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 WA - Participation exercice n°68 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Samedi 17 octobre 2009 à 19:03:43
Un texte en retard...


WE WERE WOLVES



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Mes bras sont rouges. Un sang rouge et brillant coule sur ma poitrine en tièdes rigoles, glisse le long de mes abdominaux, perle sur mon sexe et veine mes cuisses. Je lève les yeux vers la lune descendante et je secoue la tête désespérément. Sa clarté pâlit rapidement, effacée par l’aube indifférente qui filtre déjà au-dessus des arbres. Il n’y aura pas de miracle. Ils ont des chiens et des fusils. Ils sont en colère et rien ne les détournera de leur funeste objectif. La clairière est encore silencieuse mais je perçois leur présence dans le lointain. Des cris et des aboiements. Ils se rapprochent. Ils me cernent. Plus question de fuir. Ni la force, ni le temps. Encore moins la volonté. Tout sera fini ce matin.

Je dépose délicatement mon fardeau sur l’herbe ourlée de rosée. Ses yeux sont clos. Son coeur bat faiblement. De plus en plus faiblement. C’est la première fois que je la vois ainsi, celle qui a couru toutes ces nuits à mes côtés. Nous étions devant tous les autres et entre les arbres, au plus profond de la forêt, nous courions baignés par les rayons d’argent d’une lune pleine et ronde. Cette lumière spectrale qui réveille nos sens et exacerbe nos désirs. Cette lumière chatoyante qui révèle ce que nous sommes vraiment. Comme une pellicule photographique plongée dans son bain argentique. Les rayons d’argent fixent notre nature profonde. L’argent métallique s’écoule dans nos veines.

Je m’agenouille au bord de la rivière. Mon image s’y reflète entre les joncs, une image troublée par les remous du courant le long de la berge. Une image finalement fidèle à ce que je suis. Si cruellement floue et dégradée. Ne suis-je donc qu’un reflet changeant en quête d’une identité insaisissable? Je suis tellement las que mes yeux restent secs. Je ne peux pleurer.

Elle semble si fragile, si menue, si vulnérable. A peine sortie de l’adolescence. Une frange de cheveux sombres est collée par la sueur sur son front. La balle l’a frappée sous l’omoplate. Une balle tirée au jugé. Un coup heureux. Un coup du sort. Elle a trébuché en pleine course, s’agrippant à mon bras pour ne pas tomber. Quelques dizaines de foulées plus tard, malgré mon aide, elle s’est effondrée parmi les grandes fougères. Je l’ai alors soulevée. Elle ne pesait presque rien, j’étais encore fort et sauvage. La lumière cendrée saturait mon sang, élixir merveilleux et surnaturel. Tout contre moi, sa toison était douce et soyeuse. Je pouvais sentir son souffle court et irrégulier au creux de mon cou. J’ai hurlé à la lune qui se cachait au-dessus des arbres mais ma voix s’est brisée. Elle est demeurée indifférente à mon destin. Pourtant ne sommes-nous pas ses enfants ? Le rêve s’enfuyait, je redevenais solaire. C’est un état de fait de plus en plus difficile à accepter. Un ordre des choses de moins en moins naturel. Mes pas ont alors hésité, ma course a ralenti, la fatigue courbant mon échine. Les chiens ont aboyé plus fort, humant la chaleur renouvelée de la piste. De longs coups de sifflets ont retenti derrière nous, hachant la brume du petit matin. Des appels leur ont répondu de loin en loin, provenant de toutes les directions. La battue refermait ses mâchoires. J’ai néanmoins réussi à atteindre la clairière où murmure la petite rivière, l’endroit où je suis né. Où je suis né loup. L’endroit où elle fut mienne au coeur de la nuit complice. Nous revenons toujours au point de départ. La ligne droite n’existe pas. Les solaires ne peuvent comprendre. C’est au-delà de leur pauvre imagination.

Comment s’appelle-t-elle ? Je ne connais même pas son nom. Sa peau est lisse et nue. Une beauté singulière, trop humaine. Insolite pour mes perceptions altérées. L’ai-je croisée auparavant quand je marchais parmi les hommes sous mon apparence solaire? M’aurait-elle jeté le moindre regard en frôlant mon épaule sur le trottoir de la cité? M’aurait-elle reconnu? Que m’importe ! Sous le soleil des hommes, les loups n’existent pas. Nous sommes des loups et nous acceptons la loi de la meute le temps d’une pleine lune. Durant ce court moment, nous chassons et nous aimons. Je l’ai aimée comme un homme n’aimera jamais une femme. Je l’ai aimée bien au-delà de toute notion de possession. C’est une question d’odeur et de fidélité. Le corps qui est étendu là n’est pas la compagne qui a tourné le tapis brillant de ses regards au paroxysme de notre désir. L’odeur que dégage ce corps que la chaleur quitte peu à peu est fade et triste, à mille lieues de l’imprégnation qui a fait chavirer mon coeur de loup.

Les spasmes et les tremblements deviennent de plus en plus violents. Je redeviens solaire. Le temps m’est compté. Quelques minutes au plus. Juste le temps de les affronter une dernière fois. Eux. Les autres. Les étrangers extérieurs à la meute qu’ils ont décimée. Ceux qui me connaissent sous d’autres traits. Ces traits que je veux plus porter. Les hommes et leurs chiens. Les hommes inquiets derrière leurs portes et leurs enceintes. Il paraît que nous sommes descendus des étoiles où nous étions perdus au milieu d’un voyage au long cours. C’est ce que disent les légendes rapportées par les conteurs et les colporteurs. Il parait que le monde d’où nous venons est semblable à celui-ci, un monde autour duquel tourne aussi une lune montante et descendante. Il paraît... telle est notre condition. Juste des apparences. La réalité est que je suis un loup. Un loup sans meute à présent. Celle qui a hurlé de plaisir lorsque la lune pleine a atteint la verticale de la clairière a rendu son dernier soupir. Je ne peux survivre sans elle. Je ne peux attendre une nouvelle pleine lune. Elle ne sera plus là à m’attendre dans le bois.

Les chiens font irruption dans la clairière. Je gronde, babines retroussées et poils hérissés. Leurs aboiements se transforment en jappements craintifs. Queue basse et oreilles rabattues, les chiens réapprennent les rites éternels de soumission. Je sais que je suis un monstre pour les chasseurs, un monstre aux yeux jaunes qui égorge leur bétail et leurs enfants désobéissants. Les chiens se sont aplatis à la lisière des grands arbres, impuissants et soumis. Leurs maîtres surgissent des sous-bois, fusils levés. Ils sont trop nombreux et l’argent se dilue dans mon sang. Je pousse mon dernier hurlement à la lune absente, un long hurlement en forme de testament. Je bande mes muscles quand les chiens des fusils claquent rageusement.

Ces chiens-là n’ont jamais reconnu le loup comme seigneur.

M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 68 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Lun 14 dec 2009 à 17:23)
3 classique et beau - z653z (Mar 20 oct 2009 à 12:16)
3 Lune Evil - Maeglin (Lun 19 oct 2009 à 10:08)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°68 - Narwa Roquen (Dim 18 oct 2009 à 22:16)
3 Chiens et Loups. - Netra (Sam 17 oct 2009 à 21:56)
       4 Encore du bon ^^ - Elemmirë (Jeu 19 nov 2009 à 21:12)


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