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 WA, exercice n°42 Voir la page du message 
De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Jeudi 10 juillet 2008 à 17:27:28
Voici venu le temps des absences et des congés... Je vous propose un exercice un peu plus long, pour laisser libre cours à votre souffle créateur. Vous allez donc nous entraîner sur les chemins glorieux de l’heroic fantasy, où votre héros sera confronté aux affres d’un choix, cornélien bien entendu.
Vous avez six semaines, jusqu’au jeudi 21 août, ce qui devrait laisser le temps de participer tant aux juillettistes qu’aux aoûtiens...
Reposez-vous bien, lisez, écrivez, et revenez en pleine forme ! Tous mes voeux vous accompagnent !
Narwa Roquen, qui sonne la charge ( héroïque, évidemment!)


  
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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-08-21 18:24:10 

 WA, exercice n°42, participationDétails
La Voie du Mat



« Alors ?
- Ce fut facile, Basiléa. Tercyl les a entraînés dans la combe de Marnik. Ils pensaient poursuivre vingt cavaliers dans un cul-de-sac, ils ont foncé tête baissée. Je les attendais avec les Krokdulls...
- Seul, bien sûr...
- Tu sais bien qu’ils n’obéissent qu’à moi ! », répondit Védryon en riant. « Au milieu d’une meute de cinquante bêtes, je ne risquais rien ! Quand ils ont voulu reculer, Ktykhan les a pris à revers... Nous les avons massacrés ! Il est vrai que nous avions l’avantage du terrain, et je crains qu’ils ne s’y laissent plus prendre aussi facilement...
- Des pertes ?
- Quelques blessés, dont un Krokdull, Ark. Mais je l’ai soigné avant de venir, il devrait guérir rapidement.
- Tu les connais tous par leur nom ? »
Le jeune homme leva sur la Reine de grands yeux limpides.
« Bien sûr ! Ils ont beau avoir un aspect monstrueux, avec leurs huit pattes, leur tête hirsute et leur gigantesque mâchoire, ce sont des animaux courageux et fidèles. Un peu comme des chiens...
- Des chiens de deux cents livres...
- ...Qui se roulent sur le dos pour que je leur gratte le ventre, Basiléa... »
La Reine fut secouée d’une quinte de toux. Elle porta la main à son côté gauche et son pâle visage se figea pour dissimuler la douleur.
« C’est bien, Védryon. Prends garde, cependant. Tu sous-estimes toujours le danger... »
Le jeune lieutenant sourit de toutes ses dents. Rhéodia se doutait bien qu’elle avait parlé dans le vide. Védryon aimait le danger comme d’autres aiment le vin, et il lui faudrait sans doute plusieurs décennies avant de mesurer la réalité du risque. Elle aussi, autrefois, s’était sentie invulnérable. Le poids de vingt années de règne avait calmé ses ardeurs, et tout ce sang, toute cette jeunesse fauchée à l’âge où tout n’est encore qu’espoir... Elle soupira.
« Et ta blessure, Basiléa ?
- Je vais mieux. La cicatrisation est presque complète. Demain je mènerai les troupes, et si Arkalion le veut, nous chasserons enfin les Phoxiens hors de nos frontières. »
Le jeune homme joignit les deux poings, en signe d’invocation au Dieu des Combats, et lança un regard joyeux à Oxéia, la vénérable Conseillère qui selon son habitude consultait les Cartes sur sa petite table au pied du trône. Celles-ci, figurant les vingt-deux Arcanes Majeurs, se soulevaient et se retournaient seules, se disposant en croix, en ligne ou en demi-cercle selon la demande de la devineresse, qui savait mieux que personne en interpréter les présages.
Le couloir du Palais résonna de cris, de bruits de lutte et d’armes entrechoquées. Puis un pas ample et sec annonça l’entrée du Général Ktykhan. Son casque à tête de tigre sous le bras, le pourpoint noir brodé d’or encore couvert de poussière et de sang, il s’inclina brièvement, avec une raideur toute militaire. Rhéodia savait qu’il était valeureux et fin stratège. Elle savait aussi que plus ses cheveux blanchissaient, plus son ambition grandissait comme mauvaise herbe au printemps, et qu’il n’aurait reculé devant rien pour prendre sa place sur le trône.
« Belle victoire, Basiléa. Je suppose que Védryon t’a déjà conté ses exploits », ironisa-t-il en découvrant un sourire carnassier.
« Mais je vais te faire rire ! Une caravane de Prédicateurs s’est retrouvée en pleine bataille ! Les Phoxiens ont enlevé les femmes tout en battant en retraite, preuve insigne de leur courage de hyène ! Nous avons quatre prisonniers. Je t’ai amené leur chef, pour que tu puisses l’exécuter toi-même. Avec ta permission, je pensais offrir la tête des trois autres à mes plus braves lieutenants... Mais oui, Védryon, tu en fais partie ! »
Le jeune homme s’inclina respectueusement devant son aîné, les yeux brillants de fierté. Les exécutions capitales étaient le fait du Basileus, qui seul avait le droit de porter l’Epée de Xyphie, l’épée magique qui savait distinguer les coupables des innocents. Elle seule pouvait rendre la justice pendant les rares périodes de paix que connaissait le Peuple des Epées, pour qui la guerre était l’essence même de la vie, et la mort une occasion de plus de se couvrir de gloire.
« Fort bien, Ktykhan. Amène-moi cet homme. L’Epée de Xyphie est au fourreau depuis six jours, il est temps qu’elle se nourrisse un peu de sang frais. »
Deux soldats entrèrent, soutenant un homme aux cheveux gris. Il avait dû être roué de coups ; son visage était tuméfié, sa lèvre supérieure éclatée, et il ne se portait pas.
« A genoux, chien, baisse les yeux devant Basiléa ! »
La Reine se leva, majestueuse dans sa tenue de combat, un habit de cuir noir portant en travers de la poitrine une épée dessinée avec des rubis. La cape de velours noir se déploya autour d’elle comme les ailes puissantes de l’aigle ; la broche qui la fermait, au niveau de son cou, était un énorme rubis taillé en forme de croissant de lune. Arkalion, Dieu des Combats, était un chasseur nocturne, et les Xyphiens se vantaient d’y voir la nuit comme le jour et de pouvoir combattre nuit et jour pendant une semaine sans la moindre trace de fatigue, car la lune leur donnait l’énergie dont ils avaient besoin.
« Tu vas mourir, Prédicateur. Je suis Basiléa, Reine de Xyphie, et la Guerre honore Arkalion, notre Dieu tout-puissant. Tes sermons de paix sont une insulte au Dieu, et le blasphème est puni de mort. Que justice soit faite ! »
La lourde épée au fil tranchant siffla dans les airs. Le rubis incrusté dans la garde jeta un éclair victorieux. Alors l’homme agenouillé releva la tête et ses yeux clairs rencontrèrent le regard impassible de Basiléa. Ses lèvres douloureuses esquissèrent le murmure d’un prénom inconnu.
« Héodia... »
Le bras s’arrêta dans sa course, retenu par l’épée qui restait immobile. La Reine, déséquilibrée, fit un pas en arrière pour se rattraper. Son visage usé par tant de nuits de veille et de journées de lutte, tanné par le soleil, gercé par les froidures, rompu par des années de discipline à ne jamais laisser paraître la moindre émotion, son visage royal sembla tout à coup se décomposer en une grimace incrédule, pitoyable et grotesque.
Derrière le trône, les tentures cramoisies ondulèrent comme sous l’effet d’un courant d’air. Oxéia invoqua les Cartes et se concentra pour un tirage en croix. Un instant plus tard, Basiléa avait repris sa maîtrise. Son Epée toujours à la main, elle ordonna :
« Sortez tous ! L’Epée magique ne veut pas de cet homme. Il est de mon devoir de comprendre pourquoi. Ktykhan, Védryon, vous m’avez bien servie. Je vous attends ici demain à l’aube, avec Tersyl, Enhard, Pharkon et Dektima. C’est moi qui mènerai l’assaut. Qu’Arkalion soit avec vous. »
Ktykhan resta de marbre et tourna les talons après un bref salut, poussant d’une bourrade Védryon qui, selon son impétueuse habitude, était prêt à laisser libre cours à sa surprise. Les soldats se retirèrent promptement.
Rhéodia resta debout, immobile. L’épée glissa de sa main. Le prisonnier ne la quittait pas des yeux. La quatrième Carte claqua sur la table.
« Oxéia, de l’eau et un linge, je te prie. Et du vin. »


Ainsi le Destin le lui avait ramené. En avait-elle formé, des voeux secrets, pour que ce jour se réalise ! Un sourire amer plissa les lèvres de Rhéodia. O Arkalion, ne t’ai-je pas bien servi ? Mais ta soif de douleur ne connaît pas de limite, et quand tu exauces un souhait c’est sous la forme d’un châtiment !
Jalwin ! Il parlait de voyages sur des terres lointaines où les hommes vivaient en paix, tandis qu’elle s’exerçait seule au glaive ou à l’épée, en riant de ses rêves brumeux. En contrebas, leurs deux petits troupeaux de moutons, mélangés, broutaient les quelques pousses sèches qui survivaient à flanc de colline. Et ils s’aimaient. Et le corps de l’un était le prolongement du corps de l’autre, et leurs peaux ne faisaient qu’une. Elle irait rejoindre l’armée quand elle aurait seize ans, tandis qu’il construirait sa maison, leur maison. Et puis elle reviendrait, auréolée de gloire, et ils auraient une fille blonde et un garçon brun. En ce temps-là, les cheveux noirs d’Héodia lui tombaient au creux des reins, et il s’en faisait une écharpe, serré contre elle quand le vent se levait. Les yeux d’azur de Jalwin étaient son seul horizon, et elle aurait défié la Mort elle-même pour un seul de ses sourires. Il n’avait pas cherché à la retenir. Il l’aimait libre et guerrière comme elle l’aimait libre et rêveur. Jeune lieutenant dans l’armée du Basileus Redixian, elle avait traversé à cheval les collines arides où ils avaient grandi. Leur village venait d’être détruit par une invasion de Vintoriens, et nul n’avait pu lui donner de nouvelles de lui ni de leurs familles. Son coeur lui disait qu’il était vivant, et chaque jour elle avait prié Arkalion de les réunir à nouveau.


