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Le désert

Résumé des épisodes précédents :

Mélamine Courtepointe vit en dimension V ( le violet est la couleur officielle des sorciers) ; les deux principales puissances sont le Territoire de l'Est et le Territoire de l'Ouest, que dirige d'une main de fer Maîtresse Orchidée Hautecour.
Dans le même Monde se trouvent trois autres dimensions importantes : la dimension H (Humains), la dimension T ( Turquoise), regroupant les Anges sous la houlette du Grand T, et la dimension R (Rouge) pour les Démons, commandés par le Grand R.

La Mort s'appelle Thanata ; c'est une grande coquette avec plusieurs cheveux sur la langue, qui tranche le fil de Vie de ses ciseaux dorés (quand ils coupent).

Mélamine a été élevée par Alyane Courtepointe et son mari Tilsitt Purchaudron (les filles prennent le nom de la mère, les garçons celui du père), qui la croient leur fille aînée, alors qu'en réalité ses parents biologiques sont Corinanthe Courtepointe (la mère d'Alyane) et Aztarek Phanigann, célébrissime sorcier venu du passé.
Mélamine s'est mariée avec Iriador Kersigatt, vaillant sorcier de l'Est ; ils habitent la chaumière de Mélamine, non loin de Calidysme, la capitale du Territoire de l'Ouest. Ils ont eu une petite fille, Emeraude, qui s'est révélée être une enfant particulièrement précoce, et très douée pour la magie.
Au cours d'une escapade en amoureux où ils ont encore partagé une aventure, Mélamine et Iriador ont décidé de mettre en route un deuxième enfant... Malheureusement quand Félinor vient au monde, il a une tête de chat ! Grâce à Emeraude, à toute la famille et aussi aux chats de Mélamine, la malédiction est levée. Thanata devient la marraine d'Emeraude.

Quelques années ont passé. Emeraude rentre à l'école, et Felinor commence à faire des bêtises. Quelle n'est pas la surprise de Mélamine quand elle apprend, de la bouche même d'Orchidée Hautecour, que celle-ci, sentant sa fin proche, l'a choisie pour lui succéder ! Et plus étonnant encore, elle se montre à Mélamine sous un jour tout à fait nouveau, aimable, chaleureuse, et presque maternelle...

Ils étaient des milliers, hommes, femmes, enfants, semblables à une marée violette mouvante et bruissante, qui s'étendait du Palais jusqu'au pont Phanigann, à travers l'Esplanade, l'avenue Pourpenseur et les Jardins Magistraux, sous ce petit soleil pâle d'avril, venu lui aussi plus par curiosité que par déférence, écouter l'hommage funèbre rendu par la Nouvelle Maîtresse Suprême à feu Maîtresse Orchidée Hautecour.
Mélamine Courtepointe embrassa du regard la foule rassemblée, en arrivant en haut des marches du Palais. Ils étaient tous vêtus de violet, à part quelques rares étudiants en robe noire. Pas une larme de blanc qui aurait signifié que quelqu'un portait le deuil. Orchidée Hautecour avait été crainte et respectée ; encore après sa mort, ses sujets reconnaissaient sa valeur et sa dignité - mais aucun n'avait souhaité lui témoigner une marque d'affection.
Mélamine apparut dans une longue tunique blanche, le regard ferme, presque provocateur. Les sorciers du premier rang, devant elle, dont elle voyait clairement les visages, détournèrent les yeux et se parlèrent à voix basse. Derrière elle, le Conseil Suprême au grand complet s'était uniformément habillé de violet - bien entendu.
" Sorciers de Calidysme, et vous tous Sorciers du Territoire de l'Ouest qui n'avez pu vous déplacer pour ce dernier hommage... Notre Maîtresse Suprême s'est éteinte cette nuit à l'âge de 929 ans, après une vie entière à votre service. Les Mortifères (1) ont fait leur ouvrage, et en ce monde à présent il ne nous reste plus que son souvenir. Je ne ferai pas de long discours. L'oeuvre d'Orchidée Hautecour, vous l'avez vécue au quotidien. Une nation puissante, pacifique, une Université prestigieuse, des chercheurs émérites, un gouvernement efficace où chacun s'est acquitté de sa tâche avec conscience et compétence... Voilà ce qu'elle vous a apporté, par son travail patient et sa rigueur légendaire, pendant plus de quatre siècles. Infatigable, honnête jusqu'à l'obsession, prévoyante, lucide, elle n'a ménagé ni son temps ni ses forces, sacrifiant totalement sa vie privée pour ne se consacrer qu'à sa fonction. La seule inconnue qui subsiste à son sujet, c'est cette question à laquelle il vous faudra répondre dans le secret de votre âme, cette question que vous vous êtes tous posés un jour. Sous ses airs hautains et son autorité intransigeante, sous sa hargne tenace et son ironie cinglante, sous ses allures despotiques et sans pitié, Orchidée Hautecour avait-elle un coeur ?
J'ai pour ma part appris à la connaître dans cette expérience unique qu'il m'a été donné de vivre ces derniers mois, partageant avec elle le quotidien du Pouvoir, et recevant de sa bouche même un enseignement incomparable, qui j'espère me permettra de mener à bien la mission qu'elle m'a confiée, pour la sauvegarde et la prospérité du Territoire de l'Ouest. Je n'ai pas à proprement parler d'ambition personnelle, et je me serais probablement passée sans regret de l'honneur qui m'a été fait. Mais j'ai trop d'estime pour celle qui m'a transmis sa charge pour penser jamais à me dérober à son attente. Orchidée Hautecour m'a guidée sur sa voie, et même si sa vision acérée est irremplaçable, j'espère en ce qui me concerne réussir aussi bien qu'elle à maintenir le Territoire de l'Ouest dans la paix et l'opulence.
Peu d'entre vous me connaissent. Peut-être dans quelques années me détesterez-vous autant que vous avez haï Orchidée Hautecour, même si les raisons en seront probablement différentes. Sachez qu'en aucun cas cela ne me fera renoncer à mes choix. Je ne cherche ni la gloire ni la reconnaissance. Je voudrais qu'au jour de ma mort celui ou celle qui me succèdera puisse dire de moi, comme je le dis aujourd'hui avec sincérité et admiration, à propos de Maîtresse Orchidée Hautecour : " Que son Esprit soit en paix, elle a bien gouverné. "
Elle adressa un bref signe de tête à l'assistance, et tourna les talons. Des applaudissements polis résonnèrent ça et là, puis, lentement, comme le sable s'écoule à travers la clepsydre, la foule se dispersa, marée refluante, impersonnelle, indifférente. Ils avaient respecté la Tradition. Ils avaient fait ce qu'ils estimaient être leur devoir, le reste ne les concernait pas.

