dorées et les miettes de pain éparpillées sur le sol de terre battue. Les créneaux désormais silencieux découpent le ciel en marches irrégulières jusqu'à l’échauguette noircie suspendue à la tour d’angle orpheline.

En cette merveilleuse fin de matinée de cet été encore juvénile, grosse de promesses qui ne demandent qu’à éclore, j’entends le chuchotement joyeux de la rivière, à quelques pas, invisible. Son clair pépiement est une mélodie flutée et gracile qui inonde mon coeur d’une douce fraîcheur. Je peux distinguer la tonalité particulière, à la fois ronde et grave, du remous qui tourbillonne autour de la grosse pierre moussue plantée au milieu du gué. Je perçois les gazouillis vifs et pétillants de l’onde qui se précipite au bas de la jolie cascade nichée au creux du cirque pierreux. Ce sont toujours les mêmes notes, répétées et encore répétées, et pourtant ce n’est jamais le même thème. Il existe une correspondance subtile entre la musique de l’eau vive et la musique du vent dans les arbres. Cela donne naissance à une trame simple et mélodique sur laquelle tous les autres sons de la Nature brodent de délicates variations aux motifs aériens ou rampants dont les tessitures évoquent mille couleurs chatoyantes.

Je surprends le babil des geais bavards, ces minuscules et infatigables sentinelles sylvestres qui montent une garde vigilante sur les plus hautes branches des chênes. Leurs conversations s’interrompent brusquement lorsque résonnent les craquement secs et inattendus du bois qui travaille, comme si la forêt elle-même secouait de temps en temps sa grande carcasse pour s’assurer que tous ses os étaient bien présents. Je devine le froissement des fougères qui s’écartent au passage d’un daim moucheté. Et l’ensemble de ces bruits forme une véritable symphonie qu’il faut savoir écouter avec patience et humilité. Alors, quand l’esprit et le coeur se mettent au diapason de cette musique, l’univers entier prend une toute autre dimension. Il cesse d’être extérieur et distant, étranger et incompris. Il semble au contraire trouver sa source, jaillir du plus profond de l’âme pour se confondre et ne faire qu’un avec elle, état de grâce tenant du miracle. Alors, tout ce qu’il contient, de la plus infime poussière à la plus imposante montagne, devient intimement perceptible au-delà de tout entendement. C’est une magie rare et précieuse qui se met à l’oeuvre, transformant le banal en merveilleux dans une extraordinaire communion abolissant l’espace et le temps

Les grandes herbes qui hachaient le ciel juste au-dessus de moi, se sont estompées et je perçois avec une acuité prodigieuse, presque douloureuse, le moindre détail, le plus insignifiant soit-il, de ce coin de paradis. Chacun d’eux resplendit d’une finesse et d’une précision surnaturelles, quelle que soit la distance qui m’en sépare ou les obstacles qui le cachent à ma vue. J’ai parcouru ce comté durant d’innombrables saisons et par tous les temps. J’en connais chaque recoin. Ses vaux et ses combes où j’ai chassé la palombe et le sanglier. Ses rivières indolentes où je me suis baigné. Ses profondes forêts et ses lumineuses clairières. Ses prés cultivés et ses étangs poissonneux.

Mon corps est devenu le prolongement évident et indiscutable de ce qui m’entoure, l’extension charnelle et animée de cette terre nourricière. Je suis ce nuage qui vogue dans l’azur infini et ce lièvre qui bondit, apeuré, au-dessus de l’ornière du chemin. Cet arbre dressé au centre du champ de blé, fier et solitaire, comme un berger debout au milieu de son troupeau docile. Et cet oiseau de proie qui jette son cri strident en suivant la touffe de poil blanc qui cherche son salut en bondissant encore et encore. Cette libellule qui zigzague au-dessus de la surface étale de l’étang et cette carpe paresseuse qui glisse entre deux eaux. Oui. Je contemple sans effort des paysages bien plus vastes et bien plus riches où explose une profusion de couleurs parfaitement distinctes les unes des autres. C’est un kaléidoscope fabuleux qui s’offre à mes yeux que plus rien n’étonne. Je sens bien que ma mémoire vole à mon secours et puise dans mes souvenirs pour compléter quelques fois le puzzle en apportant la pièce manquante. En cet instant privilégié, mes perceptions s’étendent loin au-delà des étroites limites de mes pauvres sens. Il n’y a aucune différence, aucune démarcation entre ce que voient mes yeux et ce qu’appréhende mon esprit. Après le tumulte et les cris, une infinie sérénité berce à présent mon coeur qui s’apaise peu à peu. La tempête est passée.

Je suis envahi par une transe étrange et bienveillante, en relation sensible avec la Nature qui m’embrasse et me presse de toutes parts. Je ne peux retenir une larme qui glisse en scintillant le long de ma joue. Une seule larme qui renferme tout l’univers dans son coeur liquide et translucide. Mes doigts engourdis se crispent soudain autour du pommeau de mon épée brisée et la magie accumulée vole irrémédiablement en éclats. Le goût âcre du sang se répand dans ma bouche asséchée et je devine dans le ciel désormais laiteux, l’ombre ailée qui plane en larges cercles concentriques. Elle attend pour m’emporter ailleurs, loin d’ici. Là-bas, je devrai patienter longtemps avant de fouler à nouveau cette terre que j’aime tant.

M

J'ai également lu "le dieu dans l'ombre". Roman captivant.

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shaana  Ecrire à shaana

2010-06-24 21:53:58 

 Devinez quelle est ma couleur préférée ?Détails
Et en plus vous en aurez deux pour le prix d'un!! Et oui! Je finis de mettre la dernière virgule à ma version de la WA 78 et je vous poste la deuxième (normalement) avant demain soir.

Si certains faeriens connaissent, je me suis inspirée de la Belle Henriette, site de la côte vendéenne. J'avoue : je suis une "ventre à choux"...

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Ce monde est bleu.  

Où que mon regard se porte, je ne vois que du bleu, doux ou agressif, sombre ou lumineux, mais du bleu, toujours du bleu.  Cela m’aveugle mais la lumière ardente d’un astre turquoise ne se fait que chaleur amicale à travers le ciel lavande.

Je baisse mon regard pour trouver mes deux pieds enfouis dans une douce verdure d’un bleu minéral.  Je remue mes orteils et je m’aperçois qu’il s’agit d’une mousse formée d’une foule de protubérances bleues guèdes. Je suis bien et je commence à marcher dans ce monde bleu et idéal, ma découverte portée par les pas japonais que forment des rochers gris de lin couverts de mousse.

Je sursaute quand des ailes chevelus frôlent mon visage.  Ce sont de petits êtres aux yeux saphir, à la peau diaphane et azurine qui viennent s’abreuver de l’eau qui coule entre les rochers.  Leurs ailes bleues dragée se déploient pour s’envoler légèrement vers ces étendues qui me restent inconnues mais qui m’apparaissent déjà comme appartenant à un monde de lagune.

Je poursuis ma conquête.  Le paysage safre qui se déroule devant mes yeux, dont on a tellement dit qu’ils étaient bleus électriques,  me dit que je suis ici chez moi.  C’est un monde bleu, qui oscille entre l’aigue-marine des matins frais et les torrides bleus de minuit, qui se balance, indécis, au gré de la houle, entre océan et forêt.

J’entends les vagues, au loin, venir nourrir de leur force vitale l’eau bleu acier de ce marais. J’admire la forêt qui se nourrit, vertigineuse, de cette eau, ses lianes pervenches plongeant et replongeant à l’infini dans l'eau peu profonde. Ses racines tentaculaires portent des oiseaux gigantesques, dont le plumage est, comme il se doit, d’un bleu paon. Ce sont mes amis et ils viennent me le dire en venant me pincer doucement le dessus de la main. Ils ne sont pas plus gros que des poules d'eau, mais pourtant leurs teintes bleutées et chatoyantes leur confèrent une prestance qui m'impressionne au plus haut point. Sont-ce là des oiseaux ? Je ne sais à présent. Leurs becs est fournis d'une rangée de dents pointues qui ne cherchent plus seulement à me picorer.

