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De : Maeglin  Ecrire à Maeglin
Page web : http://Maeglin
Date : Mardi 23 mars 2010 à 11:09:28
Préface aux Oeuvres Complètes de Molière

suivie d'une lettre de l'éditeur


A la faveur d'une bibliothèque dont on me fit don pour mes 33 ans, je lus pour la première fois l'intégralité des Oeuvres de Molière. Enfin sorties de leur gangue scolaire, elles se déployèrent sur mes ambitions d'alors avec la grâce et l'autorité des évidences littéraires.
Vivantes, fougueuses, libérales, les pièces de Molière traversent le Grand Siècle en anticipant celui des Lumières: dans leur finesse à saisir les travers d'une époque, elles transcendent le genre en lui conférant des bribes d'universalité.
Une préface des Oeuvres Complètes de Molière est un exercice vain, tant l'auteur nous donne de clefs pour entrer dans le vif de son propos. A l'imposture pudibonde, aux vices du monde, à l'hypocrisie des castes, Molière réplique pied à pied et prend souvent l'initiative, titillant les puissants et ouvrant la voie aux revendications du siècle suivant.
A l'abri du monarque absolu Louis XIV, Molière contribue pourtant à fragiliser ce qu'il renforce. Il offre au règne une caution artistique sans égale et participe au rayonnement culturel d'un Etat au paroxysme de sa suffisance symbolique, tout en sapant délibérément et viscéralement les étreintes politiques et morales d'une élite en sursis.
Au delà du talent de chaque scène, c'est cette jouissive ambivalence qui me transporte à chacune des pièces de Molière. Le rythme parfait d'une audace permanente, tel un danseur sur la braise condamné à la perfection de son art pour éviter d'être brûlé vif. Dans ce rapport à la chair, au réel, le théâtre de Molière excelle, démontre, vibre et suggère.
A la rencontre de Molière, nous autres écrivains sommes interchangeables. C'est dire tout l'honneur que m'a fait mon éditeur en me proposant d'écrire cette préface. Dans mes travaux littéraires et mes engagements politiques, il est presque inconvenant de rappeler à quel point ma carrière doit à l'oeuvre de Maître Jean-Baptiste, dont le prénom résonne tel son homologue biblique à travers mon propre parcours initiatique. On ne prend aucun risque en préfaçant Molière, parce qu'il les a déjà tous pris en écrivant Les Précieuses Ridicules, Tartuffe ou Dom Juan. Ne reste depuis quatre siècles pleins aux lecteurs et spectateurs que la force d'une intelligence au service de la comédie des hommes.

_________________________________

Cher Monsieur,

C'est avec énormément d'émotion que j'ai reçu votre préface des Oeuvres Complètes de Molière que nous publierons le semestre prochain. Une émotion d'abord dans la joie de recevoir de vous quelques nouvelles depuis votre lointaine promesse de reprendre contact avec nous.
Vous affirmez notamment que « l'exercice de cette préface est vain ». Vous concernant, je ne peut pas trouver de mots plus justes. Non que cette formule soit particulièrement mauvaise, mais elle prend un sens tout particulier – et c'est bien là que se situe l'autre partie de mon émotion – au regard de la terrible méprise dans laquelle nous nous sommes fourvoyés. Vous trouverez en pièce jointe à ce courrier la notification de licenciement de notre secrétaire, celle-ci ayant malencontreusement confondu votre nom et celui de notre écrivain vedette lors de l'envoi de mon courrier.
Je vous conjure, Monsieur, de ne pas vous sentir blessé par cet incident malheureux; j'ai particulièrement apprécié – outre une vivacité dans vos délais à laquelle je n'étais pas habitué – la touchante sincérité avec laquelle vous vous êtes identifié à l'un de nos plus grands auteurs. « L'audace permanente » n'étant pas à la portée de toutes les plumes, je m'inscrirai en faux contre tout fâcheux qui oserait prétendre que votre unique pièce de théâtre « Le plombier cocu » interprétée sobrement mais de façon pragmatique à la MJC de Vaulx-en-Velin au printemps 2010 ne constitua pas une majeure prise de risques dans l'histoire du théâtre contemporain comme pour les finances de mon entreprise.
De la dimension politique de Molière, vous soulignez à raison l'ambiguïté de sa posture au regard du pouvoir, m'offrant ainsi les clefs nécessaires à la compréhension de vos propres itinéraires militants, souvent complexes et dont les suites judiciaires permirent à notre maison de se doter d'avocats certes onéreux mais efficacement rompus à défendre vos débordantes déclarations à l'encontre de la sphère politique ou industrielle.
Ce n'est toutefois pas sans une certaine nostalgie que j'évoque ces temps déjà anciens où vous occupiez le devant de la scène littéraire, vos inconstances conjugales palliant avantageusement l'inconstance de vos productions d'alors et offrant à notre entreprise une publicité inespérée.
Mais revenons à Molière. Et louons ensemble son art consommé de la farce et du quiproquo qui aura effectivement eu le mérite de s'exercer au détour de cette correspondance incongrue.
Afin de lui rendre un hommage mérité, et puisque notre époque bienveillante s'abstient de « brûler vifs » les auteurs imparfaits, je vous propose néanmoins de publier votre « préface aux Oeuvres Complètes de Molière » dans le prochain ouvrage dont vous voudrez bien vous acquitter. Une improbable suite au machiavélique « Zoltran ne répond plus »? Un livre de recettes originales mêlant de manière inédite la gastronomie normande et provençale? Une fresque fantastique impliquant des elfes court vêtues et des nains taciturnes à la recherche d'une relique oubliée? Nul doute que sur la lancée de votre enthousiasme à écrire cette préface, vous saurez désormais retrouver l'inspiration (ou à défaut la production) bien nécessaire à l'exercice de nos difficiles métiers.