Mélamine réunit aussitôt son premier Conseil. Ce n'était pas aussi difficile qu'elle l'aurait cru. Pendant ces six derniers mois, elle avait participé à toutes les réunions, assise à la droite de la Suprémissime, dans la majestueuse salle aux piliers de marbre violet, et elle connaissait par coeur tous les rouages et toutes les subtilités du Protocole.
" Merci d'avoir bien voulu répondre à mon appel, en ce jour de deuil ; mais vous savez que rien n'arrête le cours du Temps, et Maîtresse Hautecour elle-même n'aurait pas voulu que sa mort nous fasse prendre du retard dans notre travail. Pour commencer, Maître Verbaudin, si vous voulez bien noter ", ordonna-t-elle avec une sécheresse de ton intentionnelle. " A dater de ce jour, les sorciers du Territoire Violet pourront se vêtir à leur guise, dans la forme et la couleur de leur choix. Le noir reste la couleur des étudiants, le violet et le vert seront d'usage pour les cérémonies officielles, et le blanc marquera toujours le deuil. Pour le reste, tant que la décence est respectée, l'habit est laissé au libre choix du citoyen. "
Un silence étonné suivit cette déclaration, certains esquissèrent un sourire. Se sentant encouragé par ses collègues, Serval Tenthrède, Conseiller au Protocole et aux Affaires Internes du Palais, prit la parole.
" Sans vouloir vous offenser, Maîtresse Courtepointe, nous avons des sujets plus graves qui...
- Mais vous m'offensez, Maître Tenthrède, en pensant que j'ai l'intention de faire passer la couleur de mes toilettes avant le gouvernement de l'Etat. Vous avez toujours fidèlement servi le territoire, et nul ne vous reprochera de profiter pleinement d'une retraite bien méritée.
- Mais je n'ai pas...
- Vous n'avez pas envie de partir, je m'en doute. En quelques siècles vous avez accumulé une jolie fortune par des pratiques plus ou moins légales, et en tout cas grandement facilitées par votre position au Conseil. Maîtresse Hautecour n'était pas dupe, mais votre soutien inconditionnel lui a fait fermer les yeux sur vos comptes. Personnellement je n'ai pas besoin de vous. Souhaitez-vous être soumis à un sort de vérité, ou préférez-vous que je confie le dossier à la Commission des Délits Financiers ? "
Livide, Serval Tenthrède se leva.
" Je vous prie d'accepter ma démission du Conseil. Une retraite paisible est effectivement le plus cher de mes voeux. "
Mélamine lui sourit froidement et attendit qu'il soit sorti pour continuer.
Les Conseillers avaient tous dressé leurs barrières mentales, mais il n'était pas nécessaire d'être télépathe pour deviner leurs pensées.
" Non mais pour qui elle se prend !
- Serait-elle pire que la mère Haut et Court ?
- C'est de la frime ! Elle joue les autoritaires, mais à la première difficulté elle va s'effondrer...
- Vivement que ce Conseil se termine, j'ai rendez-vous chez mon tailleur !
"
Mélamine, pour sa part, se félicita intérieurement.
" Ouf, c'est fait. Et bien fait. "
Elle n'avait fait que suivre à la lettre le conseil d'Orchidée.
" A ton premier Conseil, tu vires Serval Tenthrède, tout de suite, sans ménagement, comme si tu étais moi. Cette vieille crapule n'aurait jamais levé un doigt contre moi, mais tu peux être sûre qu'il cherchera à te nuire par tous les moyens. Quant aux autres, tu es seul juge, mais si j'étais toi... "
Mélamine sourit pour elle-même. Orchidée avait tout prévu, tout anticipé. Elle lui avait donné toutes les armes pour se battre, fruit de l'expérience d'une vie, et cet enseignement, elle l'avait offert avec une jubilation non dissimulée. Certains se seraient accrochés au pouvoir, auraient jalousé la jeunesse et souhaité être regrettés. Orchidée avait pris un malin plaisir à ouvrir son coeur et à oeuvrer avec acharnement pour la réussite de Mélamine. Une sacrée sorcière !
" Par ailleurs ", reprit Mélamine, " Maîtresse Hautecour n'a jamais rien eu à reprocher à tous ceux qui sont assis autour de cette table. Néanmoins j'ai l'intention de gouverner à ma manière, et d'introduire des changements radicaux qui ne manqueront pas de choquer certains d'entre vous. Je conseillerai donc en toute amitié à ceux que je vais nommer de déposer leur lourd fardeau pour redevenir de simples citoyens : Irisée Manifolde, Amalgame Verbaudin, Martingal Tuefrelon, Horispice Lièvrevert, Exactus Rivesaltes, Drémil Faustenvers et Bartoldin Zirtek. Bien entendu si parmi les autres quelqu'un ne se sent pas de tenter l'aventure... "
