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De : Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen
Date : Mercredi 30 mai 2007 à 17:44:29
ADELIN BAT LA CAMPAGNE



« Où allons-nous ? » demanda la Renaude dans un grand bâillement, quand Adelin lui passa le licou, au point du jour.
« Chercher d’autres pâturages, ma belle. »
Ce n’était pas tout à fait la vérité, mais il ne se sentait pas de lui faire de la peine, même si tôt ou tard... Il y avait eu la mort de ses parents, l’année d’avant, à quelques mois d’écart, puis le gel, la grêle, la sécheresse... Les récoltes étaient gâchées, les pâturages brûlés, les greniers vides. Il ne lui restait plus que la Renaude, et il n’avait plus de quoi la nourrir. Autant valait la vendre et partir s’employer quelque part. Il revoyait son père sur son lit de mort.
« Et surtout, tu ne vendras pas la Renaude. »
Il avait acquiescé, mais c’était avant, cela semblait naturel. Les temps avaient changé. Au moment de partir, il fouilla ses poches : quelques piécettes de cuivre, une boîte d’allumettes, un bout de ficelle, son couteau, un quignon de pain. Il partit sans se retourner, la peine lui trouait le coeur.
La Renaude broutillait à ses côtés sur le bord du chemin, tout en marchant.
« A la Saint Monnaital, toute foire est un régal » ; il se répétait que c’était le bon jour, et qu’à Rigodon il en tirerait de quoi subsister quelques semaines. Il marchait depuis une heure sous le soleil de juin, évitant de regarder tout ces blés presque mûrs – les récoltes des autres. Déjà certains avaient moissonné l’orge, et il laissa la Renaude glaner des épis au passage. Sur le bord de la route, juste avant le croisement pour Rigodon, une vieille femme en haillons lui tendit une sébile.
« La charité, jeune homme ! Aie pitié d’une pauvresse...
- Hélas ! Je n’ai que quelques pièces de cuivre, je te les donne volontiers, mais il n’y a pas de quoi faire bombance ! Par contre, si tu as un gobelet, je peux te donner du lait de ma vache. »
La femme dégusta le lait comme un élixir précieux, puis, comme il allait repartir, elle lui murmura, de sa petite voix cassée :
« Tu es un noble coeur. J’étais autrefois une fée puissante, la fée Alloque, et j’ai permis à plus d’un malheureux de trouver sa pitance. Mais avec l’âge je me suis affaiblie, et je n’ai plus grand chose à te donner, sauf un conseil : prends à gauche, au carrefour.
- Mais la foire de...
- Prends à gauche, te dis-je, et cette journée sera inoubliable... »

« Quand c’est-y qu’on rentre ? », demanda la Renaude un peu plus tard. « Je commence à avoir mal aux pattes !
- On peut s’arrêter un peu, si tu veux. Le temps est beau, on n’est pas obligé de rentrer ce soir.
- Un voyage ! Tu es sûr que c’est bon pour une vache ? Eh ! Tu te souviens de ce que t’a dit ton père, hein ? « Tu ne vendras pas la Renaude ». Tu t’en souviens ?
- Je m’en souviens... »
Le trottinement d’un âne interrompit la conversation. Lourdement chargé de deux gros sacs, il avançait péniblement sous les coups de badine d’un Nain maigrelet au regard courroucé. Tout à coup l’âne fit un faux pas, et les deux sacs, sans doute mal fixés, glissèrent au sol, laissant échapper une partie de leur contenu : des pépites d’or ! Le Nain insulta l’âne et lui colla un coup de badine supplémentaire, puis il se précipita pour ramasser sa fortune éparpillée. Adelin s’approcha pour l’aider.
« Qu’est-ce que tu veux, vagabond ? Cet or est à moi !
- Je voulais juste... Je n’ai pas de mauvaises intentions...
- Humpf... Avec les jeunes, on ne sait jamais... Tous des vauriens... Qu’est-ce que tu fais avec ta vache ? Tu veux la vendre ?
- Je cherche du travail.
- Humf...Du travail... C’est possible... Tout est possible... Tu m’as l’air honnête. Je peux t’embaucher. Tu ne travailleras que 18 heures par jour à la mine, tu auras un jour de vacances tous les deux ans, et je te laisserai 0,01% des bénéfices... Tu comprends, c’est à cause des charges... Si tu travailles bien, dans 117 ans tu seras presque riche ! »
Adelin éclata de rire.
