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 WA, exercice n°75 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 11 mars 2010 à 23:03:29
Voici ce qui s'appelle un exercice de style. Vous allez décrire une scène de folie. J'entends par là que votre personnage, habituellement sain d'esprit, devient momentanément fou pour une raison qu'il vous faudra trouver, et qui devra être cohérente avec le personnage et son histoire. Bien sûr vous pouvez inclure cette scène dans un récit plus large.
A titre d'exemple souvenez-vous de la scène de folie de Giselle, qui la mène à la mort, et de celle, moins connue mais tout aussi troublante, du mathématicien dans "Le fleuve étincelant" de Charles Morgan.
La difficulté sera de donner des frissons au lecteur, sans tomber dans le mélo ou l'absurde... Question de dosage...
Cogitez bien! Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 1° avril, sans blague!
Narwa Roquen, mens sana in corpore sano


  
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Réponses à ce message :
Onirian  Ecrire à Onirian

2010-03-25 15:22:40 

 WA-Exercice 75 - La folieDétails
Je l'avais promis, du torturé pour le suivant. En même temps avec un thème comme la folie, faire autrement risquerais de froler le hors sujet.
Un texte de nouveau un peu plus long, et nettement plus travaillé. La folie est un thème qui m'a toujours parlé.

Attention, quelques termes peuvent choquer.

--

Projet Shae.


- Bonjour monsieur, vous êtes prêt ? Confortablement installé ?
L'individu, vraisemblablement peu rassuré, était allongé dans ce qui lui semblait être un fauteuil de dentiste. Il ne savait pas comment il était arrivé là. Son dernier souvenir se résumait à une douleur cuisante au crâne, apparue au moment précis où il introdutisait sa clef dans la serrure de son appartement.
Il n'était pas attaché, mais ne pouvait faire aucun mouvement. Confortablement installé... Oui, sans aucun doute le fauteuil était très agréable, mais le fait d'être retenu prisonnier par des inconnus n'était pas en soi une position que l'on pouvait qualifier de 'confortable'.
Un million de questions lui brulaient les lèvres mais celles-ci restaient scellées.
- Quel est votre nom ?
- Martin. Antoine Martin.
Il avait répondu. Il voulut aussitôt enchaîner sur un "Libérez-moi !" ou un "Que voulez vous de moi ?", une insulte à la rigueur, mais rien d'autre ne sortit.
- Monsieur Martin, je m'appelle R4253-V1979. Je suis un robot conçu il y a quelques mille années de cela, mon but est de sauver l'humanité. Nous avons essayé autant que possible de rendre votre capture la moins traumatisante possible. Cependant vous allez être soumis à une exploration mentale qui vous aidera à devenir vous même. Avez-vous des questions ?
Une contrainte mentale pesait sur lui, contrainte levée à chaque question posée par l'homme... par la machine. Il semblait tellement... vrai ? Il ne voulait par croire ce qu'on lui racontait mais tout semblait si réel, sa situation avait le côté abrupt, râpeux, d’une réalité trop étrange et que l’on veut fuir... Finalement, une seule question lui vint, qui résumait toutes les autres.
- Pourquoi ?
- Fin de l'humanité, résumé : l'humanité a commencé son déclin en l'an 2087, suite à une guerre nucléaire déclenchée par des extrémistes religieux à l'encontre d'autres extrémistes religieux. Voyant cela, une poignée de scientifiques du monde libre, parmi les plus savants de leur temps, ont décidé de s'unir pour tenter de sauvegarder un "après". Ils ont ainsi créé une communauté autonome qui a survécu 148 ans. Avant de dépérir, ils ont cependant réussi à faire aboutir le projet SAI, Singularity Artificial Intelligence. Une intelligence artificielle capable d'auto création, dont le but était, et est toujours, de sauver l'humanité. Le dernier humain est mort en 2427, en même temps qu'a explosé le silo à missile dans lequel la dernière poche de survivants s'était réfugié. L'homme en question souhaitait exploiter l'énergie nucléaire pour améliorer le confort de ses compatriotes.
- Mais... non... je... nous sommes en 2010, vos histoires de fin du monde, c'est du grand n'importe quoi, libérez-moi !
- Nous sommes en 11 489 après la fin de l'ère humaine. La singularité créée par les scientifiques a continué de progresser, à un rythme extrêmement lent d'abord, s'auto-recréant en permanence pour améliorer ses capacités, puis de plus en plus vite. Notre but est de sauver l'humanité mais nous sommes arrivés à la conclusion que la cause de sa destruction était elle-même.
Le robot marqua une pause, laissant le temps à monsieur Martin d'assimiler les informations, puis repris :
- Comment donc les sauver ? Ce problème a occupé la Singularité pendant cinq mille ans, pour arriver finalement à l'unique voie, il faut éduquer les humains. Il a fallu cinq milles années supplémentaires pour mettre au point un système de voyage dans le temps. Vous êtes le premier sujet. Et le premier véritable être humain à respirer depuis 11 489 années. Nous avons évidemment mis au point des clones par décodage d'ADN afin d’étudier les mécanismes humains, mais notre but est de sauver l'humanité, pas d'en créer une autre.
- M'éduquer ? Mais que voulez vous faire ?
- Au vingtième siècle une pratique s'est répandue, nommée psychanalyse. Nous sommes parti de ces études qui se sont révélées fausses ou incomplètes pour la plupart, et avons développé un système permettant une exploration plus directe. Le projet Shae est issu de l'idée que chaque humain devait explorer ses propres folies pour pouvoir s'en affranchir. C'est ce que nous allons tenter avec vous. Le principe est simple, nous allons lever la plupart de vos inhibitions. Un ajustement sera fait en temps réel pour éviter que vous ne perdiez toute cohérence. De plus, je serai présent pour vous guider. Ne vous inquiétez pas, toutes vos données ont été sauvegardées et vous seront réinjectées autant de fois que nécessaire.
- Sauvegardées ? Réinjectées ?
- Oui, c'est le quarante-deuxième essai, et il commence maintenant.

Un monde noir, où suis-je ? Qui suis-je ?
J'existe.
- Maman, maman !
Des voix murmurent autour de moi, j'entends des voix, elles me parlent, me disent que tout ira bien. Je suis confus. J'ai mal. Non. Qu'est-ce qui se passe ? Qui est là ?
Aliosha. Elle est jolie, j'ai trois ans, elle ne veut plus me donner la main, ça me fait mal. Elle ne m'aime plus. Pourquoi ? Elle me dit que je le sais, mais ce n'est pas vrai. Pourquoi ? NON !
Ma pupille dans un miroir, un bruit de fête, une boite, je vomis, j'ai huit ans, mon père refuse que je me serve du courbet, j'ai mal au doigt, rouge, j'ai trente ans, je vois la mort, j'ai six mois, j'entends la musique dans l'eau, j'ai quarante ans, je n'arrive plus à baiser, j'ai mal, j'ai peur, elle est jolie, ils se moquent, pourquoi, j'ai mal, l'image se fixe.
Je vois un arbre dans une prairie, je suis bien, un étang, je suis calme, au centre du monde, le ciel est mauve, il tourbillonne, je crie, j'ai dix-sept ans, je l'embrasse pour la première fois, j'ai mille ans, je ne suis qu'un tas d'os oubliés, j'ai peur, la mort, j'entends de la musique, ses doigts virevoltent, j'en tombe amoureux, la télé me parle, elle est grande, le cancer de mon père, sa peau trop fine, ses yeux vitreux, après. BORDEL ! JE VAIS LE BUTER ! La colère, pourquoi ? Je suis dieu, je ne crois pas en la mort, j'aime la courbe d'un sein, d'une hanche, sa langue n'a pas de goût. Où suis-je ? Maman, j'ai peur dans le noir.

- Calmez-vous monsieur Martin.
Monopoly, une voix stridente, de fille, elle se moque Henryyyy Martieeeenn. Je veux sauter du haut de ce toit, un microscope, qu'est ce que je pourrais voir si j'y mettais une goutte de mon sang ? J'ai enterré un chat. Je fais semblant. J'aime, je déteste, je hais. Je passe à côté de ma vie. Des larmes sont tatouées sous mes yeux. On ne les voit pas, elles sont cachées au dedans.
- Monsieur Martin, est-ce que vous m'entendez ?
Il m'énerve, saloperie de robot. Je veux regarder Canal+, c'est nul, ca ne marche pas la passoire. J'ai des Transformers, ce ne sont pas les vrais, j'ai une voiture, je conduis seul, la vitesse, grisante, floue, force, puissance, dérapage, sexe, plage, rock’n’roll, cerveau, peur, joie, philosophie, papa, sommeil,

- Monsieur Martin, c'est R4253-V1979. Concentrez-vous sur ma voix, où nous vous perdrons encore.
Sale con, je lui ferai bien bouffer ses vis. Va boire un coup et rouille gros tas de merde. Ma première bagarre, j'ai gagné, la suivante, elle n'a pas eu lieu, le lycée, Aliosha, ce n'est pas son vrai nom, sa meilleure amie rit, elle et lui, idiot, je voudrais leur faire exploser le crâne, je ne peux pas, je suis sage, je ne casse pas les assiettes, la soupe aux vers de terre, désolé,
- Monsieur Martin, qui êtes-vous ?
Non, pas ce gilet, je veux vomir, au secours ! Je me débats, je cours, je hurle, crie, peine, souffre, agonise, vie, dépéris, déprime, chante, pleure,
- Monsieur Martin, ma Voix !
Ta voix mon cul oui ! Je suis banal, pourquoi pas, pourquoi moi ? Je n'ai rien. Je ne suis rien. Eh, tas de merde, puisque que t'es dans ma tête, réponds moi, pourquoi moi !
- A cause de l'effet Papillon, Monsieur Martin, vous êtes le premier élément.
Ils étaient chiants mes cours de chimie. Bonjour. Cinq. Quoi. Qui. Que.
- Monsieur Martin ! Monsieur Martin !
Hein ? Vous êtes dans la lune ! Sale con de prof. J'aime lire, je déteste les classiques, ce n'est pas vrai. C'est comme la salade. Mes idées font du chaos, elles partent, je ne les tiens pas, je suis inconscient, ma mère, un trou noir, j'émerge, je tombe dans la réalité, le bord de la table me fait mal, ne joue pas, ça brule, ça coupe, tranche, vrille, tape, perce, broie,
- Monsieur Martin, qui êtes-vous ?
Il m'agace le bot, j'ai répondu, je ne suis rien, néant, nada, quedal, zéro, niet, pffuit, je suis fatigué, je veux dormir, dormir, domir, dmir,
- Monsieur Martin, vous êtes le premier élément.
Elémentaire mon cher Watson, et les menteurs songent et les mensonges tueurs, et les messages mensongers, et les songes messagers, et les sondes dépravées. Tu veux voir mon crâne ducon ? Viens, je t'emmène faire un petit tour. Je me branle aux chiottes, ca te fait bander zéboulon ? J'écrase la tête du chat sous ma botte, ca t'excite connard ? C'est vrai, c'est faux, t'es une machine, viens dans mon musée des horreurs.
- Monsieur Martin, vous n'avez jamais fait cela, que faites-vous ?
Monsieur Martin il imagine R-6PO-truc-bidule, et il pense GZITT. Ca a une conscience une Singularité ? Tu veux sauver ton tas de déchet ? Collège, ah, c'est bon de chier, j'ai jamais baisé, elle est belle, elle m'ignore, elle ne saura jamais que j'existe, je veux crever, tuez moi ici, égarement, brume, où, quoi, quand,
- Monsieur Martin, vous devez vaincre vos folies !
Chapeau pointu ! Et hop dans ton cul. J'encule le monde, on a tous une phase comme ca, jusqu'à ce qu'on découvre son anus, l'humanité est dans la merde, je suis un papillon, papiiiiiilonnnn effet de meeeerde. La clef de mon trou dtc, l'humanité ira se faire voir, j'en peux plus, maman, BORDEL VIENT ICI, non ! Eh, petit bonhomme, tu veux une mousse ? BORDEL LAISSEZ MA TETE TRANQUILLE ! SORTEZ DE LA !
- Ce n'est pas possible Monsieur Martin, vous devez vaincre vos folies, vous avez un fils.
Fils de pute, elle s'est tirée, non, je l’ai chassée, j'ai pas de môme, ma vie est un désert, un putain de chantier, terrain miné, vient perdre une jambe chez papa. Elle s'appelle Aliosha. C'est son nick, et je nique, et je pique, coeur, carreau, trèfle. Où est ma chance ? Pourquoi ? Mes larmes coulent, pourquoi elle est partie ? Dis monsieur le robot, elle est où ma chérie ? Bonbon au miel et couette chaude, je me mitoufle, c'est pas un vrai mot, c'est un mot à elle, où elle est ? Je cherche, je trouve pas, je veux un câlin...
- Monsieur Martin, vous avez un fils, avec elle.
Elle a les yeux révolver, sur la tempe, j'appuie, elle peut crever, la salope, avec mon meilleur pote encore, qu'elle aille se faire tirer par les jupitériens, monsieur Re-re t'as une queue ? T'es qu'un gros gode nécrophile en vrai ?
- Monsieur Martin, vous avez un fils, avec elle.
Je suis enceinte. Tu mens. De toi. T'était avec lui. Je t'aime. Je t'aime. J'ai mal. Je n'écoute pas. Dégage. Je reste. Mon univers s'écroule. Pourquoi tu m’as fait ça ? Je n'ai rien fait ! Tu pleures. Mes larmes sont salées. Tu me laisses un gout amer. Mes bouteilles à l'amer, les jours se fondent, se noient, et les mois, et moi aussi.
- Monsieur Martin, vous avez un fils, avec elle.
ET ALORS ? J'AI BUTE CE SALE CON ! Un accident, juste ça, il est tombé dans l'escalier, il avait trop bu. Pour sûr qu'on a bu. Viens, faut qu'on parle, bois un coup, on parlera après, bois encore, on causera plus tard, bois toujours, je te pousse vers ta mort, bois finalement, pour oublier qui se tenait là. Je voulais pas le tuer, juste lui faire mal, comme il m'avait fait mal, avec elle. Je veux pas, je suis un tout petit garçon. J'ai dix ans et mon petit frère vient de casser mon château de sable. Il est méchant avec moi, pourquoi tout le monde est aussi méchant ? C'est beau le soleil qui se lève, je ne veux plus jamais me lever.
- Monsieur Martin, vous avez un fils, avec elle.
TA GUEULE ! Je l'ai jamais ouvert ton putain de courrier. Je l'ai mis dans le feu, je l'ai jamais ouvert, il était pas question que je l'ouvre, je l'ai pas vue ta PUTAIN DE PHOTO, il ressemble à mon papa, j'ai vieilli la photo, je dis que c'est moi, petit, la vie m'aime pas et je la déteste, Ally, enfonce moi ce pieu dans ce coeur trop vieux, laissez-moi, je t'Aime bordel !