Des aiguilles mauves, des feuilles au velours smalt et de petits arbustes au squelette d'un bleu sarcelle dansent pour moi un ballet au son des bourrasques venues du large. J’avance au bord de cette forêt et j’entre-aperçois ses entrailles d’un bleu persan où grouille la vie. Des insectes, couleur bleu pétrole, courent. Ils sont de toute taille et de toute forme, chacun affairé à une tâche vitale pour maintenir la vie de cet entre-deux-mondes. Ils couvrent en si grand nombre le sol humide qu'il semble ne former qu'une masse grouillante aux pattes innombrables.  

Des loups bleus dorment, dans l’attente du prochain conte. Certains soulèvent leurs paupières à mon passage. J'aperçois le bleu horizon de leur pupilles. Sont-ce là des prédateurs ? Leur regard me dit que je n'ai rien à craindre d'eux. Je suis leur frère et leur ami.

Des elfes m’invitent d’un geste à venir respirer le parfum iodé de leur chevelure cyan. Si je les rejoins, je me perdrais à jamais, je le sais, dans le ciel de leurs enchantements. Le sourire est enjôleur et le corps élancé promet des plaisirs sans fin.

L’onde, elle, m’attire comme un amant.  Je ne saurais résister davantage à ses charmes ornés de poissons lapis-lazuli et d’algues indigo. Des sirènes, venues là en villégiature estivale, m’attendent, sont là pour moi, j’en suis sûre.  Je les devine au travers des roseaux bleus ciels.

Je suis d’ici, de ce monde.  L’astre turquoise se fait plus ardent sur ma peau blanche, sur ma peau ou courent mes veines, bleues, comme un tatouage tribal.  L’air salin pose son masque sur mon visage, tel un rituel d’initiation.  Je laisse mon corps communier avec cette eau d’un entre-deux mondes, entre océan et foret, entre houle et humus.  Je ne reviendrai pas.

Ce monde est bleu.  Mon monde est bleu.
Vacances ? Vous avez dit vacances ?

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Netra  Ecrire à Netra

2010-06-26 01:00:27 

 WA, exercice 79Détails
Un petit coup de Japon... Pour changer de l'Extrême Occident, je fais un tour par l'Extrême Orient.

Je n'oublierai pas la neige.


Cette fois c'en est fini. Les matins sont encore froids bien sûr, mais les cerisiers, déjà, sont en fleur. Bientôt, ce sera Hanami, la fête du printemps, et nous boirons du sake sous ces sakura millénaires qui croissent encore lentement sur la colline.
Je me suis assis sous le grand auvent à l'arrière de la maison. Le bois est délicieusement tiède sous mes fesses, je le sens nettement maintenant que j'ai retiré le coton de mon kimono. Un vent léger caresse ma peau, joue dans mes cheveux, froisse à peine les pages de mon livre. J'en lève les yeux. Le soleil a embrasé le ciel, l'a rendu d'un rose qui m'évoque immédiatement les cerisiers. Oui, le soleil a rempli le ciel d'un nombre infini de pétales de cerisier. Que compte-tu en faire, soleil ? Jouer follement dedans comme les petits enfants, t'y rouler comme les jeunes gens amoureux, ou simplement, comme les vieilles gens, t'y poser, une coupe de sake à la main, pour contempler une Terre minuscule qui scintille au loin ? Je sais, tu ne me diras pas ton secret, mais...

Pour quelques instants, je m'offre à la nature.

A mes pieds s'étend un petit lac où les fleurs de ren déjà bleutées pointent timidement entre les larges feuilles très vertes qui tranchent avec l'eau déjà noire. Les rives herbeuses en sont douces à l'abord, et je sens d'ici l'odeur infime mais présente de l'onde immobile. Je ne l'entends pas. Ce soir, l'eau est silence. Mais le pépiement des migrateurs me rappelle que c'est l'époque des grands départs. En voyage. Dans la vie. Dans l'amour. C'est le printemps, en somme.
Au-delà du lac débute la colline des sakura. Ils n'ont plus l'allure de squelettes dégingandés que l'hiver leur impose, mais l'éclosion principale des fleurs n'a pas encore eu lieu. Tout n'est que boutons pour l'heure, de tendres boutons d'un rose délicat, presque blanc, comme la neige fraîche des aubes hivernales. Ah.
L'hiver n'a pas encore tout à fait quitté le Japon.
Je n'ai pas oublié la neige.
Elle est encore là.
Sur les cerisiers. Sur mon coeur. Dans les nuages qui s'étirent interminablement dans le ciel. Pourtant l'hiver n'est plus... Je me demande par quelle farce de la Nature les fleurs de cerisier et les flocons de neige se trouvent avoir la même couleur. Quel songe oublié m'en révélerait le sens ? Peut-être le printemps ne doit-il pas oublier l'hiver ?
Qu'y a-t-il de si important dans la neige que le printemps la doive rappeler ?
Tiens ? Les migrateurs s'en vont. Un à un, les murmures du monde s'éteignent avec le soleil, au-delà de la colline.
Bientôt, seul le vent s'attarde encore à me chuchoter des haikus à l'oreille.

Ah !

Je me souviens.
Le silence. C'est le message de la neige.
Bien. Je n'oublierai pas le silence.

Je n'oublierai pas la neige.
Netra, forever a chibi blue warrior
Netra, forever a chibi blue warrior

