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 WA - Participation exercice n°23 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Mercredi 10 octobre 2007 à 22:43:15
Allez, une petite histoire de miroir...

___________

Elle est là. Ce n’est plus un rêve ou un fantasme. Elle est là, juste devant moi. Il faut que je respire lentement. Elle ne peut plus aller bien loin à présent. Mon coeur bat la chamade. Respire lentement. Tu ne veux pas qu’elle voit ton trouble, triple idiot ? Il ne faut surtout pas qu’elle se rende compte de mon trouble. Calme-toi. Elle est à moi, soumise à ma volonté. Elle me jette de rapides regards, obliques et inquiets, comme un petit animal affolé. Une petite souris dans son piège à accoudoir. Elle est à ma merci. J’ai tout mon temps. Prends ton temps...

Dieu qu’elle est belle. Et son parfum. Il est précieux. Divin. Dior, Chanel ? Non, Lancôme. C’est ça, Lancôme. Magie Noire. Cassis, rose et jasmin, les notes essentielles de la femme éternelle. Et puis, en arrière-plan, encens et ambre. De loin, le plus féminin des parfums. Reste calme, reste calme. Elle me fixe toujours de son regard liquide, bleu intense. Elle essaie de dissimuler sa peur. Mais elle a beau faire, je peux la sentir qui ajoute une touche d’émotion supplémentaire au parfum sophistiqué.

Du coin de l’oeil, je remarque l’infime crispation de ses lèvres délicatement ourlées. Une infime crispation. Qu’il serait bon de poser mes lèvres à cet endroit. Juste un chaste baiser pour la rassurer, pour lui dire qu’elle n’aura pas mal. Je ne lui ferai jamais mal, pourvu qu’elle reste là.

Cela fait des semaines que je la croise le matin. Elle dévale l’escalier d’un pas léger, laissant dans son sillage ce parfum entêtant. Elle a emménagé en septembre dernier. Elle est étudiante aux Beaux-Arts, pas très loin. Elle porte quelques fois en bandoulière, un grand carton à dessin. Un jour, il s’est ouvert intempestivement et plusieurs feuilles se sont étalées à mes pieds, alors que je m’apprêtais à regagner ma tanière. Des dessins au fusain, des dessins d’objets très contemporains. Elle doit étudier les arts plastiques. Je crois qu’elle a un vrai talent. J’ai failli le lui dire mais les mots se sont étranglés dans ma gorge. Comme à chaque fois. J’ai dû rougir et passer pour un bourgeois indifférent. Je n’ai même pas su l’aider à ranger ses feuilles. Elle s’est mise à rire. Elle riait, elle riait et son rire m’a poursuivi pendant que je grimpais quatre à quatre le grand escalier de l’immeuble, mes pas amortis par l’épaisse moquette rouge. J’ai failli bousculer la concierge qui époussetait les chromes de la rampe. J’ai refermé brutalement la porte palière et j’ai appuyé mon dos tout contre. A travers l’épaisseur du bois, j’entendais encore son rire, un rire espiègle de jeune femme. J’ai bien pensé qu’elle se moquait de moi, de mon inaptitude à aller à sa rencontre. Elle m’a percé à jour et mis une étiquette dans mon dos. J’en suis certain parce que je suis tombé amoureux d’elle. Forcément cet amour était inaccessible, impossible, illusoire. Comme toutes les autres avant elle.

Je suis timide maladif. J’ai beau me raisonner, je perds mes moyens devant les femmes. Les jolies femmes. Non, il faut que je sois honnête. Devant les femmes, les jolies et les autres. Depuis l’adolescence. Au lycée, quand mes copains débutaient plus ou moins maladroitement leurs premiers émois amoureux, je restais coincé dans mes rêves romantiques. Je faisais donc tapisserie tandis que le tourne-disque déversait les longs accords du mellotron des Moody Blues Ce que j’ai pu détester les nuits en satin blanc! Mes draps étaient aussi en satin blanc mais je m’y réveillais tout seul le matin. Je me souviens des paroles.


Nights in white satin,
Never reaching the end,
Letters Ive written,
Never meaning to send.



