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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mardi 29 janvier 2008 à 17:11:07
La Foi


Belle est partie se cacher sous le tracteur, en couinant comme un chiot. Je ressens d’ici la douleur qui brûle son flanc maigre, et qu’elle lèche lentement sans pouvoir la calmer. Le vieux maître la poursuit, le bâton levé. Il a encore trop bu de cette eau rouge qui sent mauvais et qui le met en rage sans raison. Germain a crié « Arrête ! » et il a coupé sa course en se mettant devant lui. Germain est juste. Il ne veut pas qu’on frappe Belle quand elle n’a rien fait, ni elle, ni d’ailleurs aucun de nous. Le vieil homme lève le bras, ses yeux sont rouges de folie. Il ne frappera pas Germain. Je ne veux pas qu’il le frappe. Je sais que d’un seul bond je peux l’atteindre. Pas un grondement ne sortira de ma gueule. Il n’y aura pas d’avertissement. C’est pour tuer que je saute.


Il m’a dit d’attendre là et je l’attends. La tête sur mes pattes, je l’attends. La cabane est silencieuse. Quelques oiseaux pépient au dehors. Un mulot est passé devant moi tout à l’heure, inquiet et hésitant, mais je n’y ai pas touché. Je n’ai pas faim. Il m’a dit qu’il allait revenir, et je le crois.


C’est grâce à Germain si je suis en vie. Belle avait caché sa portée dans la vieille remise, là où personne ne va jamais. Mais le vieux maître nous a trouvés. Il a tiré avec son fusil, et mes deux frères n’ont plus bougé. Alors Germain a couru et il m’a prise dans ses bras.
« Celui-là je le garde, il est à moi. »
Le vieux maître a crié, mais Germain s’est sauvé. Il m’a cachée quelque temps au fond de la grange, et tous les jours il venait me nourrir, me caresser et jouer avec moi. Il m’a appris « assis », « couché », « pas bouger », « viens ». Après, quand il m’a ramenée à la ferme, le vieux n’a rien dit. J’évite de me trouver sur son chemin. Il a le coup de pied facile. Plus d’une fois je l’ai vu frapper Belle juste parce qu’elle était près de lui ; Belle ne dit jamais rien. Elle me regarde de ses grands yeux très doux et elle pense « C’est le maître ». Mais moi chaque fois j’ai l’échine qui se hérisse et je me cache parce que Germain m’a dit « Non. Sage. » le jour où il m’a vue comme ça.


Germain m’a appris à rentrer les moutons du pâturage. Il m’emmène dans le tracteur. Je me couche près de lui et je ne bouge pas. Quand il part en voiture, il me fait monter dans le coffre. C’est petit et noir, mais après on va se promener, il y a beaucoup de gens et même des chiens, et plein d’odeurs nouvelles. J’aime bien. Les autres chiens sont en laisse, parfois ils grognent, quelques uns essaient de m’attaquer. Je sais que je dois rester près de Germain. Ca ne me gênerait pas de me battre, je n’ai pas peur. Je suis sûre que je peux les coucher tous. Mais Germain parle au maître, et les autres s’en vont. Après il me caresse la tête.
« Bon chien, Moune. Très bon chien. »
J’aime quand il dit ça. C’est meilleur que le sucre.
Quand on va se promener, Germain s’assied à une petite table dehors, et je me couche à ses pieds. Germain boit la même chose que le matin, mais là ça sent plus fort, et il me donne un sucre. Ca croque et puis ça fond, c’est bon et ça rend heureux.




Il m’a amené des croquettes et de l’eau. Puis il m’a fait sortir de la cabane et m’a laissée me dégourdir les pattes. Il faut que je l’attende encore. Ca n’a pas d’importance. Je sais qu’il va revenir.