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-06-27 23:09:14 

 WA, exercice n°79, participationDétails
Le plus important






Je n’ai rien vu venir. C’est tout moi, ça. Je pars pour décrocher la lune et je me retrouve par terre le nez dans l’herbe. J’ai le souffle coupé. Si je me suis cassée le col du fémur... Ca serait une chance. J’aurais droit à une maison de retraite médicalisée, pour peu que je sois invalide... « Les Mimosas », c’est vrai que ça me rebute. Mais je ne peux plus payer mon loyer. Et puis si je ne travaille plus, je vivrai complètement seule... Là au moins j’aurai de la compagnie. Des vieux ! Parce que moi, bien sûr, je suis jeune ? C’est une réalité que j’ai du mal à accepter. Je teins mes cheveux et je surveille mon poids, je vais à la piscine et je marche autant que je peux. J’ai l’âge de la retraite mais je me demande si ce n’est pas une erreur.
Enfin bon, je suis le nez dans l’herbe et le cheval si gentil qui devait m’emmener faire une balade au pas m’a déchargée à la première occasion. Déjà que j’avais eu du mal à me hisser en selle... Plus de quarante ans sans monter, on a beau dire que c’est comme le vélo... Et si j’arrive à rentrer à pied à la ferme, que va dire le gars si j’arrive seule ? Bon, normalement, un cheval revient toujours à l’écurie. J’espère qu’il est normal. Et puis je m’en fiche. Je remue bras et jambes, rien de cassé ; j’ai quinze jours de vacances avant de finir ma vie aux Mimosas. Il fait encore jour. J’ai le temps.
Je roule sur le dos. Le ciel est magnifique, décoré de quelques nuages aux formes changeantes. Là, c’est un chat qui s’étire. A côté, une tête de dragon qui crache le feu. Je ris tout bas. Je retombe en enfance. J’ai passé des heures, petite fille, à chercher des animaux dans les nuages. Surtout l’été, quand j’étais à la ferme chez tonton Emile et tante Suzie, pendant que papa et maman accompagnaient Augustin en tournée. Mon Dieu, ça fait si longtemps... Augustin... Mon frère aîné, pianiste virtuose. Tellement gentil, tellement lumineux, qu’on ne pouvait pas le voir sans l’aimer. Et moi je l’adorais. Toutes ces heures tapie dans le coin le plus sombre du salon, à l’écouter jouer Chopin et Liszt... Tant que je ne dérangeais pas, on ne me disait rien.
Et puis, l’horreur. Augustin s’est tué en moto à vingt-sept ans. J’avais vingt ans. L’air à la maison est devenu irrespirable. Comment osais-je être vivante si Augustin était mort ? Leurs regards étaient lourds de reproche... Je n’ai pas su trouver les mots pour les consoler. Je n’ai jamais été douée. Le talent, c’était pour lui. Pauvre gosse. Je suis vieille, maintenant. Mon frère aîné éternellement jeune est devenu mon enfant. Ma première douleur.
Une odeur délicieuse chatouille mes narines. A ma gauche, il y a un champ de luzerne coupée, qui sèche au soleil ; c’est sûrement la deuxième coupe. Le cheval ne doit pas être loin, c’est trop tentant... Tiens, un chardonneret, juste au dessus de moi ; je ne vois pas ses couleurs, il est trop haut, mais sa manière de voler le rend reconnaissable : on dirait qu’il saute sur l’air ! Oh, je n’en avais pas vu depuis... si longtemps...
C’était bien, les étés à la ferme. Je montais à cru les cinq chevaux que mon oncle avait sauvés de l’abattoir, et qu’il nourrissait à ne rien faire, à part Prince, le Percheron qu’il attelait parfois à la carriole, pour promener des nouveaux mariés. J’aidais à rentrer la paille, je nourrissais les poules et les canards et je faisais les confitures de prunes et la gelée de mûres avec ma tante. Pour Emile et Suzie, la musique, c’était une affaire de riches. Ils dansaient au bal du quatorze juillet, ça s’arrêtait là. La terre, c’était sérieux. Il fallait la travailler pour qu’elle vous nourrisse. Ils n’étaient pas bavards parce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire, mais il y avait de la tendresse dans leurs yeux, ils n’avaient pas eu d’enfant.
Je tends la main vers une fleur de trèfle rose, et toute mon enfance s’épanouit dans ce goût délicatement sucré. Je pleurais bien un peu, le soir... J’ai tellement pleuré, aussi, jusqu’à mes quarante ans... Puis j’ai fermé des portes. A cinquante ans, quand j’ai osé divorcer, les vannes se sont ouvertes à nouveau.
Je passais mes journées dans le tracteur avec mon oncle. On moissonnait l’orge et le blé, on mettait l’engrais sur le tournesol. J’aimais bien ma tante. Elle sentait le savon et la naphtaline, elle faisait un gâteau tous les dimanche. Mais mon oncle... Je ne le lâchais pas d’une semelle. Il sentait la sueur et le tabac, une odeur forte, étrangère, presque mystérieuse. L’odeur de mon père, je ne m’en souviens pas. Je crois qu’il ne s’approchait pas de moi. Mon oncle partait le matin avec sa gitane maïs derrière l’oreille. Il la fumait après le repas de midi, mais même quand il avait prévu de rentrer pour le déjeuner, il la gardait là, comme une amulette... Je me souviens de tout... Le soir, quand je sautais du tracteur, j’étais tout étourdie. Mais après dîner, quand à la fraîche il allait désherber le potager, j’étais encore là, malgré les moustiques et le sommeil qui venait, et j’arrachais la potentille envahissante et le liseron étouffant, en faisant attention de ne pas abîmer les plants de tomates et de courgettes. Alors quand venait la cueillette, c’était la plus belle des récompenses, les beignets de fleurs de courgette, avec juste un filet de citron, et les tomates rondes et sucrées, dont je m’enivrais du parfum sec et épicé avant de croquer la chair ferme... et d’entendre ma tante éclater de rire parce que, une fois de plus, le jus dégoulinait sur mon chemisier...
Je soupire d’aise. La terre est tellement rassurante. On ne peut pas tomber plus bas. C’est une présence forte et tranquille, nourricière et sereine. Elle sait toujours ce qu’elle a à faire. Elle n’est ni bonne ni mauvaise, elle n’a pas d’intentions. Elle suit son propre rythme et sa propre logique, et c’est à l’homme de s’y adapter. On ne peut pas la vaincre, alors il faut la respecter et accepter ses lois. C’est ce que disait tonton Emile. Ni bonne ni mauvaise. Mais quand même, toujours prête à accueillir ce qui fut pour en tirer l’essence de nouvelles vies.
Chaque fois que je me suis couchée sur la terre, je n’ai plus eu peur de mourir. Ca devient même tentant, fermer les yeux, ne plus souffrir, ne plus rien décider, se fondre dans cette masse chaude et toute-puissante qui se moque bien de savoir si vous êtes en retard de cinq minutes et si les chemises sont repassées...
Un papillon blanc volette au dessus de moi. Je roule sur le ventre pour le suivre des yeux ; il se perd dans la haie de noisetiers qui borde le chemin sur la droite. Au pied des arbres, je reconnais les petits sapins miniatures de la prêle. Il doit y avoir de l’eau pas loin. Sans doute un petit ruisseau dans le fossé. Les labradors, à la ferme, s’échappaient souvent pour aller chasser les ragondins dans le ruisseau en bas. Parfois, ils se faisaient mordre. Mon oncle les grondait gentiment, mais il les soignait et il les laissait repartir. Aucun de ses chiens n’a jamais été à la chaîne...
L’herbe est drue, c’est confortable. Il y a des pâquerettes, et cette petite plante, là, aux feuilles effilées et à la fleur mauve, c’est de la vesce sauvage, les chevaux en raffolent... Sur un brin d’herbe, une fourmi grimpe à toute allure jusqu’au sommet, puis elle hésite, et elle redescend aussi vite. J’ai passé ma vie à ça, courir dans tous les sens, travailler à la bibliothèque, faire le ménage, les courses et la cuisine, surveiller les devoirs des enfants, les soigner, les consoler, les border... Parfois je me demande pourquoi j’ai fait tout ça. Mes parents ne se sont pas donnés tant de mal pour moi. Mais bon, il y avait Augustin. J’ai toujours fait de mon mieux pour que mes enfants ne manquent de rien. Les goûters d’anniversaire, les vacances au bord de la mer, les cadeaux de Noël... Paul a toujours été pingre. Mais avec mon salaire, je pouvais les gâter un peu. Il me le reprochait, mais chante canari ! c’étaient mes sous ! Et puis les enfants sont partis, Victor au Canada, Emilie en Belgique... Et Adeline... Elle est à Paris, c’est pas si loin, mais comme elle est hôtesse de l’air, elle est toujours aux quatre coins du monde... Quand j’ai décidé de divorcer, Victor m’a dit que ce n’était pas raisonnable ; Emilie m’a suggéré que si vraiment c’était indispensable, je n’avais qu’à prendre un amant ; Adeline a crié « tu n’as pas le droit ! ». Un soir Paul a marché sur moi et m’a giflée lourdement « C’est qui ? C’est qui ? Je le connais ? »
Mais il n’y avait personne. Je voulais juste respirer pour moi, ne plus rendre de comptes, ne plus dîner à huit heures après avoir fermé les volets, ne plus aller au bord de la mer. Paul a gardé la maison, je n’ai rien demandé, je suis partie avec une petite valise. Quelle importance ? Augustin avait gagné beaucoup d’argent, et ça ne l’a pas sauvé.
Maintenant que j’y pense, je mourrais bien ici, dans l’herbe, maintenant. Personne ne m’attend, personne ne me regrettera, et j’échapperai aux Mimosas. Le problème c’est que je n’ai rien prévu, pas de médicaments, pas de couteau... Rester là sans bouger, mourir de soif... Il faut combien de temps ? Un bruissement dans la luzerne. C’est un petit lapin, il s’arrête, me regarde, fait quelques pas prudents ; il se demande sûrement si je suis un danger pour lui. Un cri dans le ciel. Une buse ! Le lapin détale, et je crie « non, non ! Va-t-en ! ». L’oiseau, surpris, redresse un instant son vol piqué. Je me suis assise. Le lapin a disparu. Sauvé !
Je n’ai vraiment pas les réactions de quelqu’un qui s’apprête à mourir. J’ai toujours trop fait attention aux autres. Chassez le naturel... Tiens, sur le sol il y a un endroit un peu dégarni, avec une trace de roue de tracteur. Et à côté... pas de doute, c’est l’empreinte d’un petit sabot, sûrement un chevreuil. C’est tellement beau, un chevreuil en pleine course, à chaque saut on dirait qu’il va s’envoler... C’est comme dans les rêves, quand on court si vite qu’on touche à peine le sol, on rebondit sans peine, c’est facile... Je n’ai pas connu grand-chose de facile dans ma vie. Mais j’ai vécu. J’ai sûrement eu de la chance. Tiens, revoilà ma fourmi de tout à l’heure. Elle a trouvé une cargaison comestible (qu’est-ce que c’est ?), et elle tracte cette lourde charge de bon coeur, mais ça a l’air vraiment pénible. Elle s’arrête, le fardeau s’est décroché. Elle tourne autour pour chercher une meilleure prise, elle repart. Et voilà que le colis reste coincé. Je voudrais bien l’aider, mais mes doigts sont tellement gros... Je la suis des yeux. Elle cherche, furète avec obstination, et elle trouve un autre grain de quelque chose. Cette fois, tout se passe bien, l’arrimage tient, et elle disparaît dans un trou. Si j’étais un insecte, je pourrais vivre entre ces touffes d’herbe comme au coeur d’une gigantesque forêt, tellement épaisse que je ne verrais jamais le jour. Mes journées passeraient à chercher de la nourriture, et un jour un soulier indifférent m’aplatirait sans même le savoir. Est-ce que les fourmis ont des moments de joie, de lassitude, de désespoir ? Ou bien ont-elles la chance de vivre dans une inconscience totale, sans le moindre sentiment ?



