Version HTML ?

Messages FaeriumForum
 Ajouter un message Retour au forum 
 Rechercher un message Statistiques 
 Derniers messages Login :  S'inscrire !Aide du forum 
 Masquer l'arborescence Mot de passe : Administration
Commentaires
    Se souvenir de moi
Admin Forum 
 Derniers commentaires Admin Commentaires 

 Répondre à : WA - Participation exercice n°26 - Fin 
De : Maedhros  Ecrire à <a class=sign href=\'../faeriens/?ID=196\'>Maedhros</a>
Date : Dimanche 2 decembre 2007 à 20:12:30
La fin de l'histoire. Je ne sais pas si je l'ai bien retranscrite mais elle est particulière pour moi. Vous allez dire que c'est du Maedhros et je ne pourrai qu'acquiescer. Heureusement ou malheureusement.

__________

Come little angel and sit by my side
I need someone to talk to
Now I can see the light
My life is a station
Where the darkness meets the day
Hear the last lines before I design to fade away


L’accélération verticale les plaque littéralement au plancher de la cabine. Une accélération prodigieuse et fulgurante, comme un énorme coup de poing. La lumière forme un kaléidoscope fantasmagorique où les couleurs dansent sur les parois, maquillant les visages d’explosions de teintes surréalistes. Un sifflement étourdissant vrille leurs tympans. Ils tentent vainement de se boucher les oreilles de leurs mains maculées de lumières changeantes. Peine perdue, le sifflement franchit ce maigre barrage. C’est une vibration suraiguë qui s’insinue le long de leur colonne vertébrale et taraude leurs tempes. L’ascension irrésistible ne faiblit pas. A l’allure où le mouvement les entraîne, ils vont jaillir du toit comme un bouchon de champagne trop longtemps comprimé, comme un obus de canon tiré par un destroyer en pleine mer, comme une fusée qui se libère de toute la force de ses réacteurs. Leurs corps deviennent si lourds, la force gravitationnelle ne souffre aucune exception.

John essaie de lever un bras qui pèse une tonne pour atteindre le bouton d’arrêt d’urgence. Millimètre après millimètre, sa main avance vers le tableau de commandes. La vitesse ne cesse de s’accroître, les autres visages sont flous et trépidants, comme vus derrière un téléobjectif non stabilisé. William est tassé tout près de Claire dont les yeux reflètent une immense détresse, un début de panique. William bande ses muscles dans un effort surhumain pour résister à cette force implacable. Il a l’impression d’avoir été percuté par une centaine d’ailiers défensifs à la fois. Vincent a laissé glisser au sol le livre qu’il tenait et le bruit mat sur le plancher claque comme une énorme boule d’acier tombant d’une très grande hauteur. Vincent ne contrôle plus rien et cela le terrifie. Au coeur de ce malstrom, il repense alors à ce grand oiseau blanc volant librement au-dessus des nuages. Swan n’esquisse aucun geste, s’en remettant à la fatalité de ce jour sans lendemain.

Enfin, le doigt hésitant de John parvient au bouton désiré. Il appuie plusieurs fois sans résultat. L’ascenseur file toujours plus vite vers le haut. C’est impossible. Il aurait dû déjà s’écraser contre le plafond de la cage de béton. D’ordinaire, il lui faut 58 petites secondes pour atteindre le toit du monde, la terrasse qui domine New-York. 58 secondes et une allure beaucoup moins rapide. Son regard s’arrête soudain sur la montre que son geste a découverte. Derrière le cadran, les aiguilles se sont emballées, les minutes défilant comme des secondes, les heures succédant aux heures. Le temps fuit irrémédiablement. Diablement. Diaboliquement. Et la course vers les étoiles continue.

John éprouve beaucoup de difficulté à articuler les mots qu’il adresse à ses compagnons d’infortune :

« Ma montre est déboussolée. Que disent les vôtres ? »

Il les observe tandis qu’ils jettent un coup d’oeil sur leurs chronographes. Leurs gestes sont exagérément lents, attestant de la force de gravité qui s’oppose à eux. Des exclamations étonnées fusent dans le petit habitacle.

« C’est impossible ! » s’exclame la première Claire. « Ma montre devient folle, elle indique 6 heures P.M. Il ne peut pas être déjà six heures du soir.

-La mienne indique pourtant la même heure ! » lui répond William. « 6 heures du soir. C’est sans doute lié au dérèglement de l’ascenseur. Je ne sais pas, une altération dans le champ magnétique. »

Vincent a aussi vérifié sa montre. Six heures aussi et des LCD qui ressemblent plus à ceux d’un chronomètre de compétition qu’à ceux d’une montre griffée d’un grand couturier italien. Mais il ne répond pas directement à John. Il se contente de hocher la tête en haussant les épaules. Swan acquiesce également. Par une étrange malice, le temps file selon un rythme différent.