« Viens, la fille, on repart. Merci, monsieur le Nain, mais je vais chercher autre chose. Ma vie vaut plus que votre profit. »
C’est à ce moment-là que l’âne, ayant finalement réalisé que le Nain ne tenait plus la longe, prit la poudre d’escampette à travers champs.
Le Nain hésita entre l’or et l’âne, l’âne pour porter l’or, mais s’il revenait avec l’âne et qu’il ne trouve plus son or...
Adelin repartit, et en regardant par dessus son épaule, il voyait toujours le Nain hésiter au même endroit. Ce Nain ne lui était pas du tout sympathique, mais il se dit que s’il lui ramenait la bête, il gagnerait peut-être une pépite d’or... Cela méritait d’être tenté. Laissant la Renaude sur la route, il se mit à courir et il eut tôt fait de retrouver l’animal qui s’était arrêté dès qu’il avait été hors de vue.
« Allons, bonhomme, ton maître t’attend !
- Oh non, par pitié ! Tu m’as l’air d’un brave garçon... Ce Nain est une brute, qui me donne plus de coups que de fourrage, malgré tout son or. Laisse-moi ma liberté, je t’en supplie ! »
Adelin avait bon coeur. Et l’âne avait de grands yeux tristes... Et le Nain était bien capable de ne lui donner aucune récompense...
« D’accord. Mais que feras-tu quand viendra l’hiver, sans rien à manger et sans abri ?
- Je ne sais pas. Si tu n’es pas trop dur avec moi, je veux bien porter tes fardeaux. »
Adelin sourit.
« Pour l’instant, je n’ai vraiment rien à te faire porter... Mais tu peux toujours venir avec moi, peut-être qu’en chemin nous te trouverons un nouveau maître. »
Et ils rejoignirent la Renaude, sans un regard en arrière vers le Nain qui hésitait toujours.


Un peu plus loin ils longèrent un petit lac, où ils se désaltérèrent. La Renaude y trempa ses sabots avec une joie évidente, et Adelin se baigna. Sur le lac, une mère cane menait ses quatre canetons et leur faisait répéter la leçon du jour :
« Nagitude et plongitude sont les deux aptitudes du canard. Nagitude et plongitude... »
« Maman, j’ai faim ! », implora le petit dernier, qui se faisait distancer par les autres.
« Tais-toi et nage. Nagitude et plongitude...
- Mais j’ai faim, maman ! »
La cane s’arrêta, attendant son caneton.
« Courage, mon petit. Je vais aller chercher des vers, mais tu vois bien qu’il y a des étrangers, je ne peux pas vous laisser sans protection.
- N’ayez crainte, madame la cane », lui cria Adelin. « Je suis juste venu me rafraîchir et faire boire ma vache et mon âne. Tenez, il me reste un quignon de pain... »
Et d’un tir précis, il le lança juste devant elle. Elle le saisit dans son bec, et un à un, les canetons vinrent le picorer avec des gloussements joyeux.
« Sois remercié, étranger. Regarde dans le trou entre les racines de ce grand chêne. Il y a là un objet humain que j’ai trouvé l’autre jour. Puisse-t-il t’être utile ! Et vous autres, maintenant, au nid ! C’est l’heure de la sieste ! »
Adelin découvrit, à l’endroit indiqué, une petite boîte métallique contenant un dé à coudre et des aiguilles. Il la fourra dans sa poche, en attendant d’en avoir l’usage.
C’est alors qu’il aperçut un chat à l’affût sur un tronc d’arbre mort qui s’avançait à moitié dans le lac. A l’autre bout, tremblant de la queue à la moustache, un lapin de garenne regardait l’eau avec méfiance. Le chat bondit, enfonça ses crocs dans la fourrure douce, mais, déséquilibré, il glissa dans l’eau sans lâcher sa proie. Ne le voyant pas réapparaître, Adelin plongea et ramena les deux. Le lapin était mort, mais le chat, toussant et hoquetant, s’ébroua vigoureusement.
« Atchoum ! Par mes moustaches, je vais m’enrhumer, c’est sûr !
- Attends, je vais faire du feu. Le vent s’est levé, et le ciel se couvre. Nous allons nous sécher... avant qu’il pleuve ! »
Le chat ronronnait près du feu, mais gardait une patte posée sur le lapin. Adelin se hasarda.
« Je pourrais dépouiller ce lapin avec mon couteau et le faire cuire, si tu veux bien partager...