J’en suis là de mes réflexions quand je vois arriver, d’un pas de flâneur du dimanche, mon véhicule équin qui a dû faire le plein de luzerne et vient innocemment aux nouvelles. Je me lève, il me laisse approcher. Il me jette un regard mi ironique mi désolé, l’air de dire « pourquoi tu es descendue si vite ? » Je caresse son chanfrein. Les rênes sont restées sur l’encolure, elles ne sont pas cassées, c’est une chance. Mais son dos est haut comme une montagne...
« On va marcher un peu, tu veux bien ? »
Je reprends le chemin, il me suit. S’il s’imagine que je sais où je vais... Le paysan m’a donné des points de repère, mais je ne m’en souviens absolument plus... Quelques deux cents mètres plus loin, nous croisons une petite route. Je me retourne vers le cheval. Il fait quelques pas vers la droite, s’arrête. Il y a un talus juste au bord. Si j’osais... J’ose. Heureusement j’ai appris à monter des deux côtés. Le cheval reste strictement immobile. Pas si méchant que ça, finalement. A tout hasard, puisqu’il a l’air de vouloir me prendre en charge, je lui rends les rênes et je dis « Bon. On rentre ! »
Il se met à marcher, d’un bon pas chaloupé mais confortable. Au point où j’en suis, autant lui faire confiance. Nous longeons un champ de blé. Bon nombre d’épis sont couchés, sur le bord. Il y a eu des orages la semaines dernière. Mais à part une zone presque circulaire, le champ est intact. Le gars a dû laisser couler l’engrais en faisant demi-tour. Trop d’azote, et à la première grosse pluie, voilà le résultat. Pendant que je rêvasse, le cheval en a profité pour arracher quelques épis, ils sont presque mûrs...
« Eh ! » Mes jambes le rappellent à l’ordre. « Le blé, c’est interdit ! Déjà que tu as dû te goinfrer de luzerne... »
Ma monture prend le trot. C’est vrai, j’ai mis des jambes, je ne peux même pas le lui reprocher. C’est un gros malin, ce cheval. A ma grande surprise, je retrouve le rythme du trot enlevé ; je n’ai pas tout perdu... Le chemin monte un peu, le trot est régulier, cadencé comme un métronome. Je suis assez fière de moi... Nous arrivons au sommet, et là, une descente vertigineuse s’étend devant moi ! Je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur. Le vieux routier est repassé au pas, et il s’engage prudemment dans le raidillon. Je me cale dans ma selle en gratouillant le garrot pour le remercier. Que c’est beau ! A ma gauche, du blé à perte de vue, doré comme une chevelure soyeuse, caressé par le vent du soir. A droite, quelques fleurs de tournesol, précoces, émergent de leur océan vert. J’ai toujours préféré les couleurs de la nature à celles des peintres. Le jaune éclatant du tournesol, tiens, ça me réconcilierait presque avec la vie. C’est un peu triste, ensuite, quand le soleil qu’il a suivi si longtemps l’oblige à baisser le nez, vaincu par l’astre torride. Mais à l’automne, quand le rouge et le marron remplacent le vert, le doré et le jaune, on dirait que la terre soupire de soulagement, comme quand on range les habits de couleur dans les cartons, avant l’hiver. Quand il fait froid, on se cache sous de lourds vêtements, on n’a plus à paraître, c’est reposant.


En bas, le chemin s’engage dans un bois. Une autre colline s’élève ensuite, uniformément dorée, coupée en deux par le même chemin, qui, je l’espère, nous ramène vers la ferme. Le cheval fait mine de contourner le bois, il y a un passage en bordure du champ. Je résiste. Un peu d’ombre... Le chemin devient sentier, barré par quelques branches basses sous lesquelles je me couche sur l’encolure en regrettant le temps où mes abdominaux étaient encore utilisables. Il fait frais. La terre est plus molle, et quelques flaques subsistent, qui mettront du temps à sécher. Mon compagnon s’arrête pour boire. Prince faisait toujours ça. J’ai pris quelques vols parce qu’il avait pilé pour mettre le nez dedans.... Nous repartons. Aïe, une attaque de taons ! J’aurais dû écouter mon compagnon, qui voulait faire le tour... Je chasse celui qui s’est posé sur mon bras, et je réalise que le cheval est agressé de tous côtés. J’assène de grandes claques, sur l’encolure, le flanc, la croupe, et le cheval ne bronche pas, sans doute habitué à cette entraide vigoureuse. J’arrive à les assommer presque tous ! Le dernier, juste à la sortie du bois, est pour le dos de ma main. Celui-là a tout le temps de me piquer. Dommage... Je suis un peu étonnée que le cheval quitte la piste pour entrer dans les chaumes – d’orge, sûrement, c’est trop tôt pour le blé. Devant nous, le champ s’étend à perte de vue jusqu’au sommet de la colline. Le cheval ne me demande pas mon avis. Trois foulées de trot et il s’élance au grand galop, dans une énergie joyeuse qui me rappelle de nombreux instants de bonheur... J’arrive à me dresser sur les étriers pour soulager son dos, j’attrape la crinière... Et ça y est, j’ai quinze ans, mes cheveux s’envolent, je suis la reine du monde, j’avais bien dit à tonton Emile que j’arriverais à faire galoper Tristan, le réformé des courses de trot... C’est un moment d’infinie communion avec le monde. Je sens battre mon coeur et palpiter la terre sous les sabots de l’être hybride que je deviens pour quelques instants, un centaure ! Il faudra que je meure après ça, comment puis-je aller m’enfermer dans une maison de retraite et renoncer pour toujours à me sentir en vie, jeune, libre, éternelle ! Si je tombais, là, maintenant...