Le déclic habituel, les vieilles odeurs de crasses, de vaisselle qui a trainé trop longtemps, les stores à moitiés baissés, et Elle est là. Comment est-elle rentrée ? Les clefs, évidement, Antoine ne les lui a jamais reprises. Il est là, il ne sait plus, ne sait pas. Un instant est passé, il se souvient, ou pas.
- Ally, mais qu'est-ce que tu fais là ?
- Je... Arthur est dans la voiture. Il réclame son père.
- Je... je suis son père.
- Pourtant, il ne s'appelle pas Luke.
- Hein ?
- Ohlà, tu as une tête de déterré, qu'est ce qui t'arrive ? Ce n'est que moi tu sais. Je vais te laisser, je... je crois que ce n'était pas une bonne idée de venir... Mais il voulait te voir tu sais. Il a fait une rédaction, ce n’est que quelques lignes, mais il voulait que tu les lises.
- Attends... si... Je... Tu... avec lui... tu... tu n'avais rien fait, n'est-ce pas ?
- Lui ? Oh, lui... Non. Je n’étais pas bien ce soir là, tu ne voulais pas d’Arthur, et j’avais besoin de parler. Tu ne m’as jamais laissé le temps de te le dire. Je me suis endormie dans ses bras, parce que j’avais besoin de quelqu’un pour me protéger du monde, et que tu avais refusé d’être celui là. Mais il ne s’est rien passé.
- J'ai une vie à racheter. Non deux, trois... non, quatre. La sienne, la tienne, la mienne, et celle d'Arthur. Je... il ne faut plus qu'on se dispute. Je ne te l'ai jamais dit : je t'aime. Je t'Aime, je t'ai toujours Aimé. Du premier instant. Et je n'ai jamais cessé. Ne m'interromps pas ! L'avenir a une drôle de tronche, et les esprits de noël ne ressemblent plus vraiment à monsieur Marley, mais peut-être que je suis le premier élément. Tu me regardes, tu te dis que je suis fou. Peut-être que tu as raison, mais je crois que je peux changer, être quelqu'un de bien. Pour toi, pour lui, pour moi, pour eux. Et si moi je peux changer, toute l'humanité le peut. Alors, s'il te plait... partons ensemble, à trois, je t'Aime.
- Et il t'aura fallu cinq ans ? Tu es un idiot. Allez, viens, ton fils t'attends.

--
Onirian, pas moins fou qu'un autre.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-31 22:08:56 

 WA, exercice n° 75, participationDétails
LE DRAGON DES CZERNIKS



J’étais aux cuisines quand je perçus l’appel de Zéphyr. Personne ne savait que je pouvais communiquer par l’esprit avec les animaux. Cela avait commencé en cette horrible nuit où le Dragon des Czerniks avait ravagé le château. Quand Diakine, le Capitaine de la Garde, m’avait juchée, transie de froid et de peur, sur le dos de Zéphyr, dans cette nuit glaciale qui résonnait de hurlements de terreur, j’avais ressenti pour la première fois dans ma tête la voix apaisante de mon cheval préféré.
« N’aie pas peur, petite fille. Je vais t’emmener en lieu sûr. Tu m’entends parler parce que tu possèdes le Don des Svetlakov, comme ton père et son père avant lui. Je t’en supplie au nom de tous les Dieux de la Sainte Svetlakie, ne le révèle à personne avant que le juste temps ne sois venu, et ceci quelle que soit l’affection que tu portes à celui qui t’interroge. Il y va de ta vie. L’heure de vérité viendra. Sache simplement que tous les animaux de ta terre sont à jamais tes alliés. Et maintenant, accroche-toi à ma crinière et qu’aucune plainte ne franchisse tes lèvres !»
Marishka, maintenant Reine, m’avait confié l’intendance depuis que j’avais quatorze ans, et je m’efforçais d’être à la hauteur de la tâche, tant bien que mal.
« ...Et deux cents petits pains au lard. Le Seigneur Dnorilev aura sûrement une suite imposante ! »
Nous préparions le mariage de ma soeur. J’étais écrasée par la responsabilité – et éperdue de fierté en même temps. J’allais enfin pouvoir montrer à Marishka combien je l’aimais, combien je lui étais reconnaissante de m’avoir toujours protégée, chérie, consolée, à travers toutes les épreuves que nous avions subies. Elle avait toujours été ma lumière, mon guide, mon modèle, mon secours ; elle était belle comme l’aube, forte comme le rocher, intelligente, vive, majestueuse... Elle savait toujours pardonner mes manquements, mes fantaisies d’enfant, mes lubies indignes d’une princesse, mes peurs irraisonnées, mon manque d’ambition, mon sentimentalisme stupide pour les petites gens et les animaux sans défense...
« Je dois parler au jardinier. Je reviens tout à l’heure. »
Je traversai bien le parc, mais pour me faufiler discrètement dans les écuries. Zéphyr était couché sur le flanc ; il haletait péniblement et ouvrit juste une paupière à mon approche, sans même relever la tête.
«Je suis content de te voir, petite fille. Je m’en vais. Je voudrais rester plus longtemps pour te porter secours, mais les Dieux me l’interdisent. Il y a des choses que tu dois savoir.»
Je pris la lourde tête sur mes genoux, couchant sans vergogne la soie brodée de ma robe précieuse dans la paille odorante de la litière.
« Mon pauvre Zéphyr... tu vas me manquer. Je ne trouverai plus jamais un cheval tel que toi. Mais si ton heure est venue, alors je te libère.
- Ecoute-moi, petite fille.»
J’allais avoir quinze ans, mais depuis qu’il me parlait, il m’avait toujours appelée ainsi. Les autres disaient « Princesse Sonia », ou « Sonietchka ». Lui, c’était « petite fille ».
« Tu auras besoin de t’enfuir un jour prochain. Prends Nadievna, la jument grise. Elle saura t’emmener là où tu devras aller. Ne pose pas de questions. Les Dieux ne m’ont pas tout révélé, et il est des secrets que je n’ai pas le droit de partager avec toi. Cependant tu es en danger, et certaines choses doivent t’être connues, avant cette date fatidique...
- Tu parles du mariage de Marishka ?
- Pas seulement. Tu sais qu’à quinze ans, vous les humains, vous devenez adultes au regard de la loi. Et que dans la famille royale être adulte signifie pouvoir prétendre au Trône. Ton frère Vlad, le pauvre, est mort juste avant son anniversaire. Il avait le Don, et s’il avait vécu, ton père l’aurait désigné comme successeur.
- Forcément. Les garçons ont toujours priorité sur les filles pour régner, c’est la loi.
- C’est vrai. Mais Marishka n’a pas le Don.
- Ca n’est pas très important.
- Mais c’est la loi. Sur le trône de ton père il est écrit « Seulement avec le Don, dans l’honneur du Dragon ».
- Comment tu le sais ? Moi, je n’ai jamais eu le droit d’entrer dans la salle du trône !
- Dans ma vie antérieure, j’étais le Capitaine de la Garde. J’ai servi ton grand-père pendant toute ma vie humaine, et j’ai été renvoyé sur terre sous cet avatar de cheval pour prendre soin de toi, parce que telle était la volonté du Donateur.
- Mais Marishka est Reine, et tout se passe bien.
- Je ne t’en dirai pas plus. Tu découvriras les choses par toi-même. Regarde dans le coin du box, sous la mangeoire. J’ai fait tomber le poignard d’ Almet, le palefrenier, ce matin, et je l’ai caché pour toi. Le pauvre garçon doit le chercher partout ! Prends-le, et promets-moi de l’avoir toujours sur toi. Tu ne sais pas te battre, mais en cas de besoin...
- Que pourrait-il m’arriver tant que Marishka est Reine ? C’est ma soeur, elle me protègera envers et contre tous, comme elle l’a toujours fait.
- Il est juste que tu penses cela aujourd’hui. Néanmoins il faut qu’avant le mariage tu prennes le temps d’explorer le passage secret qui part du fond de l’écurie.»
Je fronçai le sourcil.
« Quel passage ?
- Ah, tu ne connais pas encore tous les mystères de ce château... Dans la graineterie, sur le mur du fond, il y a un anneau d’attache. Inutile, me diras-tu, dans une pièce où l’on stocke les sacs d’orge et d’avoine... Un tour entier vers la droite, et tu auras accès au souterrain. Veille à ne pas te faire surprendre, et referme derrière toi. »
Il poussa un profond soupir.
« Je suis fatigué... Mais j’ai accompli ma mission. Adieu, petite fille. Tu es une cavalière exceptionnelle, celle dont tout cheval rêve, discrète, compréhensive, attentionnée... Nadievna a bien de la chance... Mais je meurs heureux, j’ai eu cette chance avant elle...»
Il ferma ses doux yeux de velours et sa tête s’appesantit sur ma cuisse. Des larmes brûlantes me déchirèrent les yeux.
« Bon voyage, mon ami. Moi aussi j’ai de la chance d’avoir tant appris de toi. Tu as été un compagnon fidèle et un maître indulgent. Envole-toi vers les vertes prairies du Donateur et que ton Esprit ne connaisse que la joie ! »
Je reposai doucement la tête bien-aimée dans la paille, et déposai un long baiser sur la joue soyeuse. Je quittai l’écurie sans bruit en serrant les dents pour ne pas pleurer. Le mariage serait célébré trois jours plus tard et le promis arriverait dans la journée du lendemain. J’avais mille et une choses à préparer, Marishka comptait sur moi, je me serais faite tuer plutôt que de la décevoir et mon trouble m’empêchait de réfléchir. Dehors le soleil couchant mettait des ombres roses sur le parc silencieux. Revenir aux cuisines, vite. Puis voir la lingère. Le passage secret... Je l’explorerais par fidélité envers Zéphyr. Mais enfin, au regard de tout ce que j’avais à faire, cela pouvait attendre.


