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 WA-76 Participation Maeglin (avec des morceaux de WA-75 dedans) Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maeglin  Ecrire à Maeglin
Page web : http://Maeglin
Date : Jeudi 15 avril 2010 à 12:14:14
Vers les Lochs

(Où le poids et l'ennui me courbent le dos)

Une nuit d'avance.
Et la dérangeante impression que les veneurs du Palatinat me l'ont laissé plus par goût du divertissement que par nécessité.

D'abord parce que mon plan de sabotage des arsenaux impliquait de rouler dans la farine le plus pervers des officiers de l'Empire, mais surtout à cause de l'inopportune trahison de cette bécasse de Bellissende.

Ma chère comtesse Bellissende ! Prit-elle plus de plaisir à dévoiler ses charmes à mon intimité que mes ambitions à son époux légitime ? Je n'en saurai probablement rien, mais je lui dois depuis quelques lunes la plupart des emballements de mon coeur, avec une préférence marquée pour nos courses coquines dans les salons feutrés du manoir comtal plutôt que cette traque mesquine à travers les bois fétides de Klaverlye.

Prenons toutefois l'exercice avec sérieux. Les spadassins de Sanche-Loup sont réputés pour leur appétit des battues pénibles, indépendamment de l'espèce animale ou humaine qu'ils poursuivent.

Alors certes, je ne compte pas leur faciliter la tâche. Mais à ma décharge, je tiens à dire que je viens de m'assoupir une petite heure sur un tapis de rameaux pourris et de bogues de châtaignes, qu'il pleut à torrents, que je suis encore en habits de courtisan et que mon nécessaire d'aventurier en fuite est soigneusement remisé depuis une dizaine de saisons dans un coffre du palais comtal, dont je suis actuellement séparé par six lieues de forêt hostile et une meute de chiens fauves dirigée par une troupe de rabatteurs sanguinaires et revanchards.

La pluie reste une alliée de taille tant qu'elle m'évite de me désaltérer aux eaux croupies des bois. Puis elle ralentit la progression et la traque des chiens, ce qui n'est pas pour me déplaire. Il existe bien sûr quelques extraits complexes de plantes que l'on frotte sur la peau pour empêcher que l'odorat des clébards ne s'intéresse trop à nous. Il existe également une solution plus rustique dans ma situation, c'est de s'enduire de boue et d'humus. En insistant sur l'entrejambe et les aisselles.

Ne pas courir comme un dératé. Je n'en ai plus l'âge et déjà plus la force. À chaque effort supplémentaire, mes cuisses me proposent désormais un avant-goût des coups de poignard de Sanche-Loup, alors je choisis ma route et mes écarts avec soin, évitant les pistes de chasseurs et les travées connues des guetteurs.

Une colline bienvenue peuplée de hautes fougères m'accueille pour déjeuner sous un ciel encore gris. Plus prosaïquement, je m'affale exténué et la faim au ventre au milieu de nulle part. Un nuage turgescent me rappelle cruellement l'andouillette de l'Auberge du Nez Fleuri que j'ai eu la coquetterie de ne pas finir hier midi... Mon estomac attendra quelques heures. Pour patienter, je retire patiemment les échardes de mes pieds et j'examine précautionneusement ce qui reste de mes souliers, devenus en quelques heures mes meilleurs amis. Enfuyez-vous avec une épée sainte, des vivres en abondance et un attirail exhaustif de baroudeur, si vous n'avez pas de bonnes chaussures et des orteils fonctionnels, votre balade se terminera sans gloire à la première ravine !

De mon promontoire à couvert, les aboiements me parviennent en échos du sud-est. Encore assez lointains, mais s'ils ont emprunté la vieille chasse de Klaverlye c'est parce qu'ils pensent que je me rends vers la Marche de Stirfding et qu'ils ont pris des montures pour me rattraper. Bonne nouvelle, j'ai choisi l'option plus pragmatique des ronciers et des futaies épaisses qui mènent aux Grands Lochs. Sanche-Loup finira bien par rabattre ses mâtins par ici, mais chaque heure gagnée me sera précieuse pour rejoindre les Terres Franches.