Mais mon ami à sabots est parfaitement stable. Il repasse au trot puis au pas juste avant le faîte, et revient sur le chemin. Je vais de surprise en émerveillement. Quelle journée ! Je n’avais rien réservé pour les vacances, en fait je ne voulais pas partir, et puis la visite des Mimosas m’a tellement déprimée que j’ai bouclé mon sac sur-le-champ. J’ai voulu aller revoir la ferme, je l’ai trouvée à l’abandon, et ça m’a fait tellement de peine que je suis repartie aussitôt. Sur la route, vingt kilomètres plus loin, j’ai vu un panneau « chambres d’hôte – promenades à cheval ». Je n’ai pas réfléchi. J’ai tourné à droite, j’ai loué une chambre, et je suis partie à cheval. Moi qui prévois toujours tout, que le changement et l’improvisation terrorisent... Je me trouve magnifique, et ça me fait sourire.
Ce qui s’étend à mes pieds me laisse sans voix. Dans le creux du vallon que je domine s’étend un petit lac artificiel ; sur la rive d’en face de grands arbres sombres sont à l’à-pic de l’eau, et le bois remonte jusqu’à l’horizon. Tant pis pour les taons, mais j’espère que le chemin le traverse ! Nous descendons tranquillement ; le sorgho a remplacé le blé à gauche. Au bord du lac, quelques petits saules papotent avec la brise du soir. L’eau est claire, elle est peut-être fraîche... J’ai une envie folle de m’y baigner avec mon cheval, mais il est tard, et si cet aimable équidé n’aime pas l’eau... Quand même, j’y reviendrais bien un de ces jours... Splash ! Un poisson a sauté. Veinard, j’en ferais bien autant. Oui mais... Il a attiré l’attention du cormoran de service, qui plane longuement en cercle à la recherche du provocateur. Ca doit être bien aussi, une vie de cormoran. Voler, pêcher... Oups ! Deux canards ont décollé d’un coup et s’élèvent en criant leur mécontentement d’avoir été dérangés. J’attrape la crinière au vol, le cheval aussi a décollé sur quelques mètres ; heureusement, il revient au pas avant que j’aie eu le temps de me dire que ça serait bien qu’il s’arrête. Où sont mes réflexes d’antan ? Je me sens vraiment passager clandestin. Mais le cheval, lui, y trouve son compte, je ne lui demande rien, les rênes sont longues ; je repense à tous ces pauvres bougres que j’ai dû embêter tant et plus quand j’étais jeune... et qui ne m’en ont même pas voulu, tant il est dans la nature du cheval d’être gentil...
Cette balade est extraordinaire. J’ai l’impression d’être seule au monde dans un paradis terrestre où la perfection est une habitude. Je n’ai pas assez d’yeux pour tout voir... Le cheval tourne à droite, et nous voilà dans le bois. Dans la fraîcheur on sent plus nettement l’odeur du lac, une odeur de vase et de poisson, cependant fine et délicate, rafraîchissante. Pas de taons ! En revanche ça grimpe fort, je me soulève sur les étriers, je ne suis pas trop à l’aise mais mon compagnon mérite bien que je fasse l’effort. Je reconnais des chênes, des bouleaux, des noisetiers, intriqués en épais rideaux de chaque côté du sentier parfaitement entretenu. Le cheval se met à trottiner, c’est moins fatigant pour lui. Je lui fais confiance, maintenant, je n’ai plus d’états d’âme, c’est comme si j’avais enfin trouvé une place où je serais acceptée telle que je suis, sans attente et sans jugement. Le temps s’est arrêté, j’ai quatre sabots et un dos puissant, je bruisse et je pépie, je suis plantée là entre le ciel et l’eau et mes racines me nourriront en toute saison.
Nous sortons du bois... et c’est avec un peu de déception que je reconnais la ferme. C’est déjà fini...
Le paysan est là pour m’accueillir.
« Vous devez avoir soif ! Laissez... »
J’ai presque le mal de terre mais je tiens à remercier mon copain le cheval. Je desselle, je le douche, les gestes me reviennent naturellement. Je lui donne les deux sucres que j’ai dans ma poche et qu’il croque avec un plaisir évident.
« Il a sa ration au box ; après, je les remets dehors pour la nuit. »
Il doit faire bon, la nuit, dans les prés, alors qu’on étouffe en ville...


J’ai la tête un peu à l’envers devant le verre de pastis que je n’ai pas osé refuser.
« C’est encore tôt dans la saison, je n’ai pas d’autre pensionnaire, et vous êtes arrivée à l’improviste... Pour ce soir, ça sera des pâtes... Je ne suis pas un grand cuisinier, c’était ma femme qui s’en occupait, pauvre femme... »
Je lui souris.
« Je vais faire une sauce, si vous voulez. Vous avez des tomates ? »
A table, je lui raconte mes aventures avec le cheval.
« Je suis vraiment désolé. Ernest a dix-huit ans, en général il reste calme.
- Oh, mais il a été très bien ! Je crois qu’il a tenté sa chance, quand il a vu la luzerne. Et puis c’est ma faute, un bon cavalier ne serait pas tombé ! »
Je vois une lueur s’allumer dans ses yeux. J’ai marqué un point. Ce qu’il me confirme en me complimentant.
« Votre sauce est excellente ! Demain je ferai des courses.
- Je peux les faire, si vous voulez, je suis en vacances, et vous n’avez sans doute pas fini l’orge... »
Comme il s’étonne, je raconte. Emile et Suzie, le tracteur, les chevaux, les tomates. Il parle de sa femme morte il y a cinq ans, des enfants qui sont partis, des petits-enfants qu’il voit très rarement.
« J’ai quatre petits-enfants. L’aîné a sept ans. Je ne les connais pas. J’ai juste reçu les faire-part. C’est vrai qu’ils sont loin... »
Il me prend la main. Il est fils d’émigrés italiens, il s’appelle Gianni. Ses parents sont venus en France après la guerre, il avait deux ans. Il a l’impression qu’on lui a volé sa patrie. Pendant des années, il a été un sale Rital, et il n’a jamais vu l’Italie. Je lui parle d’Augustin.
« Moi, je crois que c’est mon enfance qu’on m’a volée. »
Mon Dieu, il est plus jeune que moi... C’est vrai, pas de beaucoup. J’ai la tête qui tourne, il a les yeux bleus, et il est tellement gentil... Il m’écoute comme si ce que je dis était intéressant... Je regarde la cuisine autour de moi. Le vieux bahut, la cheminée haute, la cuisinière qui doit avoir plus de trente ans, le chat roux qui est couché sur le tas de bois... Et j’ai l’impression folle... non, j’ai la certitude, encore plus folle, que les Mimosas vont devoir se passer de moi.
« C’est quoi ton petit nom ?
- Jeannette.
- Gianni et Jeannette ! C’est extraordinaire ! », s’exclame-t-il comme s’il avait lu dans mes pensées. « Je... Tu vas me trouver fou... C’est vrai que je n’ai pas grand-chose à t’offrir... Et sûrement pas des vacances...
- Ca tombe bien, je m’ennuie toujours en vacances... »
Adieu les Mimosas ! Mon destin a changé de route. C’est peut-être un pari stupide, mais j’ai le sentiment d’être arrivée là où j’aurais dû être depuis longtemps. Je repense à mon amie la fourmi. C’est comme si elle m’avait dit que l’important, c’est de savoir recommencer. Si une fourmi le peut...
Narwa Roquen,désolée pour le retard, demain je commence les commentaires... pouf pouf...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-06-28 22:36:56 

 Commentaire Maedhros, exercice n°79Détails
Pari tenu! Avec un lyrisme étourdissant, tu planes sur le sujet comme un aigle royal au dessus de son territoire... C'est une description à la fois tendre et émerveillée, dernier hommage d'un mourant à une bien-aimée généreuse et sublime. Tes comparaisons sont originales et justes, le mélange subtil de sensations et de souvenirs est non seulement bien dosé mais prend tout son sens dans la communion vertigineuse de l'adieu - un adieu en forme de fusion ultime.
Mention spéciale pour le paragraphe sur la rivière. Encore que la suite ne soit pas moins excellente (les craquements de la forêt!).
Etonnamment il n'y a aucune référence olfactive ni tactile, mais tu te sers de tes yeux et de tes oreilles avec une acuité extrême et tu arrives à nous faire partager tes sensations avec un art consommé. En même temps, c'est cohérent, de la part d'un héros qui n'est déjà presque plus qu'un esprit. Ses sensations sont sublimées intellectuellement, tout le côté charnel est laissé de côté, comme déjà oublié. Je ne sais pas si c'est intentionnel, mais ça se tient parfaitement. Les dernières sensations (le sang dans la bouche, la main sur l'épée) préludent au passage. Ca crée un effet de surprise, c'est fort.

