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De : Elemmirë  Ecrire à Elemmirë
Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com
Date : Jeudi 15 mai 2008 à 19:57:44
Version 1:

Dans le contre-jour déjà moite de ce petit matin de décembre, la silhouette masculine, deux jambes sèches plantées dans des chaussures de randonnée poussiéreuses, surmontées d'un volumineux sac à dos, poussa la porte abîmée du petit commerce. Au son de la clochette répondit une voix ronde et tonique dans l'arrière-boutique. Le lourd sac de randonnée cogna lourdement sur le parquet usé, et la patronne apparut derrière le comptoir.
"Bonjour, bienvenue! Instal a ou, mi lé a ou dans un instan!"

L'homme se laissa tomber sur un tabouret, remercia à mi-voix et ses yeux retournèrent se perdre sur le plancher. Il inspira l'air plus frais de la pièce, posa un coude sur le bar et frotta longuement son visage émacié. Il avait trente-sept ans, mais en paraissait dix de plus. Ses cheveux roux étaient en désordre, sa barbe de plusieurs jours, rêche et fournie, mêlait poussière et transpiration, et sous ses yeux pâles, les mêmes que son père, deux poches sombres s'étaient creusées. Les brûlures du soleil tropical accentuaient sa mauvaise mine, et il avait l'air perdu de ceux qui cherchent leur place sans la trouver. Son corps lui faisait mal. Les muscles de ses jambes et de son dos lui rappelaient à chaque geste que cette place n'était pas ici, ni sur l'un des sentiers de l'île, dans aucun champ de canne, au coeur d'aucune des forêts traversées, ni au fond de la rivière des Galets ni au sommet du Maïdo, ni dans la plaine des Cafres, ni sur les bords du volcan. Mais marcher, pour le moment, était ce qu'il avait trouvé de mieux pour se prouver qu'il vivait encore. Il plongea la main dans le fond de sa poche, et effleura la bague. Anna le suivait même ici, et elle le suivrait où qu'il aille.

Après de longues minutes, la gérante s'approcha de Yann tout en relevant ses longs cheveux noirs dans une pince de bois:
"Alors, mi sers à ou un ti kafé?"
Ses "r" arrondis et son sourire immense étaient les marques des gens d'ici. Son regard amusé sur Yann lui signifiait par contre qu'il avait tout, lui, du métropolitain, mal préparé et surpris par l'intensité de l'île.
"Oui, s'il vous plaît.
- Ca même alors, mi rode a ou un ti kafé péi, lé bon pou le moral!"
Elle souriait toujours et le regardait fixement.
"I change de Paris a ter là hein?
- Bretagne. Je suis breton.
- Ouh, la Bretagne! Trop froid pou moin, rit-elle. Tèr là soleil i pouake, ou devrais faire un compte ek li.
- Merci."
Yann avala son café d'une traite. La femme avait une cinquantaine d'années, des formes généreuses et gracieuses, et un visage harmonieux au teint mat. Son sourire disparut enfin et elle le regarda d'un air grave:
"Mi conné pa out histoire, mais un zoli marmaille com ou ki sort son ti ciel gris pou nir pleré dan nout pays trois jou avant Noël... i ressemb pas un boug en vakans."
Yann leva ses yeux rougis sur la tenancière. Il aurait pu répondre que c'était la poussière des chemins, ou juste la fatigue, mais il n'avait plus la force de mentir. Elle marqua un silence, puis ajouta un peu plus bas:
"Si out zamb gagn pi porté tant de pèn, na inpé de place ici...
- Je... Merci pour le café."
Yann se leva, et tout son corps courbaturé le supplia de rester. Mais affronter la bienveillance locale était plus douloureux encore que de reprendre sa marche. Il posa un billet sur le comptoir, rechargea sur son dos son matériel, et replongea dans la chaleur étouffante des Hauts, sans plus entendre la voix de la femme qui le saluait sûrement.

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Version 2:

