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De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Jeudi 24 septembre 2009 à 21:41:04
L’Ange des C.H.U.




Martial


J’attends la douleur. Elle ne me quitte plus, même au plus profond de mes rêves. Je l’attends sur ce lit avec toutes ces machines clignotantes alignées contre le mur. Je ne pense qu’à elle. Qu’à cette douleur tapie dans l’ombre, tout près, attendant que la morphine ne fasse plus effet. J’ai l’impression qu’elle possède une densité physique, une sournoise volonté de s’en prendre à moi, rien qu’à moi, fouillant mes centres nerveux comme une aiguille chauffée à blanc.

La maladie pourrait être mon amie, la douleur est mon ennemie intime. Tout ça est arrivé si vite ! Car il n’est pas loin le moment où le médecin m’a révélé son diagnostic.

Ce jour-là, j’ai deviné au fond de ses yeux une commisération muette et sincère juste avant que son professionnalisme policé ne reprenne le dessus. Durant un instant, j’ai su qu’il voyait en face de lui un mort-vivant. On aurait dit qu’il évaluait sous ma chemise, sous ma peau, les ravages irrémédiables de la marée cancéreuse. Il a prononcé des mots convenus, agréables à entendre, enrobés d’une conviction mielleuse et artificielle. Il m’a montré des images, attentif comme l’était l’instituteur qui m’a appris à lire. J’avais cinq ans. J’en ai dix fois plus. En sortant de la consultation, il faisait grand soleil sur le parvis. Nous étions aux portes de l’été et les femmes étaient belles et merveilleuses. Pourtant j’étais transi de froid. C’était sans doute normal pour un cadavre ambulant. Les statistiques étaient contre moi. Malgré tous ses progrès, la science ne parviendrait pas à me sauver à temps. J’ai alors levé la tête et j’ai regardé les fenêtres de l’immense bâtiment qui me dominait de toute sa hauteur. Elles m’ont fait un clin d’oeil ironique en me promettant de m’attendre. Ma place était déjà réservée. Bientôt, je serai derrière l’une d’entre elles. Là, mon univers se résumera à la blancheur des murs et au maigre carré de ciel derrière la vitre. Condamné à mort. Voilà ce que la maladie avait fait de moi. Paniqué, je me suis mis à courir comme un fou pour m’échapper, fuir ce lieu infesté au plus vite, dépassant des fantômes en blouse blanche qui me souriaient, leurs griffes prêtes à me retenir. Je ne me suis arrêté que sur le trottoir, après les grilles et les gardes, les barrières et les croix rouges. Mais très vite j’ai senti un tiraillement dans le dos. Un invisible fil me reliait irrésistiblement à l’hôpital. Je lui appartenais. J’étais devenu une simple excroissance mobile. Il avait fait de moi sa chose, l’un de ses innombrables matricules enregistrés dans ses vastes mémoires. Je ne sortirais plus de ses fichiers. En tout cas, de mon vivant. Mon statut avait été rectifié. J’étais comme l’un de ces grands poissons de haute mer ferré au bout de la ligne du pêcheur. J’aurais beau lutter, la ligne deviendra de plus en plus courte. Ils ouvriront mon ventre pour en retirer mes entrailles noires et pourries et les jetteront dans un sac à ordures avec une grimace de dégoût.

Avant, j’étais fort et orgueilleux. J’avais un appétit de vie insatiable et je cueillais tous les fruits dont j’avais envie. J’étais un guerrier, un survivant des montagnes d’Asie centrale, un vétéran des opérations spéciales. J’ai vu la mort dix fois. Vingt fois. J’ai senti la lame d’un taliban frôler ma gorge, lors d’une escarmouche à l’ouest de Kaboul. J’ai vu des camarades s’effondrer autour de moi. Le sac de plastique se refermer sur leurs visages. J’étais fort, oui, fort et indestructible. Jusqu’à ce jour de juin dernier.

Un fourmillement sous ma langue. Est-ce le premier signe annonciateur de son retour? Je suis à l'affût de la moindre alerte sensorielle. Annonciatrice de son retour. Je compare la douleur à ces terroristes invisibles qui testaient nos défenses sur le périmètre de la base, là-bas au-dessus de Kandahar. Elle semble douée d’une intelligence maligne, camouflant ses approches et masquant ses objectifs. Et puis, quand la sentinelle sur le rempart baisse sa vigilance, elle submerge les défenses et l’horreur se déchaîne. Un autre fourmillement. Elle arrive. Je le sais. Elle arrive. Je presse plusieurs fois la pompe à morphine pour obtenir quelques bolus. Merde, cela ne fait rien. La douleur me cerne, toute proche maintenant. J’en reconnais les signes précurseurs. Qu’est-ce qu’ils ont trafiqué avec le protocole? Ce n’est pas normal. Je ne veux pas avoir mal ! Le ciel derrière la vitre s’assombrit rapidement. Elle arrive. La douleur. Elle arrive.

