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 WA, exercice n°50 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 26 novembre 2008 à 23:27:35
Tout revers a sa médaille, et réciproquement... Donc cet exercice sera le contraire du précédent. Vous allez, sur le thème de votre choix, écrire un texte lourd, redondant, bavard, avec une histoire inconsistante et des personnages creux. A vous les digressions inutiles et pédantes, les périphrases ridicules, le verbiage facile et les excès d'adjectifs! Nous n'êtes tenus ni à la logique ni à la cohérence! Elucubrez, défoulez-vous! Ne dépassez quand même pas les dix pages, pensez que moi, au moins, je vous lirai jusqu'au bout!
Si vous réussissez ce challenge ( beaucoup moins facile qu'il n'y paraît), je suis sûre que le jour où votre plume amorcera le moindre dérapage incongru vous resssentirez un frisson d'horreur...
Vous avez deux semaines, jusqu'au jeudi 11 décembre. Ne faites pas la moue, c'est un jeu! Vous pouvez même le rendre drôle...
Narwa Roquen,paix sur la terre...


  
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Réponses à ce message :
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-12-05 23:53:05 

 WA - Participation exercice n°50Détails
Bon, j'ai pas joué le jeu. J'ai pris appui sur 2 mots : inconsistant et creux. Pour le reste, c'est un bavardage facile, avec beaucoup d'adjectifs... enfin... au début...

_______________________________

Requiescat in pace



Il faut que je me repose un moment. Tenez, sur ce banc, dans l'ombre fraîche, c’est bien... Cela fait trop de temps que je suis resté courbé au-dessus de la terre retournée. Combien? Oh, si je vous le disais, vous ne me croiriez pas. Vous auriez tort certes mais je n’ai nul besoin de vous convaincre de votre erreur. Regardez moi. Regardez mes mains. Elles sont noueuses et calleuses. J’ai parfois l’impression qu’elles ont leur vie propre, une vie parfaitement réglée. Ni trop vite ni trop lentement. Maintenir la bonne cadence. C’est le premier des secrets de ma profession. La régularité. Mais aujourd’hui la chaleur est vraiment accablante. Le soleil frappe plus fort. Croyez-moi, il darde ses rayons d’une façon vraiment différente, meurtrière. C’est vraiment le qualificatif qui convient, meurtrier. Il devient pénible de respirer convenablement. Voilà un autre secret de ma profession. Trouver la bonne respiration. Mais quand l’air se raréfie et que brûlent mes poumons, j’éprouve beaucoup de mal à continuer de creuser. Ma conscience me joue des tours et ma concentration se délite peu à peu. Je me mets à rêver en lentes spirales, au calme absolu et à la fraîcheur qui règnent juste en dessous. Sous mes pieds.

Lorsque je ressens les premiers symptômes, il est impérieux que je me repose avant de m’engourdir complètement, avant que la terre ne se mette à boire goutte après goutte mon essence qui s’écoule. Simple capillarité. Elle attend ça depuis si longtemps! Je suis une anomalie. Ceci n’est pas un secret. Une incongruité dans les règles du jeu. La pièce en trop. La pièce délaissée par erreur ou par nécessité. Celle qui n’a plus vraiment sa place sur le grand damier du monde mais qui n’interfère pas avec le cycle des saisons. Celle qui est posée dans la marge. Le moment est passé. L’instant où il aurait été possible de me retirer définitivement. A présent, il est trop tard. Je suis toujours là et nul ne pourra me faire disparaître contre ma volonté. D’ailleurs, qui se souvient comment faire ? Pas même moi. Mais si je m’immobilise, je sais que tout s’arrêtera. Immobile, je suis vulnérable. Immobile, la terre se réappropriera tous les éléments qui composent les fibres de mon être. Jusqu’à ce que ne demeure que mon esprit. Il flânera encore quelques temps au-dessus de ce lieu... Puis il oubliera progressivement ce qui le rattache à ce monde.... Alors je me dissiperai définitivement, à l’image de ce fin panache de fumée qui s’échappe de la cheminée plantée sur le toit du funérarium. Telle sera ma fin. Pour l’heure, je suis bien où je vis et j’aime ce que je fais. Nul n’y trouve à redire.