- C’est ma chasse ! Chasse, pêche, c’est ma nature et ma tradition de Chat !
- Mais je t’ai sauvé la vie.
- Et alors ?
- Et alors quand j’ai faim je deviens désagréable, et je pourrais bien te remettre à l’eau...
- Hum... Mais ne fais pas cuire les abats, je les préfère crus. »
Tandis qu’ils se restauraient paisiblement comme les plus vieux amis du monde, une furie en robe verte se précipita sur eux.
« Qui a allumé ce feu ?
- C’est moi. J’avais des all...
- Eteignez-moi ça tout de suite ! La combustion du bois produit des déchets toxiques qui empoisonnent l’at... at... atchoum ! Et la destruction de la forêt serait le prélude à une ère désast... at... atchoum !
- Bon, venez vous réchauffer vous aussi, nous en reparlerons plus tard. Un morceau de râble ? »
La bouche pleine, elle se présenta.
« Che chuis la Fée Verte, scrontch, et che te remercie, miam, de ton hospitalité. Passe-moi donc ce petit bout, là, bien grillé... Mais sache que la combustion du bois...
- Je ne suis pas un incendiaire, Madame la Fée. Juste un vagabond sans travail qu’un chat généreux a invité à déjeuner. »
Le chat, très fier, se rengorgea.
« Alors si tu me promets de respecter les forêts, je vais te faire un don. Voyons... Que dirais-tu de pouvoir parler avec les arbres ? Non ? Ou de pouvoir faire pousser des artichauts où tu veux ? C’est excellent, les artichauts... Non, non, je sais. Par trois fois, tu pourras éteindre un feu d’un simple claquement de doigts. Très très bien ! Je suis géniale ! Ne me remercie pas, tu m’es très sympathique. Mais il faut que je me sauve, je suis déjà en retard... »
Au moment de repartir, Adelin essaya le don sans y croire. Et à sa grande surprise, le feu s’éteignit d’un seul coup. Mais alors qu’il rappelait l’âne et la Renaude, un cavalier arriva au grand galop. Il n’était guère plus reluisant que son cheval, qui devait manger plus de poussière que d’orge. C’était un vieil homme, portant un bandeau sur son oeil gauche, et avec une épée à la main.
« Halte-là, voyageur, la bourse ou la vie ! »
Adelin lui adressa un franc sourire.
« Désolé, mais je suis sûrement plus pauvre que toi, et de ce lapin partagé avec le chat, il ne reste que des os !
- Ce n’est pas mon jour de chance, aujourd’hui », déclara le voleur en sautant à terre. « Je vais quand même faire boire mon cheval... Ah, les temps sont durs... Les riches se protègent, et les pauvres sont de plus en plus pauvres... Je crois que je vais changer de vie. Je vais me faire pirate, et je vendrai des esclaves, c’est sûrement plus lucratif. Veux-tu venir avec moi ? Justement j’ai besoin d’un associé, jeune et vaillant...
- Non, merci, je n’ai pas envie de finir au bout d’une corde ! Je préfère rester honnête. »
Le futur pirate s’esclaffa bruyamment.
« Ah ah ah ! De toute ma vie, mon jeune ami, je n’ai jamais vu un homme honnête s’enrichir ! Vole, pille, tue, fais travailler les autres, trahis tes amis et ne tiens jamais tes promesses, là tu auras une chance... Damnation ! Cette rêne est prête à casser ! Il faudrait la réparer...
- Tiens, j’ai un bout de ficelle.
- Que le Dieu des Voleurs te protège ! Tu me sauves la vie ! »
Il effectua une réparation provisoire mais solide, et avant de se remettre en selle, fouilla dans ses sacoches. Il tendit à Adelin un petit sac en toile sur lequel était écrit ce mot bizarre : « cacao ».
« J’ai... hum... gagné ça à un marin qui revenait des Iles. C’est une poudre un peu amère, mais il paraît qu’en y mettant du sucre c’est très bon. Dans les villes, les riches en font des boissons, des gâteaux, des friandises... Enfin, sur la route, c’est pas commode... »
Adelin le regarda s’éloigner et goûta la poudre sombre. C’était amer, mais parfumé. Dommage que ça ne rentre pas dans sa poche... Il se résigna à le porter sous le bras et se remit en marche.


Un peu plus loin, assise devant sa chaumière au bord de la route, une vieille femme aux cheveux courts et habits simples, son ouvrage sur les genoux, se désespérait.