« Je ne m’attendais pas à te trouver reine du peuple le plus guerrier et le plus sanguinaire... », commença-t-il avec un doux sourire.
Rhéodia, agacée, s’écarta de lui. Oxéia prit sa place en silence pour recouvrir de baume les contusions du Prédicateur.
« Que sais-tu du Pouvoir ? », maugréa-t-elle. « Le Sort a voulu que je sois Général quand Redixian mourut. Et les Cartes m’ont désignée pour lui succéder. Que devais-je faire ? Notre village avait été détruit, tu avais disparu. La Xyphie était au bord du gouffre, épuisée par des guerres incessantes et dépourvues de sens. J’ai pensé que je pouvais servir ma patrie. Avais-je d’ailleurs le choix ? Personne dans toute l’Histoire du Peuple de l’Epée n’avait jamais refusé l’Extrême Honneur ! J’acceptai. On ajouta le R royal devant mon nom de naissance, Héodia. Tu sais qu’aucun Basileus n’a le droit de procréer, afin d’éviter toute tentation de favoriser un éventuel héritier. Peu m’importait ! J’avais trente ans, je croyais que tout m’était possible, et tu n’étais pas là...
- J’ai fui dans les montagnes, après avoir enterré tes parents et les miens. Je pensais que tu m’y aurais rejoint, un jour ou l’autre, et puis j’ai rencontré des Prédicateurs, qui m’ont abrité, soigné, nourri, réconforté... J’ai pris femme parmi eux, mais elle est morte en couches... »
Le regard de Rhéodia lança des éclairs.
« Tu as... »
Des souvenirs cruels dansèrent devant ses yeux. Des corps d’hommes pressés, impatients, rustres... Leur peau était trop sèche, leurs mains trop maladroites, leur bouche trop dure... Aucun d’eux n’avait pu remplacer Jalwin... et cet homme si longtemps désiré, regretté, sanctifié, était là devant elle et il avouait...
D’un ton rageur elle reprit son récit, peut-être plus pour elle-même que pour lui.
« Je me suis consacrée à Arkalion, corps et âme. J’aurais voulu que la guerre cesse. Mais sais-tu ce que c’est que de gouverner un Etat ? C’est d’abord de faire en sorte que tous tes sujets puissent manger à leur faim. La Xyphie regorge de métaux et de pierres précieuses dans son sous-sol, mais la terre n’est pas fertile. Fabriquer des armes était une nécessité si nous voulions survivre. Nous n’avions pas de débouché sur la mer, ce qui nous privait des bénéfices d’un commerce maritime avec des peuples plus lointains – et plus riches que nos voisins. Les rubis, les diamants et les armes de Xyphie sont réputés dans le monde entier, maintenant. Notre flotte marchande compte plus de deux cents navires ! Et nous avons assez de bateaux de guerre pour la protéger ! »
Tête baissée, Jalwin laissa le silence s’installer entre eux, comme une barrière infranchissable. Puis, dans un murmure sourd plus blessant qu’un cri de reproche, il reprit :
« Mais toi... Au nom d’Arkalion, tu rends une justice sommaire, tu décapites de ta main les malheureux qu’on te présente... Tu es l’instrument consentant d’un peuple cruel... »
Rhéodia pâlit. Les Cartes s’agitèrent sur la table. Un nouveau souffle de vent agita les tentures derrière le trône.
« Quel que soit le pouvoir dont il dispose, crois-tu qu’un Basileus, pour sage et avisé qu’il soit, puisse en un claquement de doigts changer des siècles de tradition ? Oui, je rends la justice, parce que cela fait partie de mes attributions. Non, elle n’est pas arbitraire, ou en tout cas le moins possible. L’Epée de Xyphie est une épée magique, tu le sais. C’est elle qui décide qui gracier ou condamner... »
Rhéodia s’assit à la table, près de Jalwin, et se versa un verre de vin, qu’elle but à petites gorgées satisfaites. Puis, à voix basse, elle chuchota :
« A peine installée sur le Trône, je fis confectionner en dehors du Royaume une épée en tous points semblable. La véritable Epée de Xyphie dort au fond d’une grotte dont seules Oxéia et moi connaissons l’emplacement. Et quand je rends la justice, c’est moi et moi seule qui le fais. J’ai vu trop d’innocents décapités, du temps de Redixian, parce que l’Epée était assoiffée de sang... Je ne suis l’instrument de personne. »
Jalwin hocha la tête.
« Je ne te juge pas », prononça-t-il enfin. « Tu as choisi ta vie comme j’ai choisi la mienne. Les Prédicateurs ne peuvent que fuir comme des lapins sans défense face aux hordes sauvages de tes soldats – et de tous les autres. Mais nous sommes de plus en plus nombreux. Quel que soit le Roi, les petites gens sont lasses des massacres et des pillages. Vingt de nos caravanes sillonnent les frontières et les fronts de chaque conflit, aussi bien en Xyphie qu’en Phoxie, en Ventorie... Le nombre de nos adeptes ne cesse de croître. Un jour viendra où les guerres cesseront... »
Rhéodia lui sourit, et déjà sa main se soulevait pour se poser sur celle de Jalwin, quand celui-ci, encouragé par le sourire, prit un ton implorant.
« Il faut que tu sauves Addina ! C’est ma compagne, la fille de mon ami Dinaël. Les Phoxiens l’ont enlevée, avec deux autres femmes. Elle n’a pas vingt ans... Prends ma vie, mais délivre-la, par pitié ! »
Sa voix s’étrangla.
Rhéodia se leva, comme mordue par un fouet cinglant.
« Te rends-tu compte... », gronda-t-elle.
« Tu es Basiléa, tu as tous les pouvoirs ! Addina est innocente, elle a encore toute la vie devant elle, elle peut encore porter des enfants et... »
La Reine se détourna et s’adressa à Oxéia.
« Mène-le à ma chambre. Qu’il se repose et qu’on lui porte à souper. Nous reprendrons cette conversation plus tard. »
Elle s’abîma dans la contemplation du feu et ne se retourna pas quand il franchit la porte.


Les Cartes sont sur la table. Oxéia, silencieuse, ne peut en détacher son regard. Je fais les cent pas devant la grande cheminée de la Salle du Trône, comme si le rythme lent de mes bottes pouvait apaiser la chamade qui essouffle mon coeur.
Elle a vingt ans ! Eh bien ? Moi aussi j’ai eu vingt ans, j’ai été blessée, j’ai été prisonnière, j’ai risqué ma vie...
Il l’aime.
Et alors ? Il a trahi ! Il ne devait aimer que moi ! J’étais sa Lumière, son Bonheur, sa Vie...
Elle pourrait lui faire un enfant... Même si je n’étais pas Basiléa, mon ventre sec en serait incapable. Mais nous nous étions promis... La fille blonde comme lui, le garçon brun comme moi... L’ombre sous les tilleuls... Un cheval pour tirer la charrue, des moutons... Et j’aurais sans peine oublié mes rêves de gloire...
Mais tu l’as eue, la gloire, la Gloire Suprême, tu l’as eue... Tu as même cru un moment qu’elle pouvait combler ton coeur...
Je l’ai eue.
Il est toujours aussi beau. Ses yeux sont toujours aussi bleus. Et sa voix toujours m’emporte et me fait frémir jusqu’au fond des entrailles, réveillant un désir que je croyais tari, et qui me souffle à l’oreille, serpent venimeux, que ses mains sur mon corps seraient tellement...
Basiléa.
Et même si je m’enfuis, il a une compagne. Belle, jeune, blonde sans doute. Qui le rend heureux. Qu’il aime. Probablement. Mais elle, insouciante, que sait-elle de l’amour ? Comment pourrait-elle lui apporter autant de bonheur que moi qui... Moi que...
De toute façon elle va mourir. Les Phoxiens ne sont pas réputés pour leur tendresse vis-à-vis de leurs prisonniers. Avant l’aube elle aura été violée une dizaine de fois, et égorgée ensuite. Je n’y suis pour rien. Je le consolerai, le temps fera son oeuvre, il l’oubliera, et...
Vieille.
Ma peau s’est ridée, fanée, durcie. Mon corps est encore bien musclé, et je ne crains aucun homme au combat, mais les formes de la femme en moi ont presque disparu. Quel plaisir en tirerait-il ? Il me ferait l’aumône...
Je le ferai évader avant le jour. Aucun Xyphien, même mon fougueux Védryon, n’accepterait d’aller délivrer des Prédicateurs. Eh bien, dommage, mais c’est la guerre. Et celle-là, je ne l’ai pas initiée. Les Phoxiens nous ont attaqués, ils sont venus jusqu’aux portes de mon palais, et demain nous remporterons l’ultime victoire.
Je m’appelle Rhéodia.