Les invités arriveraient dans la soirée. Un soleil radieux illuminait le château et les préparatifs se déroulaient sans encombre. Je prétextai une migraine de fatigue, volai un morceau de pain et un gros bout de fromage aux cuisines, et me glissai dans l’ombre tranquille des écuries, puisque j’avais promis. Nadievna m’accueillit d’un hennissement feutré. Je caressai au passage le chanfrein délicat et entrai dans la graineterie, bien résolue à accomplir mon exploration aussi vite que possible. Je repérai tout de suite l’anneau et lui imprimai un tour vers la droite. Une porte s’ouvrit sur un passage sombre. Je retournai sur mes pas, et je trouvai une lampe posée par terre, dans le couloir. Des allumettes... J’en avais aperçu une boîte abandonnée sur un sac de grain. Dans la lumière vacillante, je cherchai un moyen de refermer la porte. Il y avait un autre anneau d’attache à gauche de la porte. Je le tournai vers la droite, sans effet, puis vers la gauche, et la porte coulissa sans bruit. J’avançai dans un silence absolu le long d’un étroit tunnel en pente douce, qui se transforma bientôt en un escalier raide et interminable; je dus ralentir. Le manque de sommeil de ces derniers jours rendait mes yeux brûlants et je craignais de tomber à tout moment. Je n’ai jamais été très courageuse et si je m’obstinai à descendre, c’était parce que j’étais persuadée que Zéphyr ne m’aurait jamais mise en danger. Enfin je débouchai dans une vaste salle, haute de plafond et dont le sol était dallé. Elle était encombrée d’objets volumineux dont les ombres menaçantes me firent frémir. J’avais très envie de m’enfuir, mais je respirai profondément pour me donner du courage et je levai très haut la lampe au dessus de ma tête... Je poussai un cri d’effroi et fis un bond en arrière. Devant moi se tenait Golgotch, le roi Dragon, l’assassin de ma famille, dressé de toute sa hauteur. Mais sa tête à moitié tranchée pendait lamentablement sur le côté du cou. Le coeur battant je me fis violence pour m’approcher et je braquai ma lampe sur le terrible animal. Je découvris un grand trou sous le ventre et je m’y glissai. En fait, le corps avait été évidé de l’intérieur, ménageant un espace qui pouvait contenir deux hommes. Je m’extirpai avec soulagement de cette étrange cachette et m’assis sur un des grands coffres, pour essayer malgré mon émotion de retrouver assez de calme pour raisonner de manière logique. Personne n’avait revu Golgotch depuis l’attaque du château, et personne ne s’était non plus vanté de sa mort. Il avait pu être tué auparavant, et sa dépouille utilisée pour... par... Non, ce n’était pas possible... Des humains ? Un complot, une machination, un coup monté habilement pour faire croire au crime de l’animal mythique et éviter les recherches et les poursuites... J’aurais pu mourir aussi... Je n’avais dû mon salut qu’à Marishka, qui était venue avec Diakine me réveiller en pleine nuit pour m’entraîner, par des couloirs dérobés, jusqu’à la porte ouest où nous attendait un garde avec des chevaux.
Avec une fébrilité angoissée, j’ouvris les trois grands coffres qui entouraient le cadavre du Dragon. Ils contenaient des vêtements noirs, avec des cagoules percées au niveau des yeux. Les sbires ! La légende disait que Golgotch ne se déplaçait qu’entouré de son armée de serviteurs fantômes, esprits des humains qu’il avait dévorés. Mais aucun spectre n’avait agi ce soir-là. C’étaient des hommes, des humains emplis de cruauté et de haine, qui avaient utilisé la légende pour masquer leur crime odieux. La peur me noua le ventre. Ceux qui avaient frappé étaient en liberté, rien ne les empêchait de tuer encore. Ma soeur était en danger ! Peut-être moi aussi, mais je n’avais jamais intéressé personne, j’étais la petite dernière, mignonne, peureuse et trop gentille pour être dangereuse. Je m’apprêtais à repartir sur le champ pour prévenir Marishka au plus vite ; mais il restait une masse sombre au fond de la salle, un objet imposant recouvert d’un drap. Résolue à aller jusqu’au bout de mes tristes surprises, je le retirai d’un coup sec. Un trône apparut, en tous points semblable à celui de la Grande Salle. Enfin, c’était ce qu’il me parut. Jusqu’à quinze ans les enfants n’ont pas le droit d’entrer dans la Grande Salle, puisqu’ils ne sont pas conviés aux réceptions ni aux assemblées du Royaume. Bien sûr, tous les princes et princesses, depuis la nuit des temps, n’ont de cesse que d’y entrer en cachette, quitte à se faire punir, mais c’est toujours à la sauvette et dans l’obscurité, quand les gardes s’assoupissent un instant au coeur de la nuit.
J’examinai minutieusement ce siège royal, afin de le comparer à l’autre dès mon retour. Sur le haut dossier de bois sculpté, surmonté d’une tête de dragon, était inscrite en lettres d’or la devise des Svetlakov : « Seulement avec le Don, dans l’honneur du Dragon ». Et pour la première fois depuis cinq ans, cette phrase me gifla en une évidence douloureuse : Marishka n’avait pas le Don. Et elle régnait. Mais il n’y avait pas d’autre solution et d’ailleurs elle régnait bien, il n’y avait rien à redire...
Et puis, parce que la mémoire est capricieuse, je me souvins de cette conversation que j’avais surprise en passant saluer Nadievna, la veille. Le Chef de la Garde, Diakine, s’entretenait avec Arienko, le Responsable des Ecuries Royales.
« Trois chevaux suffiront ; je vais mettre en place une ronde supplémentaire. Le peuple gronde, au village, que ce mariage leur coûte trop cher et qu’ils aimeraient au moins profiter de la fête. Il ne faudrait pas que quelques fauteurs de troubles viennent gâcher les festivités.
- Tu as raison. Les chevaux seront prêts. Mais d’un autre côté je les comprends. Ce dernier impôt était vraiment injuste. Le roi Igor...
- Tais-toi, mon ami. Ne nous mettons pas inutilement en danger. »


Sur le moment je n’y avais pas prêté attention. Pourquoi cela me revenait-il maintenant ? Je fus prise d’un vertige. Tout se mélangeait dans ma tête, je ne savais plus rien, tout était confus, j’avais le sentiment d’avoir compris quelque chose et que ce quelque chose m’échappait...
Je repartis en courant vers le château. Dans ma précipitation, je relevai mal les pans de ma robe et je trébuchai au beau milieu de l’escalier, me blessant le genou dans un grand déchirement de tissu et un nuage de poussière. Je traversai l’écurie en trombe, bousculant deux palefreniers. J’ouvris à la volée la porte de la Grande Salle sous l’oeil effaré des gardes qui n’osèrent même pas m’arrêter. Je me plantai en face du trône vide. C’était la réplique exacte de celui que j’avais trouvé dans le souterrain... hormis l’inscription sur le dossier, qui en était absente.
Je ne savais plus ce que je faisais, mais il fallait que je le fasse. Je grimpai les escaliers quatre à quatre, relevant à pleines mains ma robe sale et déchirée, bien au dessus de ce genou qui n’en finissait pas de saigner. Les servantes que je croisai s’écartèrent sur mon passage d’un air à la fois inquiet et horrifié. J’entrai dans la chambre de Marishka sans frapper.
Elle était assise devant sa coiffeuse, et nouait un collier de perles autour de son cou, en se souriant dans le miroir. Elle portait une robe rouge qui mettait en valeur ses formes féminines, cette opulente poitrine que je n’aurais jamais, cette taille fine, ce rein cambré... J’eus l’impression tout à coup d’être face à une étrangère.
Sans s’émouvoir de mon intrusion intempestive, elle se retourna lentement, accueillante et calme comme à son habitude.
« Ma Sonietchka ! Mais dans quel état ! Tu as eu des ennuis, ma chérie ? »
Je la regardai avec méfiance et ma voix se troubla au sortir de ma gorge.
« Tu n’as pas le Don, n’est-ce pas ?
- Ecoute, ma chérie », me rétorqua-t-elle en haussant le sourcil, « nos invités ne vont pas tarder, ce n’est pas le moment de ...
- Tu n’as pas le Don ! Tu as fait changer le trône parce que tu n’as pas le Don ! Et Vlad l’avait ! C’est Vlad qui devait régner ! Mais... »
Hors d’haleine, je tentai de reprendre mon souffle. Et la vérité jaillit dans mon esprit, aussi douloureuse qu’une atroce brûlure, une vérité tellement étouffante, tellement horrible que je n’arrivai qu’à articuler faiblement :
« Est-ce c’est toi... qui... »
Marishka éclata de rire.
« Allons, ma chérie, tu ne vas pas regretter cet horrible marmot qui te tirait les cheveux et m’humiliait en permanence parce qu’il avait le Don et pas moi ? Je t’ai laissé la vie, tu devrais m’en être reconnaissante !
- C’est toi... Toi !
- J’aurais pu te faire tuer, ce soir-là. Mes partisans me l’avaient conseillé. Mais j’ai trouvé plus malin de te faire grâce : tu me servais d’alibi ! Le Dragon avait frappé au hasard, et nous en avions réchappé toutes les deux, c’était juste une question de chance ! »
Elle était assise devant moi, froide, lucide, impitoyable. Elle avait fait poignarder son propre père, la mère qui lui avait donné le jour, et son frère puîné, pour assouvir son ambition de régner, et elle m’en parlait d’un ton calme et posé, comme elle m’aurait narré un évènement futile...
Une gerbe de flammes me dévora le coeur. Il y avait dans ses yeux une lueur maléfique, maudite, terrifiante ; les spectres de ma famille assassinée se dressèrent derrière elle, grimaçant de haine et de douleur, hurlant leur soif de vengeance, l’air se remplit d’une odeur de soufre et de putréfaction et de ma poitrine jaillit un cri de bête blessée. Le visage de Marishka se tordit en un rictus immonde et prit les traits d’une bête sauvage, les babines retroussées sur des crocs sanguinolents, une bave rouge carmin s’écoulant goutte à goutte sur la robe rouge sertie de perles et de diamants ; ses bras se transformèrent en de longs serpents noirs agités de mouvements pendulaires, les têtes plates dressées pour l’attaque, les yeux blancs jetant des étincelles furieuses. Ma pauvre soeur avait été subjuguée par un monstre cruel adepte d’une magie noire dont j’ignorais la source. Il fallait que je la sauve, il fallait que je la délivre de cette emprise maléfique, il fallait que je détruise cette horrible créature pour retrouver enfin ma soeur bien-aimée, celle qui m’aimait tant, celle qui m’avait sauvé la vie...
Je cherchai le poignard dans ma poche. Mais je n’en avais pas besoin ! Mes mains étaient en feu, car au bout de mes doigts poussaient des griffes dures et effilées, ma poitrine s’amplifiait, j’étais plus grande et plus lourde, des feulements sauvages s’échappaient de ma gorge puissante, et une voix tonitruante et fière résonnait dans ma tête.
« Le Dragon des Czerniks a toujours protégé la Svetlakie ! Le Dragon des Czerniks a toujours protégé...»
L’âme du fidèle Dragon était en moi. Je sentais sa juste colère échauffer le sang dans mes veines, son souffle brûlant inondait mes poumons de son pouvoir torride, sa volonté magnifique brillait dans mon esprit transcendé, il revivait en moi, j’étais Golgotch le Pur, l’Allié indéfectible, le garant éternel de la gloire des Svetlakov...


Je me jetai sur la bête qui me faisait face, sûre de ma force, sûre de mes coups, et je frappai, je frappai les serpents et leur froideur venimeuse, je frappai la bête sanguinaire et sa vanité insolente, je frappai sans penser, je frappai dans le vide, je frappai pour frapper parce que frapper c’était vivre, je frappai sans me soucier des mains qui retenaient mon poignet, des bras qui bloquaient mes épaules, des coups qui pleuvaient sans me faire mal puisque j’étais le Dragon tout-puissant et que rien ne pouvait m’atteindre... sauf la nuit, profonde et brutale, dont les portes s’ouvrirent sous mes pieds et où je m’écroulai, comme dans un gouffre sans fond. Ai-je entendu ou ai-je rêvé que ma soeur disait, d’un ton condescendant et presque apitoyé :
« Emmenez-la dans sa chambre. La pauvre enfant a perdu la raison. Trop de fatigue, sans doute. »


Pola, ma nourrice, murmurait à une servante :
« Ramène-moi de l’onguent, je n’en ai plus. Elle est couverte d’hématomes, ces brutes me l’ont massacrée ! Et de la glace, aussi. Fais préparer un bouillon de poule, bien salé, avec un jaune d’oeuf du jour, pour quand elle se réveillera. Par la miséricorde du Donateur, s’ils me l’ont tuée, qu’ils soient maudits ! »
Je n’ouvris pas les yeux. J’avais l’impression que ma tête allait exploser sous les coups de boutoir qui assaillaient mes tempes. Mon corps tout entier était douloureux et palpitait de souffrance, mes épaules étaient lourdes, mes bras gourds, mes jambes brûlantes. J’essayai de me souvenir de ce qui s’était passé. Je me revis courir vers la chambre de Marishka, j’avais quelque chose d’urgent à lui dire... J’avais dû être agressée, ensuite, mais par qui ? Je ne me rappelais pas avoir eu peur. Je ne me remémorais aucune lutte, il y avait juste le visage de ma soeur. Pourquoi n’était-elle pas inquiète pour moi ? Pourquoi avait-elle cet air distant et hautain ? J’entendais au loin une musique entraînante, et des cris et des rires. La fête devait battre son plein. Pourvu que tout se passe bien ! J’aurais dû être en cuisine pour donner les ordres ; si nos invités étaient déçus, Marishka me le pardonnerait peut-être, mais je m’en voudrais pour le restant de mes jours.
La porte se referma sur la servante.
A ma grande surprise, Pola s’adressa à moi.
« Sonietchka ma petite fille, je sais que tu m’entends. Je t’ai nourrie à mon sein plus longtemps que tous les autres, et je te connais par coeur. Je ne sais pas ce qui s’est passé avec ta soeur, les autres disent que tu es devenue folle, mais tu as toujours été tellement posée et raisonnable que j’ai du mal à le croire. Seule une raison grave a pu te pousser à essayer de la tuer. »
Paniquée, j’ouvris les yeux.
« J’ai voulu tuer Marishka ?
- C’est ce qui se dit. Quand les gardes t’ont assommée, tu avais un poignard à la main, et tu cherchais à frapper ta soeur. »
Je fermai les yeux, tendue comme la corde d’un arc vers ces souvenirs dont j’avais absolument besoin... maintenant... Et dans une vague de nausée débordante, je revis toute la scène, tandis que dans mon esprit la voix du Dragon reprenait son leitmotiv :
« Le Dragon des Czerniks a toujours protégé la Svetlakie... »
L’ignominie de Marishka m’avait fait perdre le sens. Pour nier l’évidence, j’avais préféré m’imaginer qu’elle n’était que la victime innocente d’une étrange malédiction. La vérité me serrait le coeur, mais c’était la vérité.
Je me relevai avec peine.
« Pola, il faut que je m’enfuie. La vengeance de Marishka...
- C’est bien ce que je pense, ma chérie. Tu sais que tu peux me faire confiance. Je suis vieille, maintenant, et même si t’aider devait me coûter la vie, je ne perdrais pas grand' chose. Mais je mourrais de chagrin s’il devait t’arriver malheur...
- Je suis tellement fatiguée », soupirai-je.
Elle me sourit, et me fit boire une de ces potions dont elle avait le secret. Je fus prise d’un grand vertige, mais quand il céda, j’avais l’esprit clair et toute douleur avait disparu.
« Je t’ai trouvé des vêtements de garçon. Tu passeras plus facilement inaperçue. Tu es couverte de bleus mais tu n’as rien de cassé. Il faudra juste que je te coupe les cheveux. Le désordre de la fête t’aidera à partir. J’ai prévenu Diakine, il a sellé Nadievna.
- Mais comment sais-tu... »
La vieille nourrice me sourit d’un air malicieux.
« Plus tard, quand tu reviendras, je te raconterai. Les Svetlakov ne sont pas les seuls à posséder le Don. Nous autres, bien sûr, nous ne règnerons jamais, mais nous sommes les plus fidèles alliés du roi légitime – ou de la reine, bien sûr !
- Diakine aussi ?
- Bien entendu. Allez, mon enfant, vite, chaque instant est précieux ! »