Les sept sorciers se levèrent silencieusement, entre la gêne, la soumission et le soulagement, tandis que les quatre restants échangeaient des regards anxieux.
" Vénorine Sazkomak, tu as toujours mis dans ton approche des relations avec la Dimension H beaucoup de conscience et de discernement. Si tu te sens de me tutoyer, tu peux rester à ce poste, à condition de t'occuper également des Affaires des Minorités. "
La jeune sorcière rougit jusqu'aux oreilles mais son sourire éclatant était déjà une réponse.
" Je suis vraiment très heureuse de travailler avec toi. "
" Périclès Lancetas, tes idées en matière d'architecture sont novatrices et souvent géniales. J'ai l'intention de restreindre le nombre des Conseillers. Acceptes-tu d'être responsable en sus de la Recherche et des Inventions ?
- C'est un bonheur ! J'ai justement plusieurs projets qui...
- Je sais, je sais ! Mais pas aujourd'hui ! Holster Rudéclair... Vous avez l'âge d'être mon père et c'est moi qui vais avoir du mal à vous tutoyer, d'autant que j'admire infiniment votre manière d'assurer la Sécurité Intérieure, avec tact et humanité. Je serais honorée que vous acceptiez de continuer à remplir vos fonctions, auxquelles j'ajouterai la charge de la Justice.
- Ma petite Mélamine ", sourit le grand sorcier aux cheveux blancs, au visage empreint de bonté et d'intelligence, " je n'ai pas eu la chance d'avoir une fille, mais je sens que tu me donnes une deuxième jeunesse !
- Et enfin, Cressonnette Mangevin, tu étais aux Minorités et tu t'en sortais bien. Néanmoins comme tu es jeune maman et que tu rechignes à t'éloigner de ta famille, ce qui est tout à ton honneur, je pensais te confier la Communication, ainsi que toutes ces histoires de Protocole et autres Cérémonies officielles, dont tu te doutes qu'elles ne sont pas ma priorité, et je réclame d'ores et déjà ta patience et ton pardon si je me montre parfois un peu rétive...
- C'est un véritable cadeau ! Je ferai tout mon possible pour ne pas être pesante, Maîtr... euh... Mélamine !
- Bien. Le Conseil se réunira à nouveau dans deux jours, au complet je l'espère. Mais déjà, j'aimerais aborder quelques points qui me tiennent à coeur. Périclès, la dernière crue du Redolas a inondé trois villages. Il faut dépêcher dès ce soir deux ingénieurs compétents pour procéder aux travaux nécessaires. Je veux l'état d'achèvement des chantiers pour le prochain Conseil. Ah, et puis... Je veux que tu fasses réaliser une belle statue en pied d'Orchidée Hautecour, que nous mettrons à l'entrée des Jardins Magistraux, et nous les rebaptiserons Jardins Hautecour. Lance un appel d'offre parmi les jeunes talents ; vois avec Rubiconde Pyrolyse, que j'ai pressentie pour l'Enseignement. Elle a sûrement parmi ses étudiants quelques sculpteurs intéressants... Cressonnette, tu t'occupais des Minorités ; Orchidée était très contrariée de ne pas réussir à calmer les esprits en Olivie. Peux-tu me dire ce qui s'y passe, exactement ?
- C'est-à-dire... C'est une région éloignée... Nos observateurs là-bas ne sont pas très efficaces... J'aurais dû... La région est en insurrection permanente depuis plusieurs mois, et... plusieurs sorciers ont déjà été molestés...
- Et pourquoi ?
- Je ... je ne sais pas. Je suis désolée, je...
- Bien ! Je te remercie de ta franchise. Merci à vous tous, rendez-vous dans deux jours. "
Holster Rudéclair ne se leva pas.
" Peux-tu me dire qui tu comptes y envoyer, et ce que tu souhaites pour assurer sa protection ?
- Je peux. Je vais y aller. Sans escorte. Je me téléporte, j'arrange nos affaires et je reviens.
- Sûrement pas. Tu es Chef d'Etat, tu ne peux pas risquer...
- Ce sont des humains, Holster. Pour une raison que j'ignore ils détestent les sorciers, et le gouvernement en particulier. Je souhaite discuter avec eux, mais comment veux-tu qu'ils m'écoutent si j'arrive avec une armée ?
- Mais seule ! Ils sont plusieurs centaines !
- Oui, 1824 au dernier recensement. Mais je n'y vais pas pour me battre ! Quoiqu'en pensent mes enfants, je ne suis pas Super-Sorcière !
- Laisse-moi au moins te faire accompagner par un Agent Spécial... Tiens, James Septbonds, ton beau-frère !
- Et Walkyria me fera la tête parce que son mari n'est jamais là, ou pire encore, parce que ce n'est pas elle qui me protège ! "
Mélamine était hilare.
" Laisse-moi faire, Holster. Je sais que tu n'es pas habitué à ce genre de comportement. Mais j'ai 417 ans, pas 929. Tout se passera bien. "