« Que viens-tu faire à traîner par ici, vermine ? », gronde Oxéia en lançant un coup de pied à l’homme hirsute et sale, aux haillons décolorés, qui s’est traîné jusqu’à sa table pour jeter un coup d’oeil furtif au Jeu.
« Le Juge du Jeu est le Mat ! », ricane-t-il en tordant la bouche en une grimace hideuse. « Arkalion sera furieux ! Arkalion n’aime pas le Mat !
- Et je vais briser ma canne sur ton dos, Aphron, et le Dieu en sera content !
- Laisse, Oxéia », l’arrête Rhéodia d’une voix lasse. « Les fous sont sacrés. Aphron n’est pas méchant. Le Dieu lui a troublé l’esprit, et en contrepartie les hommes se doivent de le laisser libre d’aller et de faire à sa guise.
- Le Juge du Jeu est le Mat », répète le simple d’esprit en se curant le nez.
Rhéodia s’est arrêtée de marcher et contemple le feu fixement. Oxéia, le front barré par une ride profonde, demande à mi voix :
« Veux-tu voir les Lames, Basiléa ?
- A quoi bon ... », répond celle-ci dont les yeux tristement luisants, perdus dans la folie des flammes, cherchent en vain des larmes qui refusent de couler.
Malgré tout, Rhéodia s’approche de la table. A gauche le Bateleur, à droite la Papesse renversée ; en haut l’Arcane Sans Nom, et en bas, le résultat, l’Amoureux renversé. Et le Mat est le Juge du Jeu. Un petit rire désespéré franchit ses lèvres sèches.
« J’ai déjà eu de meilleures Cartes », plaisante-t-elle sur un ton un peu contraint.
« Mais l’Arcane XIII peut signifier aussi un changement... important, la Papesse, même renversée, est toujours protectrice, et l’Amoureux...
- Et l’Amoureux renversé est l’absence de choix, le Bateleur, éternellement jeune, est courageux mais velléitaire, la Papesse renversée annonce des épreuves physiques... J’ai fini par apprendre un peu, moi aussi... », conclut-elle d’une voix agacée.
- « Et le Mat est le Juge du Jeu », répète Aphron avec un sourire ravi.
- « Tu as raison, Aphron. Il reste du vin sur la table. Va te servir et bois à ma santé. »
Rhéodia regarde le fou se précipiter, pour autant que son dos voûté et sa boiterie le lui permettent, et boire goulûment dans son propre verre, en renversant sur la nappe immaculée plus de la moitié du liquide vermeil. Elle sourit.
« La Voie du Mat est étroite. Imprévisible, irrationnel, violent, il défie les Dieux et les hommes... Il se fie à son instinct, mais il ne le maîtrise pas...
- Comment pourrais-tu faire confiance à un tel allié ?
- Si c’est le seul qui me reste... L’Amoureux l’a dit, Oxéia, je n’ai pas le choix... »
Elle reprend sa voix déterminée de Reine habituée au commandement.
« Dans deux heures, tu accompagneras Jalwin à la sortie du passage secret. Tu lui diras de m’attendre jusqu’à l’aube, mais qu’il s’enfuie si je ne viens pas. »
La Conseillère lève sur elle des yeux inquiets.
« Mais, Basiléa...
- Quoi ? Penses-tu toi aussi que je trahis Arkalion et la Xyphie et que je déshonore mon nom et ma fonction ? »
La vieille femme secoue la tête d’un air triste.
« Tu sais que je donnerais ma vie pour toi, Rhéodia. Tu as toujours gouverné ton peuple avec sagesse. Mais quel risque insensé t’apprêtes-tu à courir ? »
Basiléa sourit, et son visage semble tout à coup apaisé et confiant.
« Il y aura peut-être des changements... définitifs... Mais si ce soir, comme le Mat, je défie les Dieux et les hommes, c’est pour sauver mon âme de Bateleur... L’Amoureux est renversé... »
Elle dépose un baiser affectueux sur le front d’Oxéia et sort de la pièce.
La Conseillère soupire, et range les Lames dans le petit coffret violet.


Elle n’avait pas revu Jalwin. Le courage aurait pu lui manquer, à revoir ce visage tant aimé, et sa décision était prise. Elle sortit du palais comme une voleuse, avec le coeur joyeux de l’enfant qui s’échappe de l’école pour aller gambader dans la campagne. Les cheveux noués sur la nuque comme le moindre de ses guerriers, au lieu du chignon royal, les deux glaives fidèles de ses premiers combats de lieutenant au lieu de la lourde et précieuse épée basiléenne, et un pourpoint noir au cuir usé sans la somptueuse incrustation de rubis : elle se sentait légère, comme délivrée d’un fardeau trop pesant. Elle sella sans bruit deux chevaux noirs, et quitta la ville par une porte dérobée dont elle avait la clef. Le vent de la nuit sur son visage était une bénédiction. Elle avait l’impression de l’apprécier pour la première fois, sa fraîcheur, ses parfums tendres de printemps avancé, jasmin, glycine, chèvrefeuille...
Un maigre croissant de lune lui jetait un regard interrogateur. Heureusement, de gros nuages approchaient. Dans quelques minutes, la nuit serait encore plus sombre. Elle suivit facilement les traces de l’armée ennemie en déroute, et repéra le campement aux lueurs faiblardes des braises finissantes. Elle attacha les chevaux et se glissa dans le camp, ombre parmi les ombres. Un poignard dans chaque main, elle tendit l’oreille. Le temps n’avait pas émoussé son ouïe fine de chasseresse. Combien de proies n’avait-elle pas guettées, tapie dans les buissons, se guidant seulement sur un bruit de feuilles froissées ou de branche déplacée ? C’étaient de bons souvenirs. Personne ne mourait par sa faute, alors, et bien souvent c’était elle qui par son seul talent nourrissait sa famille... La Mort pouvait venir. Elle avait de bons bagages à emporter, une jeunesse heureuse, la jouissance d’un corps souple et habile, et la mascarade des honneurs qui de prime abord lui avait donné tant de fierté...
Des gémissements étouffés provenaient de l’extrémité ouest du camp. Elle se faufila entre les tentes des chefs et les corps des soldats endormis à même le sol, plume noire voletant avec grâce au milieu d’une horde de loups assoupis. Devant un feu presque éteint, une femme blonde pleurait doucement en retenant ses sanglots de ses deux poings liés. Près d’elle, corsages déchirés et jupes en lambeaux, deux autres femmes gisaient au sol, la gorge tranchée. A trois pas de ce carnage, deux gardes, assis dos à dos, ronflaient paisiblement. Elle s’approcha comme le tigre en chasse, ramassée sur elle-même, l’oeil acéré et l’oreille en alerte. Au même moment, les deux poignards frappèrent les deux poitrines. Sans un cri, les soldats cessèrent de ronfler. Elle attendit quelques instants, puis les coucha sans bruit sur le côté et retira les dagues.
La jeune femme cessa de pleurer. Rhéodia mit un doigt sur sa bouche pour lui intimer le silence, et trancha ses liens d’un geste sûr. Puis elle la prit par la main et l’entraîna à sa suite. Entre deux tentes, elle se retourna et demanda à voix basse :
« Comment t’appelles-tu ?
- Je suis... Addina...
- C’est bien. »
Le sourire aux lèvres, elle reprit son chemin. Elle avait presque atteint l’orée du camp quand un soldat, se réveillant brusquement, les vit passer. La lune était sortie des nuages et son rayon froid illumina la chevelure d’Addina.
« Alerte ! Alerte ! »
« File », dit Rhéodia. « Les chevaux sont à quelques pas devant. Va au petit bosquet, sur la droite après la grande plaine. Jalwin t’y attend. Ne va pas au palais ! »
L’autre hésitait, hagarde, stupide.
« Allez, va-t-en ! Tu ne me sers à rien, ici ! Savoir se battre a du bon quelquefois ! »
Pendant que la jeune femme disparaissait enfin dans l’obscurité, Rhéodia, un rictus sauvage aux lèvres, fit face. Un, deux, trois, quatre... Elle dansait entre les adversaires, légère comme le vent, souple comme le chat ; d’abord elle piqua telle une abeille furieuse avec ses glaives courts, puis, ayant désarmé deux hommes et pris leurs épées, elle fit voltiger têtes et membres comme un bûcheron fou. Elle jouait, elle sautait, elle riait. Elle était jeune, elle était à nouveau téméraire et invincible. Elle était le Bateleur dans toute sa grâce, dans toute son énergie, dans toute sa virevoltante gaîté... Un choc violent sur sa tête, comme le ciel qui s’abat, et elle s’écroula dans la nuit.


Oxéia guida Jalwin à travers le passage secret que Rhéodia avait fait creuser au début de son règne. Elle se souvenait qu’elle avait critiqué ce projet insensé, mais n’avait pu en dissuader la jeune Reine. Vingt ans plus tard, elle devait reconnaître que la prudence de celle-ci était une fois de plus justifiée. L’homme tenta de lui parler, mais elle haussa les épaules d’un air las sans répondre.
Enfin revenue dans sa chambre, elle s’allongea sur son lit, soulagée d’étendre ses jambes lourdes. Mais le sommeil ne vint pas. Les Cartes dansaient devant ses yeux, l’Arcane Sans Nom grimaçait hideusement, et le Mat ricanait en montrant du doigt l’Amoureux renversé... Péniblement, elle se leva, et alla s’installer dans un fauteuil, dans la chambre de la Reine, pour être sûre d’être la première avertie de son retour. Mais la nuit s’écoula, longue et immobile. Quand le ciel commença à pâlir, une angoisse indicible étreignit son coeur fatigué. Elle se dressa d’un bond, regarda la chambre vide. Elle avait peu de temps, il lui fallait agir vite et avec précision. Elle défit sauvagement le lit dans le plus grand silence, puis avec le petit poignard qu’elle portait toujours à la ceinture, se fit une estafilade à la jambe. Elle macula les draps de son sang et fit en sorte que de grosses gouttes tombent sur le sol, entre le lit et la porte. Alors seulement elle banda la plaie sommairement avec un foulard. Laissant la porte ouverte, elle se hâta vers sa propre chambre, où elle revêtit une robe propre, comme après une bonne nuit de sommeil. L’aube était venue. Elle retraversa le couloir, comme si elle allait chercher Basiléa pour l’accompagner à la Salle du Trône où l’attendaient les Généraux. Devant la porte béante, elle prit une profonde inspiration.
« Au secours ! A moi ! Basiléa a été enlevée ! »
Les généraux, Ktykhan à leur tête, se précipitèrent dans le grand escalier et surgirent devant elle, les yeux exorbités et l’épée brandie.
« Que se passe-t-il ? Oxéia ! C’est toi qui as crié ?
- Noble Ktykhan, regarde ! La chambre est vide, il y a du sang partout !
- Enlevée ? Dans le palais ? Comment ont-ils pu...
- Oh je vous en prie, Seigneur, elle est blessée, faites vite ! »
Sans plus réfléchir, Ktykhan aboya :
« Vous tous, avec moi ! Rassemblez les hommes, nous partons sur-le-champ. Pas de tactique, nous chargeons tous ensemble, je veux cent Phoxiens morts pour chaque goutte de sang que Basiléa aura perdu. A l’attaque ! »
Oxéia s’appuya contre le mur et ferma les yeux. Peut-être Rhéodia avait-elle encore une chance de survivre...