Je suis si vieux vous ai-je dit. Pourtant j’évolue tranquillement sur ce coin de terre sans que personne ne s’en étonne. Jamais. Tout change, tout passe... Sauf moi. Ma présence est tacitement admise. Je fais partie intégrante du paysage. Un élément qui ne choque plus. Une ombre familière qui se dresse entre les ombres des grands arbres aux formes étudiées. Une longue silhouette solitaire debout contre la lumière grise. Seule. A l’écart. J’assiste toujours en silence à chaque cérémonie. Je n’en manque aucune. En quelque sorte, c’est l’aboutissement de mon travail. Le point final. J’observe attentivement les visages, les expressions, la façon dont ils se tiennent. Les subtils signaux qu’ils se renvoient les uns les autres. Les manifestations policées et retenues des inimitiés qui n’osent pas se dévoiler complètement. La tristesse par-dessus tout. Cet indéfinissable sentiment de perte et d’abandon. Cette sensation entropique les unit tous en ce moment unique. J’aime ça. Cela me révolte parfois mais je ne suis jamais indifférent à ce qu’ils éprouvent ou, au contraire, à ce qu’ils n’éprouvent pas.

J’aime l’endroit où je vis. C’est un havre de paix dans un monde en perpétuel changement. Un îlot au milieu d’un flot métallique et pollué qui charrie cris et ordures. Je pourrais voyager loin d’ici. Je n'en suis pas prisonnier. J’ai marché sur les trottoirs de la grande ville, au-delà du périphérique. J’ai levé la tête pour embrasser les nuages qui couronnaient les immeubles. Ils me regardaient de leurs fenêtres aveugles. Les passants s’écartaient quand je parvenais à leur hauteur et, invariablement, se retournaient sur mon passage. Je sentais longtemps leurs regards fichés entre mes omoplates. Je me suis arrêté devant une vitrine où plusieurs mannequins tendaient leurs mains de celluloïd vers moi. Et dans le reflet de la glace, il y avait une grande ombre aux vêtements aussi gris que la froide couleur des pierres de mon jardin. C’était moi. J’ai cru un instant que l’un des mannequins s’éveillait à la vie quand j'ai surpris une interrogation muette dans son regard de verre. Mais ce n’était finalement qu’un jeu de lumière. Je me suis éloigné. J’ai marché jusqu’au bout du trottoir. La clarté du jour se tamisait déjà quand je suis arrivé devant elle. Jeune et vieille à la fois. Impatiente et insolente.

« Viens... murmurait-elle. Viens... entre... je te connais... regarde, ils viennent tous là avant que tu ne les accueilles. Regarde... regarde... la lumière chaude et modelée qui cascade des mille cierges qu’ils ont allumés... Oh, entre... viens... »

Je suis resté sur le trottoir. Sous la flèche cathédrale qui me narguait de très haut en me montrant un point distant dans le ciel crépusculaire. Les lumières artificielles de la ville occultaient la voûte céleste. Pourtant je connaissais bien ce qu’elle me désignait. Je n’ai rien dit. Une vieille femme s’est approchée, un fichu brodé lui couvrant la tête et les épaules. En me voyant, elle a hésité, ralentissant son pas. Je n’ai pas bougé. Elle a semblé soupeser un instant ses chances puis, rentrant son cou dans les épaules, elle m’a soigneusement contourné pour se précipiter dans l’obscurité protectrice de la maison de son dieu. A-t-elle vraiment fait ce signe de croix? A-t-elle senti le corbeau marcher sur sa tombe ? Avant que la porte ne se referme, j’ai aperçu le miroitement singulier d’une eau qui brillait dans la vasque et l’éclat des cierges qui brûlaient près d’un autel. Je n’ai pas franchi le seuil. Je n’appartiens pas à ce troupeau !

