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 WA, exercice n° 74 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 18 fevrier 2010 à 23:14:10
C'est la base de mille et une histoires drôles, et de quelques scènes dramatiques fort prenantes. Tous les auteurs y ont eu recours un jour ou l'autre... Alors c'est votre tour de jouer au quiproquo, ceci pour cela, celui-ci pour celui-là, une méprise, un malentendu...
Attention! Pas de stratégie, pas de manipulation! Le hasard, le Destin si vous voulez, mais pas d'intentionalité.
Drôle, triste ou inquiétant, choisissez votre style et votre Monde - votre manière aussi: le lecteur n'en sait pas plus que le héros victime du malentendu ( l'empathie du lecteur vient plus vite, mais il faut quand même qu'il comprenne ce qui se passe), ou bien le lecteur qui sait voit le héros se débattre dans son ignorance ( plus facile à expliquer, mais le lecteur peut rester distancié. Les deux versions ont leurs partisans...

J'entends d'ici vos méninges qui remuent! Vous avez trois semaines, jusqu'au jeudi 11 mars. Amusez-vous bien!
Narwa Roquen,la vérité est ailleurs...


  
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Réponses à ce message :
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2010-03-11 23:06:05 

 Pourtant il me tentait bien ce thème...Détails
.. mais pas eu le temps, pas eu l'inspiration, et puis le suivant me plaît carrément (et je peux pas me permettre de le manquer!)!!

Elemm', en retard, comme toujours!

Ce message a été lu 6675 fois
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-13 21:11:40 

 WA, exercice n°74, participationDétails
TISSAGES




J’ai levé les yeux, et je l’ai vue. Et c’était elle, bien sûr, forcément, mon coeur n’a pas hésité une seconde, c’était comme autrefois quand je passais la chercher le matin pour aller à l’école.
« Tu seras prudent, hein, mon petit Michel, tu lui tiens bien la main pour traverser.
- Oui, madame. »
Déjà elle avait ces grands yeux bleus qui me dévastaient l’âme, et sa menotte dans ma main de grand garçon de dix ans – je faisais déjà des petits boulots pour aider la famille, et j’avais déjà fumé ma première cigarette. Elle était sur l’escalator, embarquement immédiat pour New York, et moi j’étais venu chercher JB qui rentrait d’Angleterre où il était allé voir un spécialiste de la moelle épinière. C’est vrai que rester en fauteuil à vingt-quatre ans après un match de rugby en fédérale, même pas en Top 14, c’était dur à avaler.
Les cheveux blonds noués en un chignon de danseuse étoile... Le look parfait d’une redoutable femme d’affaires... et chaque jour où je comptais mes centimes elle faisait cracher les gros pour prendre sa revanche. C’est qu’on en a bouffé, de la vache enragée ! Les pères souls le samedi soir, les mères usées et silencieuses, les patates au lard et le lard aux patates... Maintenant ils viennent vous dire que ce n’est pas diététique. Mais nous, ça nous a fait grandir.
Elle est aussi belle que dans mon souvenir. Ce teint lumineux, ces pommettes bien roses, ces lèvres pleines que je n’ai effleurées qu’en rêve, ce corps svelte et agile – elle sautait comme un garçon !
Je l’avais emmenée dans ma cabane. Elle y avait grimpé en riant. Elle ne se plaignait jamais, elle était joyeuse et décoiffée, ses genoux étaient aussi souvent écorchés que les miens – et je l’aimais ! Je lui avais promis d’être toujours là pour elle. Et elle m’avait dit, de son ton grave de petite fille sincère :
« Un jour je serai grande et je serai toujours avec toi. »
Et puis ses parents ont déménagé et je me suis caché pour pleurer mais je n’ai rien oublié.
Je ne me suis pas marié. J’ai vécu sept ans avec Elora ; un jour elle m’a quitté en me traitant de minable. J’ai un boulot honnête chez Toujoursfrais, je suis pompier volontaire et bénévole à Handicap Universel. C’est pas ça qui remplit le frigo.
Avec Annie, on disait qu’on travaillerait tous les deux et qu’on donnerait la moitié de notre argent aux pauvres, et puis on expliquerait aux autres qu’il fallait faire pareil, et à force il n’y aurait plus de pauvres. J’y croyais dur comme fer à l’époque. Maintenant ça devrait me faire rire, mais ça me donne plutôt envie de chialer comme un môme.
Elle est voluptueusement belle, elle est riche, ça se voit, elle a réussi. Bon Dieu, c’est elle qui a raison, comme toujours ! Ce n’est pas une tare d’être riche, on peut aider des gens... et puis vivre, merde !
« Annie ! »
Elle s’est retournée, m’a regardé, et je suis sûr qu’une larme a perlé à sa paupière. C’est elle, c’est elle, je l’ai retrouvée... Mais elle s’envole...
Je n’aurais rien à lui offrir, aujourd’hui.
Mais je n’ai pas dit mon dernier mot.