J’ai sauté. Je l’ai renversé sous mon poids, mais ce n’est pas un combat de chiots. Il ne frappera pas Germain. Il ne frappera plus Belle, ni le vieux Tyson qui est toujours à la chaîne. Je n’ai jamais connu ça avant. L’envie de tuer. J’ai tué des mulots quand j’avais faim, mais à la chasse avec Germain, je ramène, je ne touche pas. Le sang des lièvres et des faisans, ça sent bon, mais c’est à Germain. Il me laisse toujours les têtes et les pattes. Il est juste.
Envie de tuer. Le vieux maître n’est pas comme Germain. Il ne parle pas, il hurle. Il ne caresse pas, il frappe. Germain esquive toujours, mais La Mère pleure. Comme Belle. J’ai vu le loup tuer des agneaux. J’ai vu le chat jouer avec des mulots e t les tuer petit à petit. Ce n’est pas la même chose. Il y a quelque chose en lui de plus noir, de plus dangereux que la mort. Il ne chasse pas, il ne joue pas. Il ne ressemble pas à Germain, ni aux autres hommes que je connais. Il y a quelque chose en lui qui ne parle pas. C’est comme la foudre qui tombe. Comme le feu. Ca ne veut rien dire. C’est l’eau rouge, peut-être. Germain en boit aussi, mais ça ne lui fait rien. Il ne sent pas mauvais. Germain boit aussi de l’eau claire. Et il ne crie pas.
C’est le quelque chose que j’ai voulu tuer. Parce que c’est dangereux.
C’était facile. J’ai planté mes crocs dans le cou, le sang a coulé. J’ai déjà chassé seule. Quand la prise est bonne, la proie ne se débat pas.
Germain a crié « Moune ! » , mais je n’avais pas fini. Je ne voulais pas qu’il le frappe. Il a crié encore mais je ne pouvais pas l’écouter. Il a tiré sur mon collier, il m’a poussée, il a essayé de m’ouvrir la gueule. Mais je n’avais pas fini.
Quand le sang s’est arrêté de battre, j’ai lâché. Je me suis assise. Je l’ai regardé. Il était pâle. Il a murmuré « Moune... » dans un soupir. Il a regardé vers la ferme. La Mère devait être encore occupée. Il a dit « Viens. Vite. » Et nous avons couru jusqu’ici.
Je sais qu’il va revenir.



Il veille sur moi, même quand il n’est pas là. De quoi aurais-je peur ? Avec lui je ne manque de rien. Il connaît toujours le bon sentier. Il trouve l’herbe douce pour me reposer, et l’eau paisible pour que je boive. Je peux marcher dans la plus sombre des vallées, je ne crains aucun mal, car il est avec moi. Et j’habiterai avec lui jusqu’à la fin de mes jours... Germain, la force qui me sauve, la main qui me soulève pour échapper à la mort. Ce qu’il dit est ma Loi, et sa Loi est juste. Je sais qu’il va revenir.



Il m’a apporté encore à manger. Il a posé le fusil près de la porte. On va aller chasser, tout à l’heure, j’en suis sûre. Je vais bien m’amuser.
J’ai fini de manger. Il est assis par terre, le dos contre la porte. Je viens poser ma tête sur son genou. Il me caresse. Je ferme les yeux. Je le sens triste, troublé, confus. J’ai toujours su lui rendre le sourire. Je m’assieds, je penche la tête sur le côté. Mais il ne rit pas. Il a les yeux mouillés. Il m’attire vers lui, serre ma tête contre son poitrail, me tient là.
« Oh Moune, Moune, qu’est-ce que tu as fait... »
Il se lève, prend le fusil. Je me lève, je le regarde, je remue la queue. Je le suivrai partout. Personne ne lui fera jamais de mal. Je suis son chien, son bon chien. Ma vie est à lui. Sa main tremble sur le fusil. Il pense des choses que je ne comprends pas, mais je suis en sécurité avec lui, je n’ai pas peur.
Il me regarde longtemps et je le regarde. Je n’ai besoin que de lui.
Puis tout à coup il jette le fusil à terre et s’accroupit pour me serrer dans ses bras. Il est vraiment étrange aujourd’hui. Il s’essuie les yeux.
« D’accord, Moune. On s’en va. »
Je monte dans le coffre de la voiture. Cette fois ça dure longtemps. Mais je suis avec lui.




Narwa Roquen
Narwa Roquen,ouaf ouaf!


  
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Réponses à ce message :
Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2008-01-30 19:30:14 

 Ouf!!!!!!!Détails
Mais c'est que j'y ai cru, qu'il allait la tuer!! Ouhlala faut pas me faire des frayeurs pareilles! Pauvre chienne, pfiouuu, heureusement ça finit bien!!

