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De : Elemmirë  Ecrire à Elemmirë
Page web : http://lemondedelemm.canalblog.com
Date : Jeudi 10 mai 2007 à 19:42:07
Je suis arrivée avec presque une heure d'avance. Assise sur un siège métallique, j'ai passé le temps en imaginant mon arrivée près de lui, la douceur de son étreinte, la lumière de son sourire. Pensée apaisante. Parasitée, pourtant, par un je-ne-sais-quoi plus sombre, une agitation infime, presque indétectable. Tout était clair, propre, rythmé, la grande baie vitrée avec vue sur un ciel azur, les couloirs en plexiglass derrière moi, les chignons impeccables et les jupes sombres sans un pli des hôtesses qui, à la porte d'embarquement, riaient en attendant l'heure d'ouverture. Leurs rires me semblaient lointains...
A 13h02, ils annoncent le début de l'embarquement. Je m'avance vers elles, tends à la jolie brune mon passeport et mon billet, et pénètre dans le couloir. Mes mains sont moites. Il doit faire un peu chaud, quoi de plus normal pour un début d'été? Je me sens incomplète sans mes bagages. Dépouillée. Je me surprends à déglutir difficilement. Eh bien, aurais-je peur? Accueillie, placée, installée, ceinturée. Nous y voilà. Les bruits environnants s'éloignent, je frotte l'humidité chaude de mes paumes sur les acoudoirs. Le magazine de la compagnie aérienne m'occupe moins d'une minute: il ne contient que des publicités pour des joaillers hors de prix, une photo de terrasse en tunisie, la sélection des livres du mois. Pensée positive: quand j'arriverai, j'embrasserai son cou. Si j'arrive. Comment ça, "si"? L'avion est le moyen de transport le plus sûr, je l'ai lu quelque part.
C'est long, avant le décollage. Mon voisin, un monsieur un peu grassouillet, l'air gentil, range son téléphone et soupire en s'enfonçant dans son siège. Il sourit. Pensée positive.
Ca y est, le manège débute: la voix du commandant de bord, vérouillage de la porte, température extérieure, durée du vol. "...vos bagages...", "...toute la durée du vol...", "Ladies and gentlemen...". Puis, le ballet des hôtesses. "...les issues de secours...", "...en cas de dépressurisation...", "...et respirez normalement.".
Pendant un quart de seconde, les lumières s'éteignent, puis tout se rallume. Un poids écrase mon estomac, juste un peu plus longtemps.
Ca se met à bouger.
Et là, soudain, ça ne va plus du tout. Cet énorme tas de féraille se déplace, et moi, je suis coincée dedans. Ca ne volera jamais! J'ai un haut-le-coeur sous la poussée de vitesse, et les choses empirent quand ça quitte le sol: je ne comprends plus, je m'agrippe au siège, je vais mourir! Pétrifiée dans le dossier confortable, je tétanise, paralysée, prisonnière de ma ceinture et de mon angoisse, alors qu'en moi, à l'intérieur, la machine s'affole complètement, incontrôlable. Je voudrais hurler, m'agiter, courir, m'enfuir, retrouver la terre! J'ai la tête lourde, ça tourne, j'ai chaud... Où est-on? L'avion tombe! Mes yeux voient bien que le sol s'éloigne lentement derrière le hublot, et ma raison, minuscule voix étouffée sous la trouille, essaie de me dire que tout est normal, que tout va bien, mais rien ne va, non, tout mon corps ressent une chute violente, mortelle, la Mort, là, tout de suite, la fin, le noir complet!
Je crois que l'hôtesse me touche l'épaule, mon voisin lui parle, il parle de moi, et moi je meurs, je me décompose, je glisse, je tombe! Le temps d'un éclair, je me vois de l'extérieur, depuis leur réalité, ridicule jeune fille aux yeux écarquillés, mais la peur me rattrappe, m'engouffre, m'avale. Mes entrailles bouillonnent et s'emmêlent, la sueur glisse sur mes tempes, puis sur mes joues brûlantes, le coeur va exploser sous la pression de la chute libre, je ne peux plus respirer! Adieu, mon amour, je t'aime! J'attends l'impact, qui ne vient pas, et la chute recommence, encore et encore, comme un cauchemar. L'avion bascule vers l'arrière, tout doucement puis de plus en plus vite, je suis à angle droit avec le sol, je suis à l'envers, je suis perdue, dans ma tête les gens crient, dans la réalité ils devraient, je ne comprends pas, aidez-moi! Je veux revenir parmi eux! "Thon ou bacon?" propose la très sereine hôtesse brune dans leur monde à eux, mais moi je suis en train de mourir, et c'est terriblement long, et ça n'en finit pas! La main glacée de l'autre hôtesse est dans la mienne, je lui broie les os en même temps que je dégouline de sueur entre ses doigts, ils veulent que je me lève, mais je vais tomber, rien ne tient plus debout, les yeux fermés pour ne pas voir la Mort je sens mes jambes cotonneuses se réduire à néant, aspirées par le vide, pulvérisées par le vertige. Ma bouche murmure "Maman...", je ne contrôle plus ni ma tête ni mon corps, je suis un animal en cage, une proie livrée à la fin imminente, je subis, je pleure.
Un frisson glacial me parcourt, des cuisses à la colonne et aux poignets, sitôt annulé par la bouffée de chaleur et la sueur qui redouble. Je suis épuisée, à bout de forces, je me sens partir, quitter le monde...