J’étais sur l’escalator à Roissy, je partais à New York où ma mère se remariait avec un roi du billet vert. Je déteste prendre l’avion, être enfermée dans une petite boîte qui peut s’écraser d’une minute à l’autre, et je déteste New York, trop sale trop bruyante, trop violente. Mais bon, elle m’offrait le voyage, ça ne me prendrait que 48 heures de figuration et après je partais en thalasso à Biarritz. Je tiens beaucoup à mes cures de thalasso, trois fois par an. Cela me ressource. Depuis que j’ai passé la trentaine, je m’entretiens avec acharnement pour retarder la déchéance. Il est vrai que la chirurgie a fait beaucoup de progrès, mais on ne peut pas se faire opérer tous les ans, sans compter que les anesthésies parfois on en meurt.
Et alors ce type m’a appelée : « Phanie ! ».
Je me suis retournée... et j’ai failli fondre en larmes ! Edouard ! Mon Dou-Dou ! Mon premier amour ! Il était le seul à m’appeler comme ça, les autres ont toujours dit « Stéph ». Je ne l’avais pas vu depuis quinze ans, mais je l’ai reconnu tout de suite. Cette allure distinguée, cet air si tendre d’intellectuel paumé... Il me récitait du Prévert, du Ronsard, du Baudelaire, en me tenant la main... Il était incollable sur la mécanique quantique mais n’osait m’embrasser que sur la joue... Et puis il a fallu partir à Clermont-Ferrand – l’horreur ! la décadence ! et le froid, en plus, les doigts gourds, les lèvres bleuies, et le fils du contremaître qui était mort d’une pneumonie... Mais monsieur le Député-Maire se devait de résider sur place. Encore qu’il aurait pu y résider tout seul. Ce qui d’ailleurs est arrivé. Je suis partie en fac à Paris et maman a divorcé. Je n’ai jamais revu Edouard, c’est étrange... Il a dû faire les grandes écoles, donc contrairement à moi il ne sortait jamais en boîte. Puis il s’est lancé dans l’humanitaire, et il a passé le plus clair de son temps à l’étranger. Mon cher Dou-Dou... Perdu dans la foule de ce hall d’aéroport, il poussait ce fauteuil roulant, bien sûr, toujours dévoué à la cause des autres... Je me demande comment il a trouvé sa vocation. Il était tellement intelligent... et sensible, aussi... Mais oui, bien sûr, quand il a eu son diplôme il a réalisé que son intelligence ne pourrait pas changer le monde, et il a tout plaqué. Comme c’est beau... J’aurais dû m’en douter quand il me disait :
« Phanie, il faut changer le monde avant qu’il ne nous change ! »
Il avait le sens des formules, et tellement d’esprit. Et moi j’ai fait quoi pendant toutes ces années ? J’ai claqué du fric. C’est écoeurant... Mais je peux peut-être faire mieux...


Je n’avais jamais rien risqué de ma vie, ce qui est encore le meilleur moyen de ne rien gagner. Donc je perdais au Loto, et je touchais le Smic. En dehors de la variation des heures sup, mon plan de carrière de chauffeur-livreur était tout tracé : licenciement économique à 48 ans, chômage, pré-retraite, misère.
Annie méritait mieux que ça.
De toute façon je n’aurais pas pu l’aborder tant que ma vie était aussi minable.
Tout en continuant à livrer mes légumes, j’ai commencé à lire les journaux financiers, mais c’est de l’hébreu, ces machins-là. Alors j’ai monté un bobard au conseiller de la Poste, je lui ai dit que j’avais hérité, que j’avais de l’argent à placer.
J’ai fini par avoir quelques idées claires- mais toujours pas d’argent à investir. J’ai pisté une banquière – quinze jours de filature ! -, le prototype de la poire idéale : quarante balais, célibataire, vivant avec sa mère malade, un physique quelconque et un mental de cocker. J’ai ouvert un compte chez elle, je l’ai draguée à mort. J’ai monté un dossier bidon pour le rachat d’une entreprise de transport routier (là, j’étais en terrain connu). Mais le jour où le crédit a été accordé, j’ai disparu sans laisser d’adresse, j’ai quitté le boulot, j’ai déménagé, je me suis fait faire de faux papiers (avec du fric, c’est ridiculement facile !)... et enfin libéré de ce passé stupide, je me suis lancé dans les transactions boursières, prêt à tout.
Et bien sûr, tout m’a souri. La chance du débutant... au début. Et puis j’ai compris que j’étais fait pour ça, que j’avais l’intuition, le flair, la vista... Je savais patienter, je savais foncer, je savais risquer le tout pour le tout et laisser passer l’orage sans sortir de mon trou. Le fric, c’est bien. Ce qui est mieux encore, c’est de se sentir fort, astucieux, efficace... parfois carrément génial ! Comme fondamentalement je ne suis pas malhonnête, j’ai même remboursé ma banquière, de manière anonyme, par le biais de ma banque suisse.
Depuis je cherche Annie. Dès que la Bourse ferme, je m’envole pour New York. Je fais quelquefois deux fois l’aller-retour dans le week-end. Je la trouverai. Sinon tout ceci n’aurait pas de sens...