Les lumières virevoltent sans cesse autour d’eux. Claire commence à avoir mal au coeur. Ce mouvement ascendant contrarie les équilibres internes de leur horloge biologique. C’est alors que la voix de John s’élève à nouveau :

« Je ne sais que penser de tout ça ! » Trop fatigué pour faire le moindre geste, il parcourt la capsule d’un regard éloquent. « Rêve ou réalité ? Je ne saurais que dire. Je ne suis pas assez qualifié pour échafauder la moindre hypothèse. Ce que je sais par contre, c’est qu’il est matériellement impossible que cet ascenseur puisse encore filer à cette vitesse. Nous aurions dû déjà nous écraser contre le béton. Alors, sommes-nous inconscients, nos sens abusés par des émanations toxiques ? Peut-être. Sommes-nous dans la main de Dieu en cet instant où nos certitudes semblent balayées par des forces que nous ne comprenons pas ? Je n’ai jamais été croyant, aussi loin que je m’en souvienne. »

John s’interrompt un instant. Il a les yeux perdus bien au-delà d’ici. Il semble écouter une voix intérieure venue du passé. Il reprend :

« Je me rappelle d’un jour très particulier dans mon existence. Un jour où ma vie a basculé, a pris un chemin différent. J’avais une bonne paie, une fille qui m’aimait, plein de projets dans la tête. Il a suffi d’un moment et le rêve est passé. Un moment où mes yeux ont vu une scène que je n’étais pas censé voir. Deux hommes et un révolver. A la fin, le révolver fumait et un seul homme était debout. Il s’est tourné vers l’endroit où je me trouvais et je l’ai reconnu. Mon patron, mon mentor, mon deuxième père. Pauvre fou que j’étais. Mes yeux se sont dessillés et la vérité toute nue est apparue derrière les simulacres de ma réussite. Je travaillais pour la mafia locale. Tous mes rêves se sont évanouis en fumée. Les hommes du procureur assassiné m’ont retrouvé et m’ont promis l’absolution si je témoignais. Une vie nouvelle et un passeport vierge pour le paradis. Trahi et déçu par celui que je portais aux nues, j’ai fini par accepter. J’ai bénéficié du programme de protection des témoins. Mais le paradis promis s’est révélé un enfer quotidien, ici dans un bureau minable de Port Authority. Chaque jour qui se lève m’éloigne un peu plus de cet Eden. Et chaque matin, je me demande si cela sera le dernier. Je ne sais pas pourquoi je vous dis tout ça ? Peut-être parce que cela me fait du bien de partager ce fardeau avec vous. Peut-être parce que tout ça ne rime plus à rien maintenant. »

Au sol, le livre gît par terre, la couverture bien visible. Le visage de Jean-Paul Sartre en quadricolore se détache nettement, les yeux cachés derrière une paire de lunettes vertes.

John se tait. Une paix miséricordieuse illumine son âme. Il ferme les yeux, libéré d’un énorme poids, comme transporté par cette sensation d’élévation spirituelle qu’il n’avait jamais ressentie auparavant. Il sait qu’il est finalement libre. Sa vie antérieure s’est détachée de lui comme la chrysalide du papillon. Il sent ses nouvelles ailes frémir d’excitation. Jean-Paul Sartre avait raison. Il ne cachera plus sa liberté derrière de faux-semblants. Il est condamné sans doute, mais condamné à être libre.

Au même instant, la course affolante de l’ascenseur s’interrompt sans transition. Le mouvement se fige en immobilité instantanée. La lumière se fait chatoyante, se déversant d’en haut comme les rayons d’un éclatant soleil écartant sans peine les plus noirs nuages au sein d’un terrible orage, comme une lumière surnaturelle au sein des profondes ténèbres de l’enfer. La preuve d’une présence supérieure qui transcende la pauvre déficience de nos sens. Le ravissement d’un accord parfait au beau milieu d’une mélodie sirupeuse. L’abandon extasié des corps au moment de la rupture où tout se tient en équilibre sur le fil d’émotion qui sépare les deux coeurs. Le miracle renouvelé de la divine Assomption.