Dans le contre-jour déjà moite de ce petit matin de décembre, la silhouette masculine, deux jambes sèches plantées dans des chaussures de randonnée poussiéreuses, surmontées d'un volumineux sac à dos, poussa la porte abîmée du petit commerce. Au son de la clochette répondit une voix venant de l'arrière-boutique, une voix de femme grave et chaude, ronde et tonique à la fois. La voix se rapprocha, faisant apparaître sa propriétaire, une femme d'une cinquantaine d'années aux formes généreuses:
"Bonjour, bienvenue! Instal a ou, mi lé a ou dans un instan!"
L'homme se laissa tomber sur un tabouret, son lourd sac de randonnée abandonné sur le parquet usé. Il remercia à mi-voix et son regard retourna sur le plancher. Un plancher ancien mais bien entretenu, gonflé de chaleur et transpirant une douce odeur de cire. Yann inspira l'air plus frais de la pièce, posa un coude sur le bar et frotta longuement son visage émacié. Il avait trente-sept ans, mais en paraissait dix de plus. Ses cheveux roux étaient en désordre, sa barbe de plusieurs jours, rêche et fournie, mêlait poussière et transpiration, et sous ses yeux pâles, les mêmes que son père, deux poches sombres s'étaient creusées. Les brûlures du soleil tropical accentuaient sa mauvaise mine, et il avait l'air perdu de ceux qui cherchent leur place sans la trouver. Il était beau garçon, mais bien plus jeune qu'elle, pensa la femme en le regardant du coin de l'oeil.
Yann soupira. Son corps lui faisait mal. Les muscles de ses jambes et de son dos lui rappelaient à chaque geste que sa place n'était pas ici, ni sur l'un des sentiers de l'île, dans aucun champ de canne, au coeur d'aucune des forêts traversées, ni au fond de la rivière des Galets ni au sommet du Maïdo, ni dans la plaine des Cafres, ni sur les bords du volcan. Mais marcher, pour le moment, était ce qu'il avait trouvé de mieux pour se prouver qu'il vivait encore. Il plongea la main dans le fond de sa poche, et effleura la bague. Anna le suivait même ici, et elle le suivrait où qu'il aille. Il sentit le regard de la gérante se poser sur lui et lâcha la bague précipitamment, comme un enfant pris en faute. Elle releva ses longs cheveux lisses noir de jais dans une pince de bois clair, sans le quitter du regard. Durant un court instant, elle lui rappela sa mère, avec ses rondeurs et cette même impudeur lorsqu'elle s'apprêtait. Mais le ton chaleureux chassa cette pensée:
"Alors, mi sers à ou un ti kafé?"
Ses "r" arrondis et son sourire immense étaient les marques des gens d'ici. Son regard amusé sur lui signifiait à Yann qu'il avait par contre, lui, tout du métropolitain, mal préparé et surpris par l'intensité de l'île. Il se sentit gêné par ce regard attendri posé sur lui, et répondit très vite:
"Oui, s'il vous plaît.
- Ca même alors, mi rode a ou un ti kafé péi, lé bon pou le moral!"
Elle souriait toujours et le regardait fixement.
"I change de Paris a ter là hein?
- Bretagne. Je suis breton.
- Ouh, la Bretagne! Trop froid pou moin, rit-elle. Tèr là soleil i pouake, ou devrais faire un compte ek li.
- Merci."
Yann se sentit intimidé, ce qui le mit plus encore mal à l'aise. Elle avait un visage fier et harmonieux, des sourcils épais et bien dessinés, la peau mate et les lèvres pleines. Une voix sûre, vive mais apaisante, et une grâce naturelle et sereine. Certainement un caractère fort mais un bon coeur, supposa-t-il entre deux pensées lointaines. Il avala son café d'une traite, sûrement le café le plus serré qu'il eut jamais bu, et parcourut des yeux les paysages du cirque de Cilaos qui s'étendaient derrière la fenêtre, moins par désir de contemplation que pour éviter le regard de celle qui, une main sur le comptoir et l'autre sur la hanche, l'observait toujours avec intérêt. Son sourire disparut enfin et elle prononça d'un air grave:
"Mi conné pa out histoire, mais un zoli marmaille com ou ki sort son ti ciel gris pou nir pleré dan nout pays trois jou avant Noël... i ressemb pas un boug en vakans."
Yann sentit sa gorge se serrer et leva ses yeux rougis sur elle. Elle lui fit un sourire triste, à peine visible, très doucement. Ni curiosité ni pitié dans ce sourire-là, juste l'empathie d'une femme qui semblait le comprendre d'instinct, d'expérience aussi peut-être. Deux billes sombres pétillantes sous de longs cils bruns, une tendresse immense pour le monde entier, et probablement aussi, une trop grande solitude.
L'échange silencieux dura de longues secondes. Finalement, c'est elle qui baissa les yeux, et il sembla même à Yann qu'elle rougissait un peu.
"Si out zamb gagn pi porté tant de pèn, na inpé de place ici...
- Je... Merci pour le café.", répondit le vide en lui. Il se leva, alors que tout son corps le suppliait de rester. Mais affronter tant de bienveillance lui semblait plus douloureux encore que de reprendre sa marche. Il posa un billet sur le comptoir, rechargea sur son dos son matériel, et replongea dans la chaleur étouffante des Hauts. Avant que la porte ne se referme derrière lui, il entendit la voix ronde, comme un appel à l'aide, dire encore:
"Mi lé Clotilde..."

Plus tard, peut-être...


Elemm', ki appren koz kréol, ti lamp ti lamp...
Et merci à mon traducteur pro d'avoir corrigé mon créole de débutante!


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 37 : Elemm’ => Commentaire - Estellanara (Mar 5 aou 2008 à 16:14)
3 A une dame créole - Maedhros (Dim 18 mai 2008 à 18:29)
       4 Traduction - Elemmirë (Dim 18 mai 2008 à 23:08)
3 Commentaire Elemmirë, exercice n°37 - Narwa Roquen (Sam 17 mai 2008 à 09:41)


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