Je me suis inscrite à Entraide Internationale, Avenir Planétaire et Secours Universel. Le problème c’était que je n’étais ni médecin, ni infirmière, ni à la rigueur ingénieur. Je n’avais en fait aucune compétence intéressante – mon BTS tourisme, dans les pays dits en voie de développement... aurait pu être un atout... s’ils avaient vraiment été sur la voie du développement, et non pas englués dans la nécessité absolue de survivre d’un jour sur l’autre. Il y avait bien quelques tentatives de tourisme équitable, mais cela restait anecdotique et les personnes que j’avais contactées avaient plus besoin d’argent que de bénévoles. J’ai donc nourri des vieux à la petite cuillère, torché des gosses maigres comme des chiens galeux , accompagné des boat people dans leurs démarches administratives : ça, c’était le pire de tout. On leur explique vingt fois la même chose, avec calme et sérénité ; ils répondent « oui oui » avec un grand sourire... et ils font tout de travers parce qu’ils n’ont rien compris mais que dans leur culture ça ne se dit pas !
Enfin j’ai pu partir sur un programme d’alphabétisation en Afrique centrale, avec Terre d’Espoir. J’ai payé mon voyage avec l’argent de la thalasso , et jamais je n’ai signé un chèque avec autant de fierté. Vol régulier jusqu’à Abidjan, puis une succession de petits coucous pour survoler des kilomètres de plaine, puis de savane, puis une jeep cahotante sur une piste poussiéreuse jusqu’au village.
S’il existe un bout du monde, c’est là. Les femmes vont puiser l’eau à la rivière et essaient de faire pousser quelques plantes nourricières dans une terre qui n’est pas faite pour ça. Les hommes chassent. La plupart des enfants meurent avant huit ans. A quoi ça sert de leur apprendre à lire ?
Mais Kouamé avait réussi à trouver de l’argent auprès de différentes ONG. Il avait de quoi creuser un puits, faire une halle en dur surélevée pour les réunions du Conseil, les fêtes rituelles et l’école, et il mettait sur pied un programme pour que les enfants puissent aller au collège à Bouaké.
Il était intelligent, doux, infatigable, sorcier de son village, où il était revenu après un diplôme de médecine obtenu à Paris. Il savait chasser la gazelle, prévoir les orages, accoucher les femmes et accompagner les mourants. Il n’a eu qu’à me regarder dans les yeux pour que j’accepte de le suivre au bout du monde – et de fait, j’y étais déjà.
Cinq années ont passé. J’ai dû prendre vingt kilos, peut-être plus. Je ressemble à une vache laitière mais je n’ai perdu aucun de mes trois enfants. Mes seins sont énormes, gigantesques, triomphants. Ma démarche est devenue dodelinante comme une africaine du cru. Etrangement, je suis heureuse. Quand Kouamé me possède, je me sens tellement comblée que je pourrais mourir sans regret. La mort, ici, c’est partout, tout le temps, on la frôle, on la sent, on la voit rôder, à la fois tenace, familière et inévitable, comme les moustiques, comme les serpents. Maladies, bêtes sauvages, famine, inondations... On apprend à vivre au jour le jour, à se contenter de rien. C’est peut-être pour ça que chaque jour vécu est perçu comme un bonheur inestimable, et que même si la vie est plus courte, on a l’impression qu’elle dure longtemps. Si j’essaie d’être objective je me dis que ce que nous faisons c’est bien mais que c’est une goutte d’eau dans la mer. De plus, mon espérance de vie, de Paris à Niamokou, a diminué de moitié.
Et pourtant, pour une raison que j’ignore, depuis que je vis ici, je n’ai plus peur.
Narwa Roquen, en retard, mais toujours là

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-03-15 22:35:08 

  WA - Participation exercice n°74Détails
Bien sûr en retard.

Néanmoins, ce récit tord le cou à la consigne (mais j'ai l'habitude); J'ai utilisé un sens très étroit du mot "quiproquo" qui provient de la locution latine "qui pro quod", signifiant notamment : «confusion consistant à prendre une chose pour une autre ».

En plus, le récit ci-dessous n'est qu'une partie d'un récit plus long dont la fin sera révélée dans le concours "Terre de lumière".

----------------------

C’EST LA NUIT



J’ai bien failli m’égarer cette fois-ci le long de la frontière. Me perdre définitivement loin d’ici. J’ai failli perdre la Nuit. Ne pas pouvoir revenir en arrière. Je l’ai souhaité. Presque désiré. J’ai finalement rebroussé chemin. Il me semble utile que cette extraordinaire expérience ne soit pas oubliée. Que vous, gardiens de la Nuit, la graviez dans vos vastes mémoires pour la transmettre à ceux qui viendront après. Qu’elle serve à la communauté. Nul n’a été aussi loin que moi. C’est pourquoi je me tiens devant vous pour conter mon histoire.