Je suis revenu ici. Comme à chaque fois. Si rien ne m’attache à ce lieu, rien ne m’appelle au-delà. J’aime ses allées silencieuses. La sombre harmonie de ses grands arbres alignés. La muraille des cyprès sempervirents, la fluidité vert liquide des saules pleureurs et la douceur indolente des longs peupliers. Les arbres me parlent quand le vent se lève. Leurs feuillages bruissent de mille histoires qu’ils sont impatients de me rapporter en murmurant. Moi, je travaille, courbé au-dessus de la terre. La pelle et la pioche. Mes outils préférés.

Je n’ignore rien des méthodes modernes pour ouvrir la terre. Je croise certains de mes confrères au hasard des allées. Plus rien ne les différencie de leurs contemporains. Ils sont pourtant mes héritiers. Ce n’est pas convenable. Ils ne sont plus à l’écoute du monde d’en bas. Ils sont devenus sourds et aveugles. Ils travaillent de 9 heures à 17 heures et plus tôt en fin de semaine. Ce n’est pas convenable. Les grands arbres le disent. Les pierres levées et les dalles couchées le regrettent. Les anges de pierre en pleurent et se cachent le visage derrière leurs mains. Ils ne le remarquent pas. Ils ne remarquent rien. Complètement insensibles aux parfums et aux changements de température. Ils ont perdu le lien avec les saisons, la façon convenable d’ouvrir la terre. Elle n’aime pas la manière qu’ils ont de creuser sa chair. Elle n’oppose qu’une faible résistance lorsque leurs outils la mordent cruellement en se moquant d’elle. Leurs maîtres ont oublié. La terre pourtant n’oublie pas. Moi non plus.

Je creuse toute la journée. Je creuse dans les règles de mon art. Il y a un nombre d’or à respecter, une qualité de pelletée à surveiller, une profondeur idéale. Ce n’est pas juste un trou, un trou dans la terre. Non. C’est bien plus que ça. C’est un espace qui va accueillir un corps en transhumance. Une âme en partance. Ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils outragent la terre et les âmes.

Je le sais. Je sais où et quand regarder certaines nuits lorsque la lune est ronde et rousse. Certaines nuits autour des solstices. Il y a dans l’air nocturne une magie ancienne et lunaire. Je les vois doucement émerger des pierres froides et s’élever en formes spectrales et évanescentes. Je les guette, les deux pieds sur la pelle et la pioche posées en croix. Elles me saluent de loin en dansant sur le rayon de lune qui s’accroche aux cheveux des grands saules. C’est le ballet magique des âmes blanches qui s’élèvent en glissant sur le rayon d’argent, au-delà de la cime des grands cyprès, plus haut, toujours plus haut. Elles s’affranchissent peu à peu des limites de la sphère terrestre, appelées vers un point distant dans le ciel de minuit. Loin d’ici, très loin. Mais certaines d’entre elles essaient vainement de les suivre. Malgré leurs efforts, elles ne dépassent pas les basses branches des bouleaux aux troncs droits et pâles. L’attraction terrestre est beaucoup trop forte. C’est ainsi que la terre se venge des outrages subis. Alors, défaites et tremblantes, les âmes déchues déclinent et se confondent à nouveau avec la pierre inerte, disparaissant en poussant de longues plaintes. A chaque nouvelle nuit propice, elles essaient de suivre leurs soeurs. A chaque fois, elles s’élèvent un peu moins haut. La terre est impitoyable. Elle les retiendra toutes à jamais.