Je vacillais un peu sur mes jambes, mais l’amour inconditionnel de Pola et son aide inespérée m’avaient donné une énergie nouvelle et une assurance sans faille qui ne m’était pas coutumière. Si les Dieux avaient permis cela, c’était sans doute parce que ma cause était juste. Et il n’y avait pas de raison pour que leur protection m’abandonne...
Nadievna m’attendait dans son box, sellée, harnachée, et les fontes de sa selle débordaient de provisions. Diakine sortit de l’ombre, amical et paternel.
« J’ai enveloppé ses sabots de linges pour atténuer le bruit. Je te mène jusqu’à la porte nord. Ensuite, rends-lui les rênes et laisse-la te conduire.
- Merci », répondis-je, les yeux emplis de larmes de reconnaissance.
« Tu reviendras, Princesse, je le sais, pour retrouver ce qui t’est dû, parce que cela est juste. Sois sans crainte : je t’attendrai, et je ne serai pas le seul. »


Il m’ouvrit la porte et serra ma main une dernière fois. Devant moi la nuit était claire et le premier quartier de lune semblait m’adresser un message d’espoir. Une page se tournait. Je laissais derrière moi mon enfance, ses certitudes et ses leurres, pour m’aventurer seule vers des horizons dont j’ignorais tout. Nadievna hennit doucement et j’entendis son esprit tranquille et joyeux me parler posément.
« La route sera longue mais nous reviendrons. Je sais ce que j’ai à faire. Ton destin est en marche.»
Elle s’élança de son galop souple et confortable et je respirai à pleins poumons l’air pur de la nuit. J’allais avoir quinze ans. Je n’avais jamais vécu seule, je n’avais jamais quitté l’enceinte rassurante du château, je ne savais pas me battre...
Et étrangement, je n’avais pas peur.


A suivre...
Narwa Roquen,qui s'est encore laissée embarquer...

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2010-04-01 06:33:38 

 Un jour, oh oui un jour...Détails
Juste pour dire que je ne lis pas vos participations et je me mets un post-it "à faire" parce que là, honte sur moi si je ne participe pas à ce WA. Mais euh, on pourrait pas passer à des journées de 28 heures??

Elemm', en r'tard, en r'tard...

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Maeglin  Ecrire à Maeglin

2010-04-01 11:15:41 

 Moi aussi!Détails
Je veux bien me laisser embarquer! Pour une fois que je parviens à lire un texte de plus de 30 lignes... déçu que ça s'arrête.
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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-04-01 17:12:36 

 Moi, c'est au moins 48h par jour...Détails
... qu'il me faudrait pour arriver à vivre un peu après le boulot et les cours du soir... Je n'ai même plus le temps de lire, aagl !!!

Est', tant de choses à faire et si peu de temps.

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shaana  Ecrire à shaana

2010-04-02 14:31:34 

 Atchoum!Détails
Coucou à tous!

Et voilà... me revoilà! Et pour une fois que j'étais dans les temps, et bien panne d'Internet.

>>>>>>>><
Le baiser d’Ostara

Souffle dans ma tête et aspire à plaisir mon crâne. Elle ne sait faire que ceci depuis ce qu’il me semble être maintenant des semaines. Je le sais pourtant, ce ne sont que deux à trois jours à peine que le calendrier a égrenés.

Là voilà, encore une fois, Ostara, se pavanant devant moi, juchée sur ses longs membres. Son corps arrogant m’hypnotise. Elle se balance, au gré du vent léger et s’avance vers moi. Son cortège l’accompagne, se mouvant du même mouvement pendulaire. Rouge, bleu, jaune, les couleurs de leurs costumes se mélangent pour mieux m’étourdir. Elle sait bien ce qu’elle fait : je ne pourrai résister longtemps à ce prélude.

Souffle dans ma tête et aspire à plaisir mon crâne. Que puis-je faire ? Je suis là pour la nourrir. C’est la règle que son cycle m’impose. Je n’existe que pour satisfaire son appétit de croissance et le temps est à présent venu où son cou d’un vert cassant se penche vers moi. Je sens sa collerette blanche m’effleurer comme pour m’apaiser. Pourtant, ses caresses ne peuvent que me faire frémir. Ses couleurs brillent devant mes yeux devenus fleuves. Ses couleurs sont écarlates, écarlates comme la mort.

Souffle et aspire. Je me sens partir. Souffle et aspire. Je me sens m’évanouir et ma vue passe à travers mes larmes et ses gouttes de rosée.

« Ostara, laisse-moi ... je mourrai si tu ne desserres pas ton étreinte. »

>>>>>>><

- « Aspire, aspire mon petit !

- Va-t-il mieux ?». J’entends la chaleur d’une voix qui veut me sauver.

- « Aspire ... reprends ton souffle ... encore ... tiens bon ! Jamais vu une réaction pareille ... », marmonne-t-on à mon oreille.

Des blouses blanches se penchent vers moi. Un col sentant bon la lavande se penche vers moi et m’effleure doucement.

- « Respire calmement ... voilà... c’est bien !

- Va-t-il mieux ?», s’inquiète la voix qui me réchauffe.

- «Oui, mais il faudra prévenir votre allergologue qu’il fait une réaction violente aux antihistaminiques qu’il lui a prescrits. Ce foutu traitement l’a rendu plus malade que son allergie au pollen !

- Oui ...le printemps, ce n’est jamais une bonne période pour lui ... en plus de son asthme », souffle la chaleur maternelle.

Et ma ventoline vient se plaquer sur ma bouche. Aspire et respire.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-02 22:19:16 

 Commentaire Onirian, exercice n°75Détails
Pfiou... Ca c’est du voyage ! Je ne sais pas ce qu’il reste de ta moquette, mais ton texte est diablement efficace. Le lecteur s’accroche à sa chaise pour ne pas tomber, c’est intense, touffu, bourré d’allusions qu’il faut saisir à la volée, c’est le quotidien de la vie mêlé à la SF la plus orthodoxe, restons calmes, ce n’est qu’une histoire...
La folie organisée où plonge ton héros nous entraîne dans un tourbillon inexorable où nous sommes ballottés, malmenés, embarqués, victimes consentantes et ravies d’une maltraitance programmée de nos neurones dédiés à la logique.
C’est à proprement parler fabuleux. Nom d’un petit bonhomme, si ce garçon n’est pas pétri de talent, que je sois changée en crapaud !
Bricoles :
- Le projet SHAE : nulle part tu n’expliques l’acronyme.
- Fautes de frappe : introdutisait, il ne voulait par croire
- Accents circonflexes : brûlaient, boîte, brûle, goût, traîné
- Répétition : exploration mentale / contrainte mentale
- S : silo à missiles, nous sommes partis, je lui ferais bien bouffer, ton tas de déchets, viens ici, t’étais avec lui. Mais : odeur de crasse, ton fils t’attend.
- Traits d’union : que voulez-vous faire, réponds-moi, celui-là
- Majuscules : Dieu, Noël
- Monsieur Martin, est-ce que vous m’entendez : ne devrait pas être en italiques
- Virgules : calmez-vous, Monsieur Martin ; et rouille, gros tas ; désolé, : ?? ; ce n’est que moi, tu sais ; il voulait te voir, tu sais
- Divers : comment est-elle rentrée : entrée ; évidemment


A noter, de très jolies tournures : élémentaire etc..., mes bouteilles à l’amer


J’aurais peut-être mis la première partie du texte également au présent. On aurait compris de toute façon que ça se passe avant la deuxième partie, et je pense que ça le rendrait encore plus fort.
Mais bon, déjà comme ça c’est du lourd ! Félicitations ! Ta palette de couleurs s’étend, tu es à l’aise dans des registres très différents, pour le plus grand bonheur de tes lecteurs !
Narwa Roquen,épatée!

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-02 22:35:00 

 Commentaire Shaana, exercice n°75Détails
Je suis bien contente de te retrouver parmi nous! Tu nous a manqué...
Eh oui, le printemps n'est pas joyeux pour tout le monde! Tu nous livres un petit texte original, au dénouement inattendu, bien écrit, bien ficelé, sympathique, qui aurait sans doute mérité que tu l'allonges un peu...
Qui est Ostara? Pourquoi ce nom? Depuis combien de temps ton héros est-il la proie de ce monstre?
Et à l'hôpital, pas de piqûre, pas d'aérosol de Ventoline en continu, juste le petit spray?
Non, je ne boude pas mon plaisir. Mais tant qu'on peut faire mieux... faisons-le!
Narwa Roquen,les hirondelles reviennent...

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shaana  Ecrire à shaana

2010-04-03 16:26:35 

 Permettez-moi de vous présenter Ostara!Détails
Hélas! Effectivement, ce texte est court, d'une part, parce que je n'ai pas eu trop le temps de me lancer dans une longue histoire -- ça, c'est la faute de la petite tribu que j'ai à gérer à la maison --, et d'autre part, parce que, je dois l'admettre, j'aime laisser des parts d'ombre, pour que le lecteur puisse imaginer sa propre histoire.

Mais, il est aussi vrai que j'aurais pu apporter des précisions supplémentaires qui n'auraient allonger que de peu le texte. Mea Culpa!

Enfin, permettez-moi de vous présenter Ostara que j'ai eu l'immense privilège de rencontrer lors d'une recherche sommaire sur la notion de "cycles" dans les légendes et diverses croyances.

« Ostara (appelé aussi Oestara, Jour d’Eostre, Rite d’Eostre, Alban Eilir (nom druidique), Festival des arbres...) c’est l’équinoxe de Printemps, la nuit et le jour sont d’égale durée.
On perçoit nettement l’influence nordique de cette fête, avec le nom qu’ on lui donne généralement : Ostara. En effet, il provient d’Eostre. Eostre est une Déesse germanique de la fertilité à qui ont faisait des offrandes d’oeufs peints pour assurer le venue du printemps. » (extrait de http://www.paganisme.fr/paganisme/fetes-celtiques/ostara).

Quand ce sera le tour de sa soeur jumelle, Samain, de prendre le relais, peut-être aurai-je emmagasiné assez d'énergie pendant l'été pour vous délivrer un autre petit texte ...

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Netra  Ecrire à Netra

2010-04-04 16:28:19 

 Uh Détails
*mets ses lunettes de chibi-prof*

Hum, puis-je, sans t'offenser,rectifier un ou deux détails dans ta description d'Eilir ? (ya, désolé moi je l'écris comme ça ^^) En fait j'ai pas réagit en lisant ton texte parce que j'avais déjà la référence, alors...

Bon, je vais pas faire mon spécialiste ès Celtie, et dans l'ensemble ta description est juste quoique succinte (ce qui n'est pas un reproche ^^)... même si moi je connais surtout la mythologie celtique et pas trop la scandinave.

Toutefois, tu commets une légère erreur en la déclarant jumelle de Samain. La jumelle de Samain, c'est Beltan (ou Beltaine) et la jumelle d'Eilir, Fest an Avalac'h/ la fête des pommes, qui a lieu à l'équinoxe d'automne.

Les Celtes ont 8 fêtes principales, (8 étant le nombre de l'infini) 4 pour les soltices/éqinoxes et 4 pour les saisons, donc chacune possède son opposé donc. On peut alors former les couples suivants :
Pour les saisons :
Samain (1er Novembre) / Beltan (1er mai)
Imbolc (2 février) / Lunasa (2 août)
Pour les équinoxes :
Eilir (printemps) / fest an Avalac'h (automne)
et pour les solstices,
Yule (hiver) / fest an Derv (été, ça se traduit "fête du chêne", je suppose qu'il y a d'autres noms mais... c'est la seule que j'ai pas étudiée ^^)

Ces oppositions sont entre autres importantes dans la symbolique des légendes arthuriennes (par exemple, Arthur est né à Beltan, la "nuit des Rois", Morgan à Yule, "la nuit du Mystère", Lancelot pour la Fest an Derv ou pour Beltan, selon les versions...)

