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 WA - Participation exercice n°16 partie 7 Voir la page du message Afficher le message parent
De : Maedhros  Ecrire à Maedhros
Date : Lundi 28 mai 2007 à 23:58:45
patience Elemmirë ! Encore un peu de patience, tout s'ordonnera (enfin je l'espère)!

____
Anis récupère Aliénor qui l’avait attendu sagement et quitte rapidement le camp 28. Il n’y a plus rien à faire, son passé est enterré définitivement. Il est en paix avec lui-même. Il regagne la piste principale afin de poursuivre la quête assignée par la Dame Blanche. La course du soleil s’abaisse insensiblement vers le couchant. Il lui faut se hâter. Les empreintes psychiques des devineresses sont redoutablement efficaces. Rien n’existe sinon la prédiction.

Il franchit les frontières qui bornent sa connaissance topographique. Il n’est jamais allé au-delà de l’embranchement menant au C28. La route serpente sur les pentes boisées. Il est déjà très loin au-dessus de la vallée en contrebas. Un hélicoptère de surveillance longe la face escarpée d’une cime étincelante. Nulle neige pourtant. Le glacier est mort. Anis ne s’en inquiète pas, le gène surnuméraire ajouté dès sa naissance, balise organique, l’identifie à coup sûr sur l’écran des sentinelles. Le code génétique est un laissez-passer infalsifiable. Nul besoin de contrôle physique.

Après quelques derniers lacets, il atteint le cirque qui offre à ses yeux éblouis un spectacle grandiose de calcaires gris, ocre et rose empilés, donnant l’impression d’avoir été lancés dans l’azur à une altitude inouïe, par quelque géant courroucé. De nombreux sommets encadrent le cirque aux parois vertigineuses. C’est là-bas que son destin s’accomplira, il le devine. Le temps est désormais compté.

Il presse le pas. En cette période de l’année, le jour est heureusement long. Il doit pourtant se dépêcher de gravir la montagne afin de le prolonger, l’étirer... gagner quelques ultimes minutes. Aliénor le suivrait jusqu’au bout du monde. Alors tout va bien. La route l’emmène droit vers son rendez-vous. Estimant sa progression, il juge qu’il devrait y arriver avec une bonne marge.

Il détaille, tout en marchant, les étages qui composent ce cirque majestueux. Il en compte trois, cloisonnés par des pentes moins inclinées. S’il avait mieux lu les bobines scolaires, il saurait que ce décor grandiose est l’une des merveilles inscrites sur le grand registre de l’humanité. De l’autre côté des hautes parois s’étendent les territoires abandonnés.

Subjugué par ce paysage hors du temps, c’est tout juste s’il remarque la silhouette vêtue de noir juchée sur un escarpement qui domine la route. Une statue immobile dans le soleil, drapée dans une cape noire refermée sur elle comme un linceul. Elle le regarde s’avancer sur le chemin sans mot dire. C’est une grande femme austère, aux traits taillés à la serpe. Des mèches grises s’échappent de la sombre étole. Il la reconnaît, c’est une voix de la montagne. Elles ne sont plus très nombreuses à présent. L’eau s’est tarie et avec l’eau sont parties ces voix, celles qui reliaient l’homme à son passé. Elles sont l’âme de ces montagnes, vivantes et rebelles, chantant pour les disparus. Une aurostère.

« Voyageur impénitent, est-ce un dieu oublié qui a conduit tes pas jusqu’à moi ? » La voix de la femme est forte et mélodieuse, ronde et charnue, exact opposé de celle de la Dame Blanche.

« Un dieu je ne sais mais une Dame Blanche m’a confié un secret. »

« Serais-tu l’instrument d’une vision qui transcende ma complainte? Que m’importe pourvu que tu sois celui que j’attends ! Suis-moi ! » La voix commande, ne souffrant nulle discussion.

Anis hésite une fraction de temps mais les évènements guident son destin plus qu’il ne les maîtrise. Alors, en haussant les épaules, il attache à nouveau Aliénor à un jeune chêne et se lance à la suite de l’aurostère, la pleureuse des morts, qui s’enfonce entre les arbres au-dessus de la route.


La marche fut brève. Quelques centaines de mètres au plus. Là, une cuvette asséchée marque la présence enfuie d’un ancien ibon, ces petits lacs de montagne parfois enchantés. Les lits de plusieurs gaves évanouis débouchent ou repartent du lac. L’eau ne s’écoule plus. Les neiges en amont n’existent plus.