C’est d’abord l’histoire d’un monde immobile. Il paraît que dans l’ancien temps, une boule de feu se levait dans le ciel et que sa lumière était si forte qu’elle dispersait les ténèbres jusqu’à son coucher sur l’horizon. Sa course dans les cieux était la mesure de toute chose. Je ne peux concevoir pareil prodige. C’est tout simplement au-delà de mon imagination alors que règne la Nuit. Eternelle et bienfaitrice. Qui peut nuire sans ombre protectrice?

Quand j’ai ouvert les yeux pour la première fois, le sol nu et gris dansait au-dessus de moi. La main ferme de mon père a claqué sur mes fesses et j’ai crié. Non, j’ai hurlé mais mes poumons étaient trop débiles pour exprimer toute ma colère. La nuit m’accueillait, fraîche et noire, apaisante et nourricière. Ma mère était accroupie, nue et haletante, son travail achevé. Les rayons cendrés de l’astre nocturne l’enveloppaient délicatement, soulignant la finesse de ses attaches, la lourdeur de ses seins et la force de ses hanches. Elle a lavé lentement toute trace de souillure sur ma peau et puis elle a coupé ce qui me retenait à elle. J’ai gardé un souvenir précis de ces premiers instants. Comme nous tous. Je suis passé de l’ombre maternelle à l’ombre de la Nuit. La différence est infime. La Nuit est toujours douce et presque claire lorsque les femmes du peuple obscur sont délivrées de leur longue attente. Mon père n’est pas resté longtemps avec nous. Cela fait partie des choses de la nuit. J’ai grandi en écoutant les anciens et surtout en suivant les conseils avisés de ma mère. J’ai appris à reconnaître les nuances de gris et d’ombre. Car aucune couleur n’existe vraiment dans la Nuit n’est-ce pas ? Je sais bien que les couleurs existent cependant. De l’autre côté de la frontière.

Je ne compte plus les lunes qui sont passées au-dessus de ma tête depuis ma venue au monde. A présent, la jeunesse est derrière moi. Je suis devenu un vieux loup solitaire, taciturne et rebelle. Mais je marche toujours comme les vrais hommes, debout, droit et fier. Les loups, eux, courent à mes côtés quand ils sentent la chair blanchâtre. La chair mélanocytée des enfants du Jour. Qu’ils meurent tous. La nuit n’est pas faite pour eux. La nuit est une louve qui n’aime que les enfants loups.

J’avais des dons innés de chasseur et tout naturellement j’ai rejoint les compagnies de chasse. J’ai pourchassé les créatures irrespectueuses venues de l’autre bord. Durant de nombreuses lunes, j’ai suivi leurs traces. J’ai remarqué qu’elles s’enfonçaient de plus en plus loin à l’intérieur du Sombre Pays malgré nos pièges et les dangers. Je suis devenu un vrai chasseur et mes yeux portent loin. Je me déplace, ombre dans l’ombre, silencieux et mortel. Je nuis ici et ici est mon territoire.


Il y a une large bande de terre que nous appelons les allées du crépuscule car le crépuscule annonce la fin de la nuit. Au-dessus de ces allées, la nuit et le jour s’affrontent pour étendre leur empire. Mais cette lutte est stérile, le monde est immuable. Dès ma plus tendre enfance, j’ai appris qu'il me faudrait traverser cette frontière, sans espoir de retour. A l’instant où ma propre nuit touchera à son terme. Ce moment, chacun le reconnaîtra et l’appréhende en secret. Quand je sentirai mes forces m’abandonner, quand mes cheveux auront blanchi exagérément, alors je saurai que cela sera le moment de partir vers la lumière. C’est notre lot à tous. Il nous faut l’accepter. C’est l’école de la nuit.

Seuls les chasseurs expérimentés s’aventurent sur les confins crépusculaires. Je suis ce que vous appelez un chasseur du crépuscule. Un crépusculaire, comme murmurent à voix basse les enfants. Un être bizarre et associable. Incapable de suivre les règles. Je suis sans doute l’un des plus aguerris, des plus résistants, des plus rusés aussi. Les allées du crépuscule sont mes jardins de chasse favoris. Je m’y sens à l’aise. J’apporte à la communauté le gage d’une sécurité inviolée. Cela a donné un sens à ma nuit. Et puis il y a les loups. Ils vivent en grand nombre parmi les vestiges écroulés de l’ancienne et vaste cité. Farouches et indépendants, ils sont pourtant toujours à mes côtés quand le besoin s’en fait sentir. Je les connais tous. Chaque mâle dominant et chaque vieux loup solitaire.

Tout a commencé à mon retour dans les allées du Crépuscule.