Mélamine consulta tout l'après-midi. Il lui fallait trouver un Conseiller aux Affaires Extérieures, un Conseiller aux Finances et au Commerce, et rencontrer absolument Energon Lehulot, un très vieux sorcier globe-trotter qui avait sûrement voyagé en Olivie... Et puis voir Citronnelle Vadlavant, qui ferait une Secrétaire parfaite. Et puis rédiger une note pour prier les Conseillers de faire un peu le ménage parmi les Chargés de Mission. Et puis demander à Cressonnette de transmettre à la presse la liste des membres du Gouvernement. Et puis...
Elle réussit malgré tout à passer une soirée calme dans la petite chaumière au milieu des bois, à jouer et à chanter avec Emeraude et Felinor, tandis qu'Iriador finissait d'écrire le texte de sa conférence du lendemain. Elle omit volontairement de mentionner son petit voyage, annonçant seulement qu'elle partirait tôt et rentrerait peut-être tard.

Dès l'aube, vêtue comme une paysanne d'une robe verte élimée et d'un tablier blanc rapiécé, les cheveux noués dissimulés sous un fichu noir, elle se téléporta en Olivie. Elle atterrit dans une ruelle de Pastisse, le bourg le plus important de cette région du Sud qui s'étendait des contreforts des Monts Trouvères jusqu'à la mer Tiraine, et dont une des curiosités touristiques était le petit désert d'Alomé, recouvert d'un sable unique, d'un rouge intense. C'était une étroite bande de terre qui coupait l'Olivie en deux et se terminait dans la mer ; autour, le climat était relativement tempéré, mais dans le désert les journées étaient torrides et les nuits froides. Il n'y pleuvait jamais.
La mine modeste et la démarche nonchalante, elle se mêla à la clientèle du marché, étonnamment peu nombreuse. Il faut dire que les étals ne regorgeaient pas de marchandises : des pommes de terre, des raves, des oignons vieillissants, des pommes rabougries, des poulets maigrichons et quelques fromages secs. Même l'huile d'olive, spécialité de la région, dans ses jolies bouteilles au goulot recourbé, avait une drôle de couleur. Les quelques personnes qu'elle croisa avaient l'air morose, les joues creuses et les yeux cernés. Des enfants chétifs jouaient dans les caniveaux, et les chiens étaient pelés et faméliques. Mélamine eut honte de ses rondeurs et devint invisible, car même avec son costume local, il était manifeste qu'elle n'habitait pas dans la région.
" T'aurais pas deux carottes, ma belle, ou un poireau ? " demanda une femme âgée vêtue de gris, d'une voix fatiguée mais que l'accent traînant du Sud rendait malgré tout mélodieuse.
" Rien, la mère ! Va voir Catalon, peut-être... Moi, tout ce que j'ai est là.
- Pourtant il me semble que l'an passé...
- Ah, ça allait encore... Mais cette année c'est pire que tout. On va finir par crever de faim, nous autres, pendant que les Sorciers engraissent...
- Ah, de mon temps, quand la terre était fertile...
- Oui mais c'était avant les Expériences...
- Ah oui... C'était il y a longtemps, tu n'étais pas née, pauvrette... "
Mélamine sursauta. Ca, c'était une piste. Pourquoi n'avait-elle pas été informée de la détresse de ces gens, ni de leurs soupçons quant à la responsabilité des sorciers ? Et quelles étaient ces Expériences ? Elle passa deux appels de sa boule portable, puis, toujours invisible, se rendit chez Aloès Alétesse qui était, d'après ses sources, à la fois le dirigeant de l'Olivie et le chef de l'insurrection. La maison était déserte. Elle put fouiller à loisir le petit bureau amoureusement ciré, dont le plateau était si usé que sa surface était parsemée de collines et de vallons, comme une terre douce trop souvent labourée. Elle lut attentivement ce qu'elle trouva en premier, les discours de propagande. L'homme était intelligent, logique, éloquent et combatif, et sans le connaître, elle le trouva tout de suite sympathique. Deux dossiers furent plus longs à consulter : " Rapport sur l'évolution des sols, de 909 à 929 OH ", et " Expériences magiques : le livre noir ". Le premier montrait sans aucun doute possible que dans les dernières vingt années des tempêtes de sable successives avaient fait progresser le désert de manière dramatique aux dépens des terres cultivées. Le climat avait évolué sensiblement, avec une sécheresse persistante et une température moyenne sur l'année en constante augmentation.