Sinon, euh, pour les remarques objectives, je repasserai... ^^

Elemm', qui s'en remet doucement

Ce message a été lu 6232 fois
Maedhros  Ecrire à Maedhros

2008-02-01 14:14:03 

 Le beau et la bête.Détails
Un clair obscur dans une campagne bucolique. Un drame se noue lentement, au rythme lent de cette vie rurale, pour retentir comme un coup de tonnerre. Avec des mots de tous les jours, où la technique se fait discrète (mais pourtant bien présente), tu dépeins la puissance du rapport affectif qui lie (qui unit ?) une chienne à son maître. Un lien affectif qui va remettre en question l’ordre des choses et qui les contraindra à fuir.

Sur la forme, la narration fait alterner les scènes dans un ordre non chronologique, mélangeant subtilement les passés plus ou moins proches et le présent. Je ne suis pas familier de la perception qu’ont les animaux du temps mais j’imagine que cela pourrait être ainsi qu’un chien se représente ce concept. Je me demande si ton premier paragraphe, celui qui marque la détermination de Moune, n’aurait pas été mieux placé s’il avait été inséré après celui qui commence par Germain... Peut-être... Du coup, tu aurais décrit une boucle parfaite puisque les deux moments présents auraient encadré les flash-back de la chienne. Mais bon, ce n’est qu’un avis. Tyson, Belle, Germain...ce sont les seuls noms que connaît la chienne, comme pour mieux démarquer son monde. Le reste, les autres, c’est indéfini, bien vu. J’ai trouvé aussi que le récit s’articulait en paragraphes cohérents qui permettent au récit d’avoir une respiration intéressante. Le style est toujours très bon, la narration à la 1ère personne du « chiengulier » sonne très juste, avec une concision qui illustre bien la différence de perception de l’animal. Finalement, je dis que c’est une chienne mais ton récit hésite... au début, je voyais plutôt un chien, dans son comportement, dans sa capacité à se battre... puis les accords têtus m’ont obligé à revoir cette première idée....

Sur le fond, l’histoire est belle et cruelle car domestique. J’imagine très bien que les vrais paysans ont un rapport à l’animal sans doute très différent de celui des citadins qui l’affublent d’un affect redoutable et d’une dose d’anthropomorphisme non négligeable. Il y a dans ce dévouement quasi viscéral de la bête pour son maître, cette foi qui donne le titre au récit, une dimension étrange et inquiétante. En effet, au bout du bout, Germain choisira de s’enfuir... pour ne pas faire face à ses responsabilités. Par deux fois, il aura détourné le fusil. Sa passivité ne souligne-t-elle pas qu’il aurait eu des pulsions de parricide non avouées et que sa chienne aurait été l’instrument de sa vengeance, une arme par destination? Il lui faudrait consulter un bon psychanalyste non ?

En définitive, un vrai récit qui s’inscrit dans une veine tragique, au sens grec du terme : le destin et la fatalité. A titre perso, j’aurais flingué miséricordieusement la bête... je ne vois pas bien l’issue de leur cavale! Mais bon, je ne suis pas très représentatif !

M

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Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2008-02-01 17:00:02 

 DébutDétails
J'ai commencé par l'action ( interrompue pour ménager le suspense), parce que le chien est dans l'action. Après, quand il est obligé de ne rien faire, il rêvasse, les souvenirs affleurent... et il faut bien que le lecteur comprenne...
Il y a peut-être effectivement un certain désir parricide. Il y a aussi une certaine simplicité ( ce n'est pas péjoratif) - la vie, la mort, c'est comme ça.
Je ne sais pas si Germain fuit ses responsabilités. Moi je dirais qu'il les assume. Un être vivant le regarde, qui donnerait sa vie pour lui, qui dans sa logique animale lui a sauvé la vie, et qui ne bougera pas s'il tire. Il y a une force terrible dans le regard de cette chienne... Je ne sais pas ce que j'aurais fait à sa place. Je sais que Germain ne pouvait pas faire autrement.
Merci en tout cas pour tes commentaires attentionnés!
Narwa Roquen,qui aime les choses simples

Ce message a été lu 6014 fois
shaana  Ecrire à shaana

2008-02-05 13:55:30 

 C'est beau ...Détails
Qu'ajouter de plus! Je viens de le lire et ouf! il ne l'a pas tuer.
Shaana ... toute émue

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z653z  Ecrire à z653z

2008-02-11 16:12:14 

 responsabilitésDétails
En ne tuant pas la chienne, je pense qu'il assume (il en est responsable) le fait d'aimer un animal qui a tué un homme. Personnellement, j'aurais tué la chienne car elle aurait pu tuer quelqu'un de proche pour me "protéger"...

a+ :)

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Clémence  Ecrire à Clémence

2008-02-12 11:50:45 

 :)Détails
J'ai beaucoup aimé, vraiment. :) Je pense que oui, il assume ses responsabilités. et le fait qu'il s'agisse, comme tu le dis, d'un sujet qui traite de ces choses si simples, le rend d'autant plus touchant !