*retire ses lunettes et sert une tournée générale*

Enfin voilà... C'est que je suis très pointilleux sur le sens des choses, somme toute, comme la plupart des Faeriens ont déjà dû le remarquer ^^
Avec mes plus humbles excuses pour ceux que cette petite précision a ennuyée...
Netra, comme quoi je suis toujours là ^^

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-04 21:06:17 

 Ce breton est impressionnant!Détails
Loin d'être ennuyeux, ton commentaire est passionnant! Et je m'esbaudis encore sur l'immensité de ton savoir... C'est bien agréable , en ces temps superficiels, de connaître quelqu'un qui va au fond des choses, et qui ne craint pas de le faire savoir. Clap clap clap!
Narwa Roquen,scotchée

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-04-05 19:35:54 

  WA - Participation exercice n°75 (edit)Détails
MAD IN FRANCE


Défilant sur la droite, le parking du centre commercial est immense et complètement vide. Ronald et Auguste sont silencieux sur la banquette arrière. Je roule au ralenti quand je débouche sur le premier rond-point d'accès de la zone commerciale. Le jour frissonne comme moi, en ce petit matin blafard. Il est bien assez tôt. Aucune raison de se presser, surtout quand je sens ma vie bifurquer sans espoir de retour. Colombine est assise à côté de moi. Mon ange, jusqu’où me suivras-tu ?

J'ai encore le goût de sa peau sur les lèvres. J'aurais voulu que cette nuit ne s'achève jamais. J'ai repoussé de toutes mes forces le moment de fermer les yeux. Le moment où je ne pourrais plus lutter. Le moment où je me livrerais aux mirages de Morphée. J’ai vainement épuisé son corps en oubliant la souffrance du mien. J’ai vainement mendié dans son regard une issue de secours, mais elle a basculé la prunelle de ses yeux quand elle a poussé son plus intime gémissement. J’ai surmonté la douleur en commandant à mes muscles une dernière sollicitation. Alors j’ai surpris l’oiseau de feu prendre son envol au-dessus de nous, filant droit à travers notre chambre tendue d’obscurité. Il brillait si fort dans le noir. J’ai senti une déchirure cuisante juste sous mon coeur. L’oiseau fantastique emportait quelque chose de précieux. Quelque chose d’essentiel. Quelque chose qui m’appartenait et que je n’avais pas su conserver. Un vide s’était ouvert. Un gouffre béant et insondable. Arrêtant de respirer, j’ai tendu un bras pour le retenir mais il avait déjà disparu, laissant derrière lui l’infime écho d’un regret mélancolique. Une note cristalline et solitaire, suspendue entre les silences, qui s’éteignait peu à peu. J’ai poussé un soupir de déception quand j’ai senti l’ultime crispation me vider de toute résistance. J’ai caché mon visage au creux de son épaule pour ne pas qu’elle puisse voir l’ombre qui en cet instant noyait mes yeux.

Impitoyable, Colombine m'a tourné le dos pour éteindre la lumière des appliques. Sans se retourner, elle m'a cherché d'une main impatiente pour m'attirer contre elle. Vaincu, j'ai pressé mes lèvres sur sa nuque, là où ses cheveux naissent, mon corps anguleux et fatigué épousant ses courbes pleines et tendres. Ingénument, elle a fait danser ses reins tout contre moi, me mettant au défi de la suivre encore une fois. Mais je n'ai pu esquisser le moindre mouvement. Mon esprit était ailleurs. Elle s'est immobilisée et s’est lovée autour de son oreiller comme quand elle veut à tout prix s'endormir. Je suis demeuré seul dans les ténèbres. En proie au chaos, tout simplement incapable de m’affranchir d’une spirale infernale, obnubilé par l’enchaînement irrésistible des évènements. J’avais peur. Une peur panique qui intoxiquait mon esprit. Mon intelligence, mon éducation, ma formation cartésienne et scientifique s’étaient évaporées. J’étais à nouveau un petit garçon aux yeux trop grands et à l’imagination trop fertile, épiant les recoins sombres de la chambre. Persuadé qu’une ombre plus profonde que les autres allait se détacher du mur pour fondre sur lui et l’emmener au fond d’un grand sac ténébreux. Finalement quand le sommeil m’a surpris, ce fut presque une délivrance : il m’avait semblé deviner une silhouette émerger lentement du néant. Une silhouette aux contours rougeoyant comme des braises sur lesquelles on souffle. Iblis s’avançait vers moi, prêt à investir le vide de mon âme.

Je reviens à la réalité. Au présent. Il le faut bien. J'ai besoin, nous avons tous besoin de cet argent. Il passera ce soir pour encaisser sa créance. Plus de délai, plus d'arrangement. Il nous a prévenus. Ce soir, le compte ouvert dans son grand-livre devra être soldé.

Dans le rétroviseur, je vois le visage de deux clowns. Ronald murmure quelque chose à l’Auguste. J’ai horreur de ces masques de celluloïd. Tant qu’à faire, j’aurais préféré m’inspirer de Reeves et Swayze dans Point Break. Les masques de présidents américains avaient vraiment de la classe. Je me vois mal faire de même avec les nôtres. Question de culture. Quoique en cherchant bien, Nixon aurait sans doute quelques points communs avec... mais l’Auguste me tire de mes réflexions :

« Ohé Sénior Météo, on est en panne d’essence? On n’avance plus là ! »
« T’inquiète, no problème... on a largement le temps. Tu connais le mec, il est réglé comme un coucou suisse. Il se pointera pile poil à l’heure dite, pas une seconde avant. Il y met un point d’honneur du reste et il emmerde son patron par la même occasion ! »
« Putain, continue Ronald , où tu l’as déniché ce masque de Brice? C’est carrément naze !
« Tu peux pas comprendre Ron, C’est une forme d’humour qui t’échappe !»
« Pas la peine de prendre tes grands airs! s’exclame Ronald. Tout ingénieur que t’es, tu crèves comme nous la dalle six jours sur sept! »
« Je te remercie de me le rappeler si gentiment! »
« Laisse-le tranquille, intervient Colombine, sans lui, qui aurait trouvé cette combine? Et qui serait vivant demain matin ? »
« Attends soeurette, l’interrompt Auguste, c’est pas gagné ! Je le sens moyen moi ce job ! »

Mes mains se crispent sur le volant. Sans avertissement, j’écrase la pédale de frein. Surpris et incapables de se retenir, les deux clowns viennent heurter les dossiers des fauteuils avant. J’entends nettement le bruit mat d’un objet en métal tombant entre les sièges. Je me retourne vivement et je leur lance un regard noir. Les ouvertures rondes de leurs masques accentuent leur air étonné. C’en est presque comique.

« Bon, une fois pour toutes. Ce job, je ne l’aurais pas cherché si on pouvait faire autrement. Si on en est là ce matin, vous savez aussi bien que moi pourquoi. On est dans le pétrin jusqu’au coup. Et vu l’odeur qu’il dégage, je pense que pétrin est un euphémisme! Je suis ingénieur, c’est vrai et je suis aussi bon que beaucoup d’autres. C’est mon nom et le quartier d’où je viens que je trimballe sur mon dos comme une de ces croix chrétiennes. Une croix ? Plutôt une pancarte épinglée sur ma peau, bien visible, avec écrit en gros : français d’origine douteuse! OK ? Alors ce matin, ce...job comme tu dis, il faudra le faire. Et le faire bien. On a droit qu’à une seule tentative. Si ça loupe, demain matin on est tous morts d’une façon ou d’une autre !»
« Et si nous nous rendions à la police ? me demande Colombine. Ils nous mettraient au frais c’est sûr mais il ne pourrait pas nous atteindre en prison non ? »
« Tu ne le connais pas. On a aucune chance. C’est plus qu’une dette qu’on lui doit. Bien plus. Souvenez-vous ! »
« J’y crois pas à son baratin et à ses tours de magie. C’est un caïd de banlieue, un dur, un survivant, un impitoyable, tout ce que tu veux mais c’est qu’un homme. Pas autre chose ! Il a un business juteux et un territoire à défendre ! Rien de plus ! Le côté vaudou et les tours à la David Copperfield, c’est bon pour les caves qui jouent leur chemise au bonneteau et les bourgeoises frustrées qui veulent se taper du vrai mâle! Du flan, je te dis. Mais pour sûr qu’en prison on sera pas à l’abri. Il connaît beaucoup de monde dedans. Même des matons à ce qu’on raconte ! Alors je pense comme toi, Senior Météo! La prison, c’est pas bon pour nous ! » poursuit Ronald qui reprend le surnom qu’affectionne de me donner l’Auguste. A l’intonation de sa voix, je comprends qu’il l’a fait intentionnellement.

Essayant d’ignorer ce fait, je m’engage sur le dernier rond-point quand mon regard est attiré par un gosse. Un gosse qui traverse l’allée de l’autre côté du giratoire, entre la Halle aux Chaussures et Norauto. A peine à quelques dizaines de mètres de la bagnole. Il fait rebondir devant lui un gros ballon rouge. Il est bien tôt pour un si jeune garçon alors que le jour ne s’est toujours pas décidé à se lever sur ce froid matin d’avril. Le gamin semble regarder dans ma direction. Des yeux trop grands pour son visage encadré par des boucles noires et rebelles.

« Attention ! » s’exclame soudain Ronald en agrippant mon épaule. Sa voix rompt le charme. Je donne un coup de volant juste à temps pour éviter le trottoir mais la voiture fait une embardée incontrôlée. Quand je parviens à maîtriser la direction, l’enfant a disparu.

4:50 indiquent les diodes sur le tableau de bord.

* * *


Le restaurant est bondé. Midi. Les lycéens et les employés ont envahi la grande salle. L’atmosphère est détendue. Un joyeux mélange de conversations incompréhensibles, de couverts qui s’entrechoquent, de cigarettes mal éteintes malgré l’interdiction, de courses au millimètre des garçons de salle qui naviguent adroitement entre les tablées bruyantes et indociles, protégeant les plateaux garnis de steaks frites maison, de salades composées et de burgers tradition. C’est le coup de feu. C’est l’heure où la brasserie est une locomotive lancée à toute vapeur. La caissière derrière le comptoir enregistre à la chaîne les commandes griffonnées à la va-vite pour établir les additions.

C’est le moment préféré de Germain. Le moment de la journée où flics et voyous font une pause singulière. C’est une accalmie curieuse et tacite qui peut paraître quelques fois irréelle mais qu’il a régulièrement observée. Quand il s’assied pour commander son tartare épicé et sa bière pression, pendant quelques minutes le monde lui semble légèrement plus lumineux. Germain oublie les images violentes qui hantent ses plus sombres rêves. Non, en fait, il n’oublie rien mais il parvient à ne pas y penser en ingurgitant sa viande crue et ses frites blondes et croustillantes. Germain est un flic. Un banal inspecteur qui poursuit sans relâche les criminels sur un territoire à peine plus grand que l’arrondissement où il travaillait auparavant. Il a connu ses minutes de gloire et ses heures de désespoir. Il n’est plus très jeune mais pas si vieux que ça dans sa tête. Ses cheveux ont blanchi sans doute prématurément et son ventre est moins ferme qu’à ses vingt ans. En fait, il ne pense pas à lui. Jamais. Depuis qu’il a trouvé son appartement vide, au fond de sa banlieue coquette et discrète. Il n’a pas pleuré, n’a pas protesté. C’est ainsi que va la vie. Il a juste emballé les souvenirs qui piquaient son coeur quand il posait les yeux dessus. Il les a enfouis dans plusieurs cartons qu’il a scellés avec du gros adhésif et puis il les a descendus dans sa cave bien ordonnée. Il a tourné la clé dans la serrure puis l’a fourrée dans le tiroir du bas de la commode. Il n’a jamais rouvert le tiroir. Son coeur est devenu lui aussi une cave verrouillée.

Germain travaille au commissariat de police de la ville, le dernier demeuré après les restructurations. C’est un bon flic. Il connaît les règles, celles du code de procédure pénal et les autres, non écrites mais tout aussi respectées.

Il ne lui reste que quatre frites au fond de son assiette et une dernière gorgée de bière dans le verre. Il consulte sa montre. Il se raccroche à cette ponctualité comme à une bouée de survie. L’horloge biologique est autrement plus précise que la meilleure des horloges atomiques. Quand le corps est en mode auto-pilote, les choses deviennent si simples. Il lève les yeux pour faire signe à la jolie serveuse qui met un point d’honneur à le servir chaque fois qu’il vient. Il n’en a cure. La clé est perdue. Pourtant, elle est belle à croquer, belle comme une fleur dans un paysage bucolique même si ses yeux sont quelques fois cernés. Elle est patiente, elle attend. Elle l’attendra. Elle a lu les signes sur son front, au coin de ses yeux, sur le dos de ses mains. Elle l’a cherché si longtemps. Pour l’heure, il ne la voit pas. Il a remarqué quelqu’un, assis de l’autre côté de la salle. Un noeud d’aigreur remonte son oesophage. Il ressent la désagréable impression de ne pas avoir le choix. Peut-il faire comme s’il n’avait rien vu ? L’idée trotte deux secondes dans son esprit. Il boit d’un trait le fond de bière qui stagne dans le verre. Sa décision est prise. Il glisse un billet sous le sous-verre et fait un signe vers la serveuse. En posant un doigt sur ses lèvres pour réclamer la discrétion, il se lève doucement. Prenant soin de rester dans un angle mort, il s’approche de la crapule qu’il a repérée et qui est en compagnie d’une autre petite frappe. Il sait qu’il devrait suivre les procédures et appeler du renfort. Mais c’est le mauvais jour et le mauvais endroit. Les règles ont d’ores et déjà été violées alors un peu plus un peu moins !