Le deuxième rapport, en revanche, n'apportait pas de preuve flagrante de la responsabilité de la sorcellerie. Il y avait bien, dans l'est de l'Olivie, un Centre de Recherches en Agronomie et Elevage, avec son lot habituel de monstres fantaisistes ( agneaux à deux têtes, veaux à huit pattes, croisements absurdes entre vaches et moutons...), mais rien qui pût incriminer sérieusement le Centre dans ces dérèglements climatiques. Ceci dit, elle ne se souvenait pas non plus, pendant les quelques mois passés en compagnie d'Orchidée Hautecour, d'un quelconque rapport d'activité concernant ce Centre. Il n'était pas exclu qu'il fût dirigé par un sorcier lunatique qui, loin de la capitale, dilapidait ses subventions sans aucun résultat productif.
Le temps filait et elle devait avoir tout réglé dans la journée ! Elle rappela Périclès Lancetas, puisqu'il était maintenant chargé de la Recherche, pour déclencher aussitôt une inspection-surprise au Centre de Lailloli ; de plus elle ordonna qu'une équipe d'ingénieurs se penche à l'instant sur les évolutions climatiques en Olivie (" Comment ça, c'est mardi et les archives sont fermées ? Est-ce que je dois revenir pour les faire ouvrir ? "), et sur les remèdes à y appliquer.
Puis, alors que le soleil atteignait presque son zénith, elle sortit de la maison, se recomposa une tenue plus officielle - grande robe vert amande et écharpe assortie -, et attendit qu'Aloès rentre chez lui. Heureusement, celui-ci ne tarda pas. Traînant les pieds comme un homme accablé de toute la misère du monde, il avançait sur le chemin, portant dans son panier d'osier quelques carottes pâles et des raves à demi desséchées. A son approche, Mélamine tourna vers lui un visage souriant.
" Monsieur Alétesse ? Je viens de Calidysme. La Maîtresse Suprême s'inquiète des ravages de la sécheresse dans votre contrée, et je suis venue vous aider à régler ce problème. "
L'homme la toisa d'un regard dur.
" Allez-vous en. Les sorciers nous ont déjà fait assez de mal. Je n'ai rien à vous dire. "
Il passa devant elle et lui claqua la porte au nez. Porte qu'elle traversa, bien sûr, pour se planter fermement devant lui, et lui répéter :
" Je suis venue vous aider. "
L'homme dégaina un long poignard et fit un pas en avant.
" Dehors.
- Monsieur Alétesse, on vous surnomme le Sincère, n'est-ce pas ? Pas le Violent, ni le Tueur... Vous savez très bien que je ne vous laisserai pas me faire du mal. Vous voulez bien vous asseoir un instant avec moi pour que nous discutions un peu ? "
Le bras armé s'abaissa et l'homme indiqua une chaise près de la table. Il resta debout. Mélamine s'assit posément sous le regard hostile.
" Quoi que vous en pensiez, les expériences du Centre de Lailloli ne sont pas en cause. En ce moment même, nos ingénieurs se penchent sur les causes de ce dérèglement climatique et sur les moyens à mettre en oeuvre pour les corriger. Par ailleurs des convois de vivres seront acheminés dès demain pour vous permettre de vous nourrir décemment le temps que la terre redevienne fertile, et de plus...
- Pourquoi je vous croirais ?
- Parce que je suis sincère !
- Et vous êtes qui ?
- Mélamine Courtepointe. Je viens de Calidysme et je...
- Les sorciers ont juré de nous exterminer. Chaque fois qu'on en voit un, c'est pour nous désarmer et nous emprisonner.
- Vous avez tenté d'incendier Lailloli...
- Et je regrette que nous n'ayons pas réussi.
- Vous avez attaqué et malmené plusieurs sorciers...
- ...qui venaient en touristes voyeurs se repaître de notre misère ! "
Mélamine soupira.
" Je pense qu'il s'agit d'un malentendu. Je suis venue seule...
- Et vous ne risquez rien, n'est-ce pas ? Vous êtes une sorcière...
- Bien. Que souhaitez-vous en gage de ma bonne foi ?
- Je n'ai pas confiance dans les sorciers.
- Certes. Mais si je dis vrai ? Vous allez refuser mon aide et condamner vous-même votre peuple à la famine ? "
L'homme fit quelques pas de long en large dans la pièce, puis se retourna vivement et planta brutalement son couteau dans le bois de la table.
" J'en appelle au Jugement du Désert. "