J’ai maaaaaAAAALLLLLLLLLLLL....impossible d’aligner deux pensées... garder le cap... colonel, colonel, ils sont dans le périmètre... pas de repli possible... perdus... on est perdus...C’est faux, je suis toujours dans ce putain de lit... impression de brûler de l’intérieur...mes entrailles brûlent... un brasier d’enfer qui me consume de l’intérieur.

« Infirmière... infirmière.... »


Michel

Il faut que cela cesse. Combien de kilomètres parcourus dans son sillage? Combien de faux espoirs entretenus jusqu’à la dernière minute? Je suis fatigué de courir. Mes réserves s’épuisent vraiment. Il ne me reste plus grand-chose sur mon compte courant. Je ne pourrai pas poursuivre cette enquête encore bien longtemps. Voilà l’hôpital. Un centre hospitalier universitaire, bien sûr. Comme à son habitude. Ces grands vaisseaux blancs où rôde la Mort sont son terrain de prédilection. J’ai l’impression de devenir moi aussi un habitué de ces longs couloirs fades et monotones. Un esprit familier faisant partie du décor. Tiens, une place se libère. Bien joué. Une petite manoeuvre et je suis arrivé. Quelle heure est-il? Presque huit heures. A temps. Son moment préféré. Les changements de service lui ont toujours facilité la vie. La mienne aussi sans doute.

Mec, regarde ma carte bleu blanc rouge. Oui, il est marqué que je suis inspecteur de police. C’est ça, laisse moi vite entrer. C’est fou ce qu’une carte périmée peut conserver comme pouvoir insoupçonné et indiscutable. Qui s’apercevra que je n’appartiens pas au plus proche commissariat? Qui se doutera que je suis ici en toute illégalité? Qui m’interdira l’accès et appellera les vrais flics, enfin les flics qui n’ont pas été renvoyés pour faute lourde? Abandon de service, ils ont dit. Abandon de service, quelle connerie! Ils n’ont jamais cru ce que je leur disais. Que j’étais sur la piste d’un monstre. Ils m’ont écouté gravement. Ils m’ont écouté jusqu’au bout et m’ont demandé quelles preuves je pouvais produire. Des preuves. Des preuves? J’en avais plein mais aucune n’a semblé leur convenir. C’est vrai, j’avais pris des libertés avec mon boulot. Des ordres directs sont tombés aux oubliettes. Mais ce que je voulais coincer était plus important. Ils n’ont pas compris. Personne n’a d’ailleurs compris. Aucune manchette à la une des journaux. Le procureur m’a ri au nez. Enfin pas vraiment le procureur, l’un de ses substituts. Ouvrir une enquête préliminaire sur des assertions fantaisistes? Allons monsieur, soyez sérieux! Rappelez-moi le numéro de téléphone du préfet de police s’il vous plaît !

C’est sûr que pour quiconque autre que moi, tout ça peut sembler totalement irréaliste. J’en conviens volontiers maintenant. J’ai toujours à l’esprit comment tout ça a commencé. Je venais voir mon père à Villejuif. Spectateur de son calvaire, bouffé petit à petit par le crabe. Je venais chaque semaine à l’hôpital. Et chaque fois que j’entrais dans la chambre, le crabe levait ses pinces un peu plus haut, comme un boxeur qui sait que la victoire n’est plus très loin. C’est là que je l’ai croisée, un soir où la déprime était plus prégnante. Un crépuscule comme aujourd’hui. Je ne lui ai prêté aucune attention tant elle se confondait dans le paysage médical. Une silhouette pareille à tant d’autres. Elle-même semblait à peine présente. Quand l’hôpital m’a appelé, plus tard dans la nuit, j’étais au commissariat. Une voix anonyme m’a annoncé que mon père venait de s’éteindre. Ma première réaction fut un immense soulagement. Il en avait fini de souffrir et de combattre inutilement. Je suis venu tout de suite. C’est comme ça que j’ai dû enregistrer presque de façon subliminale d'infimes détails. Pris séparément, ils étaient insignifiants. Objectivement, sur le moment, je n’ai rien remarqué d’anormal. Mais j’ai l’esprit de l’escalier. Quelque chose m’a chiffonné confusément. Je ne savais pas quoi mais c’était là, en arrière-plan. Après, l’enterrement, la famille, ma mère, j’avais trop de choses auxquelles il fallait que je pense. Les jours ont passé et une nuit, je me suis réveillé brusquement. C’était un visage qui flottait devant moi. Son visage. Un visage d’ange. Mais ce n’était pas le visage qui m’intéressait. Non. Il y avait ces yeux. Ce regard qu’elle m’a lancé en me croisant. Dans ce regard, elle m’avouait qu’elle l’avait tué. Sans l’ombre d’un remords. A partir de là, j’ai suivi ses traces mais sans jamais parvenir à la rattraper.