Il plonge ses regards dans ceux de Vincent, le reconnaissant enfin derrière son masque. Il sourit :

« Ainsi c’est toi l’instrument de sa vengeance ! Tu as mis le temps nécessaire. Ce livre t’appartient ? Tu ne réponds pas. Je viens juste de me rendre compte à quel point je me trompais sur le sens de ma vie. Je vivais en enfer. Parce que je m’étais résigné à conduire ma vie comme ils l’entendaient, sans jamais oser sortir des routines qu’ils avaient tracées pour moi, sans oser me rebeller. Oui, je vivais en enfer, comme toi, j’imagine. As-tu fait autre chose qu’obéir aux ordres donnés ? As-tu tenté d’échapper à ta condition ? Non ? Alors tu étais comme moi en enfer, compagnon ! »

Il se tourne vers trois autres :

« Je ne sais toujours pas ce que nous sommes en train de vivre mais c’est une chance qui nous est donnée de solder notre compte dans le grand livre ! Et croyez-moi, j’étais un fameux comptable sur la côte ouest. Ce français a écrit un jour que l’enfer c’est les autres. Ce qu’il entendait par cette expression, c’est que de nos actes procède notre liberté. Et rien n’est plus important que la liberté d’agir à notre guise. Quoique nous vivions, quel que soit le cercle d'enfer où nous nous trouvons, rien ne nous force à y demeurer. Nous avons le choix de le briser ou bien d’en rester prisonnier. Mais quel que soit ce choix, nous le faisons librement. Regardez, le temps a passé si vite. Une journée semble s’être écoulée alors que je n’ai pas l’impression d’avoir vécu plus d’une heure dans cet ascenseur !»

Vincent se met à lui sourire, et tous peuvent discerner sur le dais de lumière paradoxale qui ondule comme un ciel d’azur, un grand goéland qui déploie ses ailes, prêt à prendre le large pour ne plus revenir. Swan sent son coeur s’apaiser tandis que la figure de Mercy resplendit entre les rais lumineux tout en s’estompant progressivement. Ses lèvres forment un dernier baiser avant que l’image ne disparaisse à jamais. Un grand cygne majestueux s’éloigne sur les eaux enfin calmes d’un immense lac. Claire reste interdite un battement de coeur avant que sa main ne lâche doucement le bras de William. Ils échangent tous les deux un long et pénétrant regard et dans la magie de la lumière ambiante, il y a un ballon ovale qui s’élève dans le ciel et qui file, qui file vers l’ouest, lancé par une main fine et gracile. La main de Claire.

En ce mercredi 12 septembre, il est exactement 9h56. Une journée de poussière et delarmes attend les sauveteurs qui partent à l’assaut des quatre millions de tonnes de gravas qui s’amassent sur ground zero. Un silence de mort recouvre Manhattan sud. L’éclat du soleil est encore voilé par un nuage grisâtre qui persiste autour de l’île mutilée. Plus personne n’ira sur le toit du monde, cet observatoire posé au 107ème étage de la Tour sud des Twin Towers, dominant la ville à quatre cent vingt mètres du sol.

Les équipes de fourmis jaunes forment de longues files entre les blocs de béton gigantesques, armées de pioches et de cordes, criant à l’aveugle entre les interstices béants de l’enfer qui s’est refermé sur près de 3.000 personnes.

Anéanti par cette immense tragédie, qui remarquera l’éclair fugace qui miroite en s’élançant droit vers les cieux ? Qui lèvera les yeux vers ce ciel sourd et aveugle ne serait-ce qn’un seul instant au risque de ne pas voir le frémissement d’un signe de vie ? Pourtant, un observateur avisé aurait sans doute aperçu un immense escalier accroché en colimaçon au ciel sur lequel cinq silhouettes fantomatiques progressent aussi légères que des anges, une main posée sur la rampe diaphane qui s’enroule autour de la vis centrale. Marche après marche, elles s'éloignent vers le paradis. Et plus loin, au-dessus des eaux grises de l’océan, un goéland tire droit vers le sud. Nul ne le reverra plus.

There, beyond the bounds of you weak imagination
Lie the noble towers of my city, bright and gold.
Let me take you there, show you a living story
Let me show you others such as me
Why did I ever leave?




M

Ce message a été lu 6313 fois

 Répondre

Titre
Auteur
Email
Page Web
Signature
Couleur:  
Mise en forme fine du texte :

Autres options :

 
 
Message
Icônes
 Défaut 
 Question 
 Remarque 
 Avertissement 
 Réaction 
 Idée 
 Plus 
 Nouvelles 
 Ok 
 Triste 
 Colère 
 Accord 
 Désaccord 
 Amour 
 Brisé 
 Fleur 
   Me prévenir par mail en cas de reponse a ce message

    
Liste des Smileys


Forum basé sur le Dalai Forum v1.03. Modifié et adapté par Fladnag


Page générée en 609 ms - 353 connectés dont 2 robots
2000-2024 © Cercledefaeries