Sans eau et sans recours à la magie, elle avait donné sa parole. Quand deux Oliviens étaient en désaccord, ils traversaient le désert. Le premier arrivé à la mer, de l'autre côté du Mont Aride, pouvait imposer sa volonté.
Une foule pâle, maigre, proférant plus d'insultes que d'encouragements, accompagna Mélamine à l'orée de l'immensité rouge qui s'étendait à perte de vue. A l'horizon se dressait le Mont Aride ; au-delà, la mer - et la victoire.
Mélamine appela un membre de la FBI (2) et lui demanda d'utiliser l'inhibiteur transitoire de magie, après lui avoir transmis télépathiquement :
" Mission Spéciale. Ne dites rien de ce que je suis. Inhibez-moi et n'intervenez sous aucun prétexte. "
Aloès le Sincère, que Mélamine aurait bien rebaptisé Aloès le Méfiant, accepta le témoignage d'Energon Lehulot, qui confirma l'inhibition et donna le signal du départ.
" Je me téléporterai à l'arrivée avec Hibis et Frêne, les deux frères d'Aloès. A tout à l'heure. "

Aloès attaqua l'épreuve d'un pas régulier et calme. Il jeta un regard furtif à Mélamine, s'attendant sans doute à la voir s'élancer à la course. Mais elle lui sourit, en réglant sa cadence sur la sienne. Elle avait noué son écharpe en turban, pour se protéger du soleil. Ici, ce n'était plus l'astre timide et un peu paresseux d'un printemps pâlichon, mais un bourreau implacable et féroce que rien ne pouvait faire fléchir.

Marcher. Aloès Alétesse y mettait une rage contenue. Cette sorcière obèse ne tiendrait jamais la distance. Bien sûr, s'il gagnait, cela ne changerait rien. Les sorciers continueraient leurs expériences, et probablement lui-même serait emprisonné, ou tué. Mais cela mettrait le feu aux poudres, et la Révolte s'étendrait à toutes les Minorités de l'Ouest, et qui sait, de l'Est aussi. Face à une armée de sorciers, les humains n'avaient aucune chance. Mais il valait mieux succomber les armes à la main que de mourir de faim comme des moutons enfermés dans leur bergerie.

Marcher. Le sable était chaud à travers ses bottines, il devait être brûlant sur les pieds d'Aloès, nus dans de pauvres sandales. L'homme connaissait le terrain et avait sûrement de l'endurance, mais il n'était plus tout jeune et ne semblait pas en excellente santé. Par contre il était sûr qu'il marcherait jusqu'à la mort. Ce serait un grave déshonneur pour lui que de perdre cette course face à l'ennemi détesté, mais si Mélamine voulait pouvoir sauver ces gens, elle devait terminer la première. Sans magie. Cela la fit sourire. Orchidée l'aurait taxée de sentimentalisme démagogique, du moins " avant ". " Après "... Elle l'aurait regardée de ce regard indulgent, mi admiratif mi incrédule, et aurait demandé : " Est-ce vraiment nécessaire ? "
Mélamine avait toujours adoré les défis, surtout ceux qu'elle se lançait à elle-même.

Marcher. La sorcière ne faiblit pas. La soif brûle la gorge d'Aloès. Ses pieds endurcis ne souffrent pas de la chaleur du sable, mais les muscles de son corps dénutri sont lourds et douloureux, traversés d'élancements brefs qui lui font serrer les dents. Il en mourra, mais il arrivera.

Marcher. Le visage de l'homme est crispé sur sa souffrance. Si elle possédait un peu de magie, Mélamine pourrait le soulager, apaiser sa soif, redonner de l'énergie à ce corps épuisé, fouetté par une volonté impitoyable. Elle-même commence à trouver l'épreuve difficile. C'est une bonne marcheuse, mais ses pieds sont en feu, son corps brûlant n'est même plus rafraîchi pas les litres de sueur qui tombent en gouttes épaisses dans le sable rougeâtre - un désert de braises, à peu de chose près. Elle cligne des yeux pour essayer d'en atténuer la sécheresse, qui rend chaque regard vers l'horizon lointain cuisant et accablant. L'air qu'elle respire s'apparente plus à du feu qu'à de l'air. Elle visualise une source claire à l'ombre d'un bosquet, imagine la fraîcheur bienfaisante dans sa gorge... L'idée est astucieuse, mais le résultat absolument nul. Le désert torride et nu dévore sa peau et envahit tout son être, malmenant sans pitié chaque parcelle de son corps. Le désert s'en fiche. Le désert n'a pas d'âme.

Marcher. Le Mont Aride est la dernière étape. Il suffit de grimper en haut de ce gros tas de rochers rouges, de ce feu minéral qui semble vouloir aspirer de lui toute l'eau qui lui reste. Au début de la pente, il trébuche, pose une main au sol, une fois, pour se rattraper. La sorcière est à trois pas devant. Elle s'arrête, se retourne, l'attend. Maudite. Tu peux me narguer, je tiendrai.