De l'eau fraîche sur mon front. Première sensation de l'enfer? "La voilà, elle se réveille.". Le médecin range son attirail. "Bienvenue à Paris, mademoiselle!", lance-t-il en souriant.
Sous moi, plus rien ne bouge, enfin.
La prochaine fois, je prendrai le train...


  
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Réponses à ce message :
Narwa Roquen  Ecrire à Narwa Roquen

2007-05-11 19:27:40 

 Commentaire Elemmirë, exercice n°15Détails
Tout à fait excellent ! L’ambiance est donnée dès les deux premières phrases, où on ressent déjà une certaine crispation. La progression de l’accès de panique est parfaitement suivie, avec de petites perles ça et là : « respirez normalement », « leur monde à eux », « une proie livrée à la fin imminente »... et tout le passage « la main glacée de l’autre hôtesse.. », deux longues phrases hachées lourdes d’émotion...
Tout le texte est extrêmement juste, avec en particulier ce décalage entre la peur envahissante, toute-puissante, la sensation de mort imminente et en même temps de durée infinie, et la vague perception d’une réalité extérieure à laquelle l’individu ne peut plus adhérer... C’est presque une dissociation psychotique...
Je me souviens avoir volé, dans les années 80, à bord d’un hélicoptère de type « Alouette », qui avait la particularité d’être presque totalement vitré. C’était comme si on était projeté dans le ciel. Au décollage (qui se fait en tournant, et non en ligne droite comme dans un avion), ma terreur était montée comme l’appareil et était devenue tellement intense que pendant quelques minutes d’éternité j’ai eu l’envie impérieuse de me lever, d’ouvrir la portière et de sauter dans le vide, pour que cette peur s’arrête... Ce fut une expérience terrible... et c’est fou le nombre de cimetières que j’ai comptés entre Toulouse et Rodez, je ne voyais plus rien d’autre...
En tout cas ton texte est très expressif, félicitations !
Narwa Roquen,clap clap clap!

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z653z  Ecrire à z653z

2007-05-25 18:22:14 

 Je raconte ma vieDétails
Très bon texte.

Mais après avoir pris l'avion des dizaines de fois (toujours moins de deux heures de vol), j'y suis serein même si les premières fois, j'ai souvent été malade et gavé de cachets qui me faisait somnoler.
J'ai juste ressenti quelques instants de peur (surtout à bord de certains avions assez bruyants) mais à plusieurs milliers de mètres d'altitude, on se rend compte qu'on ne peut pas faire grand chose et on se laisse mener.

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Elemmirë  Ecrire à Elemmirë

2007-05-27 12:14:53 

 Moi aussi ^^Détails
Ben en fait, j'ai pris l'avion récemment pour aller à Paris, sans encombre pour ma part (c'est comme un grand manège, moi j'adore quand on traverse les nuages :)), mais ma meilleure amie l'a pris aussi quelques semaines avant, et elle m'a raconté qu'elle avait paniqué, avec la sensation que l'avion basculait en arrière sans arrêt. Bon elle n'a pas fini dans les pommes, mais je n'ai rien inventé en fait ^^

Elemm', pas imaginative pour de vrai :)

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Estellanara  Ecrire à Estellanara

2007-06-27 13:28:58 

 Exercice 15 : Elemmire => CommentaireDétails
Magistrale cette scène de panique ! Le crescendo est nickel, depuis l’ordre aseptisé de l’aéroport et la négation de la peur jusqu’à la perte de connaissance salvatrice. Tu fais appel aux cinq sens pour refléter la peur de façon réaliste, les impressions qu’elle donne, aussi bien physiologiquement que psychologiquement. Etant moi-même phobique, je reconnais bien cette voix qui murmure à notre oreille, cette voix qui n’est pas tout à fait nous mais pas non plus extérieure et qui dit « Est-ce vraiment normal ce bruit qu’a fait l’ascenseur ? Et la sonnette d’urgence, tu crois qu’elle fonctionne ? Il fait chaud ici, non ? Et on respire mal... ». Tu l’as parfaitement décrite. Le rythme est très bien lui aussi, avec ses phrases courtes et rapides qui rythment le souffle affolé de l’héroïne et les battements de son coeur. Bravo !

Est', qui s'y remet.

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