De fines fumées grises s’élevaient encore des feux de camp abandonnés. Des corbeaux tournoyaient dans le ciel en croassant, s’assurant de l’absence des hommes avant de venir festoyer des scories de leur passage. Une ombre grise, qui avait guetté toute la nuit, fit craquer quelques branches dans les fourrés. Puis, souple et circonspect comme un loup sournois, l’homme s’avança lentement à découvert. Une cape gris foncé, couleur de cendre et d’orage, le recouvrait entièrement. Il portait un baluchon sur l’épaule, sur un bout de bois blanc, et dans sa main droite un bâton jaune. Son visage était enduit de suie pour en masquer les traits, et quelques mèches sales dépassaient de son capuchon. Il s’agenouilla près d’un corps inerte et se pencha sur la bouche exsangue. Un souffle léger s’en exhalait encore. Il hocha la tête d’un air satisfait. Il enroula le corps dans sa cape grise, découvrant des habits hauts en couleur, une tunique rouge sur un justaucorps bleu, avec une collerette bleue et des mancherons jaunes comme le liseré du bas, des chausses bleues et des chaussures rouges. Avec une force étonnante pour un être d’apparence si frêle, il chargea le corps sur son épaule et le déposa près du ruisseau. Soulevant la tête aux cheveux noirs striés de blanc, il fit couler de l’eau à travers les lèvres entrouvertes, adaptant le débit à la force des gorgées, lentes au début, puis presque avides. Puis la tête se détourna, les traits déformés par une grimace de souffrance, et un gémissement retenu s’échappa de la bouche meurtrie.
Il se lava longuement les mains, la tête, le visage, la barbe, peigna ses longs cheveux blonds avec ses doigts et les noua dans son cou avec la lanière de sa cape. Ensuite il déchira celle-ci en longs lambeaux de tissu. Patiemment, avec une tendresse toute maternelle, il mit à nu chaque blessure, la lava doucement, y appliqua les herbes qu’il avait apportées et la recouvrit d’un bandage bien ajusté. Quand il eut fini, aucune plaie ne saignait plus. Il sourit de contentement en contemplant le visage en dessous de lui, qui semblait maintenant plus détendu et plus serein.
La brume était toujours épaisse, et pourtant les clameurs d’un combat acharné lui parvenaient, atténuées mais probablement plus proches qu’il ne l’aurait souhaité. Il se hâta de charger à nouveau sur son épaule le corps immobile. Puis, levant ses yeux limpides vers l’horizon masqué, le Mat se redressa. Pareil à l’albatros qui échappe à la terre geôlière en déployant ses ailes gigantesques pour s’envoler majestueux dans l’azur infini, il sembla se grandir sous la charge pour défier les cieux. Il leva son bâton d’un geste sûr et devant lui, écartant le brouillard, un rayon de soleil triomphant lui ouvrit un chemin lumineux vers les montagnes blanches. Ainsi marchait le Mat, et son fardeau était une Reine.
Narwa Roquen,changer le monde avant qu'il ne nous change...

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-08-21 23:02:29 

  WA - Participation déplacée...Détails
Une version de l'histoire , complète et remaniée, est disponible infra...

M

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-08-23 20:45:08 

 Commentaire WA 42 - Narwa Roquen Détails
La Basiléa, redoutable reine guerrière qui a taillé un royaume prédateur avec le fer de ses armées, affronte son propre passé qu’elle croyait disparu à jamais. Un passé qui fait renaître des sentiments endormis mais dont la rémanence bouscule son existence. Elle est confrontée à un choix qui la contraint à rebattre les cartes, accepter de rendre sa liberté à son amour surgi de son passé et finalement prendre un nouveau départ pour tenter de réconcilier ce qu’elle fût avec ce qu’elle est devenue. Pendant ce temps, les arcanes dansent en rond et ricanent, tirant les ficelles des âmes écartelées sur la croix du Tarot

Les consignes sont évidemment respectées. Le choix difficile tombe sur les solides épaules de la reine : elle devra choisir entre s’obstiner inutilement à réanimer la flamme d’un ancien amour ou au contraire, permettre à celui qu’elle n’a en fait jamais cessé d’aimer de fuir loin d’elle avec une autre femme. Au passage, c’est le glaive qui sauve les idéalistes. Belle morale contradictoire! Elle doit donc choisir entre folie et sagesse. Trop forte pour succomber à la folie, trop fière pour survivre à la sagesse. Heureusement, elle sera sauvée par l’Arcane sans Nom qui lui fera découvrir la voie du Mat.

Tu plantes un décor de belle facture : les créatures fantastiques, les éléments vestimentaires et d’armement, la magie des cartes et celle de l’épée, les batailles épiques, l’opposition entre les guerriers et les pacifistes... Le R royal est une superbe trouvaille syntaxique. D'ailleurs, les noms sont judicieusement choisis et font très HF. J’aime bien le recours aux arcanes qui ajoute une dimension particulière au récit. La narration est fluide, avec une lumière grise qui éclaire parfois certaines phrases. Celles-ci sont alors empreintes d’une tristesse voilée qui renforce leur pouvoir d’évocation. La fin est poétique entre rêve et réalité, c’est sans doute comme ça que l’on peut imaginer la voie du Mat. J’ai l’impression que ce récit est un peu plus « sombre » que d’ordinaire, et ce n’est pas pour me déplaire. Les trois principaux caractères sont particulièrement fouillés et crédibles. Peut-être aurais-tu pu approfondir un ou deux autres personnages supplémentaires, notamment la servante et confidente que j’aurais aimé connaître un peu mieux.

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-08-25 19:01:14 

 Commentaire Maedhros, exercice n°42Détails
Encore un titre à la Baudelaire... Pour les non hellénistes, je rappelle que « épithumia » signifie désir, passion, et « archon » chef, maître, celui qui commande. Le héros est celui qui maîtrise ses passions... Tant que j’y suis, « agapao », toujours en grec, signifie aimer, chérir, et un voïvode est un gouverneur militaire (slave). Grâce à toi, notre vocabulaire s’enrichit !
L’ambiance épique est parfaitement rendue, tu es à ton aise dans ce style. Le récit au présent, la présentation comme au théâtre (avec des petits passages de cinéma, le zoom sur les héros, par exemple), renforcent le dynamisme ; cela ne t’empêche pas d’intercaler des descriptions poétiques et des scènes romantiques à la Shakespeare. Le Cid, oui peut-être, mais « Titus et Bérénice » aussi, et « Roméo et Juliette » donc ! Nous sommes en plein classicisme !
La scène de bataille de l’acte I est absolument remarquable ! L’acte II est résolument romantique et théâtral, et le contraste entre les deux est une richesse de plus.
Je trouve l’acte III un peu long, surtout le passage où le comte n’arrive pas à révéler le drame au roi ; ça vire un peu au comique troupier, et dans le contexte héroïque, ça me choque. Bien par contre le moment où il décrit l’assassinat sans dire le nom des personnages, ça entretient le suspense. Les dernières phrases relancent l’intrigue et on devine que ce qui afflige le héros n’est pas seulement la mort de son père.
Retour au romantisme pour l’acte IV, emphatique et grandiose, où le lecteur partage le dilemme du héros. Puis vient la réflexion d’Anton, dont tout laisse à penser que l’issue sera un sacrifice héroïque, et ce malencontreux « que faire » qui, franchement, n’est pas digne de toi ! Dis autre chose ou ne dis rien, mais ces deux mots banaux et inutiles font l’effet d’une douche glacée par une belle journée d’automne !
La suite est bien menée ; rebondissement, coup de théâtre, combat de la plus belle facture ( je ne savais pas que tu t’y connaissais aussi en escrime !), et une fin, un peu courte, qui laisse espérer une conclusion heureuse.
Globalement, à part l’acte III qui devrait être revu, redynamisé et raccourci, c’est un bon texte. Le style est bien adapté, l’intrigue riche et cohérent, le décor bien planté, les personnages bien décrits, quoique peut-être un peu conventionnels, surtout Winona.

Dans le détail
Acte I :
- « visage aux traits légèrement asiatiques » : il te faudrait préciser qu’il y a bien une Asie sur ton monde, sinon ça ne veut rien dire
- « ne t’inquiète pas ! », répond mollement le ... guerrier. Le point d’exclamation contredit le « mollement »
- « le bambin ». S’il n’a pas dix ans, c’est qu’il en a 8 ou 9 ; un bambin a entre 2 et 4 ans (Robert)
- « la respiration expirée par les naseaux » : pas terrible ; « l’air expiré », « la vapeur »...
Acte II
- « la mode qui trotte dans le palais » : je n’aime pas « trotte » ; ça fait souris ; qui sévit, qui règne, qui fait fureur...
- « Winona s’exclame » : « s’exclame Winona »
- « Je regretterais qu’il me désapprouve ou pire... » : Phrase trop longue, sans une virgule, tu vas étouffer le lecteur ! Je mettrais une virgule après « maudisse », et un point virgule après « informé ». Puis je reprendrais « il pourra ainsi prendre », ou bien « à lui de prendre » ...
Acte III :
- une p’tite virgule après Tulipe, à la 4° ligne, svp, pour respirer !
- « les rituels se sont donc », « il faut donc » : 1 de trop !
- « tu vas accoucher ! » : ça me gêne un peu, dans la bouche d’un roi ; l’accouchement, dans ces civilisations moyenâgeuses (ou pseudo), c’est une affaire de femmes...
- « elles semblaient regarder quelque chose devant eux : dommage... Toute cette phrase cafouille, en fait.
Acte IV :
- « permis d’échapper à la vigilance des dames..., des corvées..., des maîtres... » ; vigilance ne peut pas être mis en « facteur commun ». Une corvée vigilante... Donc « à la vigilance, aux corvées, aux maîtres... »
- « au fond d’un puits où... » : « d’où... »
- « Ailleurs, loin d’ici et rien » : « ailleurs, loin d’ici, et rien ». Remarque générale : ça manque souvent de virgules... Essaie de prendre le temps de te relire à haute voix...
- 2 forteresses en 2 lignes...
- « brides abattues » : « bride abattue » : un cheval, une bride
- « essayant de le réconforter » : oubli
- « elle a pleuré », « elle pleurait » : répétition trop proche
- « Apagé » : faute de frappe
- « si tu le désires, je te suivrais » : non, il faut le futur ; « si tu le désirais, je te suivrais », mais ce n’est pas du tout ce qu’elle veut dire
- « qu’on n’a pas encore serré » : familier
- « je saurai que tu auras choisi » : « je saurai que tu as choisi »
- du plus haut du ciel : oubli
- « il prive aussi les armées du Royaume des Fleurs, du Polémarque qui est capable à lui seul, de transcender » : Ah ces virgules ! « ... du Royaume des Fleurs de son Polémarque, qui est capable à lui seul de transcender.. »
- « il redescend en silence et morose » : bof. « Morose , il redescend en silence » ; « Silencieux et morose, il... »
- « Tellement absorbé...qu’il... » : manque de verbe, « il est ». Sur une phrase longue, ça choque.


Ouf ! Quel marathon ! Mais c’est un bon texte, alors il faut le polir et le lustrer pour qu’il brille de tous ses feux !
Et s’il y a une suite, c’est tant mieux !
Qu’est-ce qu’il te faut comme thème de WA pour écrire la suite ?
Narwa Roquen, commentatrice d'endurance!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-08-26 19:47:00 

 WA - Participation exercice n°42 - Réédition complète (Actes 1 à 4) Détails
Suite aux conseils de Narwa, je propose une version complète et remaniée.