« Pardon, mademoiselle, je voudrais savoir où se trouve l’unité de soins palliatifs ? »

Jolie, la réceptionniste. Aussi fraîche que sa blouse. Une fraîcheur toute rurale. Le charme poitevin. Inutile d’exhiber ma carte de flic sous son petit nez. Elle aurait trop attiré son attention.

«Il n’y a pas à proprement de service, nous avons une équipe mobile de soins et les lits sont dispatchés au sein des services. Si vous avez un nom, je pourrais consulter la base? Et puis l’heure des visites sera bientôt dépassée ! »

Elle me regarde droit dans les yeux. Je connais la musique.

« Ne vous donnez pas cette peine mademoiselle! C’est mon cousin. Je suis de passage à Poitiers et je voudrais pouvoir lui faire une visite. D’après ce que sa femme m’a indiqué, il est traité pour un cancer. Demain matin, je serai à l’autre bout de la France! Vous comprenez !

Elle s’est laissée faire sans trop tiquer :

« Alors, il doit être au pôle cancérologie. Bâtiment Jean Bernard. Vous prenez ce couloir et c’est le bâtiment juste après. Une fois à l’intérieur, le pôle est sur votre droite. Après demandez à l’interne de garde. »

Je l’ai loupée de justesse à Tours, il y a quelques semaines. J’ai le sentiment que je suis sur ses talons. Après tout ce temps passé dans son sillage, je connais presque par coeur sa façon d’opérer. Je reste toujours aussi stupéfait de la maîtrise dont elle fait preuve pour glisser comme une ombre et se volatiliser. Elle est implacable. Selon mes décomptes, elle en est à plus d’une douzaine en l’espace de quinze mois. Depuis Villejuif. Elle n’a jamais fait la moindre erreur. Aucune plainte des familles. Aucune suspicion des équipes médicales. Elle tue et disparaît dans la nuit. Elle m’obsède. Elle a envahi mon existence. Je rêve d’elle quasiment chaque nuit.

A cause d’elle, ma femme m’a quitté. Elle ne supportait plus cette monomanie. Je n’ai pas ressenti grand chose. Celle après qui je cours est devenue ma drogue. J’en suis accro. Une véritable addiction. Une obsession maladive. C’est tout juste si je me souviens de ma vie d’avant. Du visage de ma femme. De celui de mes enfants. Tout m’est égal. Il faut que je la retrouve.

Je ressors du pavillon d’accueil. Le bâtiment indiqué par l’hôtesse est à peine séparé de quelques mètres. Je m’engouffre dans le hall désert. Je replonge dans cette atmosphère particulière, unique et commune à tous les hôpitaux. Cette tranquillité de façade alors que la mort rôde dans les couloirs, alors que derrière chaque porte, il y a une vie entre parenthèses. Je perçois la tension sous-jacente. Elle a dit à droite. Oui, c’est écrit en belles lettres au-dessus d’une porte coulissante : Pôle de Cancérologie, Hématologie et Pathologie Tissulaire. C’est bien là. A peine la porte franchie, je sais qu’elle n’est pas loin. Aucun parfum. Elle ne laisse pas de trace corporelle. Mais il y a quelque chose qui électrise mes avant-bras, sous la chemise. Je cherche du regard les indications me permettant de localiser les chambres. Voilà, je n’ai qu’à suivre les flèches.