Mon coeur saigne et mon coeur gémit. Je me bouche les oreilles quand leurs clameurs de désespoir deviennent assourdissantes. Elles sont de plus en plus nombreuses à supplier, à menacer... chaque nuit plus nombreuses... Je suis si fatigué de creuser dignement la terre pour qu’elles puissent rejoindre le havre dans le ciel... Je suis seul et je suis vieux ! J’ai beau travailler longtemps, du matin au soir, chaque jour, je ne parviens pas à creuser suffisamment de trous pour les nouvelles âmes en partance. Cela me brise le coeur !

Voilà pourquoi, avant que je reprenne ma pelle et ma pioche, laissez-moi vous montrer mon petit jardin secret derrière la remise. Voyez, ce ne sont que quelques arpents de terre que je travaille selon mes désirs. Nul ne vient ici. En fait, une magie subtile empêche quiconque d’y porter une attention soutenue. Les regards se détournent rapidement et l’esprit oublie. C’est une magie simple. Une magie blanche. Ne vous fiez pas aux apparences. L’endroit est plus grand qu’il n’y paraît. Bien plus grand. Laissez-moi vous le montrer vraiment tel qu’il est. Voilà ! Que voyez-vous ? Des alignements de pierres tombales grises et froides. Des dizaines de fosses parfaitement alignées. Des pierres plates et noires, une roche douce et lisse.

Approchez-vous. Plus près. Encore plus près. Que voyez-vous à présent. Juste une pierre tombale nue et froide posée sur un renflement de terre. Penchez-vous. Plus près. Penchez-vous plus encore. N’entendez-vous rien? Collez votre oreille contre la pierre. Ah, vos yeux s'arrondissent. Vous les entendez maintenant ? Ils sont vivants vous savez ! Vivants et morts à la fois. Conscients de la moindre minute passée dans le trou. C’est moi qui ai creusés tous ces trous, un par un. J’ai passé un pacte noir avec la terre. Un pacte terrible. C’est moi qui les ai enterrés là. Ecoutez leurs gémissements et leurs cris de frayeur. Chaque nuit, ils sentent les vers et les autres petites bêtes des profondeurs fouiller et grignoter leurs chairs. Ils hurlent de douleur mais nul ne les entend. Sauf moi. Ils ne peuvent non plus espérer que la véritable mort viendra les délivrer de leur supplice. La mort est mon amie. Elle ne fera rien pour eux. Ils resteront vivants. Chaque nuit, cela recommencera. Je suppose qu’ils se croient en enfer. Non. C’est simplement la terre qui se venge. Ils n’avaient qu’à la respecter et faire les choses convenablement. Pour eux, il est trop tard. C’est la peine pour leur crime et c’est moi leur bourreau.

Voilà, je vous ai conté mon histoire. Je vais devoir retourner creuser la terre. Convenablement. Je finirai sans doute un peu plus tôt aujourd’hui. Un autre travail m’appelle. Jeune et hâbleur. Il ne respecte pas la terre lui non plus.

M

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z653z  Ecrire à z653z

2008-12-06 00:54:04 

 écrire un texte lourd, redondant, bavard...Détails
La consigne est partiellement respectée car j'ai trouvé que la chute était plus longue à venir que d'habitude.
Mais, en fait, cela fait déjà partie de ta marque de fabrique : tourner lentement autour de ta chute en distribuant indices et fausses pistes tout au long de tes descriptions.

PS : "Je les voix" ;)