__________
L’EVEIL DE L’EPITHUMIARQUE



« Ils vont revenir ? »

Le guerrier garde le silence. Il se contente d’affûter sa longue lame qui brille sous une lune resplendissante. Aucune trace sanglante ne doit demeurer sur le fil tranchant. Son geste semble lent et sûr mais un observateur attentif y décèlerait vraisemblablement une résignation inquiétante dans la façon dont il retient imperceptiblement la pierre d’affûtage. Il s’agît plutôt d’une sorte de rituel, une forme de préparation à une mort inévitable.

« Dis-moi, ils vont revenir, c’est ça ? »

L’enfant n’a pas dix ans. Les scarifications claniques ne zèbrent pas encore son visage aux traits légèrement bridés. Il se tient debout devant le guerrier assis en tailleur face au feu qui ronfle. Les escarbilles rougeoyantes éclaboussent la nuit légère et translucide.

« Nous allons encore les repousser, ne t’inquiète pas ! » répond enfin mollement le grand guerrier qui interrompt son geste. « Les Dieux ne sont jamais sourds aux prières des prêtres de Phédon. Rejoins ta mère dans la longue hutte. Quand tu entendras les chants obscurs, récite bien fort les cantiques consacrés ! » Malgré la fatigue qui l’étreint, le guerrier se force à esquisser un maigre sourire.

Réconforté par ces paroles, le jeune garçon court se réfugier dans la bâtisse érigée au centre de l’esplanade, là où se déroulent toutes les fêtes et les cérémonies collectives de la petite communauté rurale. Le guerrier promène un regard désabusé sur les remparts qui ceignent le village. Les stigmates du dernier assaut sont malheureusement trop visibles. En certains endroits, l’armature de bois a été dramatiquement enfoncée. Le large fossé, le remblai de terre et le parement de pierre extérieur ont difficilement contenu la violence des assaillants. Les défenseurs ont trouvé l’énergie nécessaire pour repousser à grand peine les agresseurs qui avaient pourtant réussi à prendre pied sur le chemin de ronde. A un contre cinq, ils ont payé cependant un lourd tribut à cette fragile victoire. La nuit est encore longue et les cris de guerre ennemis résonnent haut et fort au-delà de l’espace défriché, dans les profonds et anciens bois qui entourent la butte fortifiée.

Le Roi est bien trop loin. Il ne faut attendre aucun secours de l’Ouest. Les armées du Polémarque arriveront trop tard.

Une flèche enflammée s’élève dans le ciel sans nuage. C’est le signe de l’ultime attaque. Des ombres innombrables se glissent alors hors des frondaisons de la forêt pour repartir à l’assaut de l’oppidum. Le guerrier se jette sur l’échelle qui rejoint le chemin de ronde. Silhouette farouche, il tient son épée à deux mains, tout en en assurant ses appuis. Son casque est surmonté de l’aigrette rouge et blanche des légions du Thumos. A ses côtés, les autres défenseurs survivants murmurent la première prière des morts. Dans la tragédie qui se prépare, la mort n’est pas la pire fin qui soit. Loin de là. Puis, des grappins agrippent la pierre... un, deux, trois, dix... cinquante... Aucun point du périmètre n’est épargné. Les vagues des hordes taurines déferlent comme une tempête d’équinoxe en hurlant leurs chants de mort et de victoire. Elles submergent bientôt la défense acharnée et désespérée des guerriers de l’Ouest. Un par un, ces derniers tombent sous les coups sans merci des barbares vêtus de peaux de bêtes dont les casques de fer aux visières mobiles arborent les faces abjectes de démons grimaçants. Les dernières lignes de défense sont enfoncées sans pitié tout près de la longue hutte. Sur le rempart, le guerrier mélancolique est assis, adossé à une poivrière d’angle. Il contemple sans ciller le feu qui embrase la lune descendante. Sa main droite n’a pas lâché son épée. Elle gît dans la mare de sang qui s’étend sous lui tandis que sa main gauche est crispée sur son ventre. Elle a vainement essayé de retenir des masses molles et ignobles.

Lorsque les portes s’ouvrent finalement, seuls les lamentations des femmes et des vieillards et les pleurs effrayés des enfants s’élèvent de la longue hutte. Se découpant sur le disque blafard de l’astre nocturne, s’avancent plusieurs lourdes et menaçantes silhouettes juchées sur des chevaux encore plus monstrueux. Les assaillants soudain silencieux s’agenouillent éperdument lorsque le sinistre équipage passe à leur hauteur et c’est une peur innommable qui peut se lire dans les regards qu’ils jettent à leurs maîtres. Un maladroit, pas assez rapide pour s’écarter de leur chemin, est piétiné sans émotion par les sabots des montures qui n’ont même pas fait un écart pour l’éviter.

Les fantomatiques cavaliers ne pressent nullement le pas pour rejoindre l’esplanade centrale. Sous les épaisses fourrures qui les enveloppent, il est impossible de les décrire précisément. Leurs casques noirs et ternes sont surmontés de cornes démoniaques et dissimulent les visages sous des visières d’airain qui reproduisent les mufles d'horribles taureaux. Tout autour d’eux se devinent de vagues formes évanescentes, longues écharpes impalpables qui flottent dans la brise nocturne en bouquets éphémères ou en volutes improbables. Les chevaux tendent sans cesse leurs oreilles comme pour mieux écouter un choeur invisible et inaudible.

Les Seigneurs Taureaux sont réveillés et se sont mis en marche...

ACTE II


La salle du Trône est déserte. Le clair-obscur qui règne dans l’immense pièce résiste à l’aube timide pointant derrière les larges vitraux multicolores. Sous les hautes arches qui se rejoignent en gracieuses ogives, l’imposante estrade de marbre gris semble écraser de toute sa masse deux frêles silhouettes se tenant dans son ombre, assises sur une volée de marches marmoréennes. A cette heure matinale, même les plus zélés serviteurs n’ont pas encore pris leur service.

En grande conversation, elles chuchotent de crainte de réveiller les échos indiscrets prisonniers des murs de pierre. Lui est grand et svelte. Il a de larges épaules qui mettent en valeur un port altier. Son nez aquilin comme tous ceux de sa lignée, prolonge un front haut et fier qui surmonte des yeux vifs et clairs. Ses cheveux longs et sombres sont tirés en arrière à la mode qui trotte dans le palais. Il s’appelle Anton et il est le fils aîné du Polémarque, défenseur du royaume de l’Ouest, chef des armées du Roi et Seigneur de la Maison du Trèfle. Certes, celle-ci n’est pas la plus illustre ou la plus ancienne des nobles Maisons mais elle a toujours donné au Royaume des combattants émérites et valeureux qui ont porté au pinacle sa renommée et sa gloire. Grâce à leurs innombrables exploits, le symbole de la Maison du Trèfle, le triskèle sinistrogyre spiralé, a été gravé sur l’anneau d’or du Polémarque aux côtés de la Rose et du Lys, les emblèmes du Royaume de l’Ouest.

Elle est ravissante dans sa longue robe vermillon qui épouse idéalement l’harmonie de ses formes et la minceur de sa taille. Ses longs cheveux blonds et rebelles encadrent un visage à l’ovale parfait où des yeux noirs et profonds reflètent l’émotion qu’elle éprouve en la compagnie d’Anton. Elle s’appelle Winona. Que dire sinon qu’elle est la fille du Roi. La princesse Winona, la plus belle fleur du Royaume.

« Mon père l’a annoncé hier soir à ses plus proches conseillers. Il souhaite que la cérémonie de l’Agapê se déroule à la prochaine pleine lune... »
« Mais...mais...elle tombe dans moins de 10 jours ! » proteste faiblement Anton, désespéré.
« Oui et lorsque les rites auront été achevés et les voeux prononcés, mon sort sera définitivement scellé. Même les Dieux ne pourront rompre cet engagement!» En disant cela, ses beaux yeux se voilent de larmes. Elle baise tendrement la main d’Anton qui voulait caresser sa joue. « Mon bel ami, comment alors vivre avec lui et te sentir là, si proche et si inaccessible ? »
« Je ne pourrai pas ! Je prendrai le chemin de l’exil pour que la folie ne s’empare pas de moi!» Anton passe une main sur son visage défait.
« Je ne supporterai pas ton départ! Jamais! Aussi je te répète ma demande pressante. Fuyons ensemble avant la date fatidique! Fuyons loin du Royaume en un lieu où même les Anges de l’Ouest ne pourront nous retrouver! » Winona le supplie d’un regard brillant et humide.
« Fuir...fuir serait la solution... Au diable l’anneau du Polémarque, au diable la Maison du Trèfle... Je t’aime et je ne veux te perdre. Mon frère cadet relèvera la charge aussi bien que moi. Il fera certainement un meilleur Polémarque en définitive!» Anton paraît exalté, prêt à en découdre avec l’univers en cet instant, ne doutant de rien...
« Alors tu acceptes? » s’exclame Winona en rosissant de bonheur.
« Oui...oui... mais avant il faut que je prévienne mon père. Il me comprendra. Enfin je l’espère. Il ne peut me l’interdire. Je regretterais qu’il me désapprouve, ou pire qu’il me maudisse, mais je ne peux fuir sans lui parler. Ainsi, il pourra prendre les meilleures dispositions pour éviter que la colère du Roi ne retombe sur la Maison du Trèfle ou que l’Ajonc ne cherche à se venger! Il saura comment faire! C’est le Polémarque et il est tenu en haute estime par le Roi ! »

Les deux amants se sont enflammés et le vif sentiment qui les unit leur rend tout possible. Les dangers et les incertitudes semblent miraculeusement beaucoup moins insurmontables. Ils se taisent mais dans leurs regards, ils sont déjà loin de ces contingences. Portés par les ailes du désir, ils rejoignent ces contrées lointaines et idéales où ils pourront sans retenue laisser libre cours à leur amour pur et juvénile.

Un bruit se fait soudain entendre. Des pas se rapprochent. Les deux amants s’embrassent furtivement avant de disparaître par une petite ouverture dissimulée derrière de lourdes tentures. La clarté grandit et la salle du trône resplendit de mille feux sous les rayons de l’astre du jour qui lèchent le bord des grands vitraux. Les deux vantaux de la porte d’honneur s’ouvrent à la volée pour laisser passer un personnage grand et altier, richement vêtu, à la démarche souveraine. Précédé par quelques hommes d’armes, il est suivi par plusieurs autres personnes qui lui témoignent une déférence démonstrative. Tous ont une mine préoccupée sinon inquiète.