Quand j’ai franchi une invisible limite, un hurlement a retenti quelque part vers l’occident. Un autre lui a répondu à quelque distance. Bientôt un concert de longues plaintes rauques déchira l’obscurité. C’étaient les loups. C’était leur façon d’accueillir un ami de retour après une longue absence.

Le voyage avait été long. Comme à chaque fois. Plusieurs lunes s’étaient levées et abaissées dans le ciel moucheté d’étoiles depuis mon départ. Poussé par un feu réveillé au creux de mes reins, j’avais remonté une piste familière. Cette trace que nous empruntons tous régulièrement, menant là où la glace durcit la toundra. Cette piste est indélébilement inscrite dans notre sang et notre mémoire collective. Je l’avais suivie pour trouver celle qui aurait porté mon enfant. Mon effort n’a pas été récompensé. Aucune ne m’attendait. Je suis absent si longtemps des terres froides et noires du coeur de la nuit, qu’elles m’oublient souvent. Quand je me présente, elles portent déjà l’enfant d’un autre. Certains me disent que je me complique la nuit en demeurant loin de la « terra oscura », notre ténébreuse patrie. Mais ils parlent en vain. Je fais ce que mon sang et mon coeur me disent de faire. Même si je donnerais tout ce que j’ai de plus précieux pour avoir quelqu’un dans ma nuit.

Heureusement, l’accueil que m’ont réservé les loups de la ville morte a été un onguent apaisant sur les cicatrices douloureuses de mon âme. Je me suis ressaisi. J’ai repris quelque peu confiance et j’ai rejoint par habitude la flèche brisée, l’étendard figé qui flotte sur mon jardin.

En effet, au coeur des ruines, près du lit asséché d’un ancien fleuve, une étrange construction est érigée sur un vaste champ de friches. Ses quatre piliers de métal rouillé supportent une flèche de fer qui s’élance haut dans le ciel changeant. La pointe en est brisée, ses débris jonchant le sol alentour. Elle est le passage obligé de mes rondes, l’endroit propice pour tester mes manoeuvres d’approche et d’esquive. Jusqu’alors, je me contentais de coller mon oreille sur le métal froid et noir pour écouter sa voix secrète. Car elle chante. Une vibration grave et pénétrante qui hypnotise et qui enivre. On dirait un choeur gigantesque et profondément enfoui qui pousse une ample et tellurique mélopée. Je ne suis pas suffisamment érudit pour décrire les sensations que procure cette vibration qui jamais ne se ressemble.

Cette fois-là, le chant entêtant a résonné différemment. J'ai cru discerner un appel étouffé, une voix masquée qui s'adressait à moi. Peut-être n'était-ce dû qu'à la fatigue physique et nerveuse de l'épreuve que je venais de traverser mais, mû par une impulsion subite et irréfléchie, je commençai l'escalade du tronc de fer. Il pèle et se désagrège en une poussière qui tache les mains, au goût âcre et lourd. Après avoir peiné, j’ai atteint une sorte de plate-forme envahie d’herbes étranges et parsemée de fleurs boursouflées. Au fond de leurs calices variqueux se tordaient d’écoeurants pistils, langues impatientes, avides de goûter et de digérer. Ils se tournaient vers moi en sifflant et leur danse ondulante était si obscène qu’elle m’a soulevé les tripes.

J’ai continué de grimper. Aussi haut que j’ai pu. Je suis parvenu à la brisure. Serrant la poutre de fer entre mes cuisses, j’ai regardé au loin, vers le pays écrasé de lumière, en gardant prudemment les yeux mi-clos. J’ai aperçu cette clarté qui noyait le monde. Elle était si dense qu’elle formait un halo montant jusqu’au ciel. J’ai dévissé le bouchon de ma gourde et j’ai bu une gorgée d’eau de nuit. L’alcool m’a échauffé les sens et j’ai réussi à fixer un peu plus longtemps l’enfer qui brûlait de l’autre côté de la frontière. Les plus érudits d’entre vous, gardiens fidèles des annales de notre peuple, considèrent que lorsque nous mourrons, une infime partie de nôtre âme rejoint mystérieusement l’autre face du monde, la face éclairée. Ils disent qu’il y a là-bas un Dieu dans le ciel, un Dieu empli d’un courroux tel que nul ne peut le contempler directement sans perdre la vue sur le champ. Sans que sa peau brûle d’un feu invisible. Pourtant, les plus sages d’entre vous ignorent la cause première de cette colère divine et se perdent en conjectures. Quant à moi, jamais je n’accepterai de consacrer ma nuit à un quelconque Dieu. Et c’est très bien ainsi.

Je suis redescendu pour me diriger vers le lit asséché, situé à proximité.