N'avoir croisé que quelques grouses et un vieux cerf depuis ce matin m'incite à continuer vers le coeur de Klaverlye. J'y rencontrerai sans doute quelques chats sauvages, néanmoins je mise surtout sur l'exagération des locaux quant à l'existence d'une confrérie de leprechauns tapie dans les ombres de la forêt.

J'ai froid. L'énergie qui maintient le corps en urgence après la frousse commence à lâchement s'éparpiller. La fragile clarté qui perce entre les arbres s'amenuise maintenant à chaque pas. J'ai déjà trébuché trois fois sans conséquence, mais je ne sens plus mes mollets et ma tête dodeline d'épuisement. Plus d'aboiement depuis longtemps, cependant une pluie fine et régulière assourdit les bois et je me fie de moins en moins à mes perceptions. Je me laisse alors tomber sous un immense chêne dont le tronc part en dévers, m'offrant une protection toute symbolique contre l'averse.

Le grand défi de ces prochaines heures consiste à me reposer sans m'endormir et reprendre des forces en avalant quelque chose.

Dors bien, gentil petit d'homme
Ton ventre est plein,
Tes pieds au chaud
Dors bien, dors jusqu'au matin


Maintenant que j'y pense, j'ai un doute sur ces champignons. Non, non, je les ai bien grattés et lavés et ils ne ressemblaient à aucun des toxiques, pourtant il me semble que certains ont des propriétés dangereuses lorsqu'ils sont mangés crus...

Dors bien, gentil petit d'homme
Les leprechauns vont s'occuper
Et de ton ventre et de tes pieds
Dors bien, dors jusqu'au matin


Il fait nuit désormais. Le ciel s'est partiellement dégagé et une brise fraîche s'engouffre dans les cimes. Je me suis recroquevillé sur un matelas de feuilles mortes, secoué de tremblements et de vertiges, incapable même de bâtir un abri de fortune pour me protéger du vent. Les feulements des chats sauvages se mêlent aux hurlements des chiens.

Dors bien, gentil petit d'homme
Dans Klaverlye tu es entré
Les leprechauns tu as trouvé
Jusqu'au matin, tu nous appartiens !


Ils sont une douzaine. Vêtus de rouge sombre, certains brandissent des lanternes au dessus de leurs têtes et tous braquent des regards indécis dans ma direction. Une silhouette gracile vient se planter à mes pieds. Au fond, j'aurais préféré Sanche-Loup et ses sbires.
Bellissende est méconnaissable. Elle n'a rien perdu de sa beauté frondeuse, mais ses longues boucles détachées sur cette robe étrange lui donnent l'air d'une sylphide moqueuse.

Mon bel amant, la promenade ne semble pas vous réussir ! Relevez-vous donc que je brosse un peu votre pourpoint... Voilà. Comme neuf. Bienvenue en Klaverlye.

Je me suis levé d'un bond. Sans douleur. Propre. Rassasié. Je peux sentir l'entêtant parfum de Bellissende lorsqu'elle ondule sa chevelure.

Sanche-Loup sera bientôt là. Vous savez que je n'apprécie pas Sanche-Loup, et mes amis ici présents le détestent tout autant. Nous allons avoir besoin de vous.

J'aime la manière dont elle me regarde. Lorsque je tends les mains vers elle, elle y dépose une épée et une pièce d'or. Puis un baiser.