Juste un détail: les pivoines fleurissent d'avril à fin juin, les blés sont mûrs courant juillet...

Bon, j'ai pinaillé, d'accord. Le texte est tout simplement excellent, nous révélant une fois de plus que ton talent est multiforme et sans limite...
Narwa Roquen,d'un papillon à une étoile

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-06-30 23:04:26 

 Commentaire Shaana, exercice n°79Détails
Bel exercice de vocabulaire dans ce monde bleu aux mille nuances! J'avoue avoir découvert " guède", "safre" et "smalt"... Le texte est un peu court, mais la balade est agréable et la consigne respectée. Pas facile de décrire une nature imaginaire avec l'astreinte de rester dans une seule couleur sans tomber dans la monotonie: tu t'en sors avec les honneurs, et il se dégage de ta description une grande douceur et une originalité fraîche et vivifiante. Tu as vraiment le chic pour nous entraîner avec talent dans tes univers. Tu as besoin de développer ton souffle, mais déjà tu imposes ta griffe personnelle avec assurance et le résultat est très agréable à lire.

Bricoles:
- des ailes chevelus: chevelues
-leurs ailes bleues dragée: les adjectifs composés désignant une couleur restent invariables (ex: des pantalons verts, des pantalons vert amande); idem quand ce sont des noms de fleurs ou de fruits employés comme adjectifs. Donc "bleus électriques", "lianes pervenches", "roseaux bleus ciels"...
-je poursuis ma conquête: pourquoi "conquête"?
- ils viennent me le dire en venant: répétition
- leurs becs est fournis: leur bec est fourni
- j'entre-aperçois : j'entraperçois
-ils sont de toute taille et de toute forme: de toutes tailles et de toutes formes
- je suis leur frère et leur ami... j'en suis sûre: le narrateur est masculin ou féminin?
- si je les rejoins, je me perdrais: perdrai
-sur ma peau ou courent : où
- très jolie, l'image du tatouage!

Merci pour ce très joli moment!
Narwa Roquen,débordée mais tenace

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-07-01 21:41:46 

 Commentaire Netra, exercice n°79Détails
Voilà un texte ciselé comme un haïku, d'une finesse délicate comme les fleurs des cerisiers. Nous sommes dans l'immobilité sereine d'une estampe fragile, avec en prime une douce chaleur et des parfums subtils. Tu rends les couleurs du tableau avec une précision efficace et une poésie lumineuse. Mais ce qui me plaît le plus c'est que ton texte a du sens, et révèle une grande maturité, celle qui permet, à travers le détachement, de recevoir les messages cachés.

Juste un détail: "entourloupette" est un peu familier pour ce texte empreint d'une sagesse toute orientale et d'une volonté de pureté.
A ceci près, c'est un vrai moment de beauté: félicitations!
Narwa Roquen,séduite

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-07-01 21:46:56 

 Commentaire général sur les 3 participations de Maedhros, Shaana et NetraDétails
La nature vous a inspirés! Moi qui redoutais que vous preniez cela comme un pensum! Rarement j'ai eu dans une WA des participations d'une telle qualité, tout en étant complètement différentes, chacune traitée de manière originale avec une forte empreinte personnelle. Les trois textes reflètent une grande harmonie avec la nature et qui plus est la capacité de la retranscrire fidèlement et de transmettre au lecteur un sentiment de paix et d'émerveillement.
Bravo à tous les trois, c'est de la belle ouvrage!
Narwa Roquen,enchantée

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Netra  Ecrire à Netra

2010-07-01 23:55:12 

 Corrigé, m'dameDétails
J'ai corrigé l'entourloupette. C'eût été dommage de la planter là ^^

Et je suis toujours à fond dans l'esprit nippon pour quelques jours, puisque c'est Japan Expo jusqu'au 4 juillet pour moi (je tiens un stand ^^)

Merci encore de ta lecture... maintenant j'ai toujours autant de retard à rattraper @@
Netra, forever a chibi blue warrior

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Netra  Ecrire à Netra

2010-07-02 00:01:14 

 Douce France & métempsyDétails
Je me disais aussi... Un texte de Maedhros pas torturé, est-ce possible ? La réponse était non ^^ Mais j'aime beaucoup cette description éminemment imagée, qui fait appel à tous les sens et à tout l'imaginaire du lecteur.

Ce qu'il y a de bien avec toi, c'est qu'en tant que lecteur, on a toujours le sentiment de participer du récit ^^
Netra, forever a chibi blue warrior

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Netra  Ecrire à Netra

2010-07-02 00:19:54 

 équitationDétails
Hahahaha j'ai bien ri avec la première phrase, et puis ça s'enchaîne très naturellement... la fin est comme une maison mais on va pas dire que le but, c'était le suspense !

J'ai beaucoup aimé le côté passé-présent mêlés, entremêlés, enchevêtrés même de ton texte, au point que parfois, comme Jeannette, on est un peu paumé entre les deux, ce qui n'est pas un mal. J'aurais peut-être aimé voir l'enfant grandir et les choses rapetisser, mais c'est du détail ^^
Netra, forever a chibi blue warrior

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-02 16:51:43 

 Mince alorsDétails
J'aimerais bien venir à Japan expo... Mais j'ai pas de vacances et pas trop de sousous. On pourrait se voir en mangeant des ramen. Pis je pourrais avoir une dédicace des animateurs de Nolife. Pis y a le concert des Morning Musume, de Hitt. Pis les cosplays, la conférence de Kana... Rhalala, ce sera pour l'année prochaine.
Tu viens tous les ans ? C'est quoi comme stand ?

Est', boudiou qu'il fait chaud !

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Netra  Ecrire à Netra

2010-07-02 22:22:46 

 Japex -_-Détails
Ah bah je ne sais pas si j'y serais encore en tant qu'exposant l'an prochain (sinon j'irai le week-end en tant que visiteur hein ^^)... ça va dépendre de plein de choses et notamment si on arrive à se rembourser le stand cette année parce que l'orga a mis les fanzines dans un touuuuuuuut petit coin paumé où personne passe, donc on vend rien parce que les gens vont pas venir nous chercher. Mais enfin j'essaie de vendre ça : http://mascarade.serie.over-blog.com

Demain, je ferai mon premier cosplay XD

Quant aux ramen... Je te conseille plus ceux de la rue St Anne, à la Japan y'en a pas -_-

Mais si tu viens l'an prochain dis-moi, on se verra ^^
Netra, forever a chibi blue warrior

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-04 18:13:51 

 Ramen daisukiDétails
Tu t'habilles en quoi pour ton cosplay ?
Je connais la rue Saint Anne, j'ai mangé un bon katsudon au Sapporo ramen et des bons gyozas au Higuma.
No souci, si je viens on se coordonne !

Est', et hop !