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-12-09 22:43:51 

 WA n° 50, participationDétails
Courrier du coeur




Chère Esméralda,
Je suis une grande admiratrice de ta rubrique ! Tout Marie-Hélène est intéressant, avec ses recettes de cuisine et ses conseils de couture ; on a beau avoir vécu mai 68, la femme est soi-disant devenue l’égale de l’homme, notre corps nous appartient etc..., mais si on ne sait pas tenir une maison, on ne vaut pas grand chose. Ma mère et ma grand-mère m’ont tout appris, et j’ai déjà un trousseau bien garni. Il me reste à broder deux ou trois nappes, chose que les traînées qui se sont montrées sur les barricades ne comprendront jamais, mais quand il s’agira de trouver un mari respectable, nous verrons bien qui avait raison. Je trouve toujours tes remarques très judicieuses, même si les lectrices me semblent pour la plupart un peu nunuches. Je sens bien que tu ronges ton frein, mais il faut vendre, n’est-ce pas ? Pour le coup je suis sûre que tu vas me donner raison. Je ne suis pas comme toutes ces mijaurées dont l’inhibition bien pensante les prédispose à devenir des grenouilles de bénitier, voire, si elles ont un peu d’intelligence, à embrasser une carrière aussi triste que des chaussures à talons plats, comme inspectrice des impôts, dentiste, ou chercheuse à microscope. Je sais reconnaître l’éclat lumineux de l’amour quand il passe à ma portée, et entendre le chant voluptueux des anges qui me guident vers le suave élixir d’un bonheur merveilleux.
J’ai rencontré l’homme de ma vie. Je l’ai parfaitement reconnu. C’est un grand blond aux yeux bleus, comme Robert Redford – ah ce regard dans « Billy le Kid » ! Newman est bien aussi, dommage qu’il soit vieux, mais Redford est tellement... attendrissant ! Il doit habiter mon quartier depuis peu car je le croise tous les jours dans ma rue depuis une semaine. Il a l’air d’avoir la trentaine, ce qui me convient très bien. Je suis sûre qu’il est célibataire, il a toujours l’air un peu perdu, comme un pauvre garçon dont aucune femme ne s’occupe. D’ailleurs, hier, le col de son manteau était à moitié retourné ! Il est d’une timidité maladive. Je le croise depuis une semaine en lui souriant, et il ne m’a pas encore abordée ! Je pense qu’il doit être médecin, car il porte toujours un petit cartable en cuir. Ou banquier peut-être. J’aurais préféré un pilote de ligne, mais on ne peut pas tout avoir. J’aurais aimé, pourtant, me prélasser sous le chaud soleil des tropiques, en écoutant le chant des sauvages... Mais si mon mari a une belle situation, il pourra sûrement m’offrir ces vacances de rêve, pour notre anniversaire de mariage. Après le collier de perles, bien sûr. Ou en même temps ? S’il m’aime vraiment... Ma mère m’a toujours dit qu’une femme qui se respecte devait avoir un collier de perles avant trente ans. Trente ans, cela me semble raisonnable. Je n’en ai que vingt-deux, ça me laisse encore un peu de temps. Donc, ce jeune homme... Il doit être fils unique, ou bien le dernier d’une grande famille, catholique pratiquante, surprotégé par ses grandes soeurs et incapable de se débrouiller seul. Il faudra que je renouvelle sa garde-robe. Ses chemises bleues sont d’un commun ! Et je ne parle pas de cette cravate à pois, on dirait Gilbert Bécaud ! Le costume ça va, il est bien coupé, on sent la famille « vieille France », éducation chez les pères, messe de minuit, bonnes oeuvres et poisson le vendredi. Mais depuis qu’il a quitté ses parents (quelques nobliaux de province, sûrement), le pauvre garçon vit complètement à l’abandon. Il donne ses chemises au pressing et personne ne lui sert plus son orange pressée au petit déjeuner. D’ailleurs il est un peu pâlot, il faudra que je lui fasse une cure de vitamines. Bien sûr je m’arrêterai de travailler après le mariage, pour m’occuper de lui, et je le gronderai gentiment s’il ne met pas de chaussettes en laine pour sortir en hiver. Le mieux ce sera que je les lui prépare la veille, comme ça il ne se trompera pas.
Demain en le croisant je ferai un faux pas et je me raccrocherai à lui pour ne pas tomber, et en même temps je laisserai glisser les livres que j’ai pris à la bibliothèque : « Les Hauts de Hurlevent » et « La perle », deux oeuvres délicieusement romantiques, encore qu’on ne puisse pas classer Steinbeck parmi les romantiques stricto sensu, même si « La perle » est une petite merveille du genre. Bien sûr je rougirai en m’appuyant sur lui, afin qu’il pense que seul le hasard est responsable de notre rencontre. Ma grand-mère me l’a toujours dit : il faut que les hommes aient l’impression d’avoir toujours l’initiative, sinon ils croient que tu n’es pas une vraie jeune fille, et ils ne t’épousent pas. Mais ça n’empêche pas d’être un peu astucieuse...
Et puis nos regards se croiseront et il réalisera qu’il n’attendait que moi. Fiançailles dans trois mois – le coup de foudre, quoi – et mariage dans un an. La grande robe blanche, la longue traîne, et ma cousine Bénédicte comme demoiselle d’honneur. Elle va être verte ! C’est très bien, je n’ai jamais pu la supporter, avec ses airs de sainte-nitouche et tous les garçons avec lesquels elle est allée flirter derrière l’église ! Et même, je suis sûre qu’elle l’a déjà fait ! Mais bon, avec des parents divorcés, n’est-ce pas, et qui se sont tous les deux remariés, à la Mairie, bien sûr. Et sa mère avec un type qui a cinq ans de moins qu’elle, une honte ! Je ne sais pas si on pourra se marier à la Madeleine, ça doit être réservé aux gens de la haute. Mais à Neuilly, comme Johnny et Sylvie, ça serait bien. Et après, Venise, bien entendu.
Souhaite-moi plein de bonheur, chère Esméralda. Je te permets de publier cette lettre, ça donnera peut-être des idées à quelques gourdes qui font tapisserie près du buffet dans les surprises-parties, parce qu’en plus elles ne savent pas danser ! Moi je danse à la perfection, aussi bien le rock que la valse, le tango et le fox-trot. J’ai toujours su que je rencontrerais le grand amour, parce que je suis jolie et que j’ai eu une excellente éducation. L’amour est peut-être un bouquet de violettes, mais c’est aussi une grande gerbe de lys, on ne peut pas offrir ça à n’importe qui. Je sais que l’amour est réservé aux êtres d’exception dont le coeur noble ne s’accommode d’aucune vulgarité. Je sais que sur le chemin de la vie seul l’amour ouvre toutes les portes. Je sais que je n’ai pas besoin de chercher le Bonheur sur mon chemin, car le Bonheur est le chemin.