« J’ai cassé ma dernière aiguille ! Comment vais-je pouvoir finir cette jupe pour demain ? Le colporteur ne passera que la semaine prochaine, et le prochain village est tellement loin pour mes vieilles jambes ! Toi aussi, jeune homme, tu es un pauvre travailleur, cela se voit à ta mine ! Un jour les travailleuses et les travailleurs s’uniront, et les riches n’auront plus le pouvoir. Tu es d’accord, n’est-ce pas ?
- Je... Je n’ai pas encore bien réfléchi à tout ça... Mais si vous avez besoin d’aiguilles... »
Il sortit de sa poche la petite boîte que lui avait donné la cane.
« C’est merveilleux ! Je te l’avais dit, les travailleurs unis seront les plus forts !Tiens, pour te remercier, je t’offre ce foulard que j’ai cousu de mes mains. »
Adelin se confondit en remerciements, tout en pensant que cette couleur rouge vif était un peu voyante ; mais, en garçon bien élevé, il le plia soigneusement avant de le mettre dans sa poche .
Or voilà que, quelques minutes plus tard, il croisa sur la même route un paysan moustachu, plus tout jeune, qui peinait sous le soleil en portant deux sacs de grain sur ses épaules. Il s’arrêta à sa hauteur pour souffler un peu. La Renaude avait fait un petit détour par le pré d’à côté, où l’herbe était plus verte que sur le bord de la route, et l’âne, méfiant, s’était caché derrière elle comme un petit veau de l’année.
« Eh bien ! Le soleil tape ! Ou vas-tu ainsi, mon gars ?
- A Profiteroles...
- Malheureux ! N’y va pas ! Moi-même, j’ai fait demi-tour avant d’arriver, et j’ai dû acheter ce maïs à un collègue qui en a profité pour... Mais non ! Tu ne sais pas ? Ils ont un monstre, là-bas, qui les terrorise, un énorme monstre qui crache des flammes... »
Cela fit sourire Adelin, qui se disait qu’il lui restait deux fois de quoi éteindre un feu, et que peut-être cette fois sa fortune était faite. La Renaude, plus inquiète, s’approcha.
« Je serais ravie de faire demi tour... »
« C’est ta vache ? » demanda l’homme. « Tu me la vendrais ? Elle est un peu maigrichonne, mais une fois nourrie de mon mélange spécial de betterave et de tourteau, elle sera magnifique. »
La vache se campa sur ses quatre sabots et devança toute réponse d’Adelin.
« Je ne suis pas à vendre ! Et d’abord je déteste la betterave ! Et je ne suis pas maigre ! Et... Mais dis quelque chose, Adelin !
- C’est à dire que...
- Hypocrite ! Traître ! Sans coeur ! C’était donc ça, ton voyage ? Et ton père ? qu’est-ce qu’il a dit, ton père ?
- Je sais bien, mais... »
La vache frappa le sol du pied en crachant toute sa colère par ses naseaux dilatés.
« Et tu ne me vendras pas, na ! »
Les cornes basses, elle s’apprêtait à charger. Adelin soupira.
«Ca va, ça va, ne te fâche pas... Désolé, monsieur...
- Tant pis ! Il ne me reste qu’à reprendre mon fardeau... Vous comprenez, mon ânesse va bientôt mettre bas, alors je suis allé lui chercher un peu de maïs... Je ne peux pas la charger dans son état... »
Pointant son nez de derrière un arbre, l’âne intervint.
« Vous avez une ânesse ? Vous n’auriez pas la place pour un âne de plus ? Je suis très gentil... »
A la question muette de l’homme, Adelin répondit :
« Il m’accompagne, mais il n’est à personne.
- Quelle aubaine ! Et tu porterais mes sacs, petit ?
- Pfui ! Si un humain peut le faire, ce sera une paille pour moi ! Mais... il y a du son, chez vous ?
- De grandes prairies, du son... et je te ferai goûter le maïs, mais juste goûter, ça te rendrait malade...
- Tope-là, je suis votre âne ! »
Le paysan installa les sacs sur le dos du baudet ravi.
« Tu aurais pu me le faire payer, tu es vraiment bien honnête. Je te vois tout embarrassé, avec ton sac. Tiens, ma besace est vide, prends-là, ça te sera plus facile. Mais tu es sûr de vouloir aller à Profiteroles ?
- Qui ne tente rien...