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Netra  Ecrire à Netra

2010-07-05 13:04:37 

 Boku wa Tenpô Gensui da ^^Détails
Et un plus loin y'a Book-off pour acheter des mangas en jap *est maso de lire des mangas en VO* *-*
Moi je préfère le katsudon et le yakisoba (Yakisobaaaaaaaaaa) du restau Kadoya, en face... (Sapporo par contre c'est mieux pour les ramens)

Sinon ben j'étais cosplay en Tenpô Gensui, (maréchal Tenpô quoi... image ici : http://solitudealonelonely.s.o.pic.centerblog.net/q5byzmid.jpg c'est le deuxième en partant de la gauche, le monsieur avec la cravate) du manga Saiyuki Gaiden, qui... n'est pas paru en France ! Mais je l'ai lu en japonais parce que Saiyuki, c'est génial et que le préquel vaut largement le reste. Hum ma scantrad est en train d'éditer les deux premiers tomes en français, si ça en intéresse certains ici. Là j'ai attaqué la traduction du troisième, j'espère que tout sera en ligne d'ici septembre/octobre... Y'a que 4 tomes, mais à traduire directement du japonais ça prend du temps ^^

Sinon à partir de demain soir je serai absent une semaine, sumimasen (aie j'ai des séquelles XD)

Mais si qui que ce soit passe sur Paris, il peut prévenir ^^ Et Est on se Ramen quand tu veux !!!
Netra, et maintenant... déménager en 24h pour pouvoir aller au festival de Dinan ^^

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-08-11 11:05:15 

 WA-Exercice 79 - Description de la Nature.Détails
En retard, naturellement, mais présent, encore.

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Amor Fati


Tout commence par une lumière particulière, un instant, suspendu, juste avant la disparition du soleil et la naissance de la première étoile. C'est là que se trouve la clef, la réponse aux mystères qui grondent en mon coeur. Il m'a fallu longtemps pour trouver la porte, et plus longtemps encore pour en forcer la serrure.
Tout commence par la lumière. Il est tard, et comme à chaque fois, je suis à l’aube de ma renaissance. Pour cette fois encore, c'est une lisière de forêt que j'ai choisi. Mais avant d'y entrer, je me délecte de ce ciel qui s’écroule. Le soleil, disque incandescent, s'est dissimulé derrière la courbe sensuelle des collines qui dessinent l'horizon. Ses rayons s'attardent cependant, accrochant les nuages du lointain pour y faire naître un océan de mondes, îles affleurant à la surface d'une mer en négatif. Les tons sont chauds, rouge, orange, sur un fond bleu nuit qui danse avec un mauve improbable. Le monde est vivant, ces terres célestes, imperceptiblement, se meuvent, gagnent du terrain, se dissolvent en leurs sommets. Je me sens baigner dans cette clarté qui s'assombrit et je l'accepte. Je laisse le jour me quitter, se désagréger en moi et accompagner les traits déjà mourants qui pourtant embrasent les cieux en un final spectaculaire.
Entre chien et loup. Un frémissement.
Je ferme les yeux... Je suis le courant, il m'entraine. Le chant nocturne semble naître en moi tandis que mes oreilles se mettent à le percevoir. Sons. Criquets, cigales, sauterelles... Un millier d'insectes participent à cette symphonie continue. Ils sont un, et pourtant tous uniques. Au fur et à mesure que mon ouïe s'affine, je peux accrocher, choisir une note dans cette mélodie sans cesse renouvelé. Là, un cri faible mais perçant, l'heure des chauves-souris. Il me semble presque percevoir les battements d'ailes, toile rapide, mouvements précis, à gauche, envol, plongée, virage, proie.
Je m'éloigne, le vent dans les arbres... Les yeux ainsi fermés, l'on pourrait presque croire qu'il s'agit de la lente respiration de l'océan, sac et ressac, force immuable, paisible et infinie. Je m'éloigne un peu plus, et un ruisseau nait dans le lointain. Il a toujours été présent, mais je le découvre, encore. Loin de l'immensité de l'océan végétal, c'est ici une comptine qui chatouille l'oreille, quelques accords subtils, un écureuil qui se faufile de branches en branches, un mulot qui défie les racines.
Un frisson me parcours l'échine. Je n'ai pas froid, mais la nuit m'envahit, s'empare de moi. Je n'oppose pas de résistance. Approche...
Avec la nuit, viennent les odeurs. Comment décrire ce monde olfactif ? Je pourrais parler de soirs d'été, de musc, de chaleur, de branches chauffées par le soleil, de la tiédeur paisible qui suit la fournaise. Je pourrais sans aucun doute évoquer des feux de camps, des soirées autour d'un barde improvisé, des chants amicaux, des rires, et le goût de l'insouciance. J'imagine qu'évoquer le loup tapis au coeur des ombres, les chemins qui côtoient les cimetières, les ombres découpées par un ciel trop sombre pour être encore le soir et trop clair pour se nommer nuit, ne serait pas de trop pour colorer ce tableau. Et pour finir, accompagnant toutes les autres, l'odeur unique, parfaite, sublime, de la liberté.
Mes yeux sont encore fermés, le monde a quasiment fini sa transformation. Sans qu'il ne me soit nécessaire de les voir, je devine les constellations, diamants scintillants ornant la voute céleste, et je sais que, trônant en bonne place, la Dame Blanche tourne son regard vers moi.
La forêt m'appelle, mais ce chant est doux à mes oreilles. Elle m'attire, et je la désire.
Je me lève. L'herbe crisse légèrement sous mes pieds, c'est une caresse délicate. Je me réjouis déjà de la danse langoureuse que m'offrira la terre, et, quand la forêt me prendra dans ses bras, des arabesques olfactives qu'elle m'offrira. Le vent m'apporte les effluves d'un lieu primitif, protégé. Je sais que ce monde pourrait être violent, bestial, mais j'ai ma porte et j'ai ma clef. J'ai fait le choix du beau.
Alors je sais que je pourrai me tourner vers Elle, et je me donner sans restriction. Je transforme la malédiction en cadeau, le sang en vie, le chien en loup.
Je respire et la tête m'en tourne. Il est l'heure, enfin. J'ouvre les yeux, et je te regarde, Lune, ronde comme le ventre d'une mère, et d'Elle, par Elle, pour Elle, je sens monter un cri du tréfonds des âges, une clameur sauvage qui hurle la beauté du monde, et quand il explosera, pour une nuit encore, je ne serai plus homme, mais loup.

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Onirian, qui aime le crépuscule.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-08-11 23:02:27 

 Commentaire Onirian, exercice n°79Détails
C'est Magnifique! Trop court, bien sûr, toujours trop court quand on aime, mais le texte se suffit à lui-même, c'est juste un moment d'extase... donc toujours trop court...
L'ambiance du crépuscule est délicieuse, vivante, vibrante, sensuelle, précise et poétique à la fois. Quel talent! J'ai mis du "joli" partout en marge, le commentaire pourrait être plus long que le texte!
J'adore le mélange trouble entre le vu et le ressenti, ça rend bien la confusion du crépuscule... entre chien et loup... Mais ce qui me touche le plus, c'est la force vitale du loup, si heureux de renaître, tellement amoureux de la vie, de sa vie libre... Ca, c'est vivifiant, c'est jubilatoire, c'est dopant!


Bricoles:
- un instant, suspendu: enlève la virgule, c'est mieux
- renouvelé: ée
- de branches en branches: de branche en branche
- un frisson me parcours: parcourt
- des feux de camps: de camp
- le loup tapis: tapi
- la voute: la voûte


Je suis ravie! C'est un texte excellent, envoûtant, magique! C'est dans la fantasy que tu dois persévérer. Travaille! Tu as vraiment tout ce qu'il faut pour réussir!
Narwa Roquen,accro!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-23 17:16:33 

 Exercice 79 : Onirian => CommentaireDétails
Tiens, je ne la connaissais pas cette locution latine. J’ai bien aimé ce texte. Le style est agréable. Cet intermède se suffit à lui-même en effet. J’aurais aimé peut-être des comparaisons plus inédites que soleil / disque incandescent et étoiles / diamants scintillants mais je reconnais qu’innover quand tant de choses ont déjà été écrites relève du défi. La métaphore Nature / amante est intéressante ; tu aurais pu la développer, je trouve. La fin sonne joliment et, rétrospectivement, ton titre est judicieux.