Catherine


François Levasseur rendit la lettre à Nathalie (alias Esméralda).
« Effectivement, nous n’allons pas la publier. Mais réponds-lui, mets-lui un petit mot gentil sans entrer dans les détails. Après tout c’est une lectrice... »
Nathalie regagna son bureau et relut le texte en écumant de rage.
« Prétentieuse ! ... Hypocrite ! ... Envahissante !... Détestable !! »
Puis un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Inutile de donner des perles aux cochons. Mais il n’est jamais interdit de se faire plaisir...
« Chère Catherine,
Pour ma part il me semble que le Tao est un point. Mais je me trompe peut-être... »

Esméralda
Narwa Roquen,je vous parle d'un temps...

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z653z  Ecrire à z653z

2008-12-10 11:33:02 

 point d'interrogationDétails
"le Tao est un point" --- petit scarabée ne comprend pas...
Je vois bien le rapport avec cette phrase : "le Bonheur sur mon chemin, car le Bonheur est le chemin." mais sans plus... et wikipedia ne pas trop aidé pour le coup.

"Après le collier de perles, bien sûr" <--- bien trouvé : j'y ai retrouvé toute l'éducation de mes grand-mères.
Avec le poisson du vendredi, j'aurais ajouté les vêpres. Et je m'attendais à ce qu'elle bave un peu sur les protestants.... peut-être qu'à Paris il y en avait peu en ce temps-là.
Et je ne vois pas pourquoi elle s'emporte autant la Nathalie, je croyais qu'à force de lire le courrier des lectrices de l'époque, on finissait par être blindée.