La ville fantôme résonne parfois d’échos insolites. Cette cité dévastée est mon jardin de chasse favori. Je l’ai déjà dit. J’y traque les créatures du jour qui osent violer la frontière. Entre les ruines qui se découpent sous la lune languide, je croque la nuit à pleines dents et je suis heureux. Il est grisant de s’approcher de sa proie sans qu’elle ne s’en aperçoive. Je fais souvent durer le plaisir. Je mets mes pas dans ses pas, juste derrière elle. Je progresse dans son ombre, la frôlant presque, pouvant jouer sur son dos avec mes doigts de lune. Le vent qui se lève parfois n’est pas mon ennemi. Et quand cela ne m’amuse plus, je mets un terme à ce jeu de nuit et de mort. La lame courbe de mon long coutelas dentelé ne brille d’aucun reflet quand je l’enfonce sous l’omoplate gauche et quand, avec un geste brusque du poignet, je la remonte vers le haut. Pas de bruit. Pas de cri. Juste un gargouillis de sang au fond d’une gorge. Et puis plus rien. Ce que je fais après ne regarde que moi et les esprits de mes ancêtres qui se sont approchés en silence, formes spectrales et assoiffées.


à suivre... (dans le concours)

M

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Onirian  Ecrire à Onirian

2010-03-17 17:13:10 

 WA-Exercice 74 - Le quiproquoDétails
Un petit texte court, basé sur une idée que j'ai trouvé amusante. Le texte en lui même n'a rien d'exceptionnel, c'est juste à prendre pour ce que c'est, une espèce de bonbon, de gaterie pourrait-on dire. C'est limite potache, mais parfois, c'est bien aussi d'écrire sans se prendre la tête.
Promis, pour le suivant, j'essairai un truc vachement plus torturé.

--
La solitude de Bilbon.


* La scène est vide A l'exception d'un lit. Bilbon est assis dessus. Les couvertures en tas suggèrent qu'il est penché sur quelqu'un.

[Bilbon] : Oh, merveille d'entre les merveilles, ta peau est si douce, tes courbes si parfaites. J'aime te caresser pendant des heures, pendant que tu susurres milles secrets à mon oreille. Il n'est pas une journée, que dis-je une journée, une heure, une minute, une seconde, sans que mes pensées ne s'égarent et ne t'imaginent sur ton lit. Tu me rends fou, mais cette folie est mon plaisir. La magie coule dans tes veines et quand nous nous enlaçons je...

* Un bruit arrive de la droite de la scène. Bilbon se relève, panique un instant, puis déplace une couverture visiblement pour cacher quelque chose. Une femme entre.

[Armélie] : Bilbon ? Ah je te trouve enfin. Tu...
* Armélie s'arrête un instant, et regarde Bilbon d'un air méfiant.
[Bilbon] : Oui ?
[Armélie] : Que faisais-tu à l'instant ?
[Bilbon] : Mais rien du tout !
[Armélie] : Non, tu as le même air que lorsque je t'ai supris à parler avec Suzie Fleur-De-Miel.
[Bilbon] : Mais pas du tout ma douce... Tu sais bien que je n'aime que toi. Enfin, toi et tes deux...
[Armélie] : Ah, mes talents, mes forminables talents, mes énormes talents même ! Parfois j'ai l'impression que tu n'es avec moi que pour cela.
[Bilbon] : Mais non, tu sais bien que c'est faux...
[Armélie] : En est-tu si sûr, Maitre Bilbon ? Depuis que je suis ici, s'est-il passé une seule journée sans que tu me demandes une petite gaterie ? Une seule journée sans que je doive offrir une pipe au seigneur de ces lieux ?
[Bilbon] : Eh bien soit, oui, j'aime tes deux énormes talents. Tes mains font des merveilles, et savent me procurer un plaisir intense. Mais qu'y puis-je ?
[Armélie] : Bilbon Sacquet, Est-ce que tu me trompes.
[Bilbon] : Non, jamais. Et ce n'est pas seulement parce que tu prépares la meilleure herbe à pipe de la comté ni parce que tes patisseries sont bonnes à damner un Nazgul. Je t'aime, c'est tout.
[Armélie, calmée] : Oh, Bilbon...
* Armélie s'approche de Bilbon, lui prend la main, et s'en va avec lui. Bilbon en se levant fait tomber un anneau doré.
* Armélie ramasse l'anneau
[Bilbon, furieux attrape l'anneau] : Non, c'est à moi, c'est Mon Précieux ! Rend le moi !
[Armélie, triste] : Imbécile... Je ne sais à qui tu destines cette babiole, puisque ce n'est pas moi, mais écoute bien, je souhaite que cette personne ne puisse jamais le garder et que son doigt tombe à l'instant où cet anneau lui sera oté. Adieu.
* Armélie furieuse, quitte la scène. Bilbon reste seul.
[Bilbon] : Oh, mon vieil anneau, mon précieux... mais qu'avons nous fait ?