Estellanara
Urashima-Taro est sorti de la mer...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-23 17:17:40 

 Exercice 79 : Narwa => CommentaireDétails
Tu dresses le portrait crédible d’une femme âgée, à un tournant de sa vie. Le monologue change de sujet au fil des pensées errantes de l’héroïne, dans l’esprit de laquelle un souvenir en appelle un autre. Plusieurs détails sonnent particulièrement vrai, comme le fait qu’elle n’accepte pas son âge. Le portrait psychologique de sa famille est plutôt finaud avec notamment « Comment osais-je être vivante si Augustin était mort ? ». Les souvenirs émus des vacances à la ferme m’ont semblés un brin convenus mais ils s’intègrent à la logique du récit.
L’histoire de la vie de cette femme qui émerge par bribes, est bien amenée. On suit bien le fil de ses pensées, ça sonne vrai. C’est beau, la description de la terre de tonton Emile : « Elle n’est ni bonne ni mauvaise, elle n’a pas d’intentions. ». La description de la nature alterne avec l’histoire de la vie de la femme et évite la lassitude que pourrait causer un trop long passage descriptif continu.
Le ton du texte est spécial, trop blasé, trop dans l’acceptation pour être franchement triste, mais néanmoins mélancolique. Ton héroïne se plonge dans des réflexions existentielles et universelles sur le sens de la vie, que lui souffle l’observation de la Nature. L’obsession de la mort forme un contraste intéressant avec le paysage plein de vie. Mais finalement, la mort fait partie du grand cycle de la vie. Et ton héroïne, si elle se laissait mourir sur l’herbe, rejoindrait l’humus qui nourrit les plantes, les lapins...
Bien vu aussi le résumé rapide mais efficace de la vie de Gianni. Tiens, « comme si ce que je dis était intéressant » : j’aurais écrit « disais ». On arrive à la fin du texte et je n’ai pas vu de chat... Ah mais si, le voilà (^_^). Après une ballade aussi paisible, j’ai trouvé la fin un peu rapide. Un texte très agréable à lire et carrément reposant.

Estellanara
Urashima-Taro est sorti de la mer...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-23 17:44:42 

 Exercice 79 : Netra => CommentaireDétails
Super joli ce texte, avec son ambiance poétique et calme, et son titre intriguant. L’emploi judicieux des mots japonais contribue à donner un cachet typique. Le rythme évolue vers celui d’un poème en prose, avec des phrases élégantes comme « Qu'y a-t-il de si important dans la neige que le printemps la doive rappeler ? ». Et les trois dernières lignes sont juste sublimes.

Estellanara
Urashima-Taro est sorti de la mer...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-23 17:52:42 

 Exercice 79 : Shaana => CommentaireDétails
Ta description monochrome est très originale et crée un effet surréaliste. Tu fais un usage impressionnant du champ lexical, même s’il y a un peu trop d’occurrence du mot « bleu » à mon goût. Tu m’as appris des mots : guède, safre, smalt. Bon, ils ne vont pas être évidents à replacer à un diner de famille...
« astre turquoise ne se fait que chaleur » accroche un peu, je trouve. De même, j’aurais coupé la phrase « Leurs ailes bleues dragée se déploient pour s’envoler légèrement vers ces étendues qui me restent inconnues mais qui m’apparaissent déjà comme appartenant à un monde de lagune. ». Et il y a une petite répétition ici : « une tâche vitale pour maintenir la vie ».
J’ai trouvé le passage sur les oiseaux carnivores très étrange, après la quiétude et l’impression de sécurité du reste. Cela contribue à l’effet d’ensemble curieux et onirique. J’aurais bien aimé une piste sur le contexte : le personnage rêve-t-il ? A-t-il franchi une porte magique ? Un texte résolument original.

Estellanara
Urashima-Taro est sorti de la mer...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-24 11:03:38 

 Exercice 79 : Maedhros => CommentaireDétails
La première phrase, longue et contournée, nous met immédiatement dans le ton : une description virtuose au style baroque va suivre. J’ai lu avec plaisir quelques mots rares : primesautier, combe. Quelles richesses de la langue se perdent ces dernières années, snif... Et quelle joie de les retrouver au détour d’un texte. Tes métaphores sont très jolies, agréablement tournées et pour la plupart très originales et justes. Elles accentuent le côté vivant et magique de la nature. Cela dit, j’ai trouvé ça un peu too much par endroits et j’ai eu l’impression de m’enfoncer dans une forêt d’adjectifs. Ça existe « bellique » ou c’est un néologisme ? Mon dictionnaire ne connaît pas. Les phrases sont belles mais parfois longues et labyrinthiques. La fin est inattendue et m’a fait penser au Dormeur du val.

Estellanara
Urashima-Taro est sorti de la mer...

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-25 21:57:52 

 Arigato gosaimasuDétails
Merci pour ta lecture Est' !!!

Et pour le comm aussi évidement !
Netra, peu de temps, mais on fait avec.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2011-03-26 18:50:53 

 Prédiction...Détails
Oui, "bellique " existe bien. C'est un adjectif tombé en désuétude qui voulait dire : guerrier (belliqueux)

J'ai utilisé une tournure tirée d'un quatrain de Nostradamus qui prédisait la mort d'Henri II dans un tournoi :

"Le lion jeune le vieux surmontera;
En champ bellique par singulier duel,
Dans cage d'or ses yeux lui crèvera,
Deux plaies une, puis mourir, mort cruelle".



M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-29 11:06:02 

 De rien, ma chouteDétails
Alors, ça roule, depuis le temps ? Quoi de neuf ?
J'ai décidé de reprendre du temps pour venir ici après vous avoir trop longtemps négligés, mais sans jamais cesser de penser à vous tous. J'ai entamé la lecture du WA80 mais vue la longueur de la participation de Maedhros, c'est pas pour tout de suite que je poste mes comms. Par contre, mes nouveaux loisirs et mes obligations diverses ne me laisseront pas le temps d'écrire moi-même avant un moment, je le crains.

Biiiz, Est'

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-29 11:07:49 

 Un mot de plusDétails
Oh j'avais facilement déduit le sens de "bellique" avec la racine mais je te remercie pour cette minute culturelle. J'adore apprendre des mots !

Est', et hop !

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-29 12:59:48 

 Bah... Détails
Avec mon groupe on prépare notre premier CD, d'où mon léger absentéisme (d'ailleurs je devrais bosser ma harpe là...)
Mais je continue d'écrire et de lire quand même, hein *-*
Et dis dis dis tu viens quand même nous voir, hein, nous laisse pas tous seuls !!!
Netra, première session d'enregistrements J-20

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-03-31 09:55:55 

 Wow !Détails
C'est génial ça, un CD ! Félicitations ! T'enfiles une tenue médiévale pour la jaquette, hein ??!

Est', et hop !

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Netra  Ecrire à Netra

2011-03-31 13:18:32 

 Pire ^^Détails
Une tenue med-fan asymétrique et bizarroïde avec des graaaandes oreilles et du maquillage bleu plein la tronche. 
(et une harpe électrique.)

Et je m'en tire mieux que Corbin, qui lui a droit à du vert... 
Netra, première session d'enregistrements J-18

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2011-04-01 10:42:39 

 Coooool !Détails
Ben c'est la classe ! Chuis impatiente de voir ça !
Ouais, c'est vrai que vert, ça va pas forcément à tout le monde et t'as vite le look de Link. D'ailleurs, je me couds un cosplay de ranger elfe pour une convention et je ressemble à Link...

Est', I can't wait for the week end to begin (sur un air connu)

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