Malencontreusement, sa proie tourne la tête dans sa direction.

« Merde, les keufs ! Tirons-nous ! » L’homme se redresse violemment, sa chaise se renversant derrière lui. C’est un jeune type d’une vingtaine d’années, le visage mangé par une acné récalcitrante, avec une frange blonde et décolorée qui lui balaie son front de bovin. Son compagnon est vif comme l’éclair. Sautant comme un cabri par-dessus la table, il se précipite vers la sortie et disparaît sur le boulevard. Germain le laisse faire. C’est du menu fretin. Non, c’est l’autre qui l’intéresse.

Celui-là est moins agile. Il veut imiter son acolyte mais il s’emmêle les pinceaux dans les pieds des chaises. Sous les regards ahuris des convives, il perd l’équilibre et va s’affaler lourdement entre les tables. Avant qu’il ne puisse esquisser le moindre mouvement, Germain lui enfonce un genou sous les omoplates.

« Ca va...c’est une opération de police... » dit-il à l’intention des spectateurs involontaires en arborant son brassard. « C’est terminé! » Il se penche vers l’homme étendu à terre. « Comment vas-tu le Poinçonneur? J’ai plein de questions et je suis sûr que t’as plein de réponses qui iront avec.»
« J’ai rien fait. C’est un abus de droit. Vous avez un mandat ? » geint le Poinçonneur en secouant la tête, son nez frôlant le sol.
« Tu regardes trop les séries américaines. J’ai tout ce qu’il faut.. Même des liens en plastique, mieux que des menottes. Allez hop, debout... » Il l’aide à se relever et le pousse sans ménagement hors de l’établissement.

De retour au commissariat, Germain emmène sa prise dans son bureau. Entre l’ordinateur et les dossiers, il y a l’affiche du dernier spectacle d’Antoine Caubet, où une échelle de coupée s’élève au-dessus d’une rangée de transats. Germain a été impressionné par la pièce de Claudel.

Mais pour l’instant, il fait asseoir son prisonnier et l’attache au dossier de la chaise avec une paire de véritables menottes. Il allume l’ordinateur.

« Eh bien, ton dossier s’est encore rempli. Je compte une bonne demi-douzaine de lignes : vol de voiture, cambriolage, vol avec violences... »
« T’as aucune preuve » l’interrompt le Poinçonneur en grimaçant un sourire torve.
« C’est toi qui le dis ! Et puis t’es aussi impliqué dans un racket en bande organisée. C’est ça qui m’intéresse. La bande du Vieux Bode. »
Germain surprend dans le regard effronté du Poinçonneur une lueur inquiète et le voit se raidir sur sa chaise. Le Vieux Bode est un mythe pour la police qui tente vainement de le faire tomber. Il dirige d’une main de fer tous les trafics du quartier : came, putes et jeux. Mais jusqu’ici, aucune procédure n’a abouti. Qui veut finir tête première dans une poubelle, noyé dans son propre sang ?
« T’es mal le Poinçonneur ! »Germain sourit. « Comment le Vieux va réagir quand il saura que t’as parlé ? »
« Tu plaisantes ? Je te dirai rien. Nada.! » Le Poinçonneur tire sur ses menottes qui lui tordent les bras derrière le dossier du siège.
« Alors t’as rien à craindre, t’as raison ! Donc, je vais te relâcher, là tout de suite, le temps de faire un peu d’écriture ! »
« Comment ça, tu vas me laisser filer ? »
« C’est exactement ça ! Je mets les bonnes formules dans les bonnes cases, tu signes au bas de la feuille et tu te retrouves dehors ! »
Le Poinçonneur frétille sur la chaise, transpirant à grosses gouttes.
« Tu...tu peux pas faire ça ? » Il secoue la tête.
« Quoi, ? » demande Germain. « Faire quoi ? Tu l’as dit toi-même. J’ai rien dans le dossier qui justifie le fait que je te retienne plus longtemps ! »
« Bordel ! Si je sors maintenant, je suis mort ! »
« Qui en veut à ta peau ? Le Vieux Bode ? »
Le Poinçonneur le fixe sans rien ajouter. Il passe sa langue sur ses lèvres.
« Si je te donne une bonne info, tu m’envoies au trou pour quelques semaines ? Je sais qui étaient les jeunes qui ont mis le feu au bus l’autre jour ! »
« Laisse-moi comprendre. Tu me balances un scoop et je te mets à l’ombre ? » Germain est goguenard puis, redevenant mortellement sérieux, il avance son visage à deux centimètres de celui du Poinçonneur. « Tu te fous de moi ? La bande qui a incendié le bus, rien à cirer ! T’as rien d’autre ? »
« Non, non... laisse-moi réfléchir... j’ai besoin de réfléchir...Tiens, oui, ça tu vas aimer ! C’est un gros coup. Un braquage ! »
« Un braquage ? » Germain se fait attentif.
« Oui, au centre commercial. Le Carrefour ! »
« Quand ? »
« A cinq heures du mat’, demain. Alors il vaut que dalle mon tuyau ? »
Germain croise les mains derrière la nuque et répond : « T’as gagné le droit d’espérer être nourri et logé par la République pendant quelques jours ! Le deal tombe si le tuyau est percé et je te ramène en voiture de police au milieu de la cité demain à midi , avec des fleurs en plus! »
Germain décroche le téléphone. Il compose le numéro de la brigade de recherche et d’intervention.
« Commandant, j’ai une affaire qui devrait vous intéresser... »

Germain prend le sourire qui passe fugacement sur le visage du Poinçonneur pour un sourire de soulagement. Il a tort.

* * *


« Unité deux à autorité. Une voiture pénètre le périmètre à petite vitesse. Une Volvo. Quatre individus à bord ! Se dirige vers vous. »
« Autorité à unité deux. Maintenez couverture. Je répète. Maintenez la couverture. Il ne faut pas qu’ils vous repèrent. Autorité à unité un. Est-ce que l’employé est en vue ? »
« Unité un à autorité. Pas encore. »
« Unité deux à autorité. Attention, la Volvo a stoppé derrière une benne à ordure, à trente mètres ! »
« Autorité à toutes les unités. Tenez-vous prêts. Autorité à unité deux. Faites-en sorte que la Volvo ne puisse pas repartir. »
« Unité un à autorité. Le premier employé arrive. Il gare sa Mégane le long du mur ouest, comme à l’ordinaire.
« Unité deux à autorité. Trois hommes masqués sortent de la Volvo et se dirigent vers unité un. Je peux en voir deux armés. Le troisième ne tient pas d’arme. Je répète. Trois individus viennent vers vous.»
« Autorité à unité trois. Rejoignez le point B. Je répète point B. Bloquez toute retraite de ce côté. Autorité à unité quatre, vous les voyez ? »
« Non. Pas encore dans la ligne de mire. »
« OK. Autorité à toutes les unités. Ça commence. Rappelez-vous les consignes. Attendez mon signal pour intervenir! »

Les conversations cessent. Tous les éléments sont en place. Le plan a été vu et revu. Rien n’a été laissé au hasard. L’employé porte un discret pare-balle sous une doudoune compréhensive. Il a été briefé par l’anti-gang. Il est protégé, sous une constante surveillance. Ancien légionnaire, il a conservé le goût de l’action et l’adrénaline qu’il sent dans ses veines lui rappelle d’anciens souvenirs d’accrochages là-bas en Afrique. Il tourne la clé dans la serrure et compose la combinaison qui neutralise les alarmes. Inconsciemment, il arrondit son dos pour encaisser le choc qu’il attend.

Trois silhouettes se détachent alors du mur crépi et se précipitent sur lui. Des voix confuses et des cris trouent soudain le silence du petit matin. Des détonations retentissent de tous les côtés et des grenades éblouissantes découpent l’aube grise à grands coups de griffes lumineuses. Puis le silence se reforme presque immédiatement. Des silhouettes se figent au-dessus de celles qui restent étendues par terre. C’est juste un fait divers banal. Dans une banlieue banale et sinistre. Les acteurs sont toujours les mêmes et ils rejouent à l’envi les mêmes scènes tragiques. Ils jouent aux gendarmes et aux voleurs avec des armes de guerre et des scanners dernier cri.

Je vois le ciel. Il paraît si loin. J’ai un peu froid. Que font ces types au-dessus de moi ? Je vois le ciel. Il est sombre, veiné de rouge et de mauve. J’ai mal. Ça fait un mal de chien. Je n’arrive pas à bouger ni bras ni jambes. Merde, qu’est-ce qui m’arrive? J’ai du mal à entendre aussi. Comme du coton dans les oreilles. Un mec se penche sur moi, une espèce de zombie tout en noir. Mais qu’est-ce que je fous ici? Je ferme un peu les yeux. J’ai besoin de dormir. D’aller retrouver Colombine. Mon ange. Une gifle me ramène à la surface. Cela devient difficile de respirer. Le ciel bouge autour de moi. Lentement. Quelque chose pique mon bras. Des lumières bleues et des lumières rouges tournent à toute vitesse. Je suis dans le cirage. Des blouses blanches maintenant. Un vrai carnaval. Un air de Santana me trotte dans la tête. Un long solo de guitare lumineux et mélodique. La Terre chiale pendant que le Ciel se marre. C’est toujours comme ça. Etourdissant. Je peux distinguer les percussions endiablées qui se déchaînent. Une main de géant me plaque quelque chose sur le nez et la bouche. Je respire un air frais et doux. C’est bon ! Le ciel s’est arrêté et mes paupières deviennent lourdes. Si lourdes. Où sont passés les deux autres clowns ? ? Il y a un ballon rouge qui s’élève dans le ciel, plus haut, toujours plus haut. Juste une tête d’épingle qui disparaît. Le petit garçon aux yeux trop grands ne pourra pas le récupérer. J’ai m...

* * *


J’ouvre à nouveau les paupières. Je suis dans une chambre d’hôpital. Facile. Tout est blanc avec plein de trucs médicaux. J’ai une perf au bras gauche. Pourquoi suis-je là ? Qu’est-ce qui m’est arr... oui, je me souviens. Le Carrefour. Ca a foiré. Les autres souvenirs sont flous. Ils ne sont pas si loin mais pas moyen d’ouvrir le bon tiroir. Il y a une infirmière qui tripote un tuyau. Je veux parler mais pas moyen ! Un truc bizarre. Peux pas déglutir. La panique me gagne. Il faut que je la prévienne. Infirmière. Infirmière. Bordel, tu me regardes ? Je suis réveillé. Où est Colombine ? Et les clowns ? Aucun muscle ne répond à mes sollicitations. Aussi inerte qu’un morceau de béton. Je rêve ? Ouf, l’infirmière s’aperçoit que je suis réveillé.

« Vous pouvez m’entendre Monsieur ? » Elle s’approche du lit, se penche vers moi.
Bien sûr que je t’entends. Mais je n’arrive pas à parler. Ni à bouger. Je la regarde fixement.
« Si vous m’entendez, clignez une fois des paupières ! »

Voilà, y a qu’à demander. Je cligne. Bien joué. Eh, où tu vas ? Elle s’est barrée comme une folle de la chambre. Ouf, sauvé, ce mec est un médecin pour sûr. Il en a l’âge, la bedaine, la prestance et cet air inimitable de supériorité bienveillante. Dans son dos, l’infirmière semble rassérénée. Le médecin toussote en mettant poliment sa main devant sa bouche.

« Monsieur Bouamari, vous êtes à l’hôpital. »
Bon, jusque là, il ne m’apprend rien.
« Vous avez été blessé par balle au cours du hold-up que vous tentiez de commettre... enfin, ce n’est pas à moi à le dire... mais quoiqu’il en soit, la balle a endommagé votre moelle épinière, provoquant une quadriplégie et bouchant instantanément vos deux artères vertébrales. De plus, la balle a entraîné une hémorragie massive dans le tronc cérébral, ce qui a causé ce qu'on appelle un locked-in syndrome. En français, vous êtes conscient avec sans doute certaines de vos facultés intellectuelles intactes mais, malheureusement, entièrement paralysé et le seul moyen de communication à votre disposition est de cligner des paupières !»

Merde. Cela va limiter les possibilités. Je vais mourir ?
« Ne vous inquiétez pas, tout va bien aller ! »
Quelle chance. Où est Colombine ? Sait-elle que je suis là ?