Clignement de paupières. Les chiens grognent et les hallebardiers se rapprochent. Des torches dansent derrière les troncs d'arbre. Un cri, le mien, et des carreaux qui sifflent. La chaleur des boyaux sur la garde de l'épée. Un choc, à genoux, une cheville tranchée. Il hurle, je me relève. Deux chiens sur moi. L'un tombe mort. L'autre s'accroche, sa tête rompt sous mon pied. Les chats sauvages se ruent sur les autres. Je le leur ai demandé. Un carreau dans le bras, l'épée entre ses yeux. Il me fixe encore et son torse s'effondre. Deux pas vers le prochain. On s'interpose, j'écarte d'un raffut. Un chat est sur sa gueule. Je transperce l'armure et j'ai le goût du sang. Sa dague rebondit, je me retourne, mon crâne fend le sien. Il rampe, vomit, les os de son bassin finissent par craquer sous les coups de pommeau. Une hallebarde brisée au milieu de sa jambe. La mâchoire démise par mon coude. Le bourdonnement enfle. Je ferme encore les yeux. L'averse recommence.

Sanche-Loup est entouré de ses molosses. Les chats sauvages se tiennent derrière moi, prêts à bondir. Un échange de coups rudes. Une parade, une deuxième, puis une frappe d'estoc qui troue son plastron. Il titube. La pluie se mêle au sang et ravine jusqu'à mes lèvres. Les chiens se replient dans les ombres, les torches se taisent en fumées âcres les unes après les autres. Sanche-Loup est à terre, haletant ses dernières forces en spasmes inutiles, l'épée des leprechauns figée dans son coeur.

La bruine a fini par me réveiller. Un jour pâle s'immisce par nappes brumeuses entre les souches. Le cliquetis sourd des gouttes sur le sol détrempé. Un vol de grouses vers l'ouest. La certitude qu'il ne s'est rien passé de tout ça.

Boire une gorgée d'eau à même la feuille. Laver son visage et ses flancs au ruisseau, être rassasié de quelques châtaignes crues. Sentir la fièvre tomber et une sève nouvelle affluer à mes membres engourdis par le confort des palais. Empoigner un bâton, suivre les sentiers dérobés des animaux sauvages, marcher jusqu'au couchant.

Je ne suis pas un tueur. Ma chemise est devenue celle d'un errant, maculée de boue, de sueur et du sang des plaies bénignes récoltées sur le chemin. Je n'ai jamais manié d'épée. J'apprends à manger des pousses de bruyère et les jeunes roseaux, et j'ai maintenant une peau de cerf tannée pour me protéger du froid. Parfois, je crois entendre des chiens crier au sud et je détruis mon abri de fortune avant de pousser plus loin, vers les Lochs. C'était sans doute la fièvre cette nuit-là, me dis-je chaque jour depuis des lunes. Je peux désormais sans trop peiner allumer un feu avec une feuille percée, une goutte d'eau et le soleil braqué sur un tas de brindilles sèches. Bellissende me chassera bien une grouse un de ces jours, elle semble moins farouche depuis que je lui ai sauvé sa patte blessée. Ce n'est qu'une grosse chatte sauvage, évidemment, mais la manière qu'elle a de se frotter à moi lorsqu'elle se sent vulnérable me rappelle une comtesse des lisières de Klaverlye. Je dois rester vigilant pour Sanche-Loup et continuer à garder de l'avance, parce que cette histoire de léprechauns et de combat en forêt devient floue chaque fois que j'y pense. Ça ne me tire plus souci pour la bonne raison que j'ai de quoi occuper mes journées, mais quand vient le soir et que la pluie se met à tomber je ne peux pas m'empêcher de porter nerveusement la main à la seule poche qui reste à ma tunique.

Et parfois, je sens la forme arrondie d'une pièce d'or.


  
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Réponses à ce message :
3 A Death in the Family (*) - Maedhros (Ven 20 aou 2010 à 17:41)
3 Exercice 76 : Maeglin => Commentaire - Estellanara (Lun 2 aou 2010 à 14:04)
       4 Le niveau monte... - Narwa Roquen (Lun 2 aou 2010 à 14:35)
3 Raffut - z653z (Jeu 6 mai 2010 à 12:28)
3 Commentaire Maeglin, exercice n°76 - Narwa Roquen (Ven 23 avr 2010 à 23:49)


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