Je n’ai jamais été aussi près d’elle. Je le sens. Et j’ai peur soudain. Affreusement peur. Qu’est-ce qu’il y aura ensuite? Une fois que je n’aurai plus de but? Une fois qu’elle me sera définitivement inaccessible? Mon coeur bat plus vite, contrairement à mes pas qui ralentissent. Comme si j’avais de la glue sous les semelles. Tout au fond du couloir, encore des portes battantes. Elle est tout près. J’en suis intiment persuadé. Elle est là, celle que je désire par-dessus tout et que je crains maintenant de rattraper. C’est une tueuse. Il faut l’arrêter. C’est ce qui m’a motivé tout ce temps, ce pourquoi j’ai accepté de détruire ma propre vie. Peut-on aimer son démon intime? Peut-on aimer le démon? Est-ce que je l’aime? Non. Il ne peut en être question. Cette idée m’affole, me révolte, me dégoûte mais c’est à son visage que je rêve toutes les nuits. Elle est si belle dans mes songes même si je n’ai vu son visage qu’une fraction de seconde. En pensant à elle, je revois ses yeux. Vides et blancs, pareils à ceux d’un squale. Je me trompe, je suis tellement fatigué. C’est pourquoi il faut que je mette un terme à cette histoire, à cette cavale, à cette dérive.

Je suis finalement parvenu à la double porte sans croiser personne. Cela renforce cette sensation d’imminence. Je pousse lentement le battant de droite. Avec la main gauche, je vérifie que le révolver est bien à sa place.


Lili

Tu sais, j’aime respirer l’odeur de la mort. Non, pas la mort putride et nauséabonde qui s’empare d’un corps après. Non. Cette indiscernable parfum qui signale une âme voulant s’échapper des murs blancs de sa prison. Je parle de cette odeur. Je t’observe depuis tout à l’heure derrière la vitre. Le masque qui te recouvre la bouche et le nez, les tuyaux et les perfusions qui te maintiennent en vie. Contre ton gré. Tu vois, j’ai compris que derrière tes paupières closes, tu n’aspires qu’à fuir, qu’à ouvrir d'invisibles ailes. Je peux t’aider. Mais pas ce soir. Tu n’as pas atteint le point où tout bascule. Tu as mal, je le vois aux fines marbrures qui strient le dos de tes mains sur le drap. Les marques des aiguilles entêtées. Les griffes de ceux qui veulent te retenir ici bas envers et contre tout.

Pour te faire patienter, je vais dire qui je suis. Je m’appelle Liliane mais maman m’appelait Lili. Certains m’ont appelée Lili la Blanche parce que j’étais pâle, si pâle, une pâleur étrangère à ce monde. Nul n’est à l’aise face à des gens comme moi. Face à un albinos. Quand je les regardais droit dans les yeux, les garçons ne soutenaient pas longtemps mon regard. J’ai cultivé cette distance. Je ne supporte que les tons clairs, très clairs. High keys comme disent les photographes. Diaphane au lycée, on m’appelait la dame aux camélias ou White Lilith. Et puis je suis devenue une femme. J’ai choisi une profession où les relations avec les autres comptaient peu. Je travaillais chez moi. Mais je ressentais un vide. Je n’étais pas complète, ma vie n’avait pas de sens... j’errais sur cette terre comme une âme perdue ne sachant où aller, quelle place occuper et quel rôle jouer dans le grand Tout. C’est par hasard que j’ai compris ce que j’étais, ce pour quoi j'étais née.

J’étais gaie en ce bel après-midi d'automne. J’avais un bouquet de fleurs à la main pour aller féliciter une jeune maman, une de mes rares, très rares amies. Je ne connaissais pas l’hôpital et croyant me rendre à la maternité, je me suis retrouvée dans un service silencieux, engourdi, hors du temps. Et j’ai respiré une odeur étonnante, une odeur qui a fait battre mon coeur légèrement plus vite. Une odeur enivrante qui attirait mes sens. Une odeur que je n'ai jamais pu définir. Je la connaissais pourtant intimement. Elle faisait partie de ce que je suis. Drainée par cette effluve, j’ai fait quelques pas et je me suis arrêtée devant une porte toute blanche avec un numéro. Le parfum devenait affolant. Je ne savais pas comment résister à son mystérieux et envoûtant appel, alors j’ai poussé la porte. Il était là. Un petit bout de chou, pâle, très pâle... bien trop pâle! Il paraissait endormi mais un rictus étrange crispait ses lèvres. Le parfum emplissait toute la pièce, embaumant violemment. Les parents se sont tournés vers moi. Je ne les avais pas vus.