A mi-pente, Aloès est tombé à genoux. Mélamine se concentre sur le rythme de ses propres pas. Les sorciers ne connaissent pas la douleur. Très jeunes, ils comprennent qu'il y a toujours une potion ou un sortilège pour l'effacer. Les plus avancés savent la supprimer, sur eux comme sur les autres, d'une simple pensée. Mélamine se regarde souffrir et en même temps que son corps tremble et peine et chancelle, son esprit curieux contemple et s'étonne. Elle a tellement chaud qu'elle en frissonne. Est-ce le feu dans sa poitrine, ou la glace ? Que se passerait-il si elle ne pouvait plus respirer ? Pourquoi ses jambes lourdes et ses pieds au martyre continuent-ils d'avancer ? Pourquoi ressent-elle mille petites douleurs disséminées qui ne font qu'un grand bloc de souffrance, qui se morcelle et se reconstitue comme une vague qui se brise et revient ? Est-ce que la douleur fait partie d'elle, ou est-ce quelque chose d'extérieur, qui s'amuse à entrer et sortir, comme un serpent fluide qui ferait le tour de sa proie avant de la dévorer ? Pourquoi quand elle se concentre sur sa gorge elle ne ressent plus rien dans ses pieds ?
" Si tu veux apprendre à nager, inutile d'essayer de ne pas te mouiller les cheveux ! "
Souriant à cet ancien précepte de Ciboulette Bouchencoeur (3), elle accepte, plonge et s'abandonne, et la douleur, déçue de ne plus trouver d'adversaire, recule et se tapit dans un coin, prête à bondir, mais pour l'instant vaincue.
Elle est revenue sur ses pas, a tendu la main. Mais l'homme s'est relevé sans un regard pour elle.

Le sommet est tout proche. Il se mettra à courir dans la descente. La grosse sorcière ne pourra pas le suivre. C'est vrai qu'il est exténué mais il l'a déjà fait. C'était il y a quinze ans mais il l'a déjà fait. Et il n'y a pas d'autre choix. Le soleil se met à tourner autour de lui pour fêter sa prochaine victoire, il va sûrement le soulever pour l'aider à courir plus vite, des clochettes tintent à ses oreilles, ce sont les perles d'or du soleil qui s'entrechoquent joyeusement, cette course sera une fête légère, et léger son pas délivré du poids de son corps...

Aloès est tombé, la tête dans le sable. Mélamine se penche sur lui, l'appelle, le secoue par l'épaule. Les yeux clos, il sourit. Il doit être en proie à une hallucination. Ses tempes sont brûlantes et son coeur bat si fort qu'il en soulève sa chemise. Mélamine regarde le sommet du Mont Aride, à une centaine d'aunes. Derrière elle, le désert s'étend à perte de vue, et leurs traces de pas disparaissent vers l'infini. Ils l'ont fait. Exploit stupide et symbolique, ils ont affronté les caprices de la nature à la manière des humains - orgueilleuse, persévérante, inutile, mais non dénuée de panache. Elle secoue la tête à la mémoire d'Orchidée Hautecour, soupire pour se donner du courage et soulève Aloès en passant la tête sous son aisselle. Il est presque léger. Elle le tient fermement par le bras et par la taille, et elle reprend l'ascension. Elle a presque moins chaud. Il n'est pas question qu'il meure, magie ou pas. Les pieds de l'homme esquissent vaguement des pas, butant sur les pierres ardentes. Marcher. Elle n'a besoin d'aucun Pouvoir pour ça.
Thanata vient voleter autour d'elle.
" Laissse-le moi, ma ssérie ! Ce ssera plus fassile pour toi, et pis après tout, il n'a que sse qu'il mérite... "
Mélamine refuse de la tête. Elle n'est même pas sûre d'avoir encore une voix pour répondre, mais la télépathie ne lui est pas possible.
" Non... N'y... tou... che pas... Je veux... qu'il... vive... "
Thanata, l'amie fidèle, n'insiste pas.

Regarder le sol. Un pas à la fois. Chaque pas est une bonne chose. L'action rapide est dans l'émotion et le cri, mais la longueur est patience et modestie. Espérer le sommet trop tôt lui ôterait ses forces. Marcher sans penser à plus tard, dans l'immobilité de l'instant présent, attendre que la bonne surprise vienne, celle d'un sol plus plat et d'un souffle marin porteur de délivrance. Son coeur cogne dans ses oreilles, le poids de l'homme engourdit son épaule, le vertige est tout près, autour d'elle, prêt à l'emporter comme l'aigle royal arrache le lapin à l'herbe de la plaine. Mais elle ne cèdera pas. Elle sourit. Iriador, Emeraude, Felinor l'attendent. Et tout le peuple d'Olivie dont elle doit gagner la confiance. Et Aloès, qui doit reconnaître sa bonne foi. Et la douceur de la vie dans la petite chaumière, le café sous la tonnelle, le feu dans la cheminée, l'eau fraîche du puits...

Elle lève les yeux. Le sol a changé de pente, elle est au sommet. Devant elle, l'infiniment bleu de la mer Tiraine, égayé de petites crêtes blanches et mousseuses, où glissent en silence quelques voiliers minuscules comme des jouets d'enfant. Un vol de mouettes au dessus du port. Une grande bouffée d'air iodé, délicieusement moite, qui tire de ses yeux secs le début d'une larme de joie. Puis la descente, calme, facile, l'herbe verte et fraîche qui remplace progressivement le sable et la pierre, et bientôt les cris de joie, les gesticulations d'Energon Lehulot et de Thanata, et quelques silhouettes troubles dans son regard embrumé, sur lesquelles elle ne parvient pas à mettre de nom...