*clémence, qui s'embrouille, mais espère qu'on la comprenne ! *

Ce message a été lu 6379 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-02-20 14:17:28 

 AmoralitéDétails
Mon prof de philosophie me taxait d'amoralité car je lui soutenais que la vie des autres animaux a la même valeur que la notre. Et qu'ayant à choisir entre la vie de mon chat et celle d'un parfait inconnu humain, je prendrais probablement mon chat. Mais enfin, qui sommes-nous pour nous arroger ainsi le droit de vie et de mort, une supériorité aussi arbitraire, artificielle !? En quoi valons-nous mieux que les chimpanzés, phoques, iguanes marins... ? Je pense que c'est un peu de ça qu'il est question ici.
Le désir parricide serait bien naturel ici. Le père est un ivrogne violent, qui tabasse et tue à tour de bras. Il faut bien l'empêcher de nuire. Si la chienne n'avait pas bondi, qu'est-ce qui dit que le père n'aurait pas fini par tuer un humain ? La mère à coups de tisonnier ? Qui sait ?
De plus, ce n'est pas de tuer le chien qui fera revenir le père. L'acte de la chienne est certes discutable mais son intention était pure. Bon, OK, l'enfer en est pavé de bonnes intentions...
Je ne pense pas non plus que Germian fuie ses responsabilités. Le chien est effectivement un prolongement de lui-même. Et étant donné les circonstances, il ne peut pas dire que le chien aie totalement mal agi. Aussi, il assume et s'en va. Il fera sa vie ailleurs, avec peut-être un cauchemar de plus mais avec une amie à ses côtés.
Ce texte fait réfléchir en tous cas !
Certes, il doit en voir des choses, Germain, dans le regard de sa chienne. Cela dit, il a du voir des choses terribles dans celui de sa mère. Dilemme.
Tu as opté pour le happy end et j'avoue ne pas en être fâchée. Mais le récit se serait tenu aussi avec l'autre option, la chienne mourante jetant à son maitre un dernier regard d'adoration.

Est', amorale et fière de l'être.

Ce message a été lu 6263 fois
Estellanara  Ecrire à Estellanara

2008-02-20 14:21:10 

 Exercice 30 : Narwa => CommentaireDétails
« cette eau rouge qui sent mauvais » bien vu. L’adoration du chien pour son maître est parfaitement décrite. Tu te mets parfaitement dans la peau de ton personnage. Tout sonne vrai, particulièrement « J’aime quand il dit ça. C’est meilleur que le sucre.». Le flash back avec le gamin qui recueille le chien est bien amené.
« Je peux marcher dans la plus sombre des vallées, je ne crains aucun mal, car il est avec moi. » : joli !! Tu paraphrases habilement le psaume :

Sur des près d'herbe fraîche,
Il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles
Et me fait revivre ;
...
Si je traverse les ravins de la mort,
Je ne crains aucun mal,
Car tu es avec moi...

et cela fait passer un message clair : le maître est Dieu pour son chien. Superbe idée.
« la main qui me soulève pour échapper à la mort » : j’aurais écrit la main qui me soulève pour me sauver de la mort, sans quoi il me semble que la phrase n’est pas correcte.
« Ma vie est à lui. » : aussi intenable soit-il, je pense que tu aurais pu faire durer le suspens.
Joli titre qui colle parfaitement à l’histoire. C’est bien de foi qu’il s’agit. Quoique choisisse le maître à la fin, je pense que le chien l’aurait accepté aveuglément car il est persuadé que c’est pour son bien.
C’est vraiment une belle histoire et très émouvante ! Pour un peu, ça me ferait aimer les chiens, tiens !

Est', en pleine lecture.

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