Beau travail :)

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-12-10 18:08:28 

 Juste pour s'amuser...Détails
Ah, la fascination des colliers de perles. Cet accessoire qui roule et qui brille sur les gorges féminines.

Mais plus sérieusement, je vous invite à consulter cette présentation mathématique. Là, c'est du lourd, du sérieux, avec des inconnues et des boucles fermées.

Il faut simplement suivre ce lien

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-12-10 23:10:34 

 Ah, le Tao...Détails
Le Tao, ou la Voie, Principe de l'Ordre universel et source de vie, est par définition inexprimable, car s'il l'était, il ne serait plus absolu. Certains l'ont comparé à un point, parce qu'à la fois fini et infini...
Les Taoïstes ( comme la plupart des philosophes orientaux, yoghi et autres) adorent les formulations paradoxales voire incompréhensibles, parce que quand tu renonces à comprendre, tu es dans le lâcher prise, tu n'as plus de but, et donc tu peux t'ouvrir. C'est toujours pareil: non-intentionnalité, lâcher prise, ici et maintenant...
Un très bon livre :"Le sens du Tao", ouvrage collectif aux éditions Le Mail. L'essentiel étant, bien entendu, de laisser venir et de ne surtout pas chercher à comprendre...
Narwa Roquen, qui trouve le Tao jubilatoire

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-12-11 23:20:50 

 Commentaire Maedhros, exercice n°50Détails
C'est un texte délicieux... Délicieusement trouble, délicatement brumeux, et très faussement modeste... Tu as joué sur le mot creux et sur l'inconsistance des âmes, et ce jeu me plaît bien, tant il dégage de charme. L'idée est séduisante et originale, et je pense que tu devrais en faire un texte plus long: il y a tant de choses suggérées, tant de passés et d'avenirs possibles! C'est tout un monde que tu as ouvert, tu devrais l'approfondir ( sans jeu de mot!).
Le paragraphe sur la manière de creuser la terre est joli, mais celui sur les âmes qui s'élèvent et retombent est vraiment magique! Quant à la fin, aussi inattendue qu'horrible, elle est tout à fait réjouissante, et on en redemande!

Deux bricoles:
- un passé simple "elle sembla soupeser" qui serait mieux en passé composé
- et une faute de frappe "j'ai beaucoup travaillé"

Désolée, ton texte n'est ni lourd ni bavard! Le monsieur papote et prend son temps, mais c'est parfaitement dans le style du personnage dont "la concentration se délite un peu".
Maedhros, Prince des brumes... Quel talent!
Narwa Roquen,clap clap clap!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-12-13 20:01:17 

 She knows you know ?Détails
Tu as parfaitement respecté la consigne. L’idée d’utiliser la rubrique d’un magazine, « le courrier des lecteurs » est maligne et malicieuse. La communication épistolaire est sans aucun doute celle qui est la plus révélatrice de la psychologie de son auteur, dans le choix des mots, des expressions, les liens entre les idées. Le courrier des lectrices, en l’occurrence, permet de révéler le caractère de cette Catherine qui rêve sa vie et qui aligne poncif sur poncif, avec une régularité digne d’un métronome suisse !

Tu as replacé l’histoire à la fin des années 60/début des années 70 (la décade 70 = la plus belle des décades) et tu as parsemée la narration de clin d’oeils historiques : chanson, films (Butch cassidy, Les Hauts de Hurlevent , mai 68, la presse féminine...). Je trouve ce procédé très vivant. Il permet de tisser un background crédible et de retrouver les couleurs et les saveurs d’une époque, d’un pays... Si le roman d’Emily Brontë (ah, la chanson de Kate Bush) est d’une noirceur romantique, je n’avais pas le souvenir que le roman de Steinbeck était dans la même veine.