ACTE III


« Sire, les nouvelles des provinces de l’est sont alarmantes ! Un messager vient d’arriver. Il a galopé quatre jours et trois nuits. Le message est écrit de la main du voïvode Kurtnaslov. » Celui qui prend la parole est le Duc Senzo, chef de la Maison de la Tulipe, en charge de la sécurité intérieure du Palais.

« Que rapporte-t-il, ce benêt de Kurtnaslov ? »

«Les Seigneurs Taureaux se sont réveillés. Ils sont sortis des Bois Enchantés en lançant une grande offensive contre les marches de l’est. Ils ont déjà rasé plusieurs petites cités fortifiées le long de la vallée de l’Ereb en aliénant leurs habitants! Mais le plus inquiétant, c’est qu’ils sont en grand nombre et qu’ils avancent vers l’Ouest. D’après le voïvode, tout laisse à penser que cette fois, ils ne se contenteront pas de quelques bourgs! » répond Senzo en froissant nerveusement dans ses mains la missive du voïvode.

A ses côtés, les deux autres seigneurs présents, le folâtre Comte Elebian, de la Maison du Chardon et le Prince Auguste, de la Maison de la Jonquille, se regardent consternés. Le Grand Prêtre Luxmon ne laisse transparaître aucune émotion. Dans son habit d’une blancheur toute ecclésiastique, il demeure silencieux, un air compassé flottant sur son visage poupin.

Les Seigneurs Taureaux ! Une race monstrueuse issue d’entrailles humaines possédées par des esprits élémentaires maléfiques qui hantaient les forêts millénaires bien avant que les hommes ne viennent revendiquer la suprématie sur ce monde. Ces créatures malfaisantes peuvent demeurer cachées plus de cent ans au plus profond des bois qui s’étendent à perte de vue, sans montrer signe de vie. Puis, pour des raisons inconnues, elles sortent de leur torpeur et attaquent brutalement les marches du Royaume à la recherche d’une nourriture toute particulière. Toutefois, elles sont en général peu nombreuses et elles regagnent le couvert protecteur des bois après avoir saccagé quelques villages mal défendus et aliéné les malheureux tombés vivants entre leurs griffes. Les annales royales consignent minutieusement tous ces faits depuis la fondation du Royaume. Il est constant que jamais ces créatures n'ont laissé derrière elles le moindre cadavre, augmentant l’aura de mystère et de légende qui les entoure.

« Est-ce que le voïvode donne une estimation de leur nombre ? » demande le Roi qui marche de long en large devant son trône, les mains croisées dans le dos.

« Oui Sire. Au bas mot, plus de cinquante mille, selon les éclaireurs qui ont suivi discrètement leur progression. Et ils avancent aujourd’hui comme une armée assez disciplinée, sous les ordres de plusieurs Seigneurs Taureaux. Ils ne donnent pas l’impression qu’ils vont abandonner prochainement leur incursion. Si leur équipement de combat est rudimentaire, il n’en reste pas moins que nous n’avons aucune force capable de les arrêter avant les plaines des Fleurs. Et encore! Là stationnent uniquement quatre légions du Thumos, à peine 17.000 hommes certes expérimentés mais... »

« ... C’est trop peu. Où est donc passé le Duc de Trèfle, le Polémarque? S’étonne le Roi. Comment se fait-il que le chef militaire suprême du royaume ne soit pas présent en cet instant crucial? »

« Je l’ai pourtant fait prévenir ! Se défend le Comte du Chardon, mal à l’aise. Je suis comme vous très étonné qu’il ne soit pas là ! Ce n’est pas dans son habitude...»

« Comte, l’interrompt le Roi, assurez vous sur le champ et personnellement, que le Polémarque sera devant moi dans les plus brefs délais! » L’agacement du monarque est palpable.

« Je cours, je vole...! » balbutie le comte qui, reculant maladroitement après avoir ployé le genou, manque de dégringoler plus rapidement que prévu les marches de l’estrade. Tout en essayant de reprendre contenance, il fait signe à deux gardes de le suivre. Le Roi grommelle à voix basse en les regardant s’éloigner.

« Sire ! La voix du Grand Prêtre s’élève, doucereuse et affectée. Sire, ces tristes nouvelles confirment la prédiction faite lors des cérémonies du solstice d’hiver. Rappelez-vous ! Les astres et le sang du bélier avaient clairement indiqué que l’année de la Bétoine verrait les griffes du passé menacer le Royaume ! N’est-ce pas précisément annoncer le réveil des monstres des bois? Les invocations et les rituels ont été impuissants : il faudra affronter des épreuves difficiles et des jours funestes! Mais tout espoir n'est pas perdu, Sire, car les signes dans le ciel et dans le sang rouge de la bête aux cornes enroulées n’ont pas révélé la fin du Royaume ! »

Le souverain va répondre quand un tumulte interrompt la conversation. Le comte, toujours accompagné de son escorte, revient en courant, la mine pâle et défaite. Il s’écrie, hors de lui :

« Sire...une affreuse nouvelle...ah Sire...tout est perdu ! » Il tremble comme une feuille.
« Quoi, qu’y a-t-il ? » le presse le Roi.
« Ah Sire...une affreuse chose...une terrible catastrophe... tout est perdu... ah Sire ! » bredouille le Comte qui peine à dominer sa vive émotion ! Il se reprend : « Quand vous m’avez prié de quérir le Polémarque, je me suis immédiatement transporté vers ses appartements. J’ai emprunté le couloir des soupirs et la galerie suspendue quand un attroupement à la hauteur d’un renfoncement, a distrait mon attention. Visiblement, quelque chose se passait mais que les personnes présentes m'empêchaient de voir! J’ai balancé entre le désir de vous obéir fidèlement et ma curiosité que vous savez immense! Demandant à mes gens de faire un peu de place, je me suis approché! Oh Sire.... Sire...c’est une tragédie...une catastrophe...!»

Le comte se remet à trembler. Le Roi perd patience, craignant pour ses proches, son fils, l’héritier du Trône ou sa fille, la prunelle de ses yeux :

« Termine ton histoire ou je te jette au cachot sur l'heure et avant midi, ta tête roule au bas du billot! »

« Ah, Sire...vous feriez ça? » Le comte déglutit péniblement et passe la main sur son cou comme pour vérifier qu’il est toujours bien là. « Il y avait du sang partout ! Entre les bras de son fils, il agonisait sous nos yeux, une dague fichée entre les omoplates. Il arrivait à peine à murmurer! Désespéré, son fils pleurait à chaudes larmes. Il avait pris les mains de son père entre les siennes et ne nous regardait même pas, tout à sa poignante douleur! »

« Quoi, un meurtre... à l’intérieur même de mon Palais ! A-t-on confondu le coupable ? Qui est la victime ? Parle donc à la fin ! »

Le comte prend une profonde inspiration. Il devient très calme d’un seul coup. Et posément, en regardant son souverain droit dans les yeux, il dit d'une voix éteinte :

« Le Polémarque, Sire! C’est le Polémarque qu’on vient d’assassiner. Une main criminelle a fauché la vie du Protecteur du Royaume au plus noir de la tempête qui menace le Royaume des Fleurs! Il est mort quasiment sous mes yeux, dans les bras d’Anton son fils. A peine a-t-il eu la force de lui confier l’anneau du Polémarque et lui faire jurer de défendre le Royaume, sur sa Foi et son Honneur! Le brave garçon, en pleurant de tristesse, semblait dire non avec la tête pendant que son père lui passait l’anneau au doigt. L’instant suivant, le Polémarque fermait les yeux et rendait son dernier soupir. Le jeune Anton regardait d’un air horrifié sa main où brillait l’Anneau d’Or ! »

ACTE IV


De l’échauguette accrochée au flanc de la plus haute tour, la vue est splendide. Sous les créneaux de la citadelle des Fleurs, la campagne environnante s’étend jusqu’à l’horizon, dessinant une mosaïque de teintes ocres et orangées, brunes ou tirant sur le rouge. Plus au sud, elle descend en pente douce vers une mer turquoise qui miroite sous les derniers feux de l’astre couchant. A l’est, de lourds nuages sombres s’amassent, ventrus et violacés, malsains et menaçants. A leur contact, la lumière du soleil est comme avalée, là où des averses frangent la bordure de des boursouflures cotonneuses que quelques éclairs silencieux illuminent de l’intérieur.

Anton se tient debout face à l’étroite meurtrière qui embrasse l’est. Il a les mains plaquées sur le mur de pierre devant lui. Le flamboiement automnal ne parvient pas à chasser son désarroi. Winona est également présente, toute proche. Personne ne les rechercherait ici où nul ne les a vus se rejoindre. Depuis leur plus tendre enfance, ils ont l’habitude d’explorer ensemble le labyrinthe de couloirs, de passages, d’escaliers en colimaçon qui constitue la citadelle des Fleurs. Cette parfaite connaissance de l’imposante construction leur a maintes fois permis d’échapper à la vigilance des dames de compagnie de la Princesse, aux corvées promises par les intendants ou aux maîtres d’armes cherchant Anton pour l’entraînement. Et lorsque des sentiments plus intenses ont remplacé leurs innocents jeux d’enfants, cette aptitude à disparaître à volonté au détour d’un couloir leur a été plus d’une fois salvatrice!

Anton est vêtu d’un pourpoint entièrement noir. Sur sa hanche, l’épée du Polémarque attend dans son fourreau. Les rides d’une profonde souffrance tirent son visage fatigué. Alors que l’aube lui promettait un futur radieux, le crépuscule emporte toutes les promesses esquissées. Elles se sont, en quelques secondes, envolées en fumée. Le rêve a viré au cauchemar.