Deux autres mecs se découpent dans l’embrasure de la porte. Le médecin se tourne vers eux, ennuyé :
« Messieurs, messieurs... je ne crois pas que cela soit le moment ! »
« Il est réveillé ? »L’homme qui a posé la question est plutôt grand. Entre deux âges. Plus jeune en tout cas que ses cheveux poivre et sel ne le laissent supposer.
« Oui. Mais je ne vois pas l’intérêt de vouloir l’interroger maintenant. Il ne peut vous répondre qu’en clignant des paupières ! » rétorque le médecin.
« Pas grave ! » assure le flic. « Juste une ou deux questions auxquelles il lui faudra simplement répondre par oui ou par non ! »
« Je vous laisse deux minutes. Après, j’irai voir le directeur. Il connaît votre patron ! » Le médecin me jette un dernier regard où je lis une impuissance navrée. « Deux minutes pas plus ! »

Le flic qui a parlé s’avance vers le lit. Il n’est pas antipathique. Son collègue fait plus méchant.

« Kamel, je peux t’appeler Kamel ? Cligne une fois pour oui. Est-ce que tu connais le Vieux Bode? »
S’il savait. Mais c’est vrai, je suis toujours en vie ! Toutes ces conneries sur l’enfer et la damnation. Du baratin. Ronald avait raison. Du vent. Je suis vivant, légume mais vivant. Rien que pour ça, je vois la vie en rose. Si je connais le Vieux ? Je cligne des paupières. Une fois.

Le flic esquisse un sourire de carnassier. De sa main, il frotte la barbe naissante sur ses joues. Il hésite. Cherche la bonne question. Le temps presse. Allez !
« Est-ce que c’est le Vieux Bode qui t’a donné ce travail ? »
Mauvaise pioche. Je cligne encore des paupières. Deux fois. Le flic rugit de dépit.
« Merde. Encore une impasse. Bon, je repasserai demain. On verra ce que tu peux me dire malgré tout sur le Vieux ! » Il fait un signe à son collègue et ils disparaissent tous les deux. Tout ceci m’a fatigué. Une somnolence m’envahit. Les drogues dans le tuyau ? Je coule sans douleur au fond d’un océan de sérénité. Cela me fait du bien. Je me détache de la réalité et je me laisse aller. C’est si simple. Dormir.

* * *


« Petit, petit, tu te réveilles ? »
La voix est sirupeuse et insistante. J’ouvre les yeux. L’obscurité a envahi la chambre. C’est la nuit. Je ne vois personne.
« Je suis là. Juste à côté. C’est vrai, tu ne peux pas tourner la tête, hein Kamel ? »
Cette voix. Je connais cette voix.
« Attends, je vais déplacer la chaise. Là , tu me vois maintenant ? »
Il a pénétré dans mon champ visuel. Son visage est dans l’ombre mais comment ne pas le reconnaître? Il est vêtu d’une sorte de longue tunique blanche. Ses bras sont croisés sur sa poitrine.
« Je t’avais prévenu. Tu devais me rembourser. Hier soir au plus tard. Tu te souviens de ta promesse, n’est-ce pas ? »

A tout hasard, je cligne une fois des paupières.
«Le gentil garçon que voilà ! Un clignement pour oui, deux pour non. Très bien. Très bien. Crois-tu que je sois venu ici pour converser en morse ou je ne sais pas quoi d’autre? Je me fous de ce que tu peux me répondre. Je veux mon dû. Et si j’en juge par le fiasco de ton casse, j’imagine que tu n’as pas le moindre premier billet de ce que tu ME dois !? »
Il n’a pas bougé d’un seul millimètre. Mais sa voix, oh sa voix !

« Tes potes n’ont pas eu ta chance. Trop nerveux. Les flics n’aiment pas les braqueurs nerveux, surtout ceux qui tirent les premiers. J’ai vu leurs corps à la morgue. Fallait bien. Ils n’en avaient pas fini avec moi. Crois-tu que la mort soit un refuge ou une rédemption? J’ai emporté les corps. Là où ils sont à présent, ils n’ont pas fini de souffrir. Jusqu’à ce qu’ils me remboursent ce qu’ils me doivent. Capital et intérêts. Cela fait pas mal de siècles à payer en sang et en larmes. »

Colombine ! Je suis en train de devenir fou. C’est impossible. Qu’est-ce qu’il raconte ?

« Je vais te confier un secret. Ne dis pas non. Ne te bouche pas les oreilles! Oh, j’oubliais. Tu ne peux pas te boucher les oreilles! Je connais de nombreux secrets. Des secrets ignobles. Leurs auteurs ne veulent à aucun prix les voir révélés au grand jour. Tiens, prends le flic de tout à l’heure. Celui qui t’a interrogé. Crois-tu que je ne sache pas ce que contiennent certains cartons rangés dans sa cave ? C’est fou ce qu’on peut faire de nos jours avec du film alimentaire. Pas d’odeur. Pas de sang. Dis-moi, crois-tu que sa femme aime vraiment cette cave sans lumière? Elle s’est réellement mise en quatre pour lui. Et lui, l’ingrat, il a trouvé que quatre morceaux, c’était encore trop compliqué à emballer. Alors, il en a fait huit, puis seize... Il est fou et ne le sait pas. Objectivement, c’est un bon flic, qui agit pour le bien de la communauté et qui essaie de m’attraper. C’est son obsession. »

Arrête. Pitié arrête. Je voudrais fuir de ce putain de lit, fuir loin d’ici. Avec Colombine.
« Vous étiez quatre. Ce n’est pas une question, juste un fait. »

Mon coeur cogne comme un piston halluciné. Si tu as touché ne serait-ce qu’un cheveu de Colombine, j’irai arracher tes yeux de mes mains.

« Il y avait cette ravissante jeune personne. Un morceau de roi. Un morceau de choix. Celle qui t’aimait non ? Quatre débiteurs solidaires comme ils disent aux impôts. Vous étiez solidairement redevables envers moi. Deux s’acquittent de leur dette mais ce n’est pas suffisant. J’ai dû quérir leur paiement alors il ne compte pas. La dette initiale demeure. »

Comment se faire obéir d’un corps inerte ? Où sont les infirmières, les aides-soignantes ? Si je me pisse dessus, je ne ressentirais donc rien ?

« Colombine... je l’appelle Colombine car son masque lui va si bien. Elle est avec moi maintenant, elle aussi. Je me dois de te le dire : son masque lui allait tellement bien que j’ai décidé qu’elle le conserverait désormais nuit et jour jusqu’à son dernier souffle. Elle a été, comment dire, désorientée quand elle a senti sa nouvelle peau. Elle a crié, elle a supplié mais j’ai battu des mains, j’ai applaudi à m’en faire mal aux paumes. Colombine, ce nom lui va à merveille. Je serais tenté de dire comme un gant ah ah ah ! Cela sera bientôt une délicieuse soubrette, hardie et insolente. Tu sais que son masque a toujours la bouche ouverte. C’est bien plaisant pour certains jeux. Mes clients les plus chanceux en raffoleront et paieront des fortunes pour s’attacher ses services ! »

Tais-toi. Tais-toi. Dieu, faites-le taire à jamais. Mon ange, qu’a-t-il fait de toi ? Je suis là, plus mort que les morts, plus inutile qu’une planche pourrie. Quelque chose se détraque au fond de moi, une douleur aiguë vrille sous mon crâne. Des images se consument sous mes yeux et la réalité se dédouble. Une immense frustration me submerge de ne pouvoir bouger, ne pouvoir lui sauter à la gorge et lui faire ravaler ses mots et ses rires. Je deviens fou.

« Je n’ai pas fini Kamel. Quand on fait un marché, il vaut mieux vérifier avec qui on le fait. Quand j’ai accepté de vous prêter ce que vous m’aviez demandé, il était évident pour moi que jamais vous ne me rembourseriez. Alors, j’ai envoyé un de mes hommes vendre un tuyau aux flics et ceux-ci sont venus vous cueillir au bon moment ! Je suis ici avec toi et je suis aussi en mille autres endroits. Je promets, je cajole, je pourvoie et cela en mille langues et autant de dialectes. Il ne se passe pas une seule seconde sans que je tope dans une main, crache par terre ou signe un contrat. Ici, dans cette ville, je suis le Vieux Bode. Tu sais ce que veux dire ce mot en portugais ? Le Vieux Bouc. Tu vois, c’est si simple quand on sait écouter! Je viendrai chaque nuit te murmurer mes plus sombres secrets et tu les écouteras. C’est le prix que tu devras payer durant une année entière. Je te parlerai aussi de Colombine. J’irai jusqu’à l’amener avec moi quelques fois. Et au bout de l’année, tu pourras mourir. Pas avant. Maintenant dors bien ! »

Il se lève et se dirige vers la porte. Il tient par la main un petit garçon qui, tout en le suivant, tourne la tête vers moi. Dans ses yeux trop grands pour son visage, il y a une question muette à laquelle je ne sais que répondre.

M

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Netra  Ecrire à Netra

2010-04-05 20:14:45 

 Heu... trugarezh vras... Détails
Heu ah hum...

*Est violet jusqu'au bout de ses oreilles pointues*

Merci merci Narwa, c'est très gentil ! Enfin je n'ai pas grand mérite, hein, je suis juste un insatiable bibliophile avec une mémoire pas trop mauvaise... Pas du tout un vrai spécialiste de la question.

J'en profite pour te présenter encore une fois mes excuses pour mes manquements actuels aux WA. Je reviendrai bientôt, dès que je pourrai, ça me manque en plus ^^
Netra, *-*

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-04-09 23:23:12 

 Commentaire Maedhros, exercice n°75Détails
Une fois de plus ma consigne se tortille pour trouver sa place dans ce thriller halluciné. Décrire une scène de folie chez un homme atteint de locked-in syndrome, ça s’apparente quand même sacrément à de la provocation ! D’autant que sur un site nommé Cercle de Faëries, quand le héros dit qu’il a vu le Diable, on a tendance à le croire...
Mais bon, tant pis pour ma scène de folie passagère... Le pire c’est que je te sais capable de me glisser ça ailleurs, quand je m’y attendrai le moins... Tu baguenaudes un peu, dans ce texte ; tu flânes, tu prends ton temps. Entre les deux mon coeur balance, comme dans la comptine. Il y a une succession de passages forts, l’oiseau de feu, le restaurant, les premiers moments du héros après la fusillade, et bien sûr, la scène finale, avec la présence récurrente de ce petit garçon, allégorie du destin, regret de l’enfance du héros ?
Dans tout ça, on s’égare un peu, puis on revient à l’histoire. Il paraît que c’est une nouvelle tendance, maintenant, de quitter le concept abrupt de la nouvelle pour faire des mini romans d’une cinquantaine de pages. Ca te conviendrait bien.
J’ai failli te reprocher un manque de cohérence quand tu mets quatre unités de police pour un simple braquage. Mais comme dans la vraie vie une mère commandant de police à Marseille a fait déplacer douze hommes pour arrêter une bande d’ados qui avaient insulté sa fille... je n’ose plus rien dire !
L’histoire en soi est vraiment effrayante, et bien menée. Les Dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre, il est logique que le Diable en fasse autant. C’est bien écrit, quoiqu’un peu vite... Tu verras le nombre de bricoles... Perversement, tu nous montres un héros plutôt sympathique pour qu’on compatisse un peu plus à ses malheurs...


Bricoles :
- Je débouche sur premier rond-point : oubli de « le »
- Le moment où je ne pourrai plus lutter : le récit est au passé : pourrais ; idem : je me livrerais
- Le dernier rond-point d’accès vers l’hypermarché : « le dernier rond-point » suffit
- Des yeux trop grands lui mangent son visage : bof. Tu as besoin du « son » pour la suite ; et le « lui » sert au rythme ; pourquoi pas « dévorent son visage encadré » ?
- Les images violentes qui hante : hantent
- Germain est un flic : pourquoi « un » ?
- Il ne lui reste que quatre frites au fond de son assiette : même problème ; au choix : ou « lui », ou « son ».
- Et une dernière gorgée de bière : « dans le verre » ne sert à rien.
- Ponctualité surnaturelle : pourquoi « surnaturelle » ?
- Champ bucolique : pléonasme
- Il met un billet sous le sous-verre : glisse serait moins banal
- Qui lui balaie son front de bovin : qui balaie son front bovin
- Et bien : eh bien !
- C’est toi qui le dit : dis
- A la fois pour la police : et pour qui d’autre ?
- Cela commence : ça commence (langage parlé) ; idem plus loin : cela fait mal
- Brieffé : briefé
- Il arrondi son dos : arrondit
- A l’envie : à l’envi
- Un chambre d’hôpital
- C’était avec les forces de police : bof
- Ce n’est pas à moi à le dire : de le dire
- Tu te souviens de ta promesse n’est-ce pas : , n’est-ce pas
- Je ne ressentirais : ressentirai
- Faites le taire : faites-le taire
- Je viendrais chaque nuit : je viendrai


Ah tu me donnes du fil à retordre !
Cette histoire est à retravailler. Ou tu la rallonges, ou tu la raccourcis. Les deux options sont intéressantes, mais je pencherais pour la première. Et il faudrait éclairer un peu le lecteur sur le petit garçon. Tu en as rajouté dans l’édit, mais ça n’est pas très éclairant...
Ce n’est pas que je crache dans la soupe, et je te remercie de consacrer un peu de ton temps pour continuer à participer aux WA, pour notre plus grand bonheur. Mais au milieu de tes fans inconditionnels qui applaudissent à toutes tes oeuvres ( et dont je suis), mon autre moi te cherche toujours des poux dans la tête pour la simple raison que tu es capable du meilleur.
Narwa Roquen,toujours madame plus

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-04 14:49:09 

 trou dtcDétails
Je vote pour une faute de frappe mais j'ai un léger doute.
C'est très bien écrit, mais j'ai trouvé la "folie" un peu longue au début.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-04 15:58:29 

 10% de folieDétails
C'est peu... J'avais presque fini par oublier quel était le but de l'exercice.
Mais la fin est bien écrite, tout se remet d'aplomb.