En vous renouvelant nos excuses pour ce malentendu et dans l'attente de votre prochain manuscrit je vous prie d'agréer, cher auteur, l'assurance de nos plus chaleureuses salutations.


  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-24 23:05:41 

 Commentaire Maeglin, exercice n°73Détails
Ta préface est somptueuse! Ecrite dans un style à la fois concis et flamboyant, intellectuel et passionné, c'est en même temps une leçon de vocabulaire et une envolée culturelle qui laisse le lecteur ignare perplexe et le lecteur cultivé émoustillé d'une ivresse jubilatoire...
Ah, "la suffisance symbolique", que c'est bien trouvé! Et l'image du danseur sur la braise...
Entre les lignes, on croit revoir Molière, funambule génial, en équilibre instable entre son besoin de subventions et son envie de dire ce qu'il pense, auteur intrépide et acteur bienheureux qui réalisa le rêve de tout comédien, mourir sur scène...
On imagine mal un style d'une telle densité dans un roman. Le lecteur arriverait-il à le supporter, tant la concentration requise est grande pour apprécier chaque allusion et chaque nuance? Mais dans une nouvelle d'une dizaine de pages, ce serait une oeuvre époustouflante, décoiffante, dont on sortirait comme après une plongée en apnée, émerveillé, épuisé, repu... Si je possédais un tel talent, je le travaillerais, je m'en servirais, ou plutôt je le servirais avec abnégation!
Essaie d'y penser. Comme tous les gens doués, le travail te répugne. Je t'en veux pour ça, parce que c'est une insulte au pauvre monde qui ne peut pas aligner deux phrases. Et aussi parce que tu nous prives, nous les lecteurs avides de littérature, d'un moment exceptionnel. De quoi as-tu peur? Le talent, tu l'as! J'en connais qui vendraient leur âme pour en avoir le quart! N'attends pas que la sénilité te prive de tes ressources, c'est maintenant qu'il te faut donner le meilleur de toi-même. Ne sois pas égoïste: tu peux donner plus que ça!
Narwa Roquen,à qui peut donner beaucoup, il faut demander beaucoup

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-27 11:22:30 

 Commentaire Maeglin, exercice n° 74Détails
Délicieux quiproquo ! et exquise méprise...
Tu as trouvé le ton adéquat pour faire parler un éditeur – tel que je l’imagine, parce qu’en réalité je n’en ai (hélas !) aucune expérience. Tu donnes l’image d’un homme cultivé, sociable, diplomate, mais préoccupé également par le rendement financier de son entreprise. Le mélange est subtil, le dosage parfait, l’humour explose en filigrane avec une délicatesse d’orfèvre...
Une faute de frappe : « je ne peut pas trouver »

Vite fait, mais bien fait. Le genre de texte qui te met de bonne humeur pour la journée... Et en ce moment j’en ai besoin : merci !
Narwa Roquen,l'humour, toujours l'humour!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-06-23 15:07:06 

 Exercice 73 : Maeglin => CommentaireDétails
Et hop, je réattaque comme promis la lecture. Le sujet de cette WA est original mais semble difficile.
La première partie de ton texte a un style très élégant, voire un brin pompeux par moments. Bref, il est tout à fait crédible qu'elle soit le fruit d'un écrivain. La deuxième partie est moins bien maîtrisée, comme écrite à la hâte, avec quelques maladresses (« Non que cette formule soit particulièrement mauvaise » alors qu’il vient de dire que les mots étaient justes, se fourvoyer dans une méprise est redondant) et fautes d’orthographe. Je ne suis pas sûre d’avoir saisi. Ton auteur a reçu cette demande de préface à la place de sa lettre de licenciement ? Mais finalement, il n’est pas viré ? J’ai trouvé l’ironie de l’éditeur très amusante.

Est', en pleine lecture.

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