« Winona, je suis au désespoir ! Ce matin, j’étais libre, heureux et prêt à recommencer ma vie avec toi... ailleurs... loin d’ici ! Rien ne m’effrayait puisque j’aurais été avec toi. Ce soir, je pleure un père assassiné, je suis le Polémarque et le Roi m’a ordonné de rejoindre, avec toutes les légions disponibles, la place forte commandant le défilé qui mène aux Plaines des Fleurs! Je pars ce soir, à la nuit tombée, pour y parvenir avant les hordes taurines. Cinq jours de marche. Nous aurons un jour, deux au mieux, pour préparer le dispositif de défense. Or, même si nous les exterminions dès le premier jour et que je revienne ici à bride abattue, en épuisant s’il le faut les montures sous moi, je ne serais pas là avant la cérémonie de l’Agapê! »

La princesse se presse doucement contre lui, essayant de le réconforter. Les évènements de la journée l’ont également atterrée. Elle a sangloté longtemps sur son grand lit en renvoyant sèchement les demoiselles de compagnie qui tentaient de la consoler. Toutes ont cru qu’elle était affectée par la disparition tragique du Polémarque mais elle pleurait sur sa vie dévastée. Les plans qu’elle avait échafaudés s’écroulaient comme un château de cartes, la laissant impuissante. Le Roi son père a décidé, malgré les circonstances, de maintenir à la date fixée, la cérémonie de l’Apagê.

«Si tu le désires, je te suivrai maintenant... tout de suite, pour fuir comme nous l’avions prévu ce matin. Elle écarte les bords de la mantille qui lui couvre la tête et les épaules et dissimule aux regards la blondeur de sa chevelure. Je t’aime si fort que rien, tu entends, rien ne peut rivaliser avec l’amour que je te porte ! »

« Oh Winona...Winona... ! s’écrie-t-il. Ces paroles enflamment mon coeur et transportent mon âme. Sois certaine que mon amour est aussi grand que le tien. Sans toi, je ne suis qu'un champ de blé qui ne sera jamais moissonné, un printemps stérile et glacé. Comme je l’ai caressé, ce rêve de partir avec toi... de tout quitter... ! Mais ce soir, ma raison et mon devoir me crucifient... Mon père.... Mon père a été.... assassiné ce matin...par un familier du palais, car il ne peut en aller autrement... peut-être même par quelqu’un qu’il connaissait... dont il ne se méfiait pas... Mon sang hurle vengeance...mais même la vengeance m’est refusée ! Je suis devenu, par un funeste coup du sort, le nouveau Polémarque et cet anneau d’or me retient prisonnier plus sûrement qu’une chaîne aux pieds ! Je suis devenu l’esclave des obligations qu’il représente... esclave de l’honneur de ma Maison... Un Polémarque ne se démet pas. Les Seigneurs Taureaux foncent vers le coeur du Royaume. Si le Polémarque en titre venait à faire défaut, les généraux, malgré toutes leurs qualités, perdraient confiance. Les légions du Thumos, démoralisées, risqueraient alors de ne pouvoir repousser les assauts furieux des créatures vomies par les bois de l’enfer. Le Royaume et tous ses habitants se retrouveraient sans défense ! »

Il se retourne et tout en la maintenant contre lui, il l’embrasse doucement. Elle se dégage à regret :

« Il faut que je te quitte, mon tendre ami. Le Roi mon père m’attend incessamment pour une question d’étiquette. Mon absence ne passera donc pas inaperçue. Si je ne me présente pas à lui, il fera immédiatement fouiller tout le Palais. Un meurtrier qui rôde si près et qu’on n’a pas encore arrêté, l’a effrayé au plus haut point. Il craint pour nos vies! Toutefois promets-moi de réfléchir à ce que je t’ai dit. Il n’est pas encore trop tard. J’espèrerai de toutes mes forces jusqu’au moment où je te verrai passer le pont-levis à la tête des légions. A ce moment là, ton choix sera fait! Je ne peux t’aider plus avant car la décision t’appartient. Je prie pour que du plus haut du ciel, un ange descende jusqu’à toi et te guide sur le bon chemin. Je t’aimerai, tu le sais, toute ma vie et je n’appartiens qu’à toi! »

Elle lui dépose un dernier et tendre baiser sur les lèvres. Puis, après avoir rabattu la mantille sur son visage et resserré le manteau couleur grisaille, elle disparaît, rapidement méconnaissable dans l’ombre du chemin de ronde, laissant Anton seul et en plein désarroi.

Il réfléchit longuement, un poing comprimant sa tempe. S’il s’enfuit avec Winona, la seule femme de sa vie, il jette l’opprobre sur toute la Maison du Trèfle, foulant aux pieds honneur et fidélité à la couronne. Il prive les armées du Royaume des Fleurs de son Polémarque, capable à lui seul de transcender le courage des légions face à un ennemi terrifiant. Par contre, s’il place l’honneur et le Royaume menacé au-dessus de son amour pour Winona, c’est elle qu’il perdra à tout jamais. Et il sait qu’il ne pourra vivre sans elle, même auréolé d’une gloire immense et comblé d’honneurs et de richesses par le Roi. Il gémira toutes les nuits en pensant à elle dans les bras d’un autre.

Morose, il redescend en silence l’escalier en colimaçon pour revenir vers les salles d’apparat où l’attendent les généraux qui ont commencé de préparer l’expédition et les plans de bataille. Il longe un très long couloir qui serpente dans les entrailles du Palais, un couloir qui ressemble à tant d’autres. Songeur, il ne fait pas attention qu’il dépasse un embranchement et, sans s’en rendre compte, il quitte la partie septentrionale du palais pour pénétrer dans une aile abandonnée. Celle-ci abrite plusieurs étages en cours de réfection. A cette heure tardive, les ouvriers affectés à ces travaux ont déjà regagné la basse ville.

La cavalcade des rats qui fuient le long des plinthes le ramène à la réalité. Il promène ses regards autour de lui. Ses pensées l’ont entraîné bien trop loin. Il se repère vite et décide d’emprunter un raccourci qui rattrapera le temps perdu. Il se hâte à grandes enjambées quand, passant devant une monumentale cheminée, il saisit quelques bribes de phrases portées par une acoustique particulière. Intrigué, il s’arrête et tend l’oreille :

« Tu es certain que personne ne t’a suivi ? » La voix masculine est légèrement déformée par la distance. Elle paraît curieusement familière à Anton qui s’approche un peu plus de l’âtre gigantesque où plusieurs troncs de belle taille tiendraient sans difficulté.

Une autre voix, assourdie, se fait entendre en réponse :

« Tout à fait certain, messire! J’ai suffisamment tourné et viré pour que les éventuels chiens courants lancés à mes trousses tournent toujours en rond en se mordant la queue, très loin d’ici! »

« Tu as fait du bon travail ce matin! Les choses se sont déroulées exactement comme je l’avais prévu! »

Anton reste interdit. Cette conversation inattendue l’intéresse de plus en plus. Un sinistre pressentiment lui pince le coeur.

« Les indications que vous m’aviez données étaient parfaites, messire. J’ai attendu, dissimulé dans l’encoignure de la porte indiquée. Il est arrivé à l’heure dite. Ce fut vite expédié. Le plus difficile a été d’éviter de porter un coup immédiatement fatal! »

La foudre s’abat aux pieds d’Anton. Il est pétrifié! Les deux inconnus parlent du traquenard où son père a perdu la vie! Il faut les démasquer. Faire payer l’homme de main et son commanditaire. Il remercie les Dieux pour cette vengeance qu’ils lui accordent finalement. Tendant une oreille plus attentive, il essaie de localiser l’endroit d’où proviennent les voix. Oh, pas de très loin. En suivant leur écho et à pas de loup, il descend un escalier dérobé, traverse deux pièces désertes pour venir se plaquer près d’une porte mi-close donnant sur un petit salon d’angle. Très prudemment, il jette un rapide coup d’oeil. Il a le temps de distinguer, dans une lumière de plus en plus faible, deux silhouettes qui se tiennent dans un coin. Le salon dispose d’une seconde porte qui s’ouvre sur un couloir repartant vers une autre partie de l’aile. Il faut peu de temps à Anton pour s’y rendre. A l’aide d’un lourd madrier de bois, il cale la porte pour empêcher toute retraite de ce côté. Revenant sur ses pas, il dégaine son épée et bondit dans la pièce.

« Ah je vous tiens, assassins. Vous allez devoir payer pour votre odieux forfait !»

Les deux personnages lui font face, visiblement stupéfaits d’être découverts. Le premier est un homme bas de mine, enveloppé dans un grand manteau noir. Anton ne le connaît pas. Le second se redresse. Il a le maintien d’un seigneur, vêtu d’un pourpoint de satin pourpre, serti de pierres précieuses, une courte cape jaune accrochée sur l’épaule. Son visage est austère et torve, barré par une moustache qui retombe de chaque côté de la bouche. Son nez est busqué et ses yeux sont profondément enfoncés dans les orbites, sous des sourcils drus et sévères. Anton a immédiatement reconnu Grendel, le fils du Duc régnant de la puissante Maison de l’Ajonc.

« Par tous les démons de la forêt, quelle magie as-tu utilisée pour nous retrouver ?» s’exclame l’homme de main. Ne te réjouis pas trop vite, tu vas regretter d’avoir été si perspicace! » Il se jette sur Anton en brandissant une courte dague, une percemaille à la pointe renforcée pour trouer les plus dures cuirasses. Par réflexe, le jeune Polémarque efface son torse. Sans cette parade peu académique qui aurait fait hurler de colère son maître d’escrime, la fulgurante dextérité du spadassin aurait été fatale. Dans le même mouvement, Anton allonge le bras. Son épée transperce la gorge dénudée de l’agresseur emporté par son élan. Une botte secrète apprise à l’entraînement, destinée à tuer sans fioriture ni gloire. Le sbire lâche son arme en portant les mains à son cou. Il s’effondre comme un pantin, en gargouillant et vomissant du sang.

Anton se tourne vers Grendel et s’approche de lui mû par une froide détermination, l’épée levée.

« Pourquoi? Par la Couronne, pourquoi as-tu voulu la mort de mon père ? »

« Tu es aveugle mon pauvre Anton. Moi non ! Répond Grendel en dégainant lentement sa propre épée. Je ne suis pas sourd non plus. Je vous ai surpris un jour, toi et Winona... la femme qui m’était promise...ma femme... Alors je vous ai espionnés. Et j’ai découvert le pot aux roses. Quand mon père m’a secrètement informé, avant-hier, que le Roi avait arrêté la date de l’Agapé, j’ai su que je devais agir. Je ne voulais pas vous laisser le temps de trouver une parade. Dire que j’ai failli réussir! Les circonstances toujours en ma faveur jusqu’à ce que tu apparaisses... Ton père mourant t’obligeant à accepter l’Anneau d’or, l’invasion des Seigneurs Taureaux, l’ordre du Roi de rejoindre la forteresse! Tu étais perdu car je savais que tu ne te défilerais pas !»