Le temps a passé. Je suis devenu quelqu’un de respectable, dans la vie et dans la société. Une bonne situation, un bon quartier, un bel appartement, des amis dans les meilleurs milieux, bref que me manque-t-il ? Trois fois rien. Quelqu’un à aimer. Une femme à chérir. Une femme qui m’aime. J’en ai croisées, sur les bancs de la fac, sur les pistes de danse disco, dans les soirées branchées ou bourgeoises. Mais je n’ai jamais réussi à faire le premier pas. Finalement, j’ai toujours payé et j’en ai toujours pour mon argent. Avec ces professionnelles, aucune gêne, aucune timidité. Mais elles ne sont que des fantômes sexuels qui passent dans ma nuit et au réveil, pfuitt, elles ne sont jamais là. Cela ne me suffit pas. Il y a un manque dans ma vie.

Et puis un matin, comme je descendais pour aller vérifier ma boîte aux lettres, elle était là, avec sa grande valise et son air perdu. Elle arrivait visiblement de sa province. Elle avait cette contenance qui n’appartient qu’aux provinciaux, cette façon d’être qui disparaît au fur et à mesure qu’ils acquièrent le rythme trépidant de la capitale. Elle m’a souri gentiment pendant que mon coeur s’arrêtait de battre et qu’une chaleur incontrôlable s’emparait de moi. J’ai souri bêtement et j’ai tourné les talons pour remonter chez moi. Elle m’a suivi, traînant sa grande valise sans rien dire. Quand je suis arrivé sur mon palier, elle a continué. Elle avait loué une chambre de service sous les toits, au septième étage. Je me suis mille fois maudit de ne pas lui avoir proposé de l’aider.

Depuis, je n’ai jamais eu le courage de l’accoster. Je la croise et on se salue d’un petit signe de la tête. Elle accroche ses yeux dans mes yeux, posant une question muette, toujours la même. Comment lui répondre? Comment lui avouer que c’est un supplice que de soutenir plus d’une seconde son regard? Mes plus belles déclarations sont gravées au fond de ma mémoire. Mais dès que j’essaie de les prononcer, elles se transforment en hittite guttural de la période obscure. Elle se moquerait. Elles se moquent toujours.

Beauty Id always missed
With these eyes before,
Just what the truth is
I cant say anymore.


Et aujourd’hui, le miracle a eu lieu. Elle est là. Je me tiens derrière elle, contemplant sa nuque où un sage col Claudine met en valeur sa courbe délicate sous un chignon parfait de cheveux blonds. Ses petites oreilles sont adorables. Deux rubis s’y balancent discrets et en même temps très érotiques. Elle est à moi. Je ne lui ferai pas mal. Je ne lui ferai jamais mal. J’adore mes instruments, ils sont si coupants et si brillants, parfaitement alignés sur la blancheur de la serviette. Quand je m’approcherai d’elle, je le ferai lentement, tenant haut le petit instrument qui accrochera le reflet de la lampe. En tournant le miroir, je plongerai mes yeux dans les siens pour lire son appel à l’aide, sa détresse muette et courageuse. Je lui sourirai à mon tour, gentiment, derrière mon masque, l’encourageant tendrement. Elle sera toute à moi. Elle ne bougera pas. Elle ne pourra pas bouger. Et je l’aimerai encore plus.

Demain, il faudra que je mette un cierge pour Sainte Appoline.

M


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 23 : Maedhros => Commentaire - Estellanara (Mer 23 jan 2008 à 12:29)
3 Sainte Appoline/Apolline - z653z (Mar 23 oct 2007 à 16:51)
       4 Un coup 2P dans l'eau? - Maedhros (Mar 23 oct 2007 à 20:15)
              5 Voragine dixit... - Maedhros (Mar 23 oct 2007 à 21:10)
                   6 c'est... - Clémence (Mer 24 oct 2007 à 17:24)
3 Commentaire Maedhros, exercice n°23 - Narwa Roquen (Ven 12 oct 2007 à 16:09)
       4 Correction... - Maedhros (Ven 12 oct 2007 à 20:03)
              5 Peut-être... - Narwa Roquen (Mar 16 oct 2007 à 18:33)
                   6 0, 1 et 0,5 - Maedhros (Mar 16 oct 2007 à 21:55)
                       7 Ah ah ah... - Narwa Roquen (Mer 17 oct 2007 à 18:27)
                          8 ?? - Elemmirë (Mer 17 oct 2007 à 22:19)
                             9 les bons comptes... - Maedhros (Jeu 18 oct 2007 à 20:13)


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