--
Onirian, paparazzi tolkiennien.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-18 23:20:54 

 Commentaire Maedhros, exercice n°74Détails
On est quand même très loin du quiproquo classique dans ce texte solitaire où le héros seul, sans aucune rencontre, prend la nuit pour la vie, avec toute une série d’expressions originales : « j’ai failli perdre la nuit », « je me complique la nuit », « avoir quelqu’un dans ma nuit » ... et autres « eau de nuit ».
Et « nuire », jouant la ressemblance phonique, semble également pouvoir être remplacé par « vivre », avec ce très joli « je nuis ici ».
En tant qu’exercice, pourquoi pas. Après, on sent bien que ce texte est sorti d’une histoire plus grande, et il a du mal à se poser tout seul, il manque d’un avant et d’un après, et finalement il ne s’y passe pas grand-chose.
Ceci dit, le monde construit est puissamment original, dépaysant, inquiétant ; ce qui rassure le lecteur, malgré tout, c’est le parti pris de transposer en noir tout ce qu’il a l’habitude de vivre en clair, et réciproquement. L’extrême cohérence du texte fait que l’on peut te suivre en toute quiétude, puisque tu as l’air de savoir où tu vas. Si je comprends bien, sur un thème de Concours dénommé « Terre de Lumière », tu pousses la provocation jusqu’à parler d’une terre où la nuit règne en maîtresse absolue... Cela n’étonnera que ceux qui ne te connaissent pas !


Quelques bricoles :
- « le sol nu et gris dansait au-dessus de moi » : mérite quelques explications
- « je saurai que cela sera le moment » : « ce sera » devrait suffire
- Associable : si c’est exprès, il faut expliquer, parce que c’est pris au sens de « asocial »
- « un concert... déchira.. » : il y a du passé composé partout : alors : « a déchiré »
- « comme à chaque fois » : comme chaque fois
- « au ceux de mes reins » : au creux
- « je suis absent si longtemps » : cette phrase au présent dérange un peu ; l’idée est juste, si l’action décrite perdure au moment où le narrateur raconte, mais il y a peut-être moyen de dire ça autrement
- « il pèle et se désagrège » : idem, incursion du présent dans un texte au passé, et là, moins explicable
- « si obscène » : je pense que « tellement », à l’oreille, passerait mieux que « si »
- « jardin de chasse favori » : si tu crois échapper à la lourdeur de la répétition en disant « je l’ai déjà dit » !! Je suis sûre que tu peux trouver un équivalent, et tu peux même laisser le « je l’ai déjà dit », ce n’en est que plus classe !


J’ai hâte de lire le texte entier ; ce petit avant-goût est tout à fait prometteur...
-
Narwa Roquen, le printemps aussi est en retard...

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z653z  Ecrire à z653z

2010-03-19 23:03:48 

 et...Détails
... mes tissages ?

Et stéphanie (ou annie ?) n'a même pas une pensée pour son édouard dans la dernière partie.
Et pour se déplacer en côte d'ivoire, il y a le train ou la route qui sont beaucoup moins chers que les petits avions.
Belle histoire tout de même.

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-03-23 22:32:52 

 Commentaire Onirian, exercice n° 74Détails
Désolée pour le retard de ce commentaire, j'ai eu un gros souci domestique qui m'a beaucoup accaparée.

Le texte est court, il est vrai, mais ça ne le rend que plus fort. Bien sûr, c'est réservé aux initiés. Dommage pour les autres, ils n'ont qu'à lire le SdA.
Le quiproquo est bien rendu, et la scène s'agrémente d'un autre possible malentendu, mais honni soit qui mal y pense! il s'agit bien de tabac... Le tout est bien enlevé et agréable à lire, délicieusement spirituel, et parfaitement tolkienien.
Quelques bricoles:
- milles secrets: mille est invariable.
- je t'ai supris: faute de frappe
- des accents circonflexes: gâterie, pâtisserie, Nazgûl,ôté
- la comté mérite bien une majuscule
- rend le moi: rends

Je suis ravie que tu participes enfin aux WA récentes, et qui plus est, sous la forme d'une scène de théâtre. Ce n'est pas le genre le plus facile, mais il te va comme un gant. Bravo!
Narwa Roquen, enchantée

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z653z  Ecrire à z653z

2010-05-04 14:29:27 

 Excellentes idéesDétails
Juste un détail, dans la phrase : "Bilbon Sacquet, Est-ce que tu me trompes."
La ponctuation me choque un peu.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-06-25 14:29:23 

 Exercice 74 : Onirian => CommentaireDétails
Euh... comment dirais-je... ? Ca va un peu loin dans le double-sens et je pense que la frontière du bon goût a été effleurée mais l’idée est amusante et tu t’en sors bien avec le théâtre.