J’ai battu en retraite mais quelque chose m’a empêchée de m’éloigner. J’ai poussé une autre porte. J’ai jeté les fleurs et j’ai enfilé une blouse qui pendait sur un cintre. J’ai attendu là. Les heures ont passé. Quand je suis ressortie, le couloir était désert. Je suis revenue sur mes pas et je suis entrée à nouveau dans la chambre. Il était tout seul cette fois-ci. Il y avait une forme blanche et évanescente qui se tordait au-dessus du lit. Le petit bonhomme était encore plus pâle et j’ai soudain pris conscience de sa souffrance, une souffrance inhumaine que son sang charriait. Quelque chose était emprisonné derrière un mur de douleur. Quelque chose qui m’appelait, j’en étais certaine. Qui me suppliait de l'aider. De le libérer. J’ai fait un autre pas et j’ai tendu la main. Ce fut si facile. Quand tout a été fini, un sentiment de plénitude m’a envahie. Malgré un goût de cendres au fond de la gorge, j’étais apaisée. Lui aussi. La forme blanche s’est évanouie peu à peu. Je me suis glissée à l’extérieur. Personne ne m’a remarquée. Personne n’a crié dans mon dos. C’était comme si je n’existais pas. Quand je suis sortie de l’hôpital, j’avais trouvé ma voie.

Aujourd’hui, il y a un homme qui me poursuit depuis Villejuif. Entre nous, c’est un étrange ballet. Quand je l’ai croisé, son visage est resté gravé en moi. J’aurais pu, j’aurais dû arrêter mais cette pulsion est bien plus forte que moi, bien au-delà de mon contrôle. J’ai continué mon chemin en redoublant d’attention. Il me serre malgré tout toujours plus près. Ma raison m’ordonne d’abandonner, de renoncer... mon coeur me supplie de venir en aide à d’autres âmes tourmentées. Je ne suis pas croyante. Je ne l’ai jamais été.

C’est l’heure. Le parfum devient obsédant. Je suis de plus en plus sensible à cette émotion qui s’empare de moi. Je glisse vers la porte voisine. Je l’entrouvre tout doucement. La forme blanche s’amasse au-dessus d’un corps immobile. C’est comme un nuage boursouflé et cotonneux. Dans mes oreilles résonne un cri étranglé que nul autre ne peut entendre. Un cri affreux, un long râle déchirant qui appelle au secours. Martial. Je connais à présent ton prénom. Cette chambre est une prison, ta chair est une prison. Je vois des montagnes élevées, aux cimes couronnées d’une neige à la blancheur insoutenable. Des montagnes sacrées qui soutiennent le ciel. C'est là-bas que ton âme veut s'envoler. Là-bas où ils t'attendent. Tes camarades. Je vais t'y aider Martial. Tu vas pouvoir les rejoindre. Ce n’est pas le paradis mais cela ne sera plus l’enfer. Je m’approche du lit. Un pas après l’autre. Le nuage bouillonne toujours. Je n’ai besoin de rien. Pas de seringue. Pas de liquide. Pas de poison. Pour quoi faire? Ne crains rien, je vais mettre un terme à toute cette douleur. Tu ne souffriras plus. Je te le promets.

Je suis au-dessus de toi. Le nuage hésite, je pourrais le toucher si je le voulais. J’aurais pu t’aimer tu sais. J’aurais pu tous vous aimer. Je lève une main et le nuage s’écarte en frissonnant. Je pose une main fraîche sur ton front. Je sens ta joie. Tu peux partir à présent...

La porte s’ouvre brusquement. Il est là. Sur le seuil. Il me dévisage avec horreur. Non pas avec horreur. Avec une inexplicable tendresse.

« Toi aussi, j’aurais pu t’aimer mais tu ne pourras pas m’attraper.... »


Michel

Elle est là, à quelques pas. Elle ne peut s’enfuir nulle part. Je lui bloque le passage, le révolver au poing. Elle est incroyablement belle, aussi belle et irréelle qu’un ange. Vais-je avoir le courage ?

« NOOOON... ne fais pas ça ! »

C’est fini, je reste là. Il y a un mort sur ce lit et la fenêtre est brisée. Je sais à présent que les anges n’ont pas d’ailes.



M


  
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3 Exercice 67 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Mar 1 dec 2009 à 13:56)
       4 C'est au pied de l'escalier... - Maedhros (Mar 1 dec 2009 à 21:35)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°67 - Narwa Roquen (Dim 27 sep 2009 à 18:21)
3 trois phrases - z653z (Ven 25 sep 2009 à 11:33)
       4 Ediction... - Maedhros (Dim 27 sep 2009 à 11:26)
              5 FDCER, commentaire Maedhros - Elemmirë (Jeu 19 nov 2009 à 20:48)


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