Les paragraphes sont copieux à rassasier un prussien éméché. Ils sont lourds et compacts avec un rythme cataclysmique. C’est une avalanche d’images d’Epinal et de sentences définitives qui séparent toujours le monde en deux parts : elle et les autres. Elle détient forcément la vérité sur toute chose et les autres sont forcément dans l’erreur. Elle imagine sa vie comme les photos qu’elle lèche dans Ici Paris ou Images du Monde. Elle a des attentions de mante religieuse et je plains son futur mari.

Je pense que Catherine, qui a le même prénom que l’héroïne du roman d’E. Brontë, est comme la perle du roman de l’américain : elle va attirer tous les malheurs du monde. Est-ce que son mari trouvera la force de la précipiter dans la mer?

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-12-30 14:46:27 

 Exercice 50 : Narwa => CommentaireDétails
On hésite entre rigoler franchement et être horrifié par ton texte. Car l’état d’esprit de ton héroïne sonne vrai, horriblement vrai. Je me suis régalée en le lisant.
Excellente idée que ce courrier à un magazine féminin. Dès le début, c’est affreux, affreusement rétrograde et misogyne mais affreusement bien vu. J’espère sincèrement que ce genre de nanas est en train de disparaître, et pareil pour les mecs qui vont avec ! On cerne parfaitement la mentalité de la narratrice, son éducation, sa vision étriquée de la vie et son mépris pour les femmes qui ne pensent pas comme elle. Les petites phrases comme « aussi triste que des chaussures à talons plats » viennent encore ajouter une note de réalisme au discours et une touche de peinture au portrait d’une femme qui n’imagine la vie que derrière les fourneaux, ou apportant ses pantoufles à un mari bien comme il faut. Bien vu les digressions, sur les acteurs de ciné, puis sur la famille du promis, qui délayent un discours déjà bien lourdingue, comme le voulait le thème.
Bien vu aussi, le col retourné de l’homme, qui prouve qu’il n’a pas de femme pour s’occuper de lui. Le pauvre ne sait pas ce qu’il l’attend et quel fauve en chasse a jeté son dévolu sur lui.
Magnifique le « en écoutant le chant des sauvages » qui montre qu’en plus, elle est raciste ! Tout cela est d’un caustique réjouissant. Et puis, on la sent bien réac’, notamment dans le passage sur les divorcés.
Machiavélique le plan d’action pour provoquer la rencontre, même si sa réussite dépendra en grande partie de la personnalité du jeune homme. La narratrice pourrait être amèrement déçue.
Le dernier paragraphe où la narratrice étale sa vanité sans aucune vergogne est également assez croustillant.
Par contre, il me semble que la fin avec Esméralda ne s’imposait pas. La lettre se suffisait à elle-même.

Est', brrrrrr, fait pas chaud cette semaine.

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-12-31 17:28:50 

 Exercice 50 : Maedhros => CommentaireDétails
L’association d’idée entre le titre et le premier paragraphe permet de supposer que ton héros est un fossoyeur. Il est bavard à souhait !
J’ai toujours aimé les cimetières. Ils sont si calmes. Ca donne envie de réfléchir. Surtout le père Lachaise avec ses anges de pierre et de bronze.
Je n’ai pas bien compris de quoi il est question dans le 2e paragraphe. En quoi ton héros est déplacé. A-t-il quelque pouvoir pour éviter la mort ?
Je n’ai pas saisi non plus le passage sur l’église. Ne serait-il même pas humain ?
Le passage sur les fossoyeurs modernes est poétique. Très joli passage sur les âmes en partance !
Ton fossoyeur est très puissant en fin de compte. L'idée sur la qualité des trous est intéressante et originale.
Il me semblait bien que ce devait être un tueur lui aussi, mais torturer les mauvais fossoyeurs, il fallait y penser !
Même si ton fossoyeur est assez bavard, je n’ai pas eu l’impression que cela différait énormément de ton style habituel. Au début, oui, mais ensuite, tu t'es laissé entrainer par l'histoire, j'ai l'impression.
Bien sympathique, ce texte. Et il dégage une jolie ambiance.

Est', et bon réveillon !!

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