Est', en pleine lecture.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-06-25 14:44:24 

 Exercice 74 : Maedhros => CommentaireDétails
Oh, le titre est intriguant. « Qui peut nuire sans ombre protectrice? » : waouh, il m’a fallu deux secondes pour comprendre. Il garde des souvenirs de sa propre naissance ton héros ? Il n’est pas du tout humain alors ?
OK, je suppose que la Terre s’est arrêtée de tourner et qu’il suivait la ligne de démarcation entre la zone de nuit éternelle et de jour éternel. Excellente idée et très poétique. Cet état de fait s’explique-t-il par une catastrophe ? Est-ce un post-apocaplyptique ? Je suppose que ce sera détaillé dans le texte complet.
Tu parles de jardin de chasse mais la zone de nuit ne doit pas abriter le moindre végétal chlorophyllien. Elle doit être quasiment stérile. Original l’emploi du mot nuit pour dire vie quoique certains emplois sonnent un peu trop comme un jeu de mot, ai-je trouvé. Ce la casse un tantinet le côté sérieux du texte.
Jolie description des fleurs, avec un très bon choix de mots. Jolie ambiance mais j’aurais bien aimé des descriptions de paysages noyés d’ombre. Vivement la suite.

Est', en pleine lecture.

PS : je n'ai pas aperçu la consigne mais la nuit, on voit moins bien, il est vrai.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2010-06-25 14:50:58 

 Exercice 74 : Narwa => CommentaireDétails
La première partie est pleine de détails pittoresques, de souvenirs qui font vrais et dessinent efficacement l’enfance de ton narrateur.
Futé l’ambivalence du prénom et les deux portraits qui se croisent. Mais tu n'expliques pas pourquoi ils ne se parlent pas ni comment se termine la scène et je trouve que c'est dommage.
J'ai trouvé la dernière partie un peu trop caricaturale. Le changement de vie est total et brutal. J'aurais aimé qu'il soit plus détaillé car là, le revirement m'a semblé artificiel. Cette partie est décalée par rapport au début où on se disait qu’ils allaient se recroiser. L'ensemble du texte semble tendre vers cette seconde rencontre qui n'a pas lieu. J'ai pensé que Phanie faisait de l’humanitaire pour plaire à son Doudou, être celle qu’il attend et puis lui de son côté fait pareil et puis rien, elle ne repense même pas à lui. Et de son côté à lui, il n'y a pas de fin. Je reste sur ma faim.

Est', en pleine lecture.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2010-07-03 19:24:42 

 AiguillagesDétails
Le quiproquo est bien présent, même s’il n’est pas évident de prime abord.

Deux êtres faits l’un pour l’autre sont séparés par l’existence et chacun suit sa propre trajectoire qui diverge depuis le point de séparation. Lui, en panne de moteur (car elle était bien son moteur non ?) survit au jour le jour. Elle, plus indépendante (les femmes sont des chats tandis que les hommes ne sont que des chiens, non ?) a poursuivi son bonhomme de chemin d’enfant gâtée, même s’il s’avère un peu désert, un peu vain (les thalasso).

Et lorsqu’ils se croisent dans le hall d’un aéroport (quel meilleur lieu que cet espace magique où tous les horizons sont à portée de vol), chacun se méprend sur le compte de l’autre, se fiant uniquement à des apparences trompeuses. De ces jugements hâtifs, où naît le quiproquo, ils vont tous deux prendre un nouveau départ pour se réhabiliter aux yeux de leurs propres souvenirs. A cet égard, il l’appelle « Annie » et elle entend « Phanie ». Tout est dit. Ils ne se comprendront jamais ces deux-là. La suite le confirme. Elle trouve un bonheur vrai aux côtés d’un homme qui a accordé ses actes et sa conscience. Elle a oublié celui qui fut l’agent provocateur de son destin. Lui parvient à devenir celui qui pourra combler l’executive womann qu’il croit qu’elle est. Trop tard. Il ne la reverra plus puisque ses jets n’atterriront jamais sur les mauvaises pistes africaines. Comment pourrait-il d’ailleurs l’imaginer là-bas? Au surplus, leurs temps ne sont plus synchrones.

Une histoire bien écrite, avec une profusion de petits détails qui donnent de la profondeur, sans alourdir le propos. Les souvenirs d’enfance, les petites et grandes galères jusqu’aux « reconversions ». C’est une histoire douce-amère qui dit en souriant que le temps ne revient jamais en arrière et que lorsque un croisement est pris ou, au contraire, n’est pas pris, inutile de rêver. Ce n’est pas un jeu, juste la vie et la vie ne se vit que dans un sens.

Il y a une image qui circule dans mon boulot. Selon elle, la direction ne repasse jamais deux fois le pot de confiture. Elle est diablement vraie.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2010-07-04 13:56:01 

 OrigineDétails
J'ai voulu illustrer cette histoire classique du couple qui s'est disputé et qui part chacun de son côté au même bal masqué. Toute la soirée, l'homme danse avec celle qu'il a reconnue pour sa femme, même silhouette, même grâce... et la femme est sûre de danser avec son mari, même force, même tendresse... A minuit, les masques tombent : ce n'était ni lui, ni elle.
Aux confins de l'absurde, tant nous ne voyons que ce que nous voulons voir...
Narwa Roquen,les plus grands voyages sont intérieurs...

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