Grendel est un bretteur redoutable. Avec la pointe de sa lame, il taquine l’épée d’Anton. Il se déplace lentement vers le fond de la pièce, légèrement de profil et les jambes fléchies. Il est en garde, prêt à attaquer ou à défendre. Les deux adversaires se jaugent du regard. Grendel, un peu plus grand qu’Anton, dispose d’une meilleure allonge. Anton a l’avantage de posséder une escrime réputée plus fine.

Soudain, Grendel rompt le combat pour tenter d’ouvrir la porte qu’il avait repérée dans son dos. Peine perdue, elle est bloquée.

«Retourne-toi si tu ne veux mourir comme un couard ! » gronde Anton, toujours vigilant.
«Tu ne peux rien prouver Anton. Je me rends et je m’en remets à la justice du Roi ! » dit Grendel. Il laisse choir son épée qui rebondit sur les dalles de pierre.
« Non! Tu ne t’en tireras pas ainsi ! Le Polémarque a le droit de haute justice en cas de crime de lèse-majesté, de trahison ou lorsqu'il considère qu'il existe une menace pour le Roi ou le Royaume. Sa fonction légitime son jugement et le châtiment qu’il entend appliquer. Il n'a aucun compte à rendre. Grendel, je te rappelle que grâce à toi, depuis ce matin, je suis le Polémarque en titre. Pour ton crime, je ne vois qu’une seule peine ! Au pire, on mettra ta mort sur le dos du meurtrier mystérieux! Tu passeras peut-être pour un héros qui, au mépris de sa vie, aura retrouvé ce misérable ! Malheureusement pour toi, tu n'auras pas survécu à cet exploit. Qui me soupçonnera? En outre, je pars sur le champ pour aller me battre là où ma propre survie n’est pas assurée. Dis-moi, qu’ai-je à perdre? Alors défends-toi! »

Poussant un cri de rage, Grendel ramasse comme un fou son épée qu’il abat de toutes ses forces. In extremis, Anton pare le coup en opposant son fer. Ils entament alors un ballet mortel d’attaques, de parades et de ripostes qui les fait tournoyer dans le salon. Mais plus le duel se prolonge, plus Grendel s’essouffle à contenir les assauts furieux d’Anton. Il est bientôt acculé dans un coin de la pièce. Faisant appel à ses dernières forces, il se fend pour porter une dernière attaque désespérée et tenter de toucher Anton au visage. Celui-ci effectue une parade en quarte et poursuit ce mouvement circulaire par une riposte foudroyante. Son épée transperce jusqu’à la garde le ventre de Grendel.

« Justice est rendue ! » murmure Anton en dégageant sa lame. Grendel s’affaisse lentement le long du mur, grimaçant de douleur. Le coup est mortel. Sa respiration devient irrégulière tandis que les ailes de la mort se referment sur lui. Il pousse un dernier râle et roule sur le côté. Anton reprend son souffle. Il jette un dernier regard sur les deux corps sans vie puis quitte les lieux. Justice est faite.


Mais lorsqu’il franchira tout à l’heure le pont-levis, Winona sera sur les créneaux. Il l’aura discrètement prévenue. S’il revient vivant de la formidable bataille qui se prépare dans l’est, elle l’attendra. Plus rien ne pourra désormais les séparer.

Fin

(provisoire?)


M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-08-28 17:34:24 

 Beaucoup mieux!Détails
Bonne idée aussi d’avoir remplacé la statue par un madrier, et d’avoir fait prévenir Winona. J’avais eu quelques remords en postant mon interminable épluchage, mais maintenant je ne regrette rien : c’est vraiment bien !
Narwa Roquen, satisfaite!

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-08-29 09:42:45 

 Quelques autres précisions...Détails
Pour compléter celles de Narwa Roquen :

Polémarque :

Dans le passé hellénique, c’était un titre militaire de haut rang. Dans le futur, il sera le commandant en chef de l'ensemble de la flotte spatiale humaine («la Stratégie Ender d’Orson Scott Card»).

Thumos :

Pour Platon, l’âme se compose de trois éléments
- le noûs, la raison, en tant qu'il a affaire à l'intelligible,
- le thumos appelé parfois élément irascible, pourrait être traduit par « coeur ». Il est la source de l'emportement, de la colère, ou du courage. Il représente la volonté d'enrichissement personnel, de bonne réputation et des tentatives de prouesses.
- l’épithumia, ou élément concupiscible, est le siège du désir et des passions

Platon place au sommet, le noûs, le plus noble des trois. Le thumos n'est utile que s'il se met au service du noûs afin de maîtriser l’épihumia qui mène irrémédiablement au vice.

Le sens du titre de l’histoire est tiré de cela. Ainsi, l’Epithumiarque est le maître de cette partie obscure qui, si elle gouvernait l’âme humaine, la conduirait inexorablement vers le vice.

Oppidum :

Chez les Celtes, c’est un lieu élevé (généralement situé sur une colline ou sur un plateau) dont les défenses naturelles ont été renforcées par l’homme. Jules César les a décrits dans « La Guerre des Gaules ». L’oppidum se caractérise par des murs de terre et de pierres, renforcés par des traverses de bois assemblées perpendiculairement par de longues fiches de fer (20 à 30cm)


M

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z653z  Ecrire à z653z

2008-09-10 13:34:32 

 Même avec les (maigres) explications...Détails
... de Maedhros... il a fallu que je me renseigne un peu sur les significations des arcanes majeures du Tarot de Marseille... A part ceci, ça m'a plu :)
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z653z  Ecrire à z653z

2008-09-10 14:42:08 

 actes...Détails
L'histoire et son rythme m'ont beaucoup plu.
Le découpage moins...
Le premier acte est un peu trop long.
Le 3e il ne se passe presque rien et le dernier presque tout :)

Quelques petits détails :

"volutes improbables,."

"tout à son poignante douleur"

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-10-13 14:12:26 

 Exercice 42 : Maedhros => CommentaireDétails
Fioudjiou !! C’est quoi, ça, un épithumiarque ?? Mon dictionnaire ne connaît pas et je peine avec les racines. Serait-ce un néologisme de ta composition ? En tous cas, ça sonne bien.
Le style est toujours aussi agréable et délié.
Le choix de mots suggère que l’histoire se déroule pendant l’antiquité romaine. L’ambiance semble fantastique à priori.
Quelle différence entre sinistrogyre et lévogyre ?
Cool, une séquence romantique et néanmoins désespérée digne d’une pièce de Racine ! Sympathique, les détails d’héraldique sur les maisons. On se croirait dans Le trône de fer. La transition entre l’acte II et le III évoque d’ailleurs une pièce antique.
Cool, des rebondissements dramatiques ! Un amour impossible ! Sympa le comte. Les descriptions évoquent à présent le moyen-âge. J’ai peine à définir précisément l’époque.
Un peu chargée la description des nuages au début de l’acte IV.
Les dialogues sont superbes ; compliments !
Grendel ? Quel charmant nom ! Oh, un crime passionnel, en plus !
Un texte très agréable à lire et le thème pourtant pas facile est parfaitement respecté. J'aimerais bien une suite !

Est', bientôt plus de retard !

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-10-13 14:25:29 

 Exercice 42 : Narwa => CommentaireDétails
L’histoire commence avec une avalanche de noms propres dans laquelle je me suis perdue. Une introduction pour en amener quelques uns avant les autres aurait peut-être épargné mon cerveau d’oiseau-mouche. Il m’a aussi fallu un moment pour percuter sur les deux appellations de la reine, son titre et son nom. Les noms sont toujours aussi bien choisis, dans tes textes, originaux et néanmoins formant un ensemble cohérent selon les mondes.
Le tarot divinatoire amène un petit côté mystique et karma de bon aloi, dans un récit épique à l’ambiance agréablement mélancolique. Le style est élégant. Mention spéciale pour le personnage de la reine. J’aime autant sa personnalité que son style vestimentaire, très reine noire des échecs.
Mais justement n’est-ce pas d’échecs qu’il est question, avec ton titre, le fou, les cavaliers...
Je n’ai pas compris la fin. Des références doivent me manquer. Est-ce le fou qui sauve la reine ? Pourquoi n’a-t-elle pas été capturée par les soldats du campement ?

Est', je grignote, je grignote mon retard !

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-10-13 20:48:47 

 Tu portes à gauche?Détails
Tu trouveras quelques explications ICI

Il n'y a pas de réelle différence entre sinistrogyre et lévogyre. Le sens littéral des deux signifie "qui tourne à gauche". Le second relève de la chimie et s'oppose à "dextrogyre", qui qualifie une molécule qui a la propriété de faire dévier le plan de polarisation de la lumière polarisée vers la droite.

Maintenant, si tu veux voir un triskèle sinistrogyre spiralé, tu peux cliquer LA.


A propos... je ne suis pas prêtre non plus.

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-10-14 12:12:54 

 Sûrement pas vu que je suis une fille !Détails
Je connaissais lévogyre par mes études mais sinistrogyre, c'est un nouveau mot pour mon vocabulaire spécial "difficile de recaser ça en soirée".
Je me représentais tout à fait ton triskèle mais je te remercie pour ces explications.
Pas prêtre non plus... Mais qu'il est mystérieux ! Cela met ma curiosité naturelle au supplice ! Surtout que j'aime bien savoir des trucs IRL sur les gens que je "fréquente" online. Mais si je sais quelques petites choses pittoresques sur beaucoup d'entre nous, j'ai le sentiment de ne strictement rien savoir de toi. Serais-tu secret ? Allez un ptit détail trivial, genre que tu fais du macramé ou que tu possèdes un chihuahua !

Est', la curiosité tue le chat.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-10-14 20:36:00 

 Bon allez! Un truc bien trivial...Détails
J'écoute du rock progressif et du metal prog à très haute dose.

Et vice et versa.

M

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-10-15 11:00:36 

 Elémentaire, mon cher WatsonDétails
Ah, merci pour ce détail croustillant !
Et hop, j'en déduis aussitôt et abusivement que tu es quinquagénaire et que tu as les cheveux longs ou au minimum une grosse moustache, ce qui colle d'ailleurs parfaitement avec l'image que je me faisais de toi auparavant, hihi !

Est', curieuse patentée.

PS : à quand une IRL pour faire connaissance en live ?? La dernière était en 2003, ça fait long.

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Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-10-15 21:19:10 

 Canard boiteux...Détails
Tu lis trop la page 7 du canard enchaîné!

M

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