Energon Lehulot se démena comme un beau diable. Il fit asseoir Mélamine sur le rivage, et lui le marginal régulièrement rebelle face à l'autorité établie, il délaça lui-même en riant les bottines desséchées, puis il lui tendit un breuvage dont le goût à la fois salé et sucré combla la sorcière mieux que le plus parfumé des nectars. Elle but lentement, savourant chaque demi gorgée comme un alcool fort, tandis que les vaguelettes tendres et respectueuses venaient lécher ses jambes comme un chien fidèle et que le soleil commençait à décliner sur la mer. Puis Energon s'affaira autour d'Aloès, que ses deux frères avaient couché dans l'eau peu profonde. Venant du nord, une nuée d'étranges oiseaux se précipita vers eux, tandis que sur la route qui contournait le désert la population de Pastisse arrivait au pas de course pour connaître l'issue du Jugement.
En quelques minutes, la petite plage tranquille avait été envahie par une foule trépignante et hurlante, qui se bousculait pour voir les deux héros et recueillir leurs témoignages.
" Maîtresse Courtepointe !
- Suprémissime ! C'est pour " La gazette " ! Qu'est-ce que vous...
- Eh ! J'étais là avant ! " Le Monde Violet " ! Pourquoi avez-vous...
- FBI ! Reculez, ou je tire ! "
Trois sorciers de la FBI, armes au poing, firent rempart devant Mélamine. La frêle Cressonnette Mangevin en profita pour se glisser devant eux, et faisant face aux journalistes, déclara d'une voix fluette rendue un peu plus ferme par un sort jeté à la va-vite :
" Pas d'interview ce soir. Maîtresse Courtepointe a besoin de repos, je suppose que vous pouvez le comprendre. Le communiqué officiel paraîtra demain matin. "
Mélamine poussa un soupir de soulagement qui passa inaperçu parmi les protestations véhémentes des journalistes ; ils passèrent leur frustration sur leurs appareils photo qui se mirent à crépiter à tout va comme une nuée de volatiles excités claquant du bec frénétiquement.
" Ma chérie... "
Iriador s'assit près d'elle et la prit dans ses bras.
" Je suis si fier de toi ", lui murmura-t-il à l'oreille.
" Je... ne pensais pas que ça se saurait si vite !
- Mais pour une fois que nous avons une Suprémissime héroïque... Je me suis dit que c'était l'occasion rêvée pour que ces charognards deviennent les alliés du Pouvoir ! ", intervint Energon avec un clin d'oeil complice, visiblement ravi de la tournure des évènements.
La boule portable de Mélamine frémit dans sa poche.
" Maintenant ? Ah, c'est bien, très bien, merci, Périclès... "
Elle leva les yeux vers la mer. D'énormes nuages noirs, poussés par un vent d'altitude, entouraient déjà le soleil couchant. En l'espace de quelques minutes, le ciel fut entièrement obscurci, et de grosses gouttes tièdes vinrent joyeusement s'écraser sur la plage. Les Oliviens présents échangèrent des regards incrédules, puis ils laissèrent cours à une joie débridée, les hommes ôtant leur chemise pour courir sous la pluie, les femmes dansant et chantant, les enfants hurlant et trépignant dans les flaques.
Mélamine s'était enfin levée, prête à repartir sur le balai d'Iriador, pour ménager ses forces. Aloès s'approcha d'elle, d'une démarche vacillante. Energon l'avait bien soigné, mais son visage reflétait encore une immense fatigue, et dans ses yeux cernés le regard était encore résigné et flou. D'un air contraint, il prit son souffle pour parler, mais Mélamine, en souriant, lui tendit simplement la main. Et Aloès, les larmes aux yeux, serra cette main avec force et loyauté, sous les ovations de cette foule bigarrée, où humains et sorciers étaient réunis dans la même joie exubérante et fraternelle.

N.d.A.

(1) : Les Mortifères sont des créatures transdimensionnelles chargées de transporter les dépouilles des sorciers morts jusqu'à la dimension T
(2) : La Flash Brigade Interterritoriale maintient l'ordre et la sécurité dans toute la dimension V
(3) : cf " Le journal de Ciboulette Bouchencoeur ", in Concours " Apprentis-sages "

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© Narwa Roquen



Publication : 01 février 2009
Dernière modification : 07 mars 2009


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3 Commentaires :

Fladnag Ecrire à Fladnag 
le 07-03-2009 à 20h25
fautes corrigées ;o)
Elemmirë Ecrire à Elemmirë 
le 07-03-2009 à 14h12
<3 (c'est un coeur ^^)
Ben oui Maedhros, mais les sorciers ne gagneraient peut-être pas si l'homme n'avait pas été affamé, affaibli, et sans espoir (car au fond il sait que de toute façon "les humains n'ont aucune chance").

Toujours un très bon texte, très prenant, où 'on découvre encore peu à peu ce caractère si particulier de Mélamine, à la fois juste et culottée, drôle et autoritaire, sûre d'elle et humble, qui fa...

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Maedhros Ecrire à Maedhros 
le 08-02-2009 à 18h48
In cauda venenum
Classiquement, quand on parle de traversée du désert, on pense à cette épreuve qui contraint certains dirigeants de s’éloigner provisoirement des allées du pouvoir. Une forme d’exil aux racines bibliques. Avec en demi-teinte, la volonté farouche de revenir un jour.

Dans cet épisode de Mélamine, qui est en quelque sorte une transition entre l’empire de d’Orchidée et celui naissant de son héri...

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