- Alors tous mes voeux t’accompagnent ! »
Et ils se séparèrent.


La Renaude traînait ostensiblement les sabots, et maugréait tant et plus.
« Il est fou ! Qu’est-ce qu’il va faire devant un monstre, ce freluquet ? Je n’ai pas envie de finir en grillade, moi ! Il est fou... Qu’est-ce qu’il va... »
Or voilà que sur le chemin il croisèrent une femme qui entretenait sa clôture en fil barbelé, coupant les broussailles à la faucille, et refixant au marteau les fils sur les piquets. A tout hasard, Adelin demanda :
« Vous n’auriez pas du travail pour moi ? »
La femme, entre deux âges, la tête couverte d’un fichu rouge, le foudroya du regard.
« Jamais ! Jamais je ne me permettrais d’exploiter un être humain ! Camarade, garde ta liberté pour la lutte finale, les patrons sont tous des exploiteurs dont ta sueur engraisse les bénéfices, et aliénant ta volonté pour un morceau de pain, ils te rendront esclave de leur abominable avidité ! La terre doit revenir au peuple, et si je t’employais, je serais parjure vis à vis du peuple dont je fais partie, car la lutte des classes ne supporte aucune compromission ni aucun privi...
- Merci bien, madame, c’était juste une question...
- Meueueueuh ! », les interrompit la Renaude en levant le nez.
Une odeur de fumée commençait à se faire sentir. La paysanne sauta sur ses pieds.
« C’est ma grange qui brûle ! »
Elle se précipita vers la ferme, Adelin, qui avait sauté la clôture, courant sur ses talons. La Renaude se dit qu’elle était aussi bien là pour brouter en paix.
La grange était en feu, et déjà les flammes léchaient l’habitation. Quatre enfants hurlaient « maman, au secours, maman... » Adelin n’hésita pas une seconde. Il claqua des doigts. Aussitôt le feu s’éteignit. La femme s’arrêta, sidérée, recula d’un pas, se tourna vers Adelin...
« J’ai rencontré une fée, ce matin, qui m’a donné ce pouvoir pour trois fois. Je suis content d’avoir pu vous rendre service !
- Et moi donc ! Viens-t-en, mon gars, on va se boire une limonade, toute cette fumée me pique la gorge ! »
Elle sortit de sa cave une limonade bien fraîche, à laquelle elle ajouta pour sa part une bonne rasade d’eau de vie, et mit sur la table du pain et du pâté qui ravirent le jeune homme. Puis l’aîné des enfants sortit une guitare, et les trois autres se mirent à danser en poussant des cris bizarres : « Olé ! Olé ! »
« C’est une danse de chez moi », expliqua Carmen. « Viens, je vais te montrer. Tu frappes dans tes mains en tapant du pied, tu cambres, le regard fier, tu pivotes... et olé ! Ensuite un et deux de côté, un et deux et trois... Ah que tu es raide... danse ! »
Au bout d’une heure, Adelin avait mal aux pieds, et le dos en marmelade. Aussi préféra-t-il prendre congé, malgré l’invitation de Carmen à passer la nuit chez elle.

L’après-midi s’étirait lentement et les ombres commençaient à s’allonger quand il aperçut le clocher de Profiteroles. Les champs alentour avaient été saccagés, brûlés et piétinés furieusement par des sabots rageurs. Adelin frémit. Il y avait bien un monstre ! Il avança sur la route déserte, et s’arrêta sur le petit pont qui franchissait la rivière, dans une boucle de laquelle le village était blotti. Dans une prairie calcinée, il vit un groupe d’hommes au visage triste, entourant une jeune fille vêtue de blanc qui marchait d’un pas décidé.
« Eh bien, Férox », cria-t-elle, « montre-toi ! Tu as juré de laisser le village en paix si une jeune fille pure t’était livrée. Je suis là. Vas-tu tenir ta promesse ? »
Alors, dans un galop lourd qui fit trembler la terre, sortit du petit bois le plus gros taureau qu’Adelin ait jamais vu. Sous sa robe noire luisante roulaient des muscles ronds comme des pelotes ; de ses naseaux dilatés flammes et fumées jaillissaient en salves furieuses. Il s’arrêta, gratta le sol, lança un beuglement de victoire.
« Attends-moi là », chuchota Adelin à la Renaude.