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-06 11:51:41 

 cela manque de détailsDétails
Comment un ingénieur puisse se retrouver à demander un prêt à un caïd, par exemple.

"Les règles ont d’ores et déjà été violées alors un peu plus un peu moins !" -- J'aurais mis "un peu plus ou un peu moins"

Sinon, je me suis moins impatienté que d'habitude.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-07-04 19:12:51 

 Poupées russesDétails
C’est le début d’une longue histoire, un premier chapitre où les divers ingrédients sont incorporés successivement, décrivant une intrigue fortement ancrée dans la plus pure heroic-fantasy : dragon tutélaire, trahison, fuite, quête, fin de l’enfance, surnaturel.

Ta plume est vive (comme à ton habitude) et tu nous entraînes facilement à la suite de cette jeune princesse qui découvre brutalement que le royaume est entre de mauvaises mains. Tu as bâti un solide background à ton univers qui apparaît très cohérent (mention spéciale pour la coloration slave). Les différentes personnages sont bien campés et les descriptions sont à la hauteur (la salle secrète où repose le vrai trône ou l’affrontement entre les deux soeurs). Tu as en outre placé en bonne place tes chers équidés !

Le thème de l’exercice étant une scène de folie passagère, l’affrontement entre les deux soeurs semble évidemment lui correspondre. Car techniquement, la folie peut être décrite comme l'état d'une personne dont le discours et/ou les actions, le comportement ne semblent avoir aucun sens pour l'observateur (wikipedia).

Cependant, tu as habilement décrit la chose qui à mon avis peut être lue sur deux niveaux. Certes, d’un côté, il est logique que le fait d’apprendre que sa soeur est la commanditaire du meurtre de sa famille peut avoir fait vaciller la raison de la jeune Sonia. Pourtant, d’un autre côté, cette scène peut être vue à travers le prisme de l'héroic-fantasy avec l’apparition des forces surnaturelles tant protectrice (le Dragon) que maléfique (la créature serpentine). Bien joué.

Une seule petite question : est-ce que l’absence de l’inscription sur le faux trône n’est pas de nature à éveiller les soupçons parmi la Cour et les féodaux du Royaume ?

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-07-04 21:25:09 

 Tu as raison...Détails
En ce qui concerne le trône, il faudra que je précise ce point dans la suite. Merci!
Narwa Roquen,les journées d'obstinent à n'avoir que 24 heures...

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-16 11:59:15 

 Exercice 75 : Maedhros => CommentaireDétails
Et hop, on attaque le 75 et pendant ce temps ma nouvelle pour le 78 qui n'avance pas alors qu'elle est presque finie...

Pas fastoche ce sujet mais intéressant.
« J'ai encore le goût de sa peau sur les lèvres. J'aurais voulu que cette nuit ne s'achève jamais. » deux clichés d'un coup, en début de texte, est-ce bien raisonnable ?
Iblis ? Donc il est maghrébin ton héros, très habile façn de le suggérer.
Rigolos les noms de deux clowns !
L'histoire de la dette n'est pas claire. Pourquoi ont-ils emprunté de l’argent à un mec aussi dangereux ? Et comment l'ont-ils perdu ? Qu'en ont-ils fait ? On flirte avec l'invraisemblance...
Les briques se mettent en place avec adresse pour aboutir à un hold up que l'on devine déjà raté.
« Son coeur est devenu lui aussi une cave verrouillée. » : joli !
Tu es toujours aussi habile à dessiner des personnages en demi-teintes.
Je n’ai pas bien compris pourquoi le poinçonneur voulait soudainement aller en taule et ce que ça change pour lui.
Bien fichue la scène où il est dans le cirage mais c’est censé être la scène de folie ?
On peut pas dire que le médecin prenne des gants pour lui annoncer la nouvelle à ton héros. Cela dit, ils n'ont pas toujours été pleins de tact avec moi non plus les toubibs...
Il est agréablement cinglé ton vieux. je l'aime bien, comme méchant.
Intéressant ce qu’il raconte sur la femme du flic et je ne l'avais pas vu venir.
Cool, une sorte d’incarnation du diable ? Et c'est subtilement amené.
J’ai bien aimé l’hallucination du héros qui se voit petit garçon.
Sympa comme nouvelle, pas trop longue, j'ai presque tout compris, je valide !

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-16 12:03:40 

 Exercice 75 : Shaana => CommentaireDétails
M'enfin, c'est beaucoup trop court et intriguant ! On ne voit pas du tout venir la fin effectivement mais j'aurais aimé plus de détail sur ta créature, sa description physique... Le petit vit-il vraiment dans deux mondes ? A-t-il des hallucinations ? Tu ne laisses pas d'indices...

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-16 16:23:10 

 Exercice 75 : Narwa => CommentaireDétails
« mon sentimentalisme stupide pour les petites gens et les animaux sans défense... » est une curieuse phrase. Pense-t-elle aussi que c’est stupide ?
Sympa l’idée du cheval qui sert la famille à travers ses réincarnations successives.
Je n’ai pas bien compris le coup du dragon mort. Ils l’ont empaillé ?? Sinon, sa carcasse aurait dû pourrir et l’air devrait être irrespirable dans la pièce.
Elle rentre dans le corps ?! C’est surprenant qu’elle fasse ça spontanément. Et elle est censée avoir peur. Ca ne me parait pas crédible.
De même, elle pense spontanément à un complot utilisant le corps du dragon, ce qui est tiré par les cheveux, surtout qu’elle m’a l’air naïve et innocente.
Ok, pour l’histoire de famille et de dynastie, un peu à la Romance de ténébreuse.
J’ai trouvé bizarre que sa soeur jette le masque si totalement et si promptement. N’aurait-elle pas dû lui dire qu’elle était folle et se faisait des idées ?
Dommage que le dragon ne soit pas d’avantage exploité ; j’aurais bien aimé un flash back où on le voit.
La scène de folie est bien décrite et le vide qui la suit est crédible.
J’aime bien le personnage de la nourrice bienveillante, un peu sorcière, si typique des contes de fées.
J’aime bien la fin aussi, ouverte mais pas besoin de plus.
Et encore une fois les noms sont bien choisis. Et vont bien ensemble. Ca donne une certaine ambiance.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-07-16 16:29:04 

 Exercice 75 : Onirian => CommentaireDétails
Shae ? un rapport avec le personnage du Trône de fer ?
Bien vu le style froidement explicatif du robot, conclu par un amusant « Avez-vous des questions ? ».
J’aimerais bien une description du robot, quand même.
Tiens, il a parlé sans que le robot lui pose de question !
Alors là, je ne puis m’empêcher d’adhérer à ton concept que l’humanité ne peut être sauvée que par l’éducation.
J’aime beaucoup l’idée que c’est la quarante deuxième fois qu’ils tentent le coup sur le gars !
Bien joué le gars qui revoit tout dans le désordre, sous forme d’images stroboscopiques, avec des métaphores psychédéliques qui accentuent le côté délirant. Le délire devient progressivement plus violent, et ton gars perd les pédales et se focalise sur un évènement traumatisant de son passé. Franchement hyper maitrisé ces passages. Ca décoiffe grave !!
J'ai trouvé que la feinte sur Star wars tombait un peu à plat.
Ils l'ont renvoyé dans le passé après lui avoir permis de dépasser certains trucs alors ?
Flagrant délit de bisounours attitude, hihihihi !

Est', en pleine lecture.

PS : S’ils veulent sauver l’humanité, tes robots, ils feraient mieux de leur apprendre à ne pas faire d’enfants et à consommer moins de viande...

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-08-02 14:24:39 

 RéponsesDétails
-"sentimentalisme stupide": bien sûr ce sont les autres, en particulier sa soeur, qui ont voulu la convaincre que c'était stupide
-le dragon mort: effectivement il a été éviscéré et embaumé, sinon il ne serait pas conservé...
- elle a peur! Mais avoir peur n'empêche pas toujours d'aller plus loin... Ca s'appelle le courage... Et elle a beau être jeune et peut-être naïve, c'est une fille de roi... et l'héroïne de l'histoire!
- la soeur est presque arrivée à réaliser son ambition: elle se croit invincible, et elle n'a plus besoin de sauvegarder les apparences; se débarasser de cette gamine stupide et encombrante lui fait plutôt plaisir!
- quant au dragon, il y a une suite dans la WA suivante, et une autre qui viendrait bien si j'avais le temps... Mais je ne choisis pas les thèmes des exercices en fonction de mes intérêts personnels , les journées s'obstinent à n'avoir que 24 heures, et j'essaie désespérément de terminer le Mélamine du dernier Concours... En sachant que je n'ai encore rien commencé pour "Mutations", et que la WA 81 me prend la tête...
Enfin pour répondre à tes récriminations diverses, souvent (mais pas toujours, il est vrai), les réponses à tes questions sont contenues dans les autres commentaires. Et souvent aussi ( mais pas toujours non plus), tu donnes l'impression d'avoir lu les textes très vite... Bon, tu me diras, chacun voit midi à sa porte, c'est vrai que pour ma part je commente lentement, il me faut trois ou quatre lectures, à huit cents ans passés on assimile moins vite, et je m'en voudrais si un auteur pouvait penser que j'ai pris son texte à la légère. Mais en même temps les WA j'en suis responsable, c'est vrai...
J'essaierai néanmoins de répondre plus souvent à tes questions...
Narwa Roquen,au four, au moulin... et aux confitures!

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-08-02 17:56:31 

 Réponses aux réponsesDétails
Je sais ce qu'est le courage *interloquée*. Ben je trouve que cela ne se voyait pas suffisamment qu'elle avait peur d'entrer dans le ventre du dragon.
OK pour le reste et merci pour ces précisions.
Je ne pense pas que mes réponses soient souvent dans les autres commentaires car je les lis systématiquement avant de poster le mien. Ou alors, c'est que j'ai encore plus de mal que je ne pensais... Cela dit, c'est possible que j'aie la comprenette un peu rouillée. Regardez, là, je lis Neuromancien et je pige que dalle...
J'avoue ne pas très bien voir le rapport avec le fait que je lirais vite. Les gens ne me répondraient pas car ils attendraient que je relise et comprenne par moi-même ? Voilà qui serait bien curieux. Cela dit, je ne lis pas spécialement vite (sans quoi je n'aurais pas ce retard) et relire les textes de Maedhros (ceux qui me donnent le plus de fil à retordre) ne m'aide que très rarement à les comprendre mieux.

Est', hop.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-18 15:05:18 

 Les runes des foinsDétails
Un texte très court certes mais que j’ai trouvé captivant. Ton approche est originale, jouant sur une palette à la fois émotionnelle et très graphique, picturale. Le ressenti du jeune malade est bien décrit. Le fait que tu ne précises pas beaucoup le pourquoi du comment ne m’a pas ennuyé, cela permet d’investir librement le champ des possibles. Ainsi Ostara, la créature printanière, m’a fait penser à un grand échassier aux longues pattes et au long cou, très languide.

La fin du récit qui livre la clé est cohérente avec les sensations du malade.

Le style général est très bon et le rythme des mots épouse bien la cadence « pendulaire » de la créature.

Toutefois, je ne sais pas trop si la consigne est vraiment respectée mais en la matière, je ne fais pas référence, alors...

Au rayon des bricoles :

Une répétition dans deux phrases successives : « Des blouses blanches se penchent vers moi. Un col sentant bon la lavande se penche vers moi »

Au final, c’est un bon texte.

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-08-18 15:58:02 

 Déraille RobotDétails
Oser mélanger sans risque, tel un cocktail explosif, une séance de psychanalyse, tendance freudienne exacerbée, et une histoire de fin du monde que n’auraient reniée ni Asimov ni Van Vogt ni aucun des grands maîtres SF américains de l’époque d’or, était une vraie gageure, un défi original. Tu l’as relevé avec panache et réussite.

Ce texte est empreint d’une qualité indéniable. Celle-ci se laissait certes deviner dans tes précédentes contributions mais dans cet exercice, elle brille de tous ses feux ! J’ai l’impression que tu as franchi un palier.

La consigne est magistralement respectée, habilement insérée dans une structure maîtrisée.

Le style est ébouriffant, collisions de mots et d’images qui pourtant ne sont pas jetés au hasard mais qui tissent une mosaïque hallucinée que le robot a bien du mal à canaliser. Tiens, ce n’est pas une « lobotomisation» mais une « robotomisation » psychique en règle. Le style est ajusté avec d’excellentes trouvailles :

« menteurs songent et les mensonges tueurs, et les messages mensongers, et les songes messagers.. »
« Mes bouteilles à l'amer »

Au final, un texte en forme de feu d’artifices !

Bravo

M

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