Deux autres silhouettes se tiennent sur une petite berge, rejointes bientôt par leur soeur. Les grands arbres bordent la cuvette creusée dans une roche polie comme un miroir. Parvenu tout près, Anis découvre sur le fond de pierre, quantité de petits paniers d’osier, ornés de rubans noirs. Chaque panier contient une bougie de cire de quelques centimètres à peine. Anis ne peut les compter tellement ils sont serrés les uns contre les autres. De petits bateaux voguant sur un lac de pierre.

« Tu contemples les dernières aurostères. Nous disparaissons aussi sûrement que l’eau s’épuise dans les gaves qui ont abreuvé notre soif et notre terre durant des siècles. Bientôt, nous ne serons rien d’autre qu’une autre légende désincarnée. Pourtant, aujourd’hui, notre chant s’élève encore dans ces montagnes qui nous ont vus naître, ces Pyrénées tant aimées. »

Anis ne répond pas, les paroles de l’aurostère n’appelant aucun commentaire.

« Mais le sort peut se montrer cruel. Vois ces paniers et ces bougies. Un appel impérieux venu du passé nous a poussé à refaire les gestes anciens. Sans nous connaître, nous avons quitté ce que nous faisions pour rejoindre cet ibon, guidées par la voix de la Montagne. Nous avons amené tout ce qui était nécessaire, ainsi que l’exigeait la tradition. Le sort est cruel pour celles qui respectent les coutumes ancestrales! »

En s’interrompant, la femme étend ses bras et lève son visage vers la cime des arbres, prenant l’esprit du lieu à témoin.

« Voyageur, le feu nous fait défaut et les préparatifs resteront vains. Peux-tu nous aider en cet instant de doute? »

Anis fouille une nouvelle fois ses profondes poches, abasourdi par l’énormité de son destin. Il saisit la boîte d’allumettes et les tend à l’aurostère. La lumière, par un curieux changement, enveloppe soudain la femme de noir vêtue, transfigurant son visage. Anis aurait pu tomber amoureux de ce visage. La déesse a jeté son masque. L’instant d’après, la lumière changeante a recomposé la face sévère et impénétrable de l’aurostère.

Se partageant les allumettes, les trois femmes entreprennent d’enflammer les bougies. Ce fut fait rapidement. Bientôt, au fond de chaque panier, une petite lumière chaude et vivante danse.

« Les lumières que tu vois danser sont les âmes des derniers défunts ! Ils sont tellement nombreux et leurs tourments si pénibles et douloureux. Entend le chant des Aurostères, le chant des voix de la montagne qui guidera ces âmes vers leur dernier séjour! »

Alors s’élève dans cette cathédrale végétale aux piliers escaladant l’azur, un chant poignant, un chant ample et mystérieux. Il commence dans un registre aigu et céleste, pur comme le cristal, scintillant comme la glace festonnée par le vent polaire. Les notes sont aériennes et graciles, semblant provenir de gorges surhumaines, magnifiées par la réverbération des roches alentour. Puis le chant descend vers un registre sombre et profond, douloureux et tellurique. Anis peut sentir la montagne vibrer sous ses pieds, sentir les veines minérales gronder en volutes sonores.

Enfin, le chant remonte soudain, si haut dans l’azur, et se transforme en cri déchirant pour se terminer, épuisé et impuissant, dans un silence surnaturel qui souligne la détresse de ceux qui sont restés en arrière, après avoir entr’aperçu les champs sacrés où les fatigues de la vie sont oubliées. Il y a une immense frustration.

Anis sait qui sont les défunts qu’elles ont guidés entre les trames des mondes. Tout est lié. Dans l'ouverture des capes, il peut voir le visage des trois femmes. Elles ont les yeux clos et se taisent. Elles écoutent encore les adieux des présences invisibles qui s’en sont allées. Elles s’en souviendront à jamais.

L’aurostère qui l’a accosté ouvre enfin les yeux. Elle fixe Anis intensément, semblant attendre quelque chose de lui. Comme un voile qui se déchire, son passé réinvestit tumultueusement son âme et il se souvient. Il plonge encore la main dans une poche et la ressort fermée. Il s’approche de l’ibon asséché où brûlent les lumières dansantes. Il s’agenouille délicatement et place la menue monnaie près du plus proche panier. C’est la dernière offrande, celle qui assurera le voyage à bon port des âmes défuntes.

L’aurostère pousse un long soupire et sourit à Anis.

« La déesse m’a dit que ta quête touche à sa fin. Tu as mis de l’ordre dans ta vie. Va et sois sans crainte. Un homme honnête, un homme de la montagne n’a rien à craindre !

Mais Anis n’a jamais douté ni jamais craint personne.
Ce qui doit arriver ne peut pas manquer

M


  
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