« Eh, le veau ! Viens donc voir par ici ! »
Le taureau dressa l’oreille, et voyant Adelin qui se dirigeait vers lui avec un grand sourire moqueur, le chargea aussitôt, toutes flammes dehors. Le jeune homme le laissa s’approcher, puis quand il ne fut plus qu’à quelques mètres, il claqua des doigts. Le feu s’éteignit. Le taureau, surpris, s’arrêta, souffla aussi fort qu’il put, mais sans succès. Alors, dans un hurlement de rage, il bondit, cornes en avant, pour empaler cet avorton insolent qui l’avait ridiculisé.
Ce n’était pas du tout ce qu’avait prévu Adelin ! Mais, bien décidé à sauver sa peau, et sûr que la belle jeune fille en blanc ne regardait que lui, il sortit de sa poche le foulard rouge pour narguer le monstre, le tendit devant lui en espérant l’y attirer, et se mit à danser – taper du pied, cambrer, pivoter...
« Olé ! », cria-t-il, quand le taureau, s’engouffrant dans le foulard, ne rencontra que du vide. Mais la bête n’entendait pas en rester là, et Adelin enchaîna les passes, et le taureau, de plus en plus excédé, multipliait les allers et retours, de plus en plus vite...
C’est alors qu’une fleur entre les dents, trottinant comme une donzelle qui s’en va-t-au bal, arriva la Renaude, l’oeil aguicheur et la voix câline.
« Vous habitez par ici ? »
Le taureau, qui reprenait son souffle en réfléchissant à une tactique plus définitive, lui jeta un regard totalement déconcerté, et de surprise il ouvrit la bouche comme un benêt.
« Je m’appelle Renaude, et vous, c’est quoi votre petit nom ? On vous a déjà dit que vous aviez de beaux yeux ? Et ces muscles, mazette ! Vous devez être le roi des taureaux ! »
L’animal ouvrit grand les yeux, se redressa pour se montrer à son avantage, toussota pour s’éclaircir la voix...
« Par mes oreilles et ma queue ! », lança-t-il d’une voix tonitruante qu’il s’efforçait de rendre suave, « mais que vous êtes jolie, mademoiselle Renaude !
- Vous trouvez ? Vil flatteur ! Je meurs de soif, vous ne connaîtriez pas un coin tranquille pour me désaltérer près de vous ? Tous ces humains qui nous regardent... C’est très gênant...
- Oh mais bien sûr, mademoiselle... Suivez-moi, je vais vous montrer le chemin...
- Ah, grand fou, je crois que je pourrais vous suivre au bout du monde... Je me sens tellement en sécurité avec vous... »
Et tandis que le Férox, des étoiles dans les yeux, passait devant elle pour la mener à la rivière, la Renaude fit un clin d’oeil à Adelin et lui lança à mi-voix :
« Qu’est-ce qu’il disait, papa, hein ? Qu’est-ce qu’il disait ? »
Puis se hâtant pour rejoindre son guide :
« Pas si vite, mon joli prince ! Je ne voudrais pas me tordre un sabot ! »


Adelin fut porté en triomphe dans le village. La jeune fille en blanc, qui s’appelait Célimène, ne lâchait plus sa main et le couvait des yeux. Son père, un riche crémier, l’accueillit à bras ouverts et lui accorda la main de sa fille avant que le jeune homme, tout étourdi, ne pense à la lui demander. Pendant que tout le monde s’affairait pour préparer un somptueux festin, Célimène demanda :
« Tu aimes les choux à la crème ? Moi j’adore ça, mais à la longue, c’est toujours pareil...
- J’ai peut-être une idée », répondit malicieusement le tout nouveau fiancé, en sortant de sa besace le sac de poudre de cacao. Il me semble qu’en ajoutant du sucre et un peu d’eau chaude... »
Et c’est ainsi que naquit une des plus célèbres recettes, qui fait depuis ce temps-là le régal de tous les gourmands, et qui fit la fortune d’un pauvre jeune homme qui était parti de chez lui le matin même pour vendre sa vache...




Narwa Roquen
Narwa Roquen,vous reprendrez bien un peu de dessert?


  
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Réponses à ce message :
3 Exercice 16 : Narwa Roquen => Commentaire - Estellanara (Ven 6 jul 2007 à 17:28)
       4 Juste un détail... - Narwa Roquen (Ven 6 jul 2007 à 19:26)
3 écriture au kilomètre - z653z (Ven 1 jun 2007 à 12:38)
3 :) - Elemmirë (Jeu 31